Le Jardin de Bérénice/14
DEUX NOTES
Ce volume — où se clôt la série commencée par Sous l’œil des Barbares — a été annoncé sous le titre Qualis artifex pereo, que l’auteur a cru devoir modifier, par convenance envers quelques amies qui se fussent peut-être embarrassées, le premier jour, de ce latin. Un ouvrage qui ne veut être qu’un acte d’humilité devant l’inconscient, manquerait trop grossièrement son but, s’il apportait la plus légère contrariété à des femmes. Qualis artifex pereo ! Pour nous qui ne détestons pas certaines pédanteries qui aggravent et enrichissent le débat, elle exprimait fort bien, cette formule, le désarroi de celui qui constate ne pouvoir se donner un moi nouveau qu’en tuant le moi de la veille. Mais qu’elle eût paru lourde, cette fleur de collège, entre les seins de ma Bérénice !
Si déplaisant qu’il soit d’alourdir d’un commentaire cette fantaisie d’idéologue, je ne puis supporter qu’on méconnaisse ici ma pensée, et je tiens à souligner que je fais intervenir MM. Renan et Chincholle comme deux exemplaires, universellement connus, de façons fort diverses de regarder et d’apprécier la vie. Ils me sont des facilités pour abréger et mouvementer les discussions abstraites. Faut-il redire que j’use de M. Renan selon la méthode que Platon employa avec Socrate ? Mais ce maître n’est pas mort, m’objectent quelques-uns. Il nous a mis du moins en possession de son héritage intellectuel : de tout mon effort je le fais fructifier.
Un nom plus affiché encore est mêlé à cet ouvrage, et chacun comprendra que je ne puis l’écrire qu’avec un profond sentiment. Mais c’est à chacune de ces pages que je voudrais étendre le bénéfice de cette note ; on ne manquera pas de me chicaner avec des interprétations littérales ou fragmentaires. Tout est vrai là-dedans, rien n’y est exact. Voilà les imaginations que je me faisais, tandis que les circonstances me pliaient à ceci et à cela. Gœthe, écrivant ses relations avec son époque, les intitule : Réalité et poésie.