Le Jardin du Silence et la Ville du Roy/IV/Pourquoi d’un nouveau paysage…
III
Pourquoi d’un nouveau paysage
Ne pas faire un nouvel ami ?
Pourquoi ne se sentir soumis
Qu’à l’unique amour d’un visage ?
Comme on serait libre en son cœur
D’une infidélité si tendre
Et qu’on aurait de joie à prendre
Le sourire de toute fleur !
Mais la vie railleuse et cruelle
Nous inflige le lourd désir
De rester quand il faut partir,
De souffrir en ouvrant ses ailes.
Ainsi la beauté d’un printemps
Ne nous sépare d’un automne ;
Et l’amant trouve monotone
Sa convoitise d’un instant.
Le premier jardin que l’on laisse
Est toujours le plus doux jardin.
Les roses des nouvelles mains
Ont beau sangloter de tendresse
Et faire assaut de leur couleur,
Rien ne peut fléchir la pensée
D’une saison et d’une allée
Quand l’enfance en a pris l’odeur.
L’enfance c’est le ciel qui s’ouvre
Lorsqu’on ne croyait plus au ciel ;
C’est l’abeille qui fait son miel,
C’est la ruche dont on se couvre.
L’âge c’est ce qui vient après :
La douleur, la route et l’espace.
Si des yeux l’enfance s’efface
Le cœur en garde les regrets.
Rien n’est humain de nos voyages
Et la vie nous fait voyager.
Le plus heureux des naufragés
N’oublie pas son premier rivage.