Le Folk-lore de l’Île-Maurice/La chanson
TROISIÈME PARTIE
LA CHANSON
i la tâche a été pénible de recueillir et de
coordonner les matériaux de nos contes,
bien plus laborieuse encore a été la
réunion de ces fragments de chansons. Émiettées
dans cent mémoires à la fois infidèles et jalouses
de ne pas se laisser interroger, nos vraies chansons
créoles n’existent plus qu’à l’état erratique.
Et les morceaux en sont si petits, si ténus, qu’un
doute nous est venu qui serait bien près de se
changer en certitude : la chanson créole n’a
existé, dans le principe, qu’à la condition qu’on
appelle chanson un simple refrain. La chanson
créole, en effet, n’a eu d’abord qu’une phrase,
phrase unique répétée à satiété durant des heures entières, pour les besoins du séga. À cette danse
épileptique suffisaient quelques courtes paroles,
pour soutenir jusqu’à épuisement de forces les
danseurs galvanisés par le rythme implacable que
martelait la marvanne.
Voilà nos lecteurs prévenus : de nos chansons créoles, les premières en date, nous n’avons qu’une phrase, rarement deux, à leur donner, et nous sommes à peu près sûr qu’elles n’en avaient pas davantage.
Une présomption en faveur de cette hypothèse.
Il y a quelques mois, le premier de l’an nous trouvait en villégiature à l’autre bout de notre immense pays, dans un quartier perdu, que sa distance même du centre brillant de notre civilisation n’a encore ouvert qu’imparfaitement aux lumières de notre bienfaisante aurore. C’était au bord de la mer. Le gardien du campement que nous occupions fêtait la bananée avec la dévotion des anciens jours, et sous son toit patriarcal avaient afflué le ban et l’arrière-ban de ses fils et de ceux qui étaient nés de ses fils. Les fêtes durèrent cinq jours, et, plus d’une fois, pendant ces cinq jours, nous pûmes nous croire revenu aux temps lointains de notre enfance, à ces temps bénis dont en tout pays, le nôtre excepté, il est admis qu’un cœur bien fait puisse conserver un pieux souvenir.
Ces attardés s’amusaient comme s’amusaient leurs pères.
Le premier jour, un couple de citadins venu de la capitale lointaine donnait le ton aux divertissements de la compagnée. On dansait des quadrilles, les lanciers, des valses surtout, aux accords savants de lacorde déon ; on chantait, on jouait aux jeux innocents, et les grands filaos sonores faisaient leur ombre légère sur cette idylle fraîche enrubannée qu’eût peinte Watteau de son pinceau le plus élégant. Mais, vers le soir, les deux Port Louisiens s’arrachèrent aux embrassements de leurs proches, et les champêtres restèrent entre eux.
La fête, nous l’avons dit, dura cinq jours. Cinq jours durant l’on chanta et l’on dansa. C’est des chansons que nous avons affaire, le lecteur n’a pas à nous le rappeler.
Le premier jour, le grand répertoire, l’opéra ; Port-Louis, nous le répétons, était là. Racel, quand di Seigneir ; O ma fille cérie ; Zardins dé Balcasar ; Ene anze, ine fanme incônie ; nous en passons, il suffit d’avoir indiqué le genre.
Le second jour, un revenez-y vers la romance sentimentale, la romance langoureuse aux yeux blancs, où lé zénes filles crielles font pleirer lé zénes zens qui chantent de la gorge : Té t’en souviens, Marie ; Mon queir é môrt à l’avénir ; Pauvré fleir déchéchée.
Mais dès le matin du troisième jour, sous l’énergique poussée interne des rafraîchissements qu’imposait cette ardeur de musique et de danse, l’enduit extérieur se mit à s’écailler, le vernis léger s’en allait plaque après plaque ; avant midi la désquammation était complète, et la marvanne ronflait, tandis que le séga vainqueur trépignait sous l’ombre légère des grands filaos sonores, où Watteau ne peignait plus, mais où, discret, nous écoutions entre deux bains de mer. Car c’était une bonne fortune bien rare que ce séga des anciens jours ; c’était un spectacle que ni pour or ni pour argent ne parviendrait à acheter la curiosité d’un profane, et la Néréide nous l’offrait gratis qui sourit à notre ouvrage.
Ce qu’ils chantaient en battant le sable de leurs pieds nombreux, le voici. Comprenne qui pourra ; c’est farouche et fermé.
Basia ! basia ! basia !
To léqueir fini parti.
L’amour dé bengali ;
Basia soucani,
La finabarca !
I go to day, I come to morrow.
Papa, oh maman, oh aïoh !
Cote mo doudou, cote mo salé.
Papa, oh maman, oh aïoh !
Laisse-moi dourmi dans la rie La Rampe.
Tout zénes zens galibar
Qui ti vine dans camp lascar
Qui ti mette en fireir
La cause Bangsal napas lève son goun
En bas tambarin.
Matirité bissic, la montée barrée !
Quand zénes zens galibar
Ti vine dans camp lascar,
Zaute ti dire av Ocni :
Si to napas lève ton goun.
L’année qui vini,
To napas va lève encore.
Tape dans l’embarras.
Matirité bissic, la montée barrée !
Personne va tire-moi là.
Calebasse ça qui zoué viélon,
Çatte qui éna matou faire l’embarras.
Ah ! Mimi, mo léqueir !
L’esprit volaze napas bon.
Quand vous mari napas là.
To coment coudvent dans la rie ;
Quand to mari dans la case,
To coment bonne fille la maison.
Napas bisoin çagrin, pitit fille ;
Avant la semaine li passé,
Nous va prête lèzaile zhirondèle.
Napas bisoin çagrin, mon coco !
Dans cinque minites ptit moment.
Avlà signon signal signalé,
Avlà signale Canada !
Mo monte làhaut Belle étoile,
Mo zette la ligne trois canal,
Mo croce anguille trois couleir.
Ali Banban, la graisse cateau va touye nous !
Quand même vou a mette moi dans la pompe,
Quand même vou a zette moi dans la seine,
Quand même vielle là passé avale moi,
Faut qui mo trouve léboute mon pays.
Mo fanme, dans to maladie,
To napas manze narien !
— Mo mari, ce qui mo oulé manzé,
Dans lé pays napas iéna !
Mo mari, si ous content moi,
Mo mari, vine donne-moi la main,
Laisse-moi défonce poulailler.
Ah ! mon coco, si mamzelle Zeaune ti éne bonne fanme,
Li ti va condire-moi à côte paquét fleirs.
Vous plaît-il que nous essayions d’y entendre quelque chose ? Quand ce ne serait que pour donner une haute opinion de notre sagacité.
Les deux premières strophes se dérobent complètement : « Basia, La finabarca, I go to day, I come to morrov », autant de mots qui n’appartiennent à aucune langue, et qu’il faut renoncer à traduire en chrétien.
Avec la troisième et la quatrième strophe, le sens s’éclaire : « Ce sont des zénes zens qui se fâchent parce que lé prêtre lascar’ leur fait attendre la levée du goun. » Mais qu’est-ce que la Matirité bissic, et La montée barrée ? Personne va tire-moi là, comme dit le dernier vers du couplet.
« Ce joueur de violon est une calebasse, » dit la cinquième strophe, et « Une chatte qui a trouvé un matou fait ses embarras ».
La sixième est satirique : « En l’absence de son mari Mimi s’espace ; » il rentre, « elle baisse les yeux et serre les coudes. »
La septième est un poème exquis en trois vers : L’amante pleure : « Essuie tes larmes ! avant la fin de la semaine nous aurons emprunté les ailes de l’hirondelle. »
La huitième console la brune Coco. Elle pleure le beau matelot avec qui son cœur s’est embarqué à bord du Canada : « Patience ! encore cinq minutes, Coco. La montagne des Signaux a mis une boule au bout du bras sous le vent : heureuse Coco ! c’est le Canada. »
La neuvième est obscure et tronquée.
Et la dixième ? Cet Ali Banban qui est-il ? La cateau, la pompe, la Seine, et ce pays dont il faut trouver le bout ?
Mais la onzième parle net : Le mari est inquiet, sa femme ne mange pas. Eh bien ! qu’il lui aide à défoncer le poulailler du voisin. Le mari sourit, défonce, guérit, et cette médication rend l’élève des volailles particulièrement difficile à Maurice.
Au dernier distique, un bouquet auprès duquel l’Amant sollicite Coco de le faire conduire par Mamzelle Zeanne ; cela vient en droite ligne du Roman de la Rose.
On sait maintenant comme nous à quelle source de poésie le séga va puiser. Cette poésie, le lecteur n’essaiera pas plus que nous de la réduire aux règles de la prosodie la plus élastique : pas de nombre, pas de rime, pas même d’assonance ; la marvanne bat les temps forts, et ça suffit.
Qu’on n’aille pas croire cependant que le barde à peau noire, si la fantaisie lui en venait, ne sût tout comme un autre, trouver la rime « de nos vers échos harmonieux ».
Msié Sangaraye
Volor gâteau moutaye ;
Li saute la miraille,
Li gagne coup dsagaye
Dans son…… maye,
Li tombe làhaut la paille,
Li crie aïe, aïe, aïe !
Mais Lindor ne s’attarde pas à ces tours de force puérils ; il y excellerait, on le voit, et cela lui suffit. Alors même que la rime vient par surprise usurper une place à la fin de ses premiers vers, vite il la répudie :
Bonhomme Gaspard
Tombe dans rempart,
La qué nhabit faire cerf-volant.
Aïoh Mamzelle, aïoh Mamzelle,
Vous robe la que balié la rie.
Napas la peine coné zhabitant,
So lérein raide coment bambou.
Rien de varié comme la matière de la chanson créole ; elle s’inspire de tout, ou mieux, de rien : l’incident du jour lui suffit, pour infime qu’il soit. De là, sans doute, ces obscurités qui défient toute pénétration : avec le souvenir du fait le sens de la chanson a été aboli pour toujours ; Basia soucani, il faut s’y résigner.
En dépit de leur variété, il nous semble cependant que nous pouvons ranger sous quelques chefs principaux les productions rudimentaires de notre Muse Noire. D’abord, les chansons érotiques et les chansons satiriques, car ce sont bien là les deux caractères qui s’y rencontrent le plus communément. Ensuite nous montrerons le rapsode demandant à l’histoire de rares cantilènes, d’où ne sortira certes aucune épopée. Puis nous donnerons quelques-unes des berceuses que les nénènes disent à nos bébés, quelques refrains d’enfants qui jouent, et encore quelques ségas. Nous terminerons enfin en faisant voir comment la romance venue de là-bas finit par supplanter la chanson indigène, au fur et à mesure qu’un commerce plus étroit avec la langue française ouvrait à nos chanteurs l’accès d’un répertoire plus élevé. Nous verrons de quelle force à leur tour ils s’essayèrent eux-mêmes à notre poésie, et comment enfin, aujourd’hui, tous ici savent manier la langue de Chateaubriand et de Paul de Kock, et la trouver docile à tous les besoins de la vie.
Dimance bô matin, zéne fille, nous va alle bazar ;
Ous a méte ous ptit robe, zéne fille, avec ous souliers ;
Mo a méte mo caneçon, zéne fille, avec mo çapeau ;
Ous a passe par la porte, zéne fille, mo pass par la fenéte ;
Nous va alle dans cariole, zéne fille, ou bien dans caléce ;
Batate av magnoc, zéne fille, nous va alle manzé.
Chaque vers est bissé ; le tentateur ne glisse pas, il appuie.
Mo passe au bazar, mo zéneau tombé ;
Milien ramassé,
Li pas oulé rendé.
Rende mo zéneau, Milien ! (ter)
Mo papa va batte moi.
Dimance grand matin mo passe au bazar,
Mo çapeau tombé,
Ptit fille ramassé.
Mo dire li rendé,
Li pas oulé rendé ;
Li dire moi coume ça
Faut nous démarié.
Rende mo çapeau, ptit fille ! (ter)
Vou maman va zoure moi.
C’est sur le patron d’une églogue antique : Amant alterna Camænæ.
Voici maintenant la plainte harmonieuse d’une amante qu’a trahie le volage Bassillon :
Mo ti éna mo zoli zozo,
Mo zozo ti éna so nique ;
So nique ti dans feillaze.
So feilles ti dans so brance.
So brance ti tiombô so zarbe.
So zarbe ti éna racines,
So racines ti dans la terre.
Aïoh, aïoh ! la terre manque dileau Bondié !
Bassillon, Bassillon, Bassillon !
Ton quière fini parti.
L’amour dé bengalis, Bassillon,
Passe aussi vite que la rosée !
Ce zozo allégorique est connu partout ; mais quelle suite dans les métaphores, jusqu’à ces racines auxquelles manque l’eau du bon Dieu !
Souhait :
Si mo té zozo, mo ti envolé,
Mo ti envolé dans lés îles ;
Mo aile guette Sidonie la péce posson,
Coment paillenqui dans dileau.
Autre éjaculation :
Grand la vérette passé ;
Tout nous famille pour môrt.
Nous dé va reste tout seil ;
Qui nous va faire, Adélia ?
Séduction :
Ptit fille, vine dans mo la case !
Mo napas manque narien :
To a prend par pongnées dou riz.
To a fane av to ptit poules.
Soyez prudents :
Si vous content moi, zénes zens.
Si vous content moi,
Condire moi la case mo papa.
En arrivant la case mo papa,
Napas bisoin rentré, zénes zens,
Napas bisoin rentré :
Papa là li trop mauvais.
So bâton derrière laporte,
Zénes zens.
Bâton là appélle Samoindo,
Zénes zens,
Li a samoinde vous rondement.
Désespérance :
Mamzelle Fifine, mo bien content vous,
Mais dire domaze mo peir vous papa.
Donne dileau di sel, donne dileau piment :
Mo a faire plore mo liziés pour passe mo çagrin !
Autres guitares :
Philozène Valéry
Fine enlève pitit Madame Louis.
Madame Louis parlé
Quand même li a vende so pirogue.
Quand même li a vende so bâteau.
Faudrait li trouve son boute Philozène.
Nigodine parlé :
Mais, manman, si mo té poupette,
Poupette qui vende dans bazar,
Ptit poupette,
Philozène ti a mette moi dans so poce.
To cause moi l’amour
Derrière la cousine ;
Si mo papa va trouve toi
Li va casser to léreins.
Aïoh mon ptit coco, aïoh mon ptit coco,
Cornent li goût ! cornent li goût !
Marie Louise av Josselin
Zaute dicende en bas bosqué.
Qui to faire là, Marie Louise ?
— Mo après veille dizéfs martin.
— Napas la magnère, Marie Louise,
Pour to veille dizèfs martin ;
Guette la séceresse à présent.
Tout martins tine làhaut la mare.
À une ingrate :
Mo ti malade, zéne fille,
Ous napas léqueir voir moi !
Bague larzent dans lédoigt,
Mouçoir cent sous dans licou.
Mo ti malade, zéne fille,
Ous napas léqueir voir moi.
À une infidèle :
Aïoh Liza ! aïoh Liza !
To quitté moi, to prend mari cinois.
Rende mo paquets, Liza ! (bis)
To quitté moi, to prend mari cinois.
Anzélina, mo fanme :
Pèse, pèse-moi.
Anzélina, mo fanme,
Mo gagne point de côté.
Faux rapport :
Mo passé Pont-Zénie,
Mo zoinde Aurélie ;
Li donne moi nouvelle
Limorin dans mo la case.
Pas plis étonnant !
Mo arrive dans mo la case,
Mo zoinde lé voleir
Dans mon fauteil cornent mo même.
Mo démande lé voleir :
Qui ous faire ici ?
— Pas batte moi, compère !
Pas batte moi, compère !
Commère ti engaze moi
Pour vire paillasse,
Pour touye pinaises.
Entre voisins :
Napas tende, Mame Edouard,
Ma Ranie faille fanme !
Napas tende, Mame Edouard,
Ma Ranie faille fanme.
Coups d’canon tiré, Marne Edouard,
Zisqu’à bô matin.
À huis clos :
Madame Laurette, mo ménazère,
Ous faire moi la misère.
Si mo colère monté,
Mo a montré vous la magnère
Madame coné très bien :
Avoyé ! sacouyé ! avoyé ! sacouyé !
Impatience :
Auguistine donc, mo fanme,
Grand doumounde coment vous
Quitte vous marmite làhaut difé,
Pour aile prômené grand cimin.
Zour mo va fine en colère,
Mo va lève la main làhaut vous.
Té parents va tombe làhaut moi,
Tralala, tralala, tralala.
Pour finir, une de ces chansons anecdotiques dont le parfum s’est presque tout évaporé :
Lindi bo matin mo levé,
Mo décende en bas Çamarel.
Zénes zens Çamarel entoure moi.
Donne-moi éne heire lé temps,
Ptit moment.
Mo tire mo mouçoir dans mo poce :
Guette dans bordire mo mouçoir
Ous a trouve signatire Madame.
Dans ça mouçoir
Rendez-vous Madame ti donné
Dimain à quate heires.
Açtheire mo napas coné personne ici.
Ous même mo manman,
Ous même mo papa ;
Si mo tombe malade,
Ous même qui a sogne moi.
Nous passons à la satire. « Lucile, le premier, osa la faire voir. »
En bas la rivière, mmâ Licile,
To donne tété coçons, mmâ Licile,
To donne tété coçons.
Ça même to content, mmâ Licile,
Pour donne tété coçons.
La belle Rose, pour éne zoli fille coment vous,
Vous quitte cimin dans camp.
Vous aile l’allée dans magnoc.
Pour ène zoli fille coment vous napas di honte !!
Nazéni, cote ous allé ?
Ous habille coment comédienne.
Ous famille dans camp de Mars
Après guette çouvals galopé.
Ptit fille oulé coné
A cote léglise zanimaux.
Zanimaux quand li va môrt,
So name napas alle au ciel.
Gouverneir fine empécé
Mozambiques mette malakofF.
Zalousie, coco ! zalousie, coco !
To liziés cornent bigorneaux.
Mo ti aile dans éne la case
Dans ça la case coment misère !
Lérats gros coment cabris,
Lérats gros coment cabris !
Dimance bô matin
Mo couri bazar,
Mo renconte Iranie.
Qui robe li mété, coco !
Qui robe li mété !
Robe pompadour, coco,
Çapeau la dandy.
Mamzelle Souillac quand fine çanzé
So léreins raide coment bambou.
Mo pas content condire mamzelle.
So laqué robe balié la rie.
Trois zours trois nouites napas pirzé, Zoline !
Zoline pas pirzé, vine vilement Zean Guistin,
Vine vilement, apporte to seringue bourrique.
Msié Biguitte bon blanc,
Oui Msié Biguitte bon blanc ;
Li faire plante la vanï
Pour adouci lé queir so madame.
Madame Biguitte content,
Oui Madame Biguitte content
Qui li pour gagne lé queir bien tende,
Tende coment la rosée bô matin.
Madame Zelmire napas éna la honte,
Sourte en cimise divant brigadier.
Faut bien espère brigadier guette comme ça même.
I say, my boy, donne mon couteau ;
Pas largué, pas largué, Zéline ! mo vini !!
Anzéline fini accoucé.
Qui ptit li fine gagné ?
Li accouce éne ptit Zacot,
Vraiment ptit Zacot.
Doumounde vine guétté :
Vraiment ptit Zacot,
Vraiment ptit Zacot !
Zénes zens dans camp Bénoit
Tous lé samedis décende en ville.
Trois quate batates bouï
Dans zaute berceau pour la zournée.
Esquisé diboutant, esquisé diboutant,
Zénes filles laisse pointeirs passé.
Zé monte montagne Ory,
Zé renconte Msié milate
Grands favoris,
Ec so laqué la morie
Qui condire çarette bourrique :
Ahi, ahi, mo milet,
Ahi ! mo milet Poitou.
Entre nos chansons satiriques, il en est deux sur lesquelles leur notoriété nous force à insister. La première, Cari lalo, nous vient du passé le plus lointain ; l’autre, Ramsamy Courtin, plus récente, comme l’indique le nom indien de Ramsamy, n’est pas moins populaire que son aînée. Elles sont l’une et l’autre dans la mémoire de tous ; de là des variantes innombrables entre lesquelles nous avons choisi de notre mieux.
Cari lalo, nous l’avons dit, date d’un autre âge. Nous en donnerons le couplet initial sur lequel tous les autres, dûs à cent créations indépendantes entre elles, sont venus se modeler tant bien que mal. Nous citerons quelques strophes ; mais nous nous garderons d’épuiser la matière : l’espace nous manquerait, comme la patience à quelques lecteurs.
Cari lalo, milatresse, to pique sousouna,
Cari lalo, milatresse, to pique sousouna ;
To pique sousouna, milatresse, to dire la liqueir.
To pique sousouna, milatresse, to dire la liqueir.
Cari lalo, milatresse, to pique sousouna.
Cari lalo, milatresse, to monte dans cariole, (bis)
To monte dans çariole, milatresse, to dire dans calèce. (bis)
Cari lalo, milatresse, to monte dans cariole.
Cari lalo, milatresse, to porte chrysocale, (bis)
To porte chrysocale, milatresse, to dire di l’or fin. (bis)
Cari lalo, milatresse, to porte chrysocale.
Le lecteur le comprend maintenant, il n’y a pas de raison pour que la chanson finisse : To manze bambaras, milatresse, to dire camarons ; To houï lagrains zaque, milatresse, to dire triffes dé France, et les aménités succèdent aux politesses. Nos futurs traités de rhétorique créole trouveront là un exemple touffu d’antithèse.
Ramsamy Courtin est aussi une chose à tiroirs; libre à qui veut d’y mettre ce qu’il veut. D’où nous vient la chanson ? L’histoire ne répondant pas, nous en sommes réduit à l’induction, et voici la genèse que nous proposons au lecteur.
Un père, propriétaire d’un « immeuble », voudrait bien marier sa fille. Il a invité à dîner un zéne homme qui pourrait lui faire un gendre. Il donne à son domestique, Ramsamy Courtin, en l’envoyant au bazar, vingt-cinq sous et le menu pour le festin du soir. Cependant le zéne homme arrive. Le père, pour avancer les choses, veut faire chanter sa fille ; la zéne vierge s’y refuse. Changement de tactique du propriétaire : c’est par l’ostentation de son luxe qu’il séduira son hôte ébloui. Et il énumère, avec une légitime fierté, les richesses de sa maison, les commodités de son mobilier, dont pas une pièce secrète, pas un vase intime n’échappe à son inventaire. Entre temps, on se met à table, et l’amphytrion, au dénouement de la pièce, commande à Ramsamy Courtin de lui ôter vite sa cravate : on verra pourquoi.
C’est nécessairement dans la revue du mobilier que la fantaisie créole se donne carrière ; là, notre imagination folâtre se sent la bride sur le cou : Guette dans mo lormoire serviettes pour souye lipieds ! Guette dans fond jardin cacouse en bas banoir ! C’est interminable, et spirituel Zisqu’à napas bon.
Il nous suffit maintenant de donner le cadre du tableau ; le lecteur est libre de brosser sur la toile ce que bon lui semblera.
Ramsamy Courtin,
Va-t’en au bazar :
Ene la tête cabri.
Six sous mouroungue bâtons,
Restant la monée
Prend éne sou disel,
Avlà veine-cin sous, Ramsamy,
Napas blië massala.
Gantez donc, ma fille.
Ma fille ne vé pas çanté !
Ciantez donc, ma fille,
« Bel anze, ô ma Licie ! »
Ciantez donc, ma fille,
Et largue tout vous la voix ;
Ciantez donc, ma fille !
Ma fille ne vé pas çanté.
Guette dans mo parterre
Pied belsamine en fleir ;
Guette dans mo zardin
Zet d’eau qui hisse en l’air ;
Guette dans mon salon
Portrait Lapoléon ;
Guette en bas lilit
Ene bande pôdçambe doré.
Guette dans mo grenier
Paquet tambarins mîrs ;
Guette dans l’écairie
Ene paire bel bourriquéts…
Aïoh, aïoh, Ramsamy.
Mo gagne malad latête ;
Tir vitment mo cravate,
Ramsamy,
Et laissé moi ômi.
Et ce qui contribue encore à faire de Ramsamy Courtin « a favourite song with us », c’est que de piquants lapsus linguæ donnent tout de suite à certains mots une physionomie irrésistible ; un garçon d’esprit ne faillira jamais à prononcer ma Licie, belsamine, bourriquét, de façon à ravir d’aise son auditoire. Aussi Ramsamy Courtin pourrait bien être la perle de notre répertoire ; perle noire, d’accord, mais pour être noires, les perles se jettent-elles aux pourceaux ?
Nous avons, un peu à la légère, promis quelques chansons « historiques » ; dégageons vite notre parole.
Dans c’temps-là mo té garde moutons,
Mo té garde moutons dans lacacia ;
Qui moutons ça ? qui moutons ça ?
Moutons Msié LéBréton.
En avant marçons
La case Anderson,
Parasol en bas lébras,
La peau beif dans lipieds,
Bardeau làhaut latéte.
À présent qui nous Mamzelle,
Pis souvent qui nous va piocé.
Fragment de chanson sur un juge célèbre :
Msié Zérémie fine arrivé ;
So çapeau sir lé coté,
So nhabit li galoné...
Sur un assassin fameux :
Madame Bidec, Madame Bidec
Donne dé cents souverains
Pour alle rôde avocat
Pour sauve la vie Macoulé.
« Manman Nanette, manman Nanette,
Alle rode avocat ! »
Mo monte canal Bélot,
La rivière fine débordé.
Ah bondié, moi éne fanme saute là !
Quand mo ti zozo, mo ti envolé
Pour alle rôde avocat
Pour sauve la vie Macoulé.
Gouverneir nouveau fine arrivé,
Li donne so condamnation
Pour Macoulé condamné
Condamne à la peine de mort.
Macoulé avant li mort
Li dire avec tout doumounde :
« Prié lé bon Dié pour moi,
Mo mort pour narien. »
Sur des réjouissances projetées pour la fête of the late Prince Albert :
Dipis zédi lé neif
La naissance prince Albert,
Mo ti aile là haut dans zardin,
Mo écoute ces Messiés consilté :
Zaute envôyé la malle Angléterre ;
Aussitôt la malle va tourné.
Va iéna liminé dans zardin.
Sur le départ du général ***, Governor of Mauritius, et sur l’inauguration des becs du « Mauritius Gaz Company ».
Engazement fini, mo zénéral :
Létemps pour alle Angléterre.
Paravaat vous alle Angléterre,
Fanals gaz vous va saye dans la rie.
Tous négociants réponde :
« Quand même sayé napas sayé,
Mo gaz li fine garanti. »
Labourdonnais réponde :
« Napas blie moi, mo zénéral.
Enterre quate colonnes divant moi.
Quand même vous napas allirae divant.
Va gagjae clair derrière mo lédos. »
Sur la visite du prince Alfred, duke of Edimburg :
Montagne signaux signalé.
La citadelle réponde
Trois coups de canon :
Prince Alfred arrivé.
Li vire so face sir l’côté,
Li envôye trois coups de canon.
Li tremblé partout dans la ville ;
Tout doumounde guette ça,
Tape la main partout.
« Mette pavillon partout,
Prince Alfred arrivé ! »
Msié Pinot tende ça,
Li écrire papier négociant
Pour alle monte çateau dans Bois-Sec.
Tout zénes zens mette boléro,
Tout zénes filles mette malakoff.
Faut nous alle guette festin dans Bois-Sec.
Lève vous lipieds, zénes zens,
Lève vous lipieds, zénes filles :
Avlà festin commencé !
Çauffe vous tambour, zénes zens !
tape vous tambour, zénes zens,
Guette coment zénes filles baloté !
Balote vous léreins, zénes zens,
Balote vous léreins, zénes filles,
Ça coment balancier cimin dfer.
En voilà assez, n’est-ce pas ? on voit à quelle hauteur Mlle Clio chevauche notre « çouval Pégase ».
Quelques berceuses et quelques chansons de jeu.
Dodo, mon baba,
Dodo, mo ptit baba !
Quand baba napas dodo,
Çatte marron va nanan li.
Le chat marron est le seul carnassier de nos forêts, lesquelles, le reboisement aidant, tiendraient dans quelques boites d’allumettes.
Mamzelle Fifine fini accoucé,
Napas ptit poule pour faire bouillon ;
Bouillon couroupas li assez bon.
Zozo paillenqui
Est éne zozo qui éna sentiment :
Quate heires bô matin li plonze dans dileau,
Li lapéce posson pour donne manzé so pitits.
Pour encourager à danser le bébé qui s’aventure à se mettre debout en se cramponnant aux barreaux de la chaise :
Pilé, pilé, Samécaté,
To papa to manman manzé lérats.
Ah bondié ! quelle é ma souffrance,
Perdi papa, perdi manman !
Hier à soir mo napas diné,
Bô matin mo napas diné,
Lheire midi napas tiffiné.
Et pourtant mo vente li faim !
Doum caladoum, caladoum, caladoum.
Mo passé la rivière Taniers,
Mo renconte éne grand manman ;
Mo demande li qui li faire là,
Li dir moi lapéce cabots ;
Ouaïe, ouaïe, mé zenfants.
Faut travaill pour gagne so pain.
Caroline napas la cousine. Madame ;
Marmite bouillon fine renversé,
Napas bouillon pour toi, coco.
« Samy, Samy, couri bazar.
Alle casse prit poule pour faire bouillon. »
Au jeu, pour voir qui y sera. On reconnaîtra le quinquille de France :
Ein coquicaille,
C’est léroi dé papillons.
En fésant sa barbé
Il a coupé son menton
Enne, désse, troisse,
Queir dé beif dans l’eau !
La queue du loup :
Zanguerna, zanguerna.
— Bé, bé.
— To pitit pour moi.
— Et to menti !
Et to senti !
C’est plus qu’il n’en faut. Nous terminerons nos citations créoles par quelques ségas.
Dire éne fois donc. Madame,
Si ous coné cornent séga li goût ?
— Mo alle en bas la montagne ;
Si mo mari capave coné ça,
Li a trape bâton, casse mo li cou.
Quand mo passé magasin Bon-Goût,
Mo léqueir sauté, mo lipieds côlé.
La pomade Zamaïca
Faire l’honneir aux brosses-coco.
Ça mamzelle là mo bien content li,
Li gagne mo magnère, mo sentiment, mo caractère.
Avlà li là, Sangama,
Avlà li là !
Avlà li là, Sangama,
Tchiombô li pour toî.
Prend to zilet, to bâton, to çapeau,
Avlà bourzois qui pour vini.
Souque to léreins doux, coco,
Souque to léreins doux.
Condir manman Zeanne, Philozène,
Condir manman Zeanne
Zisqu’à dans cantine, Philozène,
Zisqu’à dans cantine.
To rente dans cantine, Philozène,
To tir to çapeau.
To tir to çapeau, Philozène,
To fair to salit.
Ainsi chantait au matin la Muse noire.
Mais le jour grandissait ; le soleil plus haut versait plus de lumière.
La Muse prit un petit panier, une ardoise, un spelling-book, et se rendit au Government school où elle apprit à lire et à écrire ; et lorsqu’en rentrant chez elle, le soir, elle entendait, par la porte entr’ouverte de quelque maison joyeuse, arriver, jusqu’à la rue, les accords du piano et la voix fraîche des jeunes filles, elle s’arrêtait contre l’entourage aux barreaux verts, et, silencieuse, elle écoutait. Et elle gravait dans sa mémoire la douce mélodie et les paroles aux syllabes peu familières. Puis elle regagnait son humble case au pied de la montagne ; et là, sous la lampe de fer-blanc, où la mèche ronde, prise au coton d’un vieux bas, puisait dans l’huile de coco sa paisible clarté, elle écrivait pour se souvenir. Nous avons plusieurs de ses cahiers, et ces feuilles jaunies nous sont chères.
Nous transcrivons avec une religieuse fidélité.
Janny adieu le temps savance
Sans plus tardé il faut partir
Mais dans trois ai confiance
Je te promets de revenir
Pourquoi tremblaient pas un nuage
Je mes deux bras et mon canon
Je puis en peur bravé l’orage
Allons en mer gaie matelot
Trois après quand la pauvette
Gaiement sur la grève accourez
Près d’elle a passé la miette
Chaque tonnerre au loin grondé
À deux genoux sur le rivage
Elle appela point de canon
Enfant en pleure bravé l’orage
Je mes deux bras et mon canon
Je puis en peur bravé l’orage
Prié Dieu pour le matelot
Le vent accourt sachant la brise
L’air en feu le flot mugit
L’éclairé en lui tout se brise
Mais au bonheur elle entendit
Pour quoi tremblez reprend courage
Je mes deux bras et mon canon
Je puis en peur bravé l’orage
Dieu protège le matelot.
Il faudrait tout citer ! Qu’on nous permette au moins ces trois vers dont le dernier n’hésite pas à supprimer net une négation plus barbare que nature.
… D’un triste sort il faut subir la loi
Que cet aveu ranime ton courage
Vas t’en je t’aime et peut être à toi
Les romances succédèrent aux romances, et, quand une initiation suffisante lui eut rendu familières et la langue et la prosodie françaises, la Muse noire, désormais sûre d’elle-même, chanta les chansons qu’elle composa.
Ma position et bien triste et cruel
Et pour te quitter pour un simple plaisirs
Si pour toujours je dois vivre avec elle
Je vous le dit je préférez mourir
Je peu vous dire que ma femme et à craindre
A croyiez, je suis mal mariez
Aux mes amis que mon sort et à plaindre
J’aurais bien fait de me plaindre au planchez.
Refrain. J’ai donnez mes beaux jours
Dans un moment de folie
Je me mord bien le doit
Mais je suis mariez
A laissez moi pleurez
Le reste et de ma vie.
J’ai cherché tout à cette fin de lui plaire
Je fait le lie je ballaiye la maison
Je trize les soups je plusse les pommes de terre
Je vaix aux raisseaux et je souffle du charbon
Enfin j’essuye je lave la vaisselle
Pour être au moins le modèle des époux
Aux mes amis que mon sort et à plaindre
J’aurais bien fait de me plaindre au planchez.
Refrain. J’ai donnez mes beaux jours…
J’avais de l’arjens les jours du mariage
J’avais montez un joli maubiliez
Rien ne manquât dans son petit ménage
Et le hasardiez il a tout bazarriez
Pour acheter les bautines à la mode
Pour faire rôtir les dindon du cousin
Il a vendu drap lie et comode
Enfin c’est nous il ne reste plus rien.
Refrain. J’ai donnez mes beaux jours…
À chaque instant il me cherche de querelle
Le pot le vert tout ce casse sur moi
Le cendeliez ainsi toute la vaisselle
C’est un démon que l’enfer n’a pas encore vue
Cœur de Lion sang de vipère
Qui cherche à tout pour me faire devenir fou
Si un beau jours je me mest en colère
Je finirez par le tordez, le coup.
Refrain. J’ai donnez mes beaux jours…
Fin de romance.
Comme nous nous hâtons vers le dénouement, nous nous bornons à cette romance, puisque romance il y a ; elle suffit pour montrer la poésie française conquise et domestiquée.
Et la prose ? Le lecteur va la voir docile à tous les besoins, à toutes les fantaisies mêmes de son industrieux dompteur. Il lui demande un placet ; elle obéit et trouve les formules de la plus exquise urbanité :
« Monsieur, Excusez ma liberté, et veuillez avoir l’amabilité de prendre en considération ces quelques lignes ci-dessous mentionnées.
« …… En me rendant ce service signalé, une infinité de gracieux remerciements vous exprimeront ma reconnaissance à jamais oubliée en témoignage de mon estime.
« Ne croyant pas abuser de votre affabilité que vous avez toujours pratiquée à mon égard, et dont vous vous enorgueillissez.
« En attendant votre bienveillante bonté, etc. »
Dans la suivante, un sentiment tendre et légitime s’affirme avec une rare propriété de termes :
« Ayant entendi parler des la botés de vot fille et moimeme jai vis de mé desieux de la splendére de son caracter je vous écris o ma cére madame pour que jai le consentement de vous affin que z’épouse Sofi après paques ma cére madame réponde moi parce que je balotte de fraieur en esperan vot réponse. Je rest ma dame vot future et madame vot grand camrade pour tout ma vie,
« Vive Sofi madame ***. »
Et cette autre, d’une intimité et d’une bonhomie charmantes qui en feront excuser la longueur :
« Je viens té faire pars de mariage de Mimi avec Missieur Charles *** forgéron à Moka sur l’establisment *** dé Monsieur ***, je t’assure que quand je voyait ce jeune bon jeune homme là venait causé avec elle gavais dis à fanchette ti vois ma femme o ti vois je mettrai ma tête ofé si Charles *** n’a pas des attentions de marié avec elle fanchette a riyai sel je sippose qu’elle étai content. Voyant cela fanchette ma bonnefemme a finies par donné un grand déjéné nous avons dansé avec lacorde déon. Charles a santé un morceau dé la j’ai oublié le morceau de théâtre je crois que se la Juive.
« Enfin je passe à un autre affaire laisse moi te dire que Mimi va ce marié sirement lafin du mois ainsi tache dé dire à tonton nonor dé né pas manqué tu sais toi même comme ton névé t’aim ainsi né fait pas blaguer ti entend a.
« Jé croi que nini va venir té voir ce jours ci, fais part di mariage dé Mimi à Mme Cristofe *** tu lui diras que Mimi ma chargé de l’embrassé bien
« Sur c’est dé jou
« Mimi a reçu dé Charles un pli jeanno en or de la valeur de 10 piastres dans cé pris la je sippose mais il n’y avait rien dé sire love là.
« Adié ma tante je t’embrasse ton névé et ami
Et nous finirons sur une note gaie. Cathos, en lisant celui-ci, eût certainement dit à Madelon : « Ah ! ma dière, je vois bien que c’est un Amilcar. »
« Mademoiselle,
« J’ai un grand amour sur le cœur pour vous aussi Mademoiselle quand je vous voit je pet toimbé en faience tellement je suis troublé par votre jolie petite figure mignone, mon cœur se sotte comme un boule lastic il tappe tellement fort qu’il y a des moments que je crois avoir mes intestins en lambo, les coliques me casse et je cours vitement dans la petite case à privé et tout ça ma bonne chéri c’est vous oui c’est vous qui me rend la vie dire comme ça, ma tête s’entourne quand je vois votre jolie petite mizo rire et me laisser voir de jolis petites défenses, ainsi mon ami c’est pas tout ça dites moi m’aimez vous oui ou non parce que je sens que vais tombé en siccoppe bientôt, si vous me dites non ainsi vous me dites oui.
« … Hier à soir j’ai pas fermé les yeux tellement j’étais tourmenté avec les pices et les pinaises vers les deux heures du matin j’ai pensé à votre douce visage voila que je n’ai fait que pléré tout ça la passe qui vous n’avez pas un amour virginal à la flère d’orangé sur votre cœur pour moi,
« … Adieu, mon cœur chéri d’amour je vous aime pour la vie.
Il faut savoir nous arrêter. Mais il nous en coûte. Que de richesses encore qui dorment là inutiles dans nos cartons ! Du moins, pour prendre congé du lecteur qui nous a tenu si patiente compagnie pendant notre longue visite chez la Muse noire, c’est encore à son riche album que nous emprunterons le couplet de la fin.
« Votre très humble serviteur ayant perdu les resources de continuer son travail, s’avance devant vous pour vous demander votre inaltérable protection, non pour lui, mais pour l’amour d’un Dieu puissant. Et le Souverain Omniscient vous rendra au centuple d’avoir compté sur votre généreuse égide. »
Ou bien encore, en nous adressant cette fois à ceux qui nous ont fait l’honneur de lire notre Étude sur le Patois créole Mauricien et nos Récits Créoles :
« Ne croyant pas abuser de votre affabilité que vous avez toujours témoignée à mon égard et dont vous êtes si fier, je demeure, Monsieur, un de vos fidèles et réciproques serviteurs,