Baudinière (p. 239-253).

XIV

LE JAPON ET LA S. D. N.


Comment l’élite japonaise, si fortement éprise de nouveautés politiques et d’expériences harne se serait-elle pas intéressée à la S. D. N. ? Dès l’origine, l’institution de Genève a provoqué de l’enthousiasme chez certains, une simple curiosité chez d’autres, ou de l’hostilité dans les milieux ultra-nationalistes. Ces campagnes ont fini par attirer l’attention du grand public, plus lent à s’orienter vers les organismes internationaux. La S. D. N. a tout de suite été un sujet de discussions fort animées entre les théoriciens aux prises. Les hommes politiques ont été obligés de prendre rapidement parti, et ils se sont ralliés à la Ligue. Voilà un premier résultat.

Parmi les dirigeants de l’Empire, comme dans les cercles universitaires, au Parlement et dans la jeunesse, on n’a cessé de supputer les possibilités d’action et l’efficacité des services de la S. D. N. Or, les amis de la Ligue ont déployé un si beau zèle que nous sommes, aujourd’hui, devant des résultats appréciables.

Créée le 23 avril 1920, l’Association Japonaise pour la S. D. N. comprend 5 362 membres, dont 698 membres spéciaux payant une cotisation de 12 yens par an, 57 membres à vie, qui paient une unique cotisation de 100 yens, 1 872 membres ordinaires qui paient une cotisation annuelle de 4 yens, 115 membres étrangers qui paient aussi 4 yens, et 2 620 membres amis qui paient une cotisation de 1 yen. Son secrétariat est installé dans Shiba Park, à Tokio, et son bureau d’Europe à Paris. Elle a constitué de fortes sections locales dans les douze grandes villes du Japon, et 26 sections estudiantines dans toutes les Universités, ainsi que dans plusieurs collèges du Japon. En outre, une section pour les étrangers habitant Tokio compte plus de 100 membres appartenant à quinze nationalités différentes, et une section pour les enfants s’occupe actuellement de l’échange de correspondances et de travaux manuels avec les enfants de l’étranger. Enfin, une section parlementaire groupe près de 400 membres appartenant aux deux Chambres. Elle utilise le Bureau du Comité national de Coopération intellectuelle, qui a été créé dans ses locaux l’année dernière.

Les diverses sections de cette Association se réunissent fréquemment, et le Comité directeur publie La Revue Internationale qui vulgarise les grandes questions à l’ordre du jour. Les meilleurs écrivains y collaborent, de même qu’à un autre organe : Le Monde et nous-mêmes, qui a pour but de répandre dans la population les idées de paix et de morale internationales.

Un bureau d’information, organisé à Tokio, fournit à la presse toutes les informations utiles et de nombreux sujets d’articles sur les débats qui se déroulent à Genève.

Là ne se borne pas l’activité de l’Association pour la S. D. N. Elle s’exerce encore, grâce à des cours d’été, à des conférences, à des réunions d’études, à des réceptions de personnalités appelées à parler sur les problèmes internationaux. Elle pratique des émissions radiophoniques et, enfin, elle envoie à l’étranger de larges délégations aux assemblées des plus importantes associations pour la Société des Nations.

Au Ministère des Affaires étrangères, à Tokio, une section spéciale est chargée de suivre toutes les manifestations de la Ligue et de tenir le cabinet au courant des moindres événements qui peuvent s’y rattacher. Depuis un an, d’ailleurs, le gouvernement, conscient de l’influence que prend l’Association japonaise pour la S. D. N., et du mouvement d’idées qu’elle représente, lui accorde une subvention de 70 000 yens. Ces fonds ont été votés à l’unanimité par le Parlement. Tous les partis se sont unis en songeant à l’œuvre humanitaire que poursuit la S. D. N. Ils ont tenu à montrer au monde que, quand il s’agit de prouver son idéalisme, la nation japonaise n’est jamais en défaut.

Non seulement les députés de toutes les classes sociales masculines se sont ainsi associés pour témoigner de leur bonne volonté à l’égard de la grande institution internationale, mais on doit encore noter que, depuis 1921, fonctionne une société féminine en faveur de la paix, présidée par Mme Hama Tsukamoto. Son but est parallèle à celui de l’Association pour la S. D. N. Établir des liens de coopération avec les sociétés similaires de l’extérieur et travailler au développement des principes d’arbitrage international, tel est le rôle de la Société féminine japonaise pour la Paix.

M. Sugimura, directeur du bureau européen du Japon pour la S. D. N., a fait, à la fin de 1926, une tournée dans sa patrie pour y enquêter sur les progrès de la Ligue. Pendant un mois, il a été réellement le héros de toutes les réunions. Il a été obligé de prononcer trois ou quatre allocutions par jour. Partout, il a été assailli par les journalistes avides d’obtenir des interviews sur le fonctionnement de la S. D. N. à Osaka, à la suite d’une harangue du brillant conférencier sur la traite des femmes, un mouvement se produisit en faveur de la libération immédiate des filles publiques.

Dans la capitale, à Tokio, il prononça un discours qui fut partout reproduit et longuement commenté. Après avoir déclaré que la S. D. N. est un des chefs-d’œuvre de la civilisation internationale depuis l’origine de l’humanité, et en avoir examiné les aspects politiques, M. Sugimura expliqua les raisons de sa foi en l’avenir. « Dans les questions sociales et humanitaires, dit-il, les délégués des différentes nations qui ont des morales, des traditions et des mœurs les plus variées, et qui appartiennent aux différents continents, religions et races se concertent dans un dessein élevé d’humanité et de charité. Les aspects des sociétés qu’ils représentent varient à l’infini, mais ils ont le même idéal, car ils ont la même conscience, la concience humaine.

« Mais la S. D. N. évolue. Elle commence de nouvelles activités que le Pacte n’a pas prévues. La protection de l’enfance et de la jeunesse d’une part, et la coopération intellectuelle de l’autre.

« La première signifie que la S. D. N. prépare avec raison des temps meilleurs. En effet, pour bâtir le grand temple de la Paix, une seule génération ne suffit pas. Il faut, de plus, bâtir solidement de bas en haut. La jeunesse est le dépôt sacré des richesses du passé et des espérances dans le futur. Pour moi, l’avenir de la S. D. N. est assuré, car elle pense à présent à la jeunesse.

« La coopération intellectuelle a un sens encore plus profond. La S. D. N. est, à vrai dire, un fruit de la civilisation occidentale. Après les innombrables souffrances causées par la guerre étrangère, la guerre civile, les troubles politiques et sociaux, l’idée démocratique s’est développée sur les ruines du passé avec ses fautes commises. Cette idée a fait son chemin à travers les frontières et a jeté la base de la S. D. N. La coopération intellectuelle cherche dans la profondeur de l’âme humaine des différentes nations la raison d’être spirituelle de la S. D. N., et par là même elle veut féconder la vraie compréhension entre les nations, l’unique base spirituelle du progrès et de la paix du monde »[1].

Nous retrouvons la même confiance chez le professeur Inazo Nitobe, l’un des plus remarquables propagandistes de la S. D. N. dans la société japonaise. C’est pour que s’affirme au milieu des forces rivales des gouvernements, cette grande force intellectuelle et morale — soutenue par l’opinion éclairée des élites et capable d’éviter de terribles chocs aux générations de demain — que l’auteur du Bushido s’est voué à la défense de l’institution de Genève. De 1919 à la fin de 1926, M. Inazo Nitobe a fait partie du Secrétariat Général de la S. D. N. Il a été l’un des adjoints les plus précieux de Sir Eric Drummond. Son influence s’est exercée d’une façon discrète mais pénétrante dans les diverses manifestations de la vie internationale. M. Inazo Nitobe est un homme exempt de pédantisme et d’esprit infiniment libéral. Précédemment professeur de géographie coloniale à l’Université Impériale de Tokio, il ne s’est pas borné à approfondir sa spécialité. C’est un savant qui a jeté des regards pénétrants un peu dans tous les départements de la science humaine. Au début de sa carrière, il se rendit aux États-Unis comme professeur d’échange et, là, il étudia le mécanisme économique, physique et social du peuple américain. Il estima qu’il fallait aboutir au désarmement moral des deux grandes nations que sépare le Pacifique. Dans ce sens, il écrivit de nombreux articles et, une fois rentré dans sa patrie, il donna de multiples conférences.

Il est assez piquant de constater que l’écrivain ayant le mieux dépeint les vertus guerrières, le sentiment de l’honneur militaire, l’âme héroïque du Japon, s’est ensuite dévoué à la diffusion des doctrines de la S. D. N. M. Inazo-Nitobe a su concilier la morale du bushido, le culte passionné de certaines traditions, avec l’esprit et la morale internationale. C’est là un de ses grands mérites. En marge des séances de la S. D. N., il aimait discuter avec les représentants les plus illustres des lettres et des sciences de l’Occident, avec Henry Bergson, avec M. Einstein, avec Mme Curie, ou, encore, avec M. Gilbert Murray, dont l’érudition grecque et latine fait universellement autorité. Dans ces entretiens, M. Inazo Nitobe démontrait, par son propre exemple, que l’Empire du Soleil Levant possède des hommes d’une vaste culture.

Notons encore ce détail que le professeur japonais, très au courant de l’histoire de France et de nos institutions actuelles, a voué un culte touchant à Jeanne d’Arc. La glorieuse fille de Domrémy a, dans M. Inazo Nitobe, un panégyriste qui n’omet jamais de citer ses prouesses et de disserter sur les merveilleux effets de sa foi patriotique chaque fois qu’une occasion se présente.

Le grand mérite de l’ex-secrétaire général adjoint de la S. D. N. est d’avoir donné une forte impulsion à la coopération intellectuelle et d’avoir aidé à ouvrir pour la Ligue un champ d’activité entièrement nouveau.

Les Japonais de marque, et même les modestes étudiants visitant l’Europe, venaient presque toujours à Genève voir M. Inazo Nitobe qui les initiait aux problèmes mondiaux et qui préconisait la collaboration patiente et généreuse de toutes les ressources de l’esprit humain. Aujourd’hui, le fonctionnaire international s’est effacé et M. Inazo Nitobe est revenu au Japon. Il est impossible, quand on parle de la S. D. N., de me pas rendre hommage à cet ouvrier de la première heure qui reste, aux yeux de ses compatriotes, l’un des doctrinaires incontestés de la politique mondiale et auprès duquel ils trouvent toujours les conseils les plus éclairés[2].

La presse japonaise joue naturellement un rôle des plus importants pour la diffusion des idées d’arbitrage et pour la compréhension du mécanisme de la S. D. N. Interrogé à ce propos, le directeur de la plus grande agence de Tokio, la Rengo Tsushinsha a déclaré que, parmi les dépêches de l’étranger qui sont publiées par les journaux de la capitale et de la province, les plus appréciées se rapportent à la Chine. Viennent ensuite les nouvelles d’Amérique et d’Angleterre. En troisième lieu, celles de la Société des Nations. Enfin celles de la France et du Continent européen. Les grands organes de Tokio et d’Osaka : le Nichi-Nichi, l’Asahi, le Kokumin, le Hochi, le Niroku, l’Osaka Mainichi, l’Osaka Jiji Shimpo et tant d’autres, impriment constamment des articles sur les délibérations de Genève. Quelques journaux s’imposent même le sacrifice, malgré le prix des communications télégraphiques, d’envoyer des correspondants en Suisse au moment des sessions les plus mouvementées.

Est-ce à dire que tous les commentaires sur la S. D. N. soient élogieux et que l’on ne lise dans la presse nipponne que des articles optimistes ? On est, en général, flatté de ce fait que le Japon siégeant dans le Conseil, au même titre que la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et l’Italie, est le seul membre permanent du Conseil qui ne soit ni puissance européenne, ni partie contractante des actes de Locarno. On estime que, dégagé des intérêts occidentaux — dans une certaine mesure — il peut être appelé, parfois, à devenir un arbitre écouté et plein de prestige. La plupart des publicistes japonais admettent encore les bienfaits de la Société des Nations dans les sphères sociale, intellectuelle, humanitaire, ainsi que la nécessité d’avoir une organisation internationale de paix et d’harmonie. Mais quant à la Société des Nations comme organisme politique du monde, le scepticisme se mêle aux critiques. D’aucuns discutent de l’utilité pour le Japon de continuer à siéger au sein du Conseil lorsque les États européens seront réconciliés et unis. Ils doutent, en effet, que les États européens regardent le Japon de bonne grâce lorsqu’ils se seront accordés. Ils se demandent quel accueil sera alors réservé au Japon, sinon celui que la politesse commande ! À leur avis, plus la Société des Nations apaise les convoitises malsaines des nations, c’est-à-dire plus la Société des Nations atteint les buts qu’elle se propose, moins la collaboration du Japon devient indispensable.

Le scepticisme de bon nombre de Japonais, quant au désarmement des autres puissances, s’appuie sur trois facteurs principaux qui créent dans l’opinion publique un courant d’idées défavorables à la S. D. N. :

L’établissement de la base navale à Singapour, la situation encore très troublée des nations européennes, l’expérience de l’Exclusion Bill de 1924, qui a laissé tant d’amertume dans les cœurs et qui prouve combien les États-Unis sont encore éloignés de l’idée d’égalité raciale.

Il faut ajouter à cela les théories concernant le Paneuropa, la formation d’États-Unis d’Europe opposés au mouvement asiatique, les manifestations du panaméricanisme qui inclinent beaucoup de Japonais à se demander si ces tendances au régionalisme de la S. D. N., n’amèneront pas les peuples, avec des groupement plus considérables que naguère, à une politique d’équilibre semblable à celle d’avant-guerre. Dans ce cas, disent-ils, les nations d’Asie auraient à se liguer entre elles. Et cette conception favorise les plans du nationalisme asiatique tel qu’il s’est exprimé à la Conférence de Nagasaki.

Les adversaires de la Ligue se servent de ces arguments pour insister sur la différence d’atmosphère entre Tokio et Genève et pour déclarer que certaines plantes ne peuvent être acclimatées sous le ciel d’Extrême-Orient. Les plus hostiles s’ingénient à faire croire que la S. D. N. est dressée contre le sentiment national, que c’est un organe étranger pour faire pression sur les « directives » d’un pays, et que, enfin, du point de vue japonais, elle est une institution superflue sinon dangereuse, entraînant pour la nation une perte appréciable d’argent et d’efforts pour encourager dans le monde une illusion trompeuse qui n’est pas conforme à leur conception.

Cette opinion est d’autant plus pernicieuse en temps de crise économique que la surpopulation, le manque de débouchés, l’insuffisance des ressources naturelles, rendent la vie au Japon très difficile. Partout l’on assiste à des scènes pitoyables de misère et de lutte pour la vie. Il est donc compréhensible qu’une partie des Japonais soient portés à considérer comme un luxe, quelque utile et noble qu’elle soit, la Société des Nations avec son siège en Europe, dirigée par des hommes politiques européens pour s’occuper des affaires se rapportant surtout aux intérêts de l’Europe.

Ainsi que me l’expliquait l’un des plus tenaces défenseurs de la S. D. N., l’un des jeunes diplomates du Japon, M. Furukaki, il est très difficile de soulever l’enthousiasme de la foule en lui désignant des buts extrêmement lointains.

— Sans doute, me confiait-il, le Japon a tiré de la Société des Nations des avantages incontestables, mais il n’est pas moins vrai que la S. D. N. n’a pas eu l’occasion de s’occuper des affaires politiques intéressant directement le Japon. En d’autres termes, le Japon n’a jamais été le « client » de la S. D. N., alors qu’aux yeux des Japonais il y aurait eu bien des problèmes à résoudre pour eux. Les problèmes internationaux qui intéressent jusqu’ici particulièrement le Japon, sont les problèmes se rapportant aux relations entre le Japon et la Chine, entre le Japon et la Russie, entre le Japon et l’Amérique. Or, aucun de ces problèmes n’étant traité par la S. D. N., cette dernière est regardée en Asie, par les Japonais surtout, comme une institution pacifiste et idéaliste. Les professeurs de droit, les universitaires épris de pacifisme, voient dans cette institution la réalisation de leur cher rêve, mais politiquement, devant la réalité des circonstances actuelles de la politique internationale, ils éprouvent une sorte de déception ! »

Par conséquent, il importe de continuer avec autant de zèle que de persévérance à dissiper les préjugés qui existent de part et d’autre pour que les desseins de la S. D. N. soient pleinement compris et pour que la coopération entre l’Orient et l’Occident porte ses fruits.

La position de la France est très nette. C’est la puissance qui a le plus sincèrement combattu l’idée de la supériorité des races et qui s’est toujours mise à la tête des mouvements d’émancipation. Ce n’est pas elle qui manquera jamais de libéralisme envers les peuples jaunes. Que les autres nations soient, autant qu’elle, prêtes à l’harmonie internationale !

Je voudrais, en terminant, reprendre le discours de M. Sugimura et en donner la péroraison, car il est la conclusion même de cet exposé sur la collaboration de l’Empire du Soleil Levant à l’œuvre commune.

« Il y a trois quarts de siècle, a dit le distingué représentant du Japon à la S. D. N., que l’escadre américaine visita pour la première fois l’île du Japon. Un jour, dans mon enfance, un vieux pêcheur m’a raconté son impression de ce grand événement. Un matin, il s’était levé, comme d’habitude, de très bonne heure, et était allé au bord de la mer pour préparer son petit canot de pêche. Mais quelle stupéfaction pour lui de voir flotter sur l’eau un monstre colossal ! Au premier abord, il le prit pour un îlot volcanique sorti de la mer. Jamais il n’aurait pu penser que c’était un navire, car, depuis deux siècles et demi, le Gouvernement avait interdit de construire des gros bateaux capables de naviguer sur l’océan. Il avait peur de l’invasion étrangère et fermait complètement le pays.

« Depuis cette époque, des navires de guerre de plusieurs puissances européennes ont rendu visite au Japon. Leur visite a souvent été accompagnée de coups de canon, ce qui n’était pas une manière très pacifique de nous faire apprécier les bienfaits de la civilisation occidentale. Alors, les étrangers constituaient un vrai danger pour nous. Nous les appelions « barbares ! »

« Notre première tâche était naturellement de défendre notre sol. Pour cela nous avons acheté des fusils et des canons, car nous n’avions, à ce moment-là, que l’arc et le sabre. Ces armes primitives ne valaient rien contre les armes à feu. Notre deuxième tâche fut d’apprendre la science occidentale qui avait inventé ces armes formidables. Notre troisième tâche fut de comprendre la civilisation européenne qui avait créé cette science mystérieuse.

« Et, en faisant tous ces efforts, notre compréhension s’est transformée peu à peu en respect profond vis-à-vis des nations occidentales. Successivement la morale, la philosophie, la littérature, l’art, le droit et même la religion, ces splendides expressions de la haute civilisation occidentale, se sont reflétées sur le miroir nippon et ont suscité dans l’âme japonaise un véritable sentiment de respect et d’admiration envers les nations civilisées d’Europe et d’Amérique.

« Nous avons constaté la grandeur de la civilisation européenne, qui résulte de quelque chose de plus qu’une force armée. Son honneur, sa dignité et sa lumière viennent de la profondeur de l’esprit, cultivé avec soin à travers de longs siècles. Et si, aujourd’hui, nous voulons vivre et travailler en paix avec les nobles nations de l’Occident, c’est uniquement parce que nous comprenons et respectons leur civilisation. Et notre compréhension n’est pas superficielle. Elle embrasse tous les efforts séculaires des peuples occidentaux qui ont élevé plus que jamais le niveau de la civilisation mondiale et qui ont couronné magnifiquement le progrès de l’humanité.

« À côté de la haute civilisation de l’Europe et de l’Amérique, celles des peuples dans les autres continents brillent bien faiblement comme les étoiles près de la grande lune. Ces étoiles sont quelquefois plus grandes que la lune, mais elles sont tellement éloignées qu’il faut beaucoup de générations, soit dans le passé, soit dans l’avenir, pour apprécier leur véritable éclat. Je ne peux décrire ici tous les aspects de ces vieilles civilisations de l’Inde ou de la Chine, qui se sont développées pendant quarante siècles sur le sol vénérable de l’Asie. Elles ne sont pas aussi stérile que l’on s’imagine parfois… C’est seulement de la pénétration de tous les idéaux, de leur force commune, de la considération que les peuples se doivent entre eux, que naîtra une société meilleure et que nous retirerons tous les bienfaits d’une entente entre l’Orient et l’Occident ».

Voilà, résumée par l’un de ses meilleurs fils, quelle a été l’évolution morale du Japon depuis trois quarts de siècle, et voilà où tendent, pour demain, les pensées de cette grande nation.



FIN

  1. L’organisation internationale de coopération intellectuelle est représentée au Japon par une Commission nationale, déjà très active, qui comprend un président, un secrétaire, un trésorier, une Section de Rédaction de trois membres, un suppléant et cinq conseillers. Le Président est le docteur Sabure Yamada, de l’Académie impériale de Tokio. Ses principaux collaborateurs sont MM. Junzo Sato, Seiji Okuyama, Tsune jiro Mikoka, le docteur Torajiro Ikeda, etc.
  2. Dans la pléïade des Japonais qui ont aidé à populariser la S. D. N. dans leur pays, il serait ingrat d’oublier, entre autres, M. Adatci, qui a pris de si intéressantes initiatives à Genève. M. Adatci, après avoir occupé pendant plusieurs années le poste de Bruxelles, a été nommé, fin décembre 1927, ambassadeur à Paris.