Baudinière (p. 172-185).

X

ENTRE TOKIO ET MOSCOU


La paix de Portsmouth du 5 septembre 1905 causa un profond désappointement au Japon. Cependant, si ce pays ne recueillit pas tous les fruits de sa victoire, il n’y eut pas chez lui un regain d’hostilité contre la Russie. Il s’était couvert de gloire. Il avait montré qu’il ne craignait pas, pour se faire respecter, de s’attaquer au colosse russe. Il retirait de ce duel dans les plaines de Mandchourie, sinon tous les avantages qu’il en attendait, du moins un bénéfice moral incontestable. Pourquoi aurai-il poursuivi de sa haine l’adversaire de la veille ? D’abord, le Japon a une âme trop chevaleresque pour cela, et il n’est pas dans son tempérament de piétiner l’homme vaincu. Ensuite, il réfléchit à son intérêt et il considéra les meilleurs moyens qui s’offraient à lui de tirer parti d’un traité bâti à l’étroit sous la surveillance des États-Unis et de l’Angleterre. Il se rapprocha donc de la Russie. Des conventions de commerce, de navigation et de pêche étaient bientôt signées à Petrograd et, le 30 juillet 1907, le ministre du Japon, M. Motono, concluait avec M. Iswolsky un accord plus général qui consolidait les relations de bon voisinage des deux pays, fortifiait leur entente dans l’Asie orientale, notamment en Mandchourie, et qui esquissait une délimitation de leur sphères d’influence en Mongolie. Le chemin de fer transsibérien et transmandchourien devait servir à l’œuvre d’expansion économique des deux peuples, naguère rivaux. Le traité de Portsmouth avait attribué à la Russie la section dite de l’Est chinois entre Mandchu-li et Tchang-Tchoung ; le Japon avait reçu la section comprise entre Tchang-Tchoung, Moukden, Port-Arthur et Dalny. Mais il fallait développer ce réseau et, par des ententes appropriées, éviter des conflits pour l’avenir. Le Japon profita de ces dispositions pour hâter la reconstruction de la ligne de Moukden à Antoung et pour créer des embranchements entre la Mandchourie et la Corée septentrionale.

C’est alors que les États-Unis, aidés en l’occurence par la diplomatie allemande, soutinrent cette thèse qu’il devenait nécessaire d’internationaliser le réseau mandchourien. Le memorandum de M. Knox, à ce sujet, (novembre 1909), n’eut pour résultat que de rendre plus étroits les liens du Japon et de la Russie qui, en juillet 1910, échangèrent de nouvelles signatures au bas d’un accord plus précis que le premier, pour le maintien de leurs positions en Mandchourie et pour l’exécution de leurs projets de voies ferrées. Les relations entre les deux empires devinrent de plus en plus actives, relations intellectuelles, commerciales, financières. Si l’on faisait allusion, dans la presse nipponne, à la guerre de 1904, c’était, maintenant, sur un ton courtois et comme si l’on évoquait un événement historique déjà lointain.

La politique russo-japonaise montra sa solidarité au moment où éclata la révolution chinoise de 1911. Lorsqu’un consortium de banques des grandes puissances se forma, un peu plus tard, pour l’emprunt dit de « réorganisation », le gouvernement de Tokio et celui de Petrograd mirent comme condition formelle dans la constitution des gages de l’emprunt que leurs intérêts en Mandchourie et en Mongolie seraient strictement respectés.

Cette action diplomatique se poursuivit et se précisa encore plus énergiquement dans les années qui suivirent. L’accord de 1912 en fut le couronnement. Puis, la guerre de 1914 ayant éclaté, le Japon joua en Asie non seulement le rôle qui lui était dévolu en harmonie avec les puissances de l’Entente, mais il devint le principal fournisseur de la Russie en canons, en fusils, en munitions, en matériel de toute sorte, en approvisionnements et en vivres. Il est à peine besoin de remémorer, qu’après les revers des armées du tsar, c’est lui qui leur redonna une artillerie et qui soutint la bataille par un effort industriel prodigieux.

Au plus fort de la tourmente, les deux pays paraphèrent un nouveau traité de paix, plus intime, et d’une collaboration encore plus serrée que les précédents. Ils s’engageaient, par le texte du 3 juillet 1916, à ne faire partie d’aucun arrangement ou combinaison politique hostile à l’un ou à l’autre. Ils déclaraient se prêter appui et secours, au cas où seraient menacés leurs droits territoriaux ou leurs intérêts spéciaux en Extrême-Orient. Et ils continuèrent à perfectionner tous les arrangements de détail propres à faciliter le mécanisme de leur coopération.

La paix de Brest-Litovsk et les événements qui en découlèrent remirent en question l’ensemble des relations russo-japonaises. On se rappelle que le Japon, après être intervenu aux côtés des Alliés, lors de l’expédition sibérienne de 1918, allégua la nécessité de protéger la vie et les intérêts de ses nationaux — fort nombreux en Sibérie orientale — pour y maintenir ses troupes après le départ des autres contingents. L’intérêt de la situation était pressant pour lui, en raison de la lutte que se livraient les Blancs et le Parti Rouge, — lutte dont la possession de la Sibérie était l’enjeu.

Les Bolchévistes triomphèrent. Mais on ne compta pas des victimes que dans les rang des contre-révolutionnaires russes. Des Japonais furent également massacrés. À Nicolaiewsk, se déroulèrent des incidents dramatiques. En conséquence, des troupes nipponnes et des navires de guerre furent maintenus à Vladivostock. L’île Sakhaline — dont le sud appartenait à l’Empire japonais, depuis le traité de Portsmouth, — fut entièrement occupée. C’est seulement après la Conférence de Washington, en 1923, que les bateaux stationnés à Vladivostock furent rappelés par le gouvernement du mikado.

Dès l’automne de 1922, cependant, des contacts s’étaient établis entre Russes et Japonais, pour examiner sur quelles bases on pourrait modifier favorablement des rapports si tendus. Les émissaires de Tokio admettaient que les négociasions officielles auraient des chances d’être rétablies aux conditions suivantes :

1° Le Gouvernement de Moscou devrait, sans ambages, reconnaître ses responsabilités dans le massacre de Nicolaiewsk ;

2° La question des dettes de la Russie serait réservée et ferait l’objet d’un règlement spécial ;

3° Le Japon conserverait des droits de pêche sur les côtes du Kamchatka, ainsi qu’à l’embouchure de l’Amour, et il garderait pour ses pêcheurs toutes facilités en attendant une convention formelle à ce sujet ;

4° Il pourrait racheter le nord de l’île de Sakhaline moyennant un prix raisonnable.

Deux hommes s’appliquèrent à discuter ce programme. Du côté japonais, ce fut le Vicomte Goto Shimpei — que l’on a parfois surnommé le « Loucheur japonais » ; du côté des Soviets, le Docteur Ioffe, ex-chirurgien dentiste, l’un des signataires du Traité de Brest-Litovsk, devenu l’un des spécialistes de la diplomatie bolchéviste.

Le Vicomte Goto, homme d’affaires entreprenant, ancien directeur de la Compagnie du Chemin de Fer de la Mandchourie du Sud, ex-gouverneur du Liao-Toung, puis de Formose, présidait depuis longtemps la Société amicale russo-japonaise (Nichiro Kyokwai). Il s’était intéressé à toutes les entreprises russes. Il préconisait de nouvelles formes de collaboration avec la République des Soviets. Il était le théoricien d’une économie asiatique d’après-guerre et de tout un système de reconstruction politique et financière. Maire de Tokio, très discuté d’ailleurs par certains groupements politiques, il préféra donner sa démission afin de mieux se consacrer au problème russe.

Le Vicomte Goto avait des sympathisants, entre autres le Docteur Miyake, l’un des plus réputés rédacteurs de la revue Le Japon et les Japonais. Il groupa, pour recevoir le Docteur Ioffe, en mai 1923, de nombreuses personnalités de la finance et de la politique. Le moment était bien choisi. Le monde japonais était encore tout meurtri par le coup de la dénonciation de l’alliance avec la Grande-Bretagne. Il était énervé par les sacrifices que lui imposait la Conférence de Washington. Il continuait à être irrité de la controverse sur l’immigration avec les États-Unis. Il traversait une grave crise d’incertitude et se croyait isolé. Tout cela l’invitait à tenter l’expérience russe. Certes, de fortes méfiances à l’égard de la Russie persistaient dans bien des cercles et soulevaient les critiques d’une partie de la presse. Néanmoins, on encourageait, en général, le Vicomte Goto, dans son initiative. Autant qu’aux avantages politiques, on songeait aux avantages économiques d’un tel rapprochement. Le Docteur S. Washio les exposait dans un article du Japan advertiser (30 mai 1923). Il faisait miroiter aux yeux de ses compatriotes « les immenses possibilités de la Sibérie » : produits agricoles à importer du Japon, articles manufacturés à exporter dans toute la Russie, qui en est tellement dépourvue.

Avant la guerre, le commerce de l’Empire du Soleil Levant avec l’Empire tsariste était insignifiant : 50 à 60 millions de yens en tout. L’industrie japonaise était dans l’enfance. L’Allemagne contrôlait dans la proportion de 60 % les exportations sur le marché russe. Tel n’était plus le cas. Les négociants du Reich reprenaient, sans doute, l’offensive, mais ceux du Japon pouvaient, quand même, espérer de larges profits.

« Tandis qu’en 1914, — écrivait le Docteur S. Washio — nous exportions pour dix millions de yens de marchandises en Russie ; en 1915 nous en avons vendu pour 78 millions et, en 1916, pour 117 millions ». C’était là, il est vrai, une période exceptionnelle, mais pourquoi ne pas retrouver une bonne part de la clientèle d’alors ? Avant la révolution bolchéviste, les exportations japonaises comprenaient les articles suivants : cuivre, zinc, cuirs travaillés, produits pharmaceutiques, tissus de coton.

Plus de commandes depuis 1921 ! Ne pourrait-on pas placer en Sibérie et dans les autres provinces des tissus de coton, de soie, de laine légère, des habits, des chaussures ? Le Japon est capable de fournir aussi du papier, des épices, du tabac, du riz, de la porcelaine. On manque de tout cela en Russie. Le Docteur S. Washio prévoyait que le long de la voie ferrée de l’Est Chinois, entre Harbin et Vladivostock, toute une série d’industries (moulins, scieries, entrepôts de bois, briquetteries, fabriques d’huile d’arachide), aux mains des Japonais ou commanditées par eux allaient, au lieu de dépérir, connaître une ère des plus florissantes. Il estimait que les Russes, ayant besoin d’une flotte marchande, achèteraient des bateaux aux Japonais et redonneraient à leurs chantiers une activité supplémentaire. Il voyait ensemencées de riz — après l’accord — les terres inoccupées le long de la voie ferrée de l’Oussouri et la mise en culture intensive de la province maritime de Priamorski. Partout, c’était l’abondance ! Exploitation des forêts, des mines, des pêcheries apporteraient des richesses inouïes aux heureux signataires de la réconciliation russo-japonaise.

Il y avait, dans les raisonnements du Docteur S. Washio, assez de l’imagination de Perrette, escomptant les bénéfices du pot au lait… Ses compatriotes n’en étaient pas moins séduits par tant de perspectives dorées !

L’accord ne se fit pourtant pas dès 1923. Le gouvernement japonais laissa, d’abord, le Vicomte Goto épuiser tous les sujets de conversations préliminaires avec le Docteur Ioffe. Ensuite, il prit son temps, afin d’éprouver la bonne volonté des Soviets. Il savait le prix que : Moscou attachait à la reconnaissance officielle par un grand État comme lui et il n’était pas d’avis de la lui accorder tout de go. À Tokio, on estimait que toute précipitation dans un acte de cette importance serait également de nature à aliéner les sympathies des puissances occidentales.

On se contenta donc de poursuivre les entretiens avec le Docteur Ioffe, avec ce progrès que ce fut un personnage officiel, M. Kawakami, ancien consul général en Russie et en Pologne, qui prit la place du Vicomte Goto. Durant cette période d’attente, les agents bolchévistes multiplièrent en tous lieux les prévenances vis-à-vis des Japonais.

Les pourparlers n’entrèrent dans la phase décisive qu’au cours de l’année suivante, après de longs mois d’atermoiements. À Pékin, le 21 janvier 1925, fut finalement signé le nouvel accord russo-japonais. MM. Léon Karakhan, représentant des Soviets, et Yoshizawa, ministre du Japon en Chine, furent les protagonistes qui aboutirent à la conclusion des négociations amorcées par le Vicomte Goto et le Docteur Ioffe. Si le traité fut de la sorte terminé en Chine, c’est pour des motifs faciles à discerner. Le Cabinet de Tokio avait eu connaissance — un certain temps avant sa publication — du traité russo-chinois qui fut scellé le 30 mai 1924. Il chargea donc son ministre, à Pékin, de reprendre activement la conversation avec M. Karakhan, pour régler la situation entre la Russie et le Japon. Il voulait devancer les États-Unis dans cette reprise des relations — car on parlait alors dans les cercles politiques de Washington du rapprochement avec les Soviets et il calculait également, qu’en cas d’agitation grave en Chine, il serait préférable de retenir le gouvernement de Moscou dans le cadre d’un accord dûment établi. À la nouvelle de ce traité, d’aucuns supposèrent que l’empire japonais entrait dans une vaste combinaison asiatique hostile au monde occidental. Il visait surtout à recevoir la garantie formelle que la Russie n’avait signé aucune convention secrète dirigée contre lui.

Par l’accord de Pékin, il remportait une belle victoire diplomatique, en forçant l’U.R.S.S. à reconnaître le traité de Portsmouth. En compensation du massacre de Nicolaïewsk, il obtenait à Sakhaline, d’énormes concessions houillères et pétrolières. La question des pêcheries, sur les côtes sibériennes, était résolue en sa faveur. Un traité de commerce et de navigation allait être mis à l’étude. En revanche, le Japon promettait d’évacuer le nord de l’île de Sakhaline et il rétablissait, avec l’Union Soviétique, des relations diplomatiques normales.

À Moscou, peut-être songeait-on à un bloc asiatique et caressait-on l’espoir d’entraîner le Japon dans une formation anti-européenne et anti-américaine. Quelques théoriciens japonais avaient l’air, en effet, d’encourager les Bolchévistes dans cette pensée, tel le député Matsumoto Shimpei qui, quelques jours après la nouvelle officielle du traité de Pékin, prononça, à la Diète, un discours enflammé en faveur d’une alliance offensive et défensive de son pays et de la Russie « afin, disait-il, de faire échec à la politique combinée des nations anglo-saxonnes ». Le vice-ministre des affaires étrangères, M. Nakamura, se contenta de lui répondre que l’accord avec la Russie ne signifiait nullement une orientation nouvelle de la diplomatie japonaise par un jeu d’alliances asiatiques.

Depuis, il est apparu que le Japon, tout en cherchant à bénéficier des clauses du traité, n’a pas cessé de se défendre contre le bolchévisme et de prendre des mesures radicales envers les disciples de Lénine. Il a bien rouvert son ambassade à Moscou et ses principaux consulats en Russie. Il a reçu, à Tokio, selon les usages protocolaires, le premier titulaire de l’ambassade des Soviets, M. Victor Nicoloevitch Kopp, ensuite remplacé par M. Dovgarewski. Cela ne l’a pas empêché d’en user avec la dernière sévérité envers la délégation syndicale russe qui aborda, le 20 septembre 1925, à Shimonoseki. Quatre syndicalistes bolchévistes, ayant à leur tête le camarade Lepse, avaient été invités à venir au Japon par un groupe de travaillistes japonais appartenant à des associations professionnelles teintées de bolchévisme. Ces voyageurs étaient passés par la Chine, où ils avaient aidé au déclenchement de grèves et prêché la doctrine révolutionnaire.

Le Gouvernement japonais commença par emprisonner Kato, le chef du syndicat des mineurs, qui s’était rendu au devant des camarades moscoutaires ainsi que les autres communistes notoires qui s’étaient avancés pour servir d’escorte aux syndicalistes bolchévistes. En outre, chaque fois qu’une réunion devait avoir lieu, la police intervenait, suscitait une bagarre, et coffrait les manifestants. À l’hôtel où était descendue la délégation bolchéviste, une étroite surveillance était organisée. Pas un seul contact sérieux ne put être pris par les Russes durant leur séjour. Les agents de la sûreté y mirent bon ordre. Au syndicat des imprimeurs, un leader japonais arriva à lâcher ces quelques mots : « Il ne nous est pas possible, vu l’attitude de la police, de vous exprimer ce que nous avons dans le cœur ! » À la minute même, l’auteur de cette déclaration était appréhendé et conduit au poste ! De guerre lasse, comprenant que les incidents se multiplieraient ainsi sans aucun profit, les syndicalistes russes reprirent le chemin de Moscou… Quand ils furent loin, le gouvernement japonais — qui a autant le sens de l’ironie que le souci de la politesse — présenta de vagues excuses à l’ambassadeur Kopp, sur le zèle intempestif de la police, qui avait été, paraît-il, au-delà des instructions reçues…

Au mois de novembre de cette même année 1925, la police découvrit que les Associations syndicales russes avaient envoyé deux chèques, d’une valeur totale de 148 000 yens (soit un million et demi de francs), pour aider à la propagande communiste et au mouvement d’émancipation en Corée. C’est à la suite de ce nouvel incident, que le Cabinet de Tokio repoussa la demande des Soviets tendant à obtenir l’immunité diplomatique pour trente-cinq délégués commerciaux russes, qui devaient s’établir dans diverses provinces du Japon, afin d’amorcer de prétendues relations d’affaires plus intimes entre les deux pays. On était plus perspicace à Tokio qu’à Londres, où l’Arcos s’était commodément installé.

Une tentative assez sérieuse fut faite par les Japonais eux-mêmes, pour étendre leur activité commerciale en Russie. Au printemps de 1926, fut fondée une association commerciale russo-japonaise, avec Osaka pour siège central. Le comité de cette association comprenait les noms des plus grands commerçants et industriels de l’Empire. Les beaux projets du Docteur S. Washio allaient-ils enfin se réaliser ?

Hélas, non ! Jusqu’ici, l’association commerciale russo-japonaise a végété. Elle n’a obtenu que des résultats insignifiants. Les relations économiques sont extrêmement lentes à se former et à se développer. D’autre part, la question des pêcheries a provoqué, jusqu’à ces temps-ci, des querelles qui ont refroidi l’enthousiasme des Japonais. Ceux-ci retirent annuellement de la pêche du saumon et des crabes des sommes considérables tant par la fabrique des conserves que la vente directe des produits de cette double par industrie.

Depuis les îles Kouriles, jusqu’à la baie de Possiet, au nord de la Corée, les Japonais ont toujours eu la faculté de pêcher, mais la Russie soviétique pas plus que la Russie tzariste, n’avait jamais admis la fixation des eaux territoriales à la limite de trois milles, adoptée dans les relations internationales. Elle avait toujours imposé la limite de 12 milles, qui annulait pratiquement les droits théoriquement concédés. De là, des conflits incessants, des luttes à main armée, des emprisonnements, des confiscations qui jetaient un malaise dans les rapports russo-japonais. Malgré l’accord de principe de janvier 1925, ce régime avait persisté et provoqué de multiples incidents.

Depuis le mois de juillet 1927, il semble que cette irritante question ait progressé à la satisfaction du Japon et que les négociations qui ont eu lieu à ce propos, aient été le prélude de plus importants pourparlers, en vue d’un traité de commerce.

Voilà où l’on en est au point de vue économique. Quant à sa diplomatie générale, le ministère Tanaka s’en tient à une règle prudente. Il se contente de négocier des compromis de circonstance, chaque fois qu’un cas difficile se présente. Dans les affaires chinoises, où est mêlée la Russie, il a adopté cette méthode. Il ne faut pas éveiller les susceptibilités des puissances étrangères ou chinoises et, pourtant, il convient de veiller aux intérêts japonais en Mandchourie et en Mongolie où, reprenant toujours la tradition tsariste, les Soviets s’évertuent à élargir leur influence. Aussi bien, le mot d’ordre de la politique nipponne demeure, vis-à-vis de la Russie : pas de conflits, mais une vigilance constante !