Charles Rozez (p. 59-67).


VIII. — Astronomie et météorologie populaires.


894. Soleil. — C’est signe de pluie, lorsque le soleil couchant darde ses derniers rayons vers de grands nuages (solo ki tîr a éw) (Herve).

896. Lune (lœn). — Son nom le plus ordinaire en wallon est li Bêté « la Beauté ». A l’Bêté = « pendant une nuit de lune » à Somme-Leuze.

897. On croit distinguer dans la lune la figure d’un homme que l’on appèle Bazin (prov. de Liège), Tchan dél lœn (pays de Stavelot), Ka-in (Laroche), Brûnó (prov. de Namur et grande partie du Luxembourg). Bazin, raconte-t-on, alla une nuit marauder les navets de son voisin. La lune s’étant mise à briller, il craignit d’être aperçu et prit « un fagot d’épines pour la boucher » i-n bouhèy di spèn po stopé l’ lœn. Dieu, pour le punir, le « tira » à l’instant dans la lune, où on le voit encore, tenant au-dessus de lui son fagot d’épines sur une fourche.

901. La lune passe pour poltronne parce qu’elle semble se cacher derrière les nuages : kouyon kom li lœn « poltron comme la lune » (Liège) ; li lœn n’a djamé lû so ô si kouyô « la lune n’a jamais lui sur un aussi poltron » (Herve).

902. Pendant le croissant de la lune, è krèhan dèl lœn, (Liège), « dans la lune dure » è l’ dœr lœn (prov. de Namur), il faut semer les petits pois et autres plantes qui doivent « grainer », et ne pas semer les salades et autres plantes qui doivent pommer.

903. On doit couper tout bois de construction et cueillir les fruits pendant le croissant de la lune (prov. de Namur).

904. Pendant le croissant de la lune, il ne faut pas se faire couper les cheveus, si l’on craint qu’ils repoussent trop vite. Des cheveus minces et faibles taillés à la même époque reviennent drus et forts.

906. La vache couverte pendant le décours de la lune (è l’ tinr lœn) donnera une génisse. Si la saillie a lieu pendant le croissant de la lune (è l’ dœr lœn), ce sera un taureau.

907. Si la nouvelle lune tombe un vendredi, elle n’a pas d’influence pernicieuse (St-Hubert).

908. On croit que la lune de mars (lune rousse) est fatale aus malades : s’ils dépassent cette période critique, ils guériront.

909. Vénus. — Elle est appelée généralement steûl dè byèrdjî « étoile du berger » ; steûl du la Vyèrj « étoile de la Vierge » à Herve.

911. Grande ourse. — On l’appèle généralement tchâr Pôçè « char Poucet » ; à Herve : tchâr du triyonf « char de triomphe », à Somme-Leuze : tchâr d’Abraham.

913. “ Des huit étoiles dont semble formée cette constellation, les quatre en carré représentent, selon les paysans, les quatre roues d’un char [lè kwat’ row], les trois qui sont en ligne sur la gauche sont les trois chevaux [lè treu tchvó] enfin, au-dessus de celle des trois qui est au milieu, il s’en trouve une petite [l’étoile alcor], qu’ils regardent comme le conducteur du char [li koché] et qu’ils nomment Pôçè. „ (Grandgagnage, Dict. de la langue wallonne. 1re  partie, p. 153).

915. Crois du cygne (li kreu). — Celui qui voit la Crois du cygne n’est pas en état de péché mortel (Laroche).

917.

Orion. — Les trois étoiles du baudrier d’Orion (à Verviers : lè treu rwè « les trois rois ») forment avec l’étoile Rigel une figure qu’on appèle à Laroche le rateau (li ristê).

919. Étoiles. — On explique aus enfants qu’elles viennent de vieilles lunes mises en pièces.

922. Comète (steûl à kaw). — Une comète est signe de calamité : guerre ou épidémie.

924. Une étoile filante est une âme qui s’en va et on la délivre du purgatoire, si, avant qu’elle soit tombée, on a pu dire trois fois, à Laroche : Seigneur ! ou Jésus ! à Herve : Que les âmes du purgatoire reposent en pais ! ou Loué soit Jésus-Christ au très saint sacrement de l’autel ! à Theux : Amen !

925. Dans le sud-est de la province de Liège, on appèle hit’ di steûl « cacas d’étoile », ces petites masses de matières gélatineuses qu’on rencontre surtout dans les marais et qui, en réalité, ne sont que des peaus de grenouille et autres débris que l’estomac des petits carnivores rejète après digestion du contenu, et l’on dit en voyant une étoile filante : s’è-st i-n siteûl ki hit’.

926. Voie lactée. — Est appelée : li tchâssèy romin-n « la chaussée romaine » ou li vôy sin Djâk « le chemin (de) Saint-Jacques » .

928. Arc-en-ciel. — Est appelé : êr-Dyè « arc (de) Dieu » (prov. de Liège), pwèt’ dè paradi « porte du paradis » (id.) róy sin Dj’han « ligne (de) saint Jean » (prov. de Luxembourg), arc Saint-Michel (Tournaisis).

930. Si l’on montre l’arc-en-ciel avec le doigt, on aura un panaris.

931. C’est signe de pluie, quand l’arc-en-ciel paraît plonger dans une rivière : Kwan l’êr-Dyè a l’ kâw duzeu l’êw (Cornesse) « quand il a la queue au-dessus de l’eau » ; kwan l’êr-Dyè a lè pî è l’êw « quand il a les pieds dans l’eau ».

936.

Dicton météorologique : êr-Dyè : po fé treu djoû bê, treu djoû lê « arc-en-ciel : pour faire trois jours beau, trois jours laid » (Villers St-Siméon).

939. Giboulées (vê d’ mâs). — À Laroche, on dit des giboulées tardives d’avril : Si n’è nin dè vê d’ mâs, s’è dè bikè d’avri « ce ne sont pas des veaus de mars, ce sont des biquets d'avril ».

942. Neige. — Les enfants qui s’étendent dans la neige pour y laisser leur empreinte, disent à Saint-Hubert, qu’ils font saint François, en Condroz, qu’ils font dè bondyu « des bondieus ».

944. Vent. — À Laroche, quand le vent siffle, on dit aus enfants qui s’étonnent : S’è Dj’han d’â vin « c’est Jean du vent ».

944bis. Pour empêcher les enfants de sortir par le mauvais temps, on leur dit à Somme-Leuze : Viz a vo, via Dj’han di bîh ! Vla l’ mohon â rodj bètch ! « Gare à vous, voilà Jean de bise ! Voilà le moineau au bec rouge ! »

945. Le curé peut détourner le vent (Court-St-Étienne), en plaçant la pointe de son tricorne du côté où il veut qu’il souffle (Dochamps).

948. Nuages. — Nuages enflammés : S’è sin Nikolè ki kû « c’est saint Nicolas qui cuit » (Pepinster) = c’est saint Nicolas qui met le feu à son four pour cuire les pâtisseries qu’il apporte aus enfants le jour de sa fête (Liège).

949. On donne le nom d’arbre d’Abraham en Hesbaye et d’arbre Saint-Barnabé en Condroz à un éventail de nuées longues aus bords vagues. Dicton météorologique : Kwan l’âb Abraham (ou Sin-Barnabé) a lè pî è l’êw, i ploûrè « quand l’arbre Abraham a les pieds dans l’eau (c’est-à-dire quand il se trouve dans la direction d’un cours d’eau), il pleuvra ». (Cp. 931.)

953. Grêle. — Les petites filles, quand il grêle, étendent leur tablier pour recevoir les grelons, en chantant, à Verviers :

Dè gruzê, gran pér !
Dè gru-zé, gran mér !
« Des grelons, grand-père !
Des grelons, grand-mère ! »
à Dinant : Arivé ! lè pti pyou pyou ! Arivé ! lè pti poyon ! « Arrivez ! les petits pou-pous ! Arrivez ! les petits poussins. »

957. Pluie. — À Laroche, quand la pluie commence à tomber, les enfants se mettent à l’abri en disant :

I plou !
Lè poy son dzo l’ tèyoû,
Ki ponè dè bon gro-z où !
« Il pleut !
Les poules sont sous le tilleul,
Qui pondent de bons gros œufs ! »

958. Quand il fait du soleil pendant la pluie, on dit : li dyâl marèy si fèy « le diable marie sa fille » ; l’on ajoute à Liège : o bwè « au bois » et à Verviers : èn ô banstê « dans un panier ». On dit aussi à Verviers : lu dyâl bat’ su fam èn ô banstê « le diable bat sa femme dans un panier ». À Villers St-Siméon : s’è l’ dyâl ki bat’ si mér è ki marèy si fèy « c’est le diable qui bat sa mère et qui marie sa fille ».

960. À Étalle, on dit quand il pleut :

Sin Nikolâ,
Patron d’Habâ,
Trwâ djoû bâ,
Trwâ djoû lâ,
Trwâ djoû kom i-l a fâ !
« Saint Nicolas,
Patron de Habay,
Trois jours beaus,
Trois jours laids,
Trois jours comme il en fait ! »

962. Orage. — Une faut pas courir quand il tonne.

963. On allume une chandelle bénite à Saint-Donat (Hesbaye), à Sainte-Barbe (Namur).

964. Sitôt qu’il éclaire, on lit l’évangile de Saint-Jean et l’on est préservé si la foudre éclate, après que l’on a lu les mots : « et le Verbe s’est fait chair » Jean 1, 14 (Liège).

965. On répant du sel aus quatre coins de la chambre, puis on allume au foyer la branche de buis bénit, l’on asperge d’étincelles les quatre coins et l’on jète le petit tison au milieu (Liège).

966. On brûle du buis bénit dans trois coins de la chambre. Le tonnerre, s’il entrait même, sortirait par le quatrième (Herve). (Cp. 199 bis.)

967. On se préserve du tonnerre en se réfugiant sous une haie d’aubépine.

969. On dit en entendant les roulements de tonnerre : l’ bon Dyu djow â bèy « le bon Dieu joue aus quilles ».

Accroissement des jours après le solstice d’hiver.

973. Sainte Lucie (13 décembre) :

Sint’ Luçèy,
Li pu koûr djoû,
L’pu long’ nutèy
« Sainte Lucie.
Le plus court jour,
La plus longue nuit. » (Liège.)

974. Noël :

xxxxNowé
Pa d’on vèlé.
« [Les jours sont à] Noël
[de la longueur du] pas d’un
veau nouveau-né. » (Namur)

975. 1er  Janvier :

[Lè djoû krèhè],
xxxA l’ Novèl an,
L’ pa d’o-n èfan
[« Les jours croissent],
xxxAu Nouvel an,
Le pas d’un enfant. » (Liège)

976. Rois :

xxxxA Rwè
L’ pa d’on polè.
« Aus Rois,
Le pas d’un poulet. » (Liège)

976bis.


Lè Rwè
Pa d’in tchè.
« Les Rois,
Pas d’un chat. » (Charleroi)

977.


0 Rwè, lè djoû sô rèlôgui d’à rpa d’kok. « Aus Rois, les jours sont allongés d’un repas de coq[1] » (Verviers.)

978. Saint-Antoine :

Lè djoû krèhè a Sint’ Antô-n
Ossi lon ki li rpa d’on mô-n.
« Les jours croissent à St-Antoine,
Aussi long que le repas d’un moine. » (Liége)

979. Chandeleur :

xxTchandleûz
Pa d’o-n voleûz.
« Chandeleur,
Pas d’une voleuse. » (Namur)
Pronostics météorologiques.

980. S’il y a beaucoup de fruits à noyau, c’est signe d’un hiver rude.

981. On croit qu’il y aura beaucoup de fruits l’année suivante, si le givre couvre les arbres avant Noël (St-Hubert).

982.


Bê vinrdi,
Le dimêgn’.
« Beau vendredi,
Laid dimanche. »[2]

983. Quand il pleut le dimanche entre les deus messes, — elles ont lieu, l’une vers sept, l’autre vers dis heures, — il fera laid toute la semaine (La Reid).

Les mois.

984.


Fèvrîr o onz bê djoû.
« Février a onze beaus jours. » (Liége)

985.


Kom Mâs troûf lè poté,
I lè lê.
« Comme Mars trouve les
flaques d’eau, il les laisse. »

986.


Kwan i to-n è Mâs,
Li laboureu a hâs.
« Quand il tonne en Mars,
Le laboureur a hâte[3].
Kwan i to-n èn Avri,
I deu s’rèdjouwi.
Quand il tonne en avril,
Il doit se réjouir. » (Liége)

987.


Mwètèy di may,
Kâw di nivay.
« Milieu de Mai,
Queue de neige. » (Liége)

988.


Avri ploû po lè djin,
May po lé byès.
« Avril pleut pour les gens,
Mai pour les bêtes. » (Liège)

989.


Sètch a-ous’,
Frèh vindintch.
« Août sec,
Vendanges humides. » (Liége)
Jours fatidiques pour la température.

Chandeleur (2 février).

991. Quand le soleil luit sur l’autel pendant la grand’messe le jour de la Chandeleur, on aura encore sis semaines d’hiver, ce que suivant les localités on exprime en disant : l’uvyèr r’mont’ a tchfó « l’hiver remonte à cheval » (Court St-Étienne) ; l’ours’ rinteûr è s’ trô po si samin-n’ « l’ours rentre dans son trou pour sis semaines » (Verviers) ; l’ivyèr riprin vigueûr (Nivelles).

992. 12 Février : Kwan i ploû l’ doz dè pti meu, i fê lê sî samin-n â lon. « Quand il pleut le douze du petit mois, il fait laid sis semaines au long » (Liége) ; cp. 984.

993. Saint Mathias (24 février) :

Sin Matyas’
Kas’ lè glas’.
Kwan y-ènn’ a nin
K’ènn’ è fas’
.
« Saint Mathias
Casse les glaces.
Quand il n’y en a pas,
Qu’il en fasse. » (Solwaster).

995. Quand il fait beau le Jeudi-Saint pour sécher les draps de l’autel, il fera beau une grande partie de l’été (Verviers).

996. S’il gèle le jour du Vendredi-Saint, toutes les gelées qui suivront ne feront de tort à rien.

997. Le vent vient pendant cinquante jours du point de l’horizon d’où il soufflait le jour du Samedi-Saint (Sart).

998. St-Georges et St-Marc (23 et 25 avril) :

Djwâr è Markè
Mahè voltî l’brouwè
« Georges et Marquet
Mêlent volontiers le brouet » (Liége)

1000. St-Mamert, St-Pancrace et St-Servais (11-13 mai) : Après les saints de glace, il ne gèle plus. Les saints de glace sont surtout funestes aus fèves :

A l’ sin Sèrvâ.
Sèm to-t avâ.
Aprè l’ sin Servâ,
Lè fév’ ni polè mâ
. (Liège)
« À Saint-Servais,
Sème partout.
Après Saint-Servais,
Les fèves ne peuvent mal. »

1001. St-Médard et St-Barnabé (8 et 11 juin) :

Sin Mèdâr
Gran pichâr.
Sin Barnabé
Lî kas’ èl nè
(Nivelles)
Saint Médard,
Grand pissard.
Saint-Barnabé
Lui casse le nez (Liége.)

1003. St-Luc (18 octobre) :

xxxA sin Luk
L’ivyèr è-t a no n’uch.
« À Saint-Luc,
L’hiver est à notre porte. » (Mons)

1004. Ste-Catherine (25 novembre) :

S’i nîv divan sint’ Katrèn,
L’ivyèr s’a havé li skrèn.
(Liége)
« S’il neige avant la Sainte-Catherine.
L’hiver s’est gratté l’échine. »

1005. Noël :

Vèr Noyé ; blank-è Pâk
Blan Noyé ; vèt-è Pâk.
« Noël vert ; Pâques blanches.
Noël blanc ; Pâques vertes. »

1006.


Dè spès-è mati-n
E dè klér djavê ;
Dè klér-è mati-n
È dè spè djavê.
D’obscures matines
Et de claires javelles,
De claires matines
Et d’épaisses javelles. (Laroche)
  1. Le temps qu’un coq batteur met pour manger sa pitance.
  2. Forme wallonne du dicton français connu ici : « Qui rit le vendredi, dimanche pleurera ». Son acception météorologique n’est plus comprise à Liége
  3. C’est-à-dire : doit se presser, le tonnerre indiquant que la température s’est réchauffée et qu’il est en retard.