Charles Rozez (p. 9-17).


II. — Animaus.


Voici quelques exemples des croyances, usages, proverbes, etc., où interviennent les animaus.


42. Abeilles (moh a l’ lâm « mouches au miel »). — Pour empêcher les abeilles de trop s’écarter des ruches, on parcourt la campagne, le jour de la Chandeleur, avec un cierge bénit et elles ne dépassent pas le cercle tracé (Saint-Nicolas-Tilleur). — 43. Un essaim qui s’établit dans une ruche le jour de la Fête-Dieu, dispose un des gâteaus en forme de Saint-Sacrement.

46. Anguille (anwèy). — Pour faire croître les cheveus d’un enfant, on les lui lie avec de la peau d’anguille (Eneille).

49. Araignée (arè’gn’). — À Mons, écraser une araignée le matin est un présage d’argent. Partout ailleurs, pensons-nous, les présages tirés d’araignées écrasées sont conformes aus petits vers :

Araignée du matin,
Grand chagrin,
Araignée de midi,
Grand dépit[1].
Araignée du soir,
Grand espoir.

50-51. Araignée-Faucheus (kaytrès’ « dentellière » klawtî, « cloutier », wèlin, arègn’ di tér). — Les enfants s’amusent à arracher les longues pattes des faucheus. Ces pattes continuant à remuer après avoir été coupées, ils s’imaginent que ces mouvements sont volontaires et indiquent une direction en réponse à une queslion qu’ils font à l’instant. Par exemple, ils disent à Vottem en tenant entre le pouce et l’index la patte arrachée : To wis’ è-st i l’gârchampèt’ ? « De quel côté est le garde-champêtre ? ». Et la convulsion de la patte est censée indiquer dans quelle direction il se trouve.

54. Blaireau (tèsson). — La graisse de blaireau est un des grands remèdes de la médecine populaire ; on l’emploie pour guérir engelures, brûlures, blessures, etc.

58. Bousier (byès a l’ ôl « bête à l’huile », marhâ « maréchal »). — Si l’on crache sur un bousier, en faisant le signe de crois, on croit que cet animal transpire du sang (Dinant).

60. Brochet (brotchè). — Le peuple compare les os de la tête du brochet aus divers instruments qui figurent dans les représentations du supplice de Jésus.

62. Caille (kway). — On interprète son cri :

Kwit’ po kwit’
Pây tè dèt’.
« Quitte pour quitte,
Paie tes dettes. »

63. Son cri est aussi considéré comme un présage de pluie :

Kwit’ po kwit’,
Sop di tchin
« Quitte pour quitte,
Soupe de chien[2]. »

66-67. Carabe doré (tchivâ d’ôr « cheval d’or », klâ d’ôr « clou d’or », kostir[3] « couturière »). — Quand on l’écrase, on attire la pluie.

69-71. Chat (tchè). — Quand le chat passe la patte derrière l’oreille, c’est signe de pluie. — S’il tourne le dos au feu, c’est signe de froidure. — S’il fait ronron, on dit qu’il fait 73. ses prières. — Pour empêcher un chat nouvellement acquis de quitter la maison, on lui frotte un peu de beurre sous les pattes, on le prent ensuite des deus mains et on lui fait faire trois fois le tour de la crémaillère, puis on le fait gratter avec les pattes de devant sur le contre-cœur (kont-koûr) de la cheminée. (Ce rite se pratique dans toute la province de Liège, mais dans beaucoup de villages, il se réduit, soit à faire gratter le chat dans la cheminée, soit à lui frotter du beurre sous les pattes.)

74. Chauve-souris (tchaw-sori). — Les enfants lui crient à Liège :

Tchaw-sori,
Viné ci,
Vo-z âré dè pan rosti,
Dè nokyon,
K’è fwêr bon,
Po v’ loumé,
Po v’ tchâfé,
A soûmî,
D’ nos’ tchèni.
« Chauve-souris.
Venez ici,
Vous aurez du pain rôti,
Un bout de chandelle,
Qui est fort bon.
Pour vous éclairer,
Pour vous chauffer,
A la poutre,
De notre étable. »

75. On croit qu’une fois empêtrée dans les cheveus, la chauve-souris ne peut être arrachée qu’avec les cheveus eus-mêmes.

75-78. Chenilles (halèn, houyinn’). — Moyen de faire disparaître les chenilles d’un jardin : lire l’évangile de Saint-Jean à trois coins du jardin, les chenilles se sauvent par le quatrième Verviers). — Autre moyen observé, il y a environ trente ans, à Ensival : une femme, pour débarrasser son jardin des chenilles, alla en cueillir quelques-unes sur ses légumes, les mit dans un sac en papier, attacha le sac à une corde de deus mètres de longueur et lia la corde à sa jupe, puis elle partit traînant les insectes et traversa la rivière (la Vesdre). Arrivée sur l’autre rive, elle les enterra.

81-84. Cheval. — On croit que le cheval qui a un long chanfrein et par conséquent le trempe dans l’eau en buvant, est d’un caractère ombrageus. — Si un cheval laisse son engrais devant votre porte, c’est signe d’argent. — Le cheval qui hennit annonce le beau temps. — Les jeunes filles disent à Liège :

Un cheval blanc,
Je verrai mon amant.
Un cheval gris,
Je le verrai lundi.
Un cheval noir,
Je le verrai ce soir.

(Defrecheux n° 248, p. 108).

85. Si une jeune fille compte cent chevaus blancs, elle épousera le premier jeune homme qui lui donnera la main (Verviers, Dînant), qui la regardera (Liège, Nivelles), qui lui adressera la parole (Charleroi, Anvers).

89-90. Chien. — Le chien qui hurle la nuit annonce une mort prochaine. — “ Le paysan croit qu’il arrive souvent à la chienne de s’accoupler avec le loup. Dans ce cas, dit-il, la portée contient toujours un chien-loup (on tchin-leu). On le reconnaît à ses instincts batailleurs et cruels. Il faut se hâter de le faire périr, sinon il finirait par étrangler son maître. „ (Defrecheux Faune wallonne). — Proverbe : bat’ lu tché dvan l’ liyon « battre le chien devant le lion » (Verviers).

95-96. Cloporte (poursê d’ kâv « pourceau de cave »). — Voir des cloportes est signe d’argent.

96bis-98. Coccinelle (vatch d’ôr, vatch d’Ardèn, vatch di sin Dj’han, byès’ a bon Dyu, byès’ di sin Dj’han, byès’ di sin Mârtin, pipou, pipwèr, sèpyeûr, kostîrèt’ di sin Mârtin). — En écraser une, c’est attirer la pluie. — Les enfants, pour savoir s’il fera beau, font courir sur la main une coccinelle. C’est bon signe, si elle s’envole après qu’ils ont dit la formulette :

Kostîrèt’ di sin Martin,
« Petite couturière de Saint-Martin,
Si vo n’ mi djo nin
K’i frè bya dmwin,
Dji v’ kop li tyès’ int’ deu fyèrmin
.
Si vous ne me dites pas
Qu’il fera beau demain.
Je vous coupe la tête entre
xxxxxxxxxx[deus haches. »
(Texte de Dinant.)

110-112. Corbeau (kwèrba, appelé aussi krahâ, kwâk (à cause de son cri), Kola « Nicolas » et Djâk « Jacques »). — ” Les campagnards pensent que ses œufs éclosent pendant la journée du Vendredi-Saint. „ (Defrecheux Faune wallone). — Les enfants crient à Herstal en voyant passer des vols de corbeaus :

Kwâk, kwâk,
Voleûr â djèy,
I-y a vos’ moho-n ki broûl
.
« Couac, couac,
Voleur aus (de) nois,
Il y a votre maison qui brûle. »

114. Corneille des clochers (kwèrbâ d’klokî, tchâw). — Au commencement de ce siècle, on racontait qu’il y avait dans la tour de l’église Sainte-Marguerite à Liège, une corneille qui, la nuit du Vendredi-Saint, allait pondre un œuf d’or dans le grenier d’un habitant de la paroisse. On expliquait ainsi certaines fortunes rapides et chacun se gardait de fermer cette nuit toutes ses fenêtres. (Gérard dans Bull. Soc. Litt. wall. 2e série. 11,266.)

116. Coucou (koukou). — On aura de l’argent toute l’année, si l’on en a en poche la première fois que l’on entent chanter le coucou au printemps. — Quand les enfants l’entendent chanter, ils font 117. un signe de crois, puis un cumulet et se croient alors certains de faire une trouvaille agréable, ordinairement un petit couteau (Provinces de Namur et de Hainaut).

119. Couleuvre (kolow). — On croit que la peau que la couleuvre a dépouillée guérit les clous si on l’applique sur la partie du corps opposée à celle où le clou se trouve (Defrecheux Faune wallone).

121. Crapaud (krapó, krapó vènin). — Les enfants sont persuadés que le crapaud est le mâle de la grenouille.

132. Grillon (krikyon. krityon, kritchon). — Pour débarrasser une maison des grillons, on en met trois dans une boîte qu’on tient derrière soi. Il faut ensuite passer trois fois une rivière et jeter la boîte à l’eau derrière soi, puis revenir par un autre chemin. Comparez Chenilles n° 78.

136. Hanneton (balow, bizaw, byès’ âbalow,âbalow). — Les enfants s’amusent à le faire voler retenu par un fil fixé au dernier segment en pointe de l’abdomen. Ils cherchent alors à saisir le hanneton par cette extrémité, sans interrompre son vol. En cas de réussite, ils disent que le hanneton prêche (prétch).

149-150. Libellule (mârtê d’ dyâl « marteau de diable », sizèt’, kok d’îl, makrê « sorcier », molinê, koûté). — On croit que si une libellule vous frappe au front, vous devez mourir dans l’année.

152-153. Lièvre (liv). — On frotte les gencives des enfants qui font difficilement leurs dents avec de la cervelle de lièvre. — On croit que le sang d’une hase pleine arrête les hémorragies.

156-157. Limace (lumson). — Écraser une limace, c’est amener la pluie. — Pour débarrasser un champ des limaces, on en transperce deus et on les fiche en crois sur le sol (Dînant).

159-160. Loup (leu). — On dit d’une personne enrouée qu’elle a vu le loup. — Réplique rimée : Dj’ê freu ! — Mous’ o kou do leu. « J’ai froid ! — Cache-toi dans le derrière du loup ». (Laroche).

163. Mésange charbonnière (gros’ mazindj, sissideu). — On fait de son chant les vers qui suivent :

Si si deu,
Si si deu.
Pây tè dèt’,
Si tu deu.
« Si, si dois,
Si, si dois.
Paie tes dettes,
Si tu dois[4]. »

165. Moutons. — La jeune fille qui rencontre un troupeau de neuf moutons, épousera le premier jeune homme qui lui donnera la main (Liège).

172.174. Pie [aguès’ (Liège), agas’ (Luxembourg et Namur), pâkêt’ « communiante », Margo (Mons)]. — La pie qui chante à droite est de bon augure ; celle qui chante à gauche, signe de malheur.

177. Pigeon (kolon). — Pour qu’un pigeon que l’on a acquis ou volé ne retourne plus chez son ancien maître, on lui arrache la huitième penne d’une aile et on l’attache à une paroi du pigeonnier (Herve).

250. Porc (poursê). — Pour guérir les porcs de la congestion, on emploie le remède suivant : arracher trois soies à la place où le porc a mal et mettre une soie entre le pouce et l’index, une entre l’index et le majeur, une entre le majeur et l’annulaire ; dire alors cinq pater et cinq ave à saint Antoine en l’honneur des cinq plaies, puis jeter ces trois soies dans le feu (environs de Verviers).

183-184. Pou (pyou). — Rêver de pous est présage d’argent. — L’abondance des pous chez les enfants est considérée comme un signe de santé.

107. Poule et coq. — Question facétieuse : Pourquoi le coq ferme-t-il les yeus en chantant ? Réponse : Parce qu’il 105. sait sa musique par cœur. — Si le coq chante le matin entre quatre et cinq heures ou le soir entre dis et onze, le temps changera. 186-187. — Quand une poule chante comme un coq, cela signifie que le maître de la maison laisse porter les culottes par sa femme. Pour redevenir le maître, il n’a qu’à égorger la poule. 194-196. — Si les poules se nettoyent furieusement les plumes avec le bec, c’est signe de pluie. — On met les œufs à couver à une poule en nombre impair. — On dit à Laroche : Gn’ a sèt’ petchî môrtél divin o-n oû « Il y a sept péchés mortels dans un œuf ». — Le poulet né d’un œuf pondu le Vendredi-Saint change de couleur chaque année.

198-200. Punaises (wandyon). — Pour éloigner les punaises d’un lit, y mettre un os de mort. — Autre moyen. Lire l’Évangile de saint Jean aus trois coins de la chambre. Elles s’en vont par le quatrième (Verviers) ; cp. Chenilles. — Pour se délivrer des punaises, ou en met neuf dans une boîte qu’on tâche de déposer dans la poche d’un passant, voisin ou visiteur quelconque. Les punaises se transportent toutes dans la maison de ce dernier (Herve).

203. Rat. — Quand on est mordu par un rat, il faut chercher à le tuer, lui couper du poil et mettre ce poil sur la morsure.

206-207. Roitelet (róytê[5] houplé « roitelet huppé », piti róyté, ouhê dè bon Dyu). — S’ è lu k’ a-st apwèrté l’ feu so l’ mond’ « C’est lui qui a apporté le feu sur la terre ».

208-210. Rossignol de mur (rotch kow « rouge queue »). — On le considère comme de mauvais augure : oûhê d’ mwér « oiseau de mort ». — À Herve, on interprète son cri :

Kwan dj’ èn-n’a ralé, lè sina
xxxxxxxxxx[èstî plin
.
« Quand je suis, partie, les greniers
xxxxxxxxxx[étaient pleins.
A st’ eûr ku dj’ so ruvnâw, i
xxxxxxxxxx[n’a pu ré dvin.
À cette heure que je suis revenue,
xxxil n’y a plus rien dedans. »

212-186. Souris (sori). — On dit que pour guérir les enfants affectés d’une incontinence d’urine, il faut leur faire manger des souris, rôties. — Quand une personne est atteinte de dartres autour des lèvres, mal qui s’appèle mal de souris, on dit qu’elle a été « caressée par une souris » ou qu’elle a mangé « après une souris » (Herve).

221. Taupe (foyan, foyon). — On croit se guérir des transpirations aus mains en pressant dans les doigts une taupe vivante, jusqu’à ce qu’elle en meure.

225. Truite. — Comparaison : hêtèy kom i-n pitit’ treût’ « saine (et vive) comme une petite truite ».

226. Vache. — Une vache pleine mettra au monde un taureau, si la touffe de poils qu’elle porte entre les cornes est levée ; une génisse, si cette touffe est abaissée. 248. — On met du sel dans la gueule du veau qui vient de naître. 255. — Pour que le beurre se fasse vite, on emploie différents moyens superstitieus : quelques gouttes d’eau bénite sur le morceau d’étamine qui sert à bien fermer la bonde du tonneau qui sert de baratte (Hesbaye) ; une pièce de cinq francs dans la baratte (Louveigné) ; trois feuilles de buis bénit dans la baratte (Moha).

229. Verdière (djâzrèn). — On dit que c’est elle qui a fait découvrir le tombeau du Christ, et l’on traduit son cri par : Dizo, dizo sis’ pîr « Dessous, dessous cette pierre » (Luxembourg).



  1. Variantes : Grand esprit et grand plaisi.
  2. « Soupe de chien » s’emploie couramment en wallon dans le sens de « pluie ».
  3. Le wallon appelle kostîr la courtillière et le carabe doré.
  4. Dji deu « je dois » s’emploie en wallon sans autre complément dans le sens de « j’ai des dettes ».
  5. Le nom de róytê sans épithète est donné en wallon au troglodytus parvulus.