Le Drame d'Alexandre Dumas (Parigot)/01/02/02

II

WALTER SCOTT.

« Quel est l’ouvrage littéraire qui a le plus réussi en France depuis dix ans ? — Les romans de Walter Scott. — Qu’est-ce que les romans de Walter Scott ? — De la tragédie romantique entremêlée de longues descriptions[1]. » Le mot est de Stendhal ; sans être tout à fait exact, il rappelle une vérité trop oubliée : à savoir que Walter Scott, après les guerres du premier Empire, à l’heure où l’histoire de France venait de s’enrichir coup sur coup de nouveaux et rares chapitres, a fait les délices de l’imagination française et servi de pâture à des rêves de gloire bientôt évanouis.

Il est venu à son heure. Il a été « l’Homère » de cette génération[2]. Il a reculé l’idéal dans le moyen âge, et donné au peuple la conscience de son individualité et de ses quartiers de noblesse ; et, du même coup, il contentait par ses descriptions de combats, de tournois, de castels, de manoirs, de donjons et de tourelles tout ce que le flot agité avait depuis 1789 déposé dans les âmes bourgeoises de velléités héroïques et de chevaleresques aspirations. Qui croirait présentement, après avoir lu Quentin Durward, que le barde écossais,

comme on disait alors, fut « presque égalé à Shakespeare, eut plus de popularité que Voltaire, fît pleurer les modistes et les duchesses, et gagna six millions[3] » ? Qui penserait surtout qu’il éveilla des vocations historiques et fut pour Augustin Thierry une révélation ?

La critique, par un juste retour, lui a fait payer cher cette inimaginable popularité. Elle a mis à découvert la fragilité de ces reconstitutions, la frivolité de cette science archéologique, la piperie de ces peintures de mœurs féodales, et réduit ce génie, « favori du siècle[4] », à une adroite curiosité des parchemins, des dessins, des devis, du costume, du mobilier et du bibelot. Elle est impitoyable, la critique : elle a pensé entraîner, dans son travail de démolition, le drame historique même, qui avait enfin trouvé son cadre dans les romans de Walter Scott.

Au moment où Dumas arrive à Paris, ils sont dans toutes les mains. Adolphe de Leuven, Lassagne recommandent à leur ami la lecture d’Ivanhoe récemment traduit. Dans les théâtres Scott fait prime. Qui n’a pas en réserve un Château de Kenilworth pour la Porte-Saint-Martin[5] ? ou un Quentin Durward, sans compter les Amy Robsart et les Louis XI à Péronne et tous les chevaliers noirs qui s’avancent à l’assaut de la scène française, lance en arrêt, visière baissée ? Avant même d’avoir traduit la Conjuration de Fiesque, Dumas avait entrepris avec Soulié un drame, les Puritains d’Écosse, qui n’aboutit pas[6]. En 1827, Scribe fait dire à Poligni dans le Mariage d’argent : « Le Salon a ouvert cette semaine, et il paraît qu’Olivier a exposé un tableau magnifique, un sujet tiré d’Ivanhoe, la scène de Rébecca et du Templier, le moment où la belle juive va se précipiter du haut de la tour[7] ». Au Salon de 1828, Mademoiselle Fauveau expose deux bas-reliefs, dont l’un est une scène de l’Abbé, qui fournira bientôt deux situations importantes d’Henri III et sa Cour. Tout comme un autre, Dumas est assez fantaisiste et assez peu littéraire pour goûter pleinement cette populaire diminution de Shakespeare.

Il en admire le bric-à-brac, tout ce qui parle aux yeux. Cette admiration n’est pas très différente de celle qu’éprouvaient les voisins d’Abbotsford, lairds ou fermiers, que le romancier réunissait autour d’une table somptueuse, et qui dînaient, au retour des grandes chasses, très flattés et un peu ébaubis, au milieu des cathèdres, des hauts dressoirs et des bahuts sculptés, parmi les décorations des larges plaids, les grandes épées de highlanders, les hallebardes, les armures et les trophées[8]. Ils vénéraient le seigneur de ces biens et sentaient monter en eux une obscure conscience de leur race. Goethe, dans Gœtz de Berlichingen, avait ainsi débuté par éveiller le sentiment germanique. Encore le sens historique de Shakespeare y est-il moins matériellement traduit. Sir Walter Scott est un parvenu, si l’on veut bien dire ; encore plus curieux de bibelot que d’érudition. Il est un collectionneur, qui pense faire œuvre d’historien. Il n’a point l’âme féodale ; mais seulement la fantaisie. Il semble un fureteur infatigable. Il aime les parchemins pour l’écriture et la miniature, beaucoup plus que pour le sens de ce qu’ils contiennent. Son « regard d’aigle[9] » ne voit pas plus loin que le verre de sa loupe d’antiquaire ; il guette les pièces rares et les bonnes occasions. Et il en sait tirer parti. Il dépasse de cent coudées l’amateur d’estampes de La Bruyère : il vend.

Dumas est au point de comprendre cet homme-là. Il ouvre de grands yeux devant ces vitrines d’histoire et d’art. Plus tard, il fera bâtir Monte-Cristo pour imiter son idole en tous points. À cette heure, il meuble, décore et tapisse son imagination ; il éclaire son cerveau, et l’emplit de couleurs. Il voit des milieux reconstitués, des mœurs qui se traduisent immédiatement aux yeux par des assemblages d’objets mobiliers[10]. Les époques s’aménagent et s’encadrent dans son esprit : elles vivent d’une vie extérieure, qui à cette curiosité dévorante et neuve produit l’effet d’une résurrection. Il en retient des images autrement animées que les gravures qui déshonorent la traduction Defauconpret. Dispersée dans le roman, condensée sur le théâtre, la poussière d’antiquaille formera une atmosphère un peu épaisse, qui n’est pas celle de Shakespeare, mais qui plaît aux regards de la foule et fait un trompe-l’œil animé.

Les personnages du romancier écossais ne vivent guère ; mais il fait vivre les milieux. Il décrit longuement, et avec une recherche de précision. Le résultat est immanquable : il laisse l’impression du grand. Ses castels, donjons, tournois ont tout à fait grand air. Il donne de l’espace à la fantaisie de ses lecteurs, plus qu’il n’imagine lui-même. Je vous donne à penser si cet art plaît aux fils de ceux qui ont sillonné l’Europe, le sabre au poing. Le procédé a passé du roman sur le théâtre, non pas sous forme de description, mais d’énumération, d’accumulation, et de tirade quasiment érudite[11]. À l’époque où Victor Hugo en mésusait encore dans Ruy Blas, Dumas en faisait depuis longtemps un emploi plus habile. Il avait écrit le quatrième acte d’Antony. Car ces reconstitutions, que l’histoire désavoue, quand elles consistent dans la seule enluminure du passé, devaient devenir, grâce à lui, comme le support du drame moral, social et moderne. À y regarder de près (et nous y regarderons d’aussi près qu’il nous sera possible), le second acte du Demi-Monde procède du quatrième d’Antony, qui procède, en partie, de Walter Scott. Et ceci offre un autre intérêt que la préface documentée de Ruy Blas. Ce n’est pas que Dumas n’ait donné, avec son ordinaire impétuosité, dans le godant de la couleur locale ; tout Henri III en est illustré, et elle flamboie dans la Tour de Nesle. Je dis seulement qu’après s’en être adroitement servi comme d’une décoration peinte pour la joie du peuple, il l’a bientôt su appliquer à d’autres fins ; d’où Antony et le Demi-Monde.

Et il a vu de quelle ressource était le procédé pittoresque au théâtre, recommandé par Diderot, appliqué par Beaumarchais, élargi et fécondé par le roman de Scott. Ivanhoe est plein de scènes qui font tableau : la cabane de l’ermite, le chevalier noir, l’assaut et la défense du castel, et vingt autres qui s’animent par le dialogue et qui captivent l’imagination et les yeux. Je pense que rien n’est plus aisé que de dessiner un roman de Walter Scott. Peintres et sculpteurs, avant 1830, s’étaient mis à l’œuvre. Tous les arts communiaient et étaient frères en lui. Le seul Mérimée ne pouvait assujettir sa plume à ces exercices qui passaient pour ressusciter les temps[12]. Sur un théâtre destiné au peuple, cet art, s’il est un peu gros, ne manque point son coup : il amorce l’émotion, il éclaire les larmes. Joignez-y la recherche et la vérité du costume et les groupements de personnages : il y a là un élément d’intérêt, dont Dumas saura faire usage, toujours avec quelque indiscrétion, dès Henri III et sa Cour, jusqu’à ce qu’il tombe dans le drame-panorama du boulevard, qui ne tient plus à l’historique que par le titre et l’affiche.

Walter Scott n’est pas un prophète du passé, non plus que Dumas. Scott « s’arrête sur le seuil de l’âme et dans le vestibule de l’histoire[13] », et Dumas ne va pas beaucoup plus loin que la toile de fond de son théâtre. Peut-être l’un a-t-il encore enseigné à l’autre l’intérêt qui s’attache aux vieilles mœurs, aux menues conditions, aux laboureurs, chasseurs, lairds, — ou forestiers et braconniers : réalisme de clocher, qui venait en son temps. On a noté, avec raison, que Quentin Durward, à qui s’ouvrent les plus hautes destinées, est un jeune cadet d’Écosse, qui vient chercher fortune en France, et que les héroïnes sont dignes de ces chevaliers nés dans les fermes des environs d’Abbotsford. Ces guerriers qui s’escriment, au retour de la Palestine, sont fils de bourgeois écossais ; ils ont des physionomies du terroir. Ils ne dédaignent point les auberges ni les gens de peu, que le romancier croque avec une malicieuse bonhomie. Dumas a pu encore puiser là cette inclination à mettre souvent en scène de bons types de son pays natal ou des compagnons de sa jeunesse. Burat, l’employé, les gardes [14], les saltimbanques, et jusqu’au souffleur de M. Kean, tout un personnel d’humble existence circule sur la scène, dessiné avec sympathie. C’est peut-être le vrai des romans de Scott. Et ce serait le modèle du théâtre vrai, que cherche souvent Dumas, n’était que Scott, peintre de chevaliers ou de porchers, d’Ivanhoe ou de Gurth, dessine sans flamme et ne touche point la passion. Pour cet appétit pantagruélique de Dumas il faut autre chose ; pour ce tempérament dramatique il fait froid là dedans. Il est homme à y suppléer. « Admirable, dit-il, dans la peinture des mœurs, des costumes et des caractères, W. Scott est complètement inhabile à peindre des passions[15]. » À cela près qu’il semble confondre les costumes avec les caractères, il ne nous égare point. Walter Scott a éclairé son imagination, et l’a guidée vers les sujets historiques ; il lui a servi à la fois de costumier, de décorateur, de magasinier et de metteur en scène ; il a brossé les toiles de fond et réglé les tableaux, beaucoup de tableaux, et bientôt trop.

Les premières pièces de Dumas sont inspirées de cette source à un point qu’on a trop oublié. Christine doit davantage à Schiller. Mais le rôle de Paula, douce figure de chien fidèle, est chère au romancier écossais (et aussi à Byron) ; Monaldeschi rappelle Leicester placé entre Élisabeth et Amy Robsart (et aussi le Leicester de Marie Stuart). On sait que dans Henri III et sa Cour la scène du gantelet et celle de la porte sont empruntées d’un passage de l’Abbé, où lord Lindesay veut faire signer à Marie Stuart son abdication[16]. On sait moins que le personnage de Ruggieri est fils du Galeotti Martivalle de Quentin Durward. On trouvera aux pages 177 et 178 du roman la mise en scène détaillée du premier acte d’Henri III. Tout y est, jusqu’à la porte de communication avec la chambre de Ruggieri, d’où un ressort fera tout à l’heure avancer le sofa sur lequel repose la duchesse endormie. Louis XI appelle Galeotti « mon père » et Galeotti nomme le roi « mon frère ». Ruggieri dit à Catherine de Médicis « ma fille », et s’entend décerner par elle aussi le nom de père. Et il sait flatter les reines comme Martivalle les rois : « C’est donc un nouvel horoscope que vous voulez, ma fille ? Si vous voulez monter avec moi à la tour, vos connaissances en astronomie sont assez grandes pour que vous puissiez suivre mes opérations et les comprendre[17] » Cette phrase ne lui a pas coûté d’effort d’invention. Côme Ruggieri aime les gros honoraires, pour en faire, il est vrai, un usage plus édifiant que Galeotti. Il n’offre point de corset à Toinette ; il achète des horloges et des manuscrits précieux. Il a beau commencer sur le ton de Faust ou de Manfred : « Parviendrai-je à évoquer un de ces génies que l’homme, dit-on, peut contraindre à lui obéir[18] ?… » À quoi bon, mon père ? On vous reconnaît.

« … Or, écoutez, messieurs ; moi, Paul Estuert, seigneur de Caussade[19] … » Ces formules de défi ou de vœu sont traduites de Walter Scott, qui d’ailleurs imitait Shakespeare. Saint-Mégrin a lu Ivanhoe. Et je reconnais aussi la bonne madame de Cossé, dont la jeunesse date du fameux tournoi de Soissons ; elle n’est autre que la dame féodale, Hameline de Croye, dont les souvenirs remontent à la passe d’armes d’Hoflingem[20]. Toute la jolie scène entre madame de Cossé et le petit page est simplement traduite de Scott, qui l’avait esquissée avec esprit : « Elle parla ainsi du ton que prend une beauté moderne, dont les charmes commencent à être sur le retour, quand on l’entend se plaindre du peu de politesse du siècle[21]  ». Dumas a trouvé là son bien et il l’a pris. Mais, comme il est moins moral que son modèle, madame de Cossé admire avec plus d’ardeur la beauté masculine ; et si ses souvenirs lui disent que la jeunesse dégénère, je ne sais quels désirs le lui insinuent aussi. Faut-il répéter, après Dumas, qu’Yaqoub de Charles VII est le Maugrabin de Quentin Durward et indiquer les passages qu’il a lui-même cités dans ses Mémoires[22] ? J’aime mieux noter que par delà Walter Scott, il remonte à la source même, c’est-à-dire à la Conjuration de Fiesque, que nous savons qu’il connaît bien.

Quand Scott est d’après Schiller, Dumas devient perplexe ; et il prend le parti de les imiter tous les deux[23]. Ici même, il fond Hassan et Hayraddin en un seul type, qui est Yaqoub. Il emprunte au roman surtout le costume et la couleur du rôle ; pour le reste, il utilise son travail inédit. Le Zingaro de Scott est un peu sorcier, dit la bonne aventure et lit dans les astres.

Yaqoub, qui n’a pu mettre à profit ces menus talents, les cédera au bohémien Buridan[24]. Hassan, Hayraddin, le nègre, Yaqoub, Buridan, tout cela fait un assez plaisant ricochet d’imitations. Rien ne se perd, rien ne se crée. Et voilà au moins quatre romans, l’Abbé et

surtout le Château de Kenilworth, Ivanhoe, Quentin Durward, dont la lecture ne fut pas inutile. Dumas y revient volontiers : c’est son fonds de Scott, comme il a son fonds de Shakespeare, plus léger, et de Schiller, non moins exploitable.

On lui en lit lire un cinquième. Il nous a conté comment Beudin lui apporta un jour à Trouville une idée de pièce ou plutôt un prologue d’une pièce à faire[25]. Ce prologue était la mise à la scène du début d’une des Chroniques de la Canongate, qui a pour titre la Fille du chirurgien. Cela, Dumas l’avoue : il ne se donne même pas la peine de changer les noms du docteur Grey ni de Richard[26]. Il nous explique avec verve la genèse du drame. Mais il ne nous dit pas que le reste de la même chronique lui a beaucoup fourni[27]. Il est très fier d’avoir jeté Jenny par la fenêtre. Mais il se garde d’ajouter qu’il retourne alors à l’un de ses romans préférés ; que Walter Scott avait trouvé ce dénoûment avant lui, et qu’Amy Robsart avait devancé Jenny dans le précipice[28]. Il n’en parle pas ici ; il le confesse ailleurs, par une inadvertance[29]. Dirai-je, après cela, que le septième tableau, le jugement de Dieu, si dramatique dans Catherine Howard, est une adaptation d’Ivanhoe[30] ?…

« Mon travail sur Walter Scott, écrira plus tard Dumas d’un air détaché, ne m’avait pas été inutile, tout infructueux qu’il était resté[31]. » Il avait alors

oublié ses emprunts. Il ne fut jamais un débiteur intransigeant comme Figaro. La vérité me paraît être qu’ici encore il a circonscrit ses lectures, que son imagination les a d’instinct et sans timidité tournées au profit du théâtre, avant de les mettre en œuvre dans le roman, et que, tout compte fait, ce n’était pas déshonorer sir Walter Scott que de le préposer au décor et au magasin du drame populaire, après les acquisitions techniques de Beaumarchais. Et ainsi, Dumas n’a donc eu d’autre peine que de transporter du roman sur la scène ces beautés accessoires ? — Il n’a eu que cette peine et ce talent, cependant que vingt autres, qui avaient deviné le goût et l’état d’imagination du public, s’y essayaient en vain, et que Victor Hugo faisait chuter une Amy Robsart à l’Odéon [32].

  1. Stendhal, Racine et Shakespeare, partie I, ch. i, p. 6.
  2. Taine, Histoire de la littérature anglaise, t. IV, liv. IV, ch. i, § iv, p. 309.
  3. Taine, ibid., p. 297. Cf. Byron, Don Juan, chants xl, lix, p. 730, col. 2. « … Scott, le superlatif de mes comparatifs ; Scott, dont le pinceau retrace nos chevaliers chrétiens ou sarrasins, les serfs, les seigneurs, et l’HOMME, avec un talent qui serait sans égal, s’il n’y avait pas eu un Shakespeare et un Voltaire. De l’un des doux, ou de tous les deux, il semble l’héritier. » C’est beaucoup dire.
  4. Ibid., p. 297.
  5. Mes mémoires, t. IV, ch. cviii, p. 267.
  6. Mes mémoires, t. IV, ch. cviii, p. 267.
  7. Théâtre d’Eugène Scribe, Michel Lévy, édit. 1856, t. I. Le Mariage d’argent, I, sc. iv, p. 47. Cf. Ivanhoe (trad. Dumas), t. I, ch. xxiv, pp. 289-290. Cette popularité de Walter Scott n’était pas entièrement refroidie en 1868. La Revue de Paris (No du 15 mars 1894) publiait naguère des lettres inédites d’Octave Feuillet, où il parle (p. 10) avec l’impératrice Eugénie de W. Scott, « qu’elle possède bien ». Et plus loin (p. 30) : « Je me suis couché au lieu de souper. J’ai lu Walter Scott, mon meilleur ami et ma seule famille… »
  8. Voir Taine, op. cit., liv. IV, ch. i, § iv, p. 300.
  9. Blaze de Bury, op. cit., II, p. 21. Citation d’Augustin Thierry : « Walter Scott venait de jeter son regard d’aigle… »
  10. Mes mémoires, t. IV, ch. xciv, p. 80. « … Mais lorsque l’auteur m’eut introduit dans la salle à manger romane du vieux Saxon ; quand j’eus vu la lueur du loyer, alimenté par un chêne tout entier, se refléter sur le capuchon et sur la robe du pèlerin inconnu ; quand j’eus vu toute la famille du thane prendre place à la longue table de chêne…, etc. » Il voit les chapitres d’Ivanhoe.
  11. Voir monologues de don Carlos, Hernani, IV, sc. ii, pp. 107, sqq. ; de Ruy Blas, III, sc. ii, pp. 156 sqq. ; de Frédéric Barberousse, dans les Burgraves, partie II, sc. vi, pp. 327 sqq., pour ne citer que les morceaux les plus connus dans Victor Hugo. On notera que Dumas, plus dramatiste, n’en usera guère après Henri III et sa Cour, Christine et Charles VII chez ses grands vassaux.
  12. Chronique du règne de Charles IX, pp. 134 et 135. Tout le chapitre.
  13. Taine, op. cit., t. IV, ch. {{rom|i]], § iv, p. 303.
  14. Le Chevalier d’Harmental ; les Forestiers.
  15. Mes mémoires, t. X, ch. xcliii, p. 137.
  16. Henri III et sa Cour, III, sc. v, pp. 74-75, et V, sc. ii, p. 196. Cf. l’Abbé, ch. xxii, pp. 250-251 « … Et saisissant avec sa main couverte d’un gantelet de fer le bras de la reine, il le pressa, dans sa colère… etc. », et ch. xxxii, p. 361. « Il est vrai qu’il n’y a pas de barre de fer ; mais les anneaux y sont, et j’y ai passé mon bras, comme le fit une de vos ancêtres, qui, plus loyale que les Douglas de nos jours, défendit aussi la chambre de sa souveraine contre des assassins… etc. »
  17. Henri III et sa Cour, I, sc. i, p. 120.
    Cf. Quentin Durward, ch. xiii, p. 180. « … D’après son horoscope, vos progrès dans notre art sublime vous ont permis d’en porter vous-même un jugement semblable. » Remarquer que Walter Scott emprunte de Schiller (voir ci-dessous, pp. 98 et 102 sqq.) avec la même désinvolture.
  18. Henri III et sa Cour, I, sc. i, p. 119. Cf. Faust, première partie, p. 132. Cf. Manfred, I, sc. i p. 334, col. 1, et pour la phrase du début : « Cette conjuration me paraît plus puissante et plus sûre. » Cf. la Mort de Wallenstein, I, sc. i, p. 246. « Oui, elle est maintenant dans son périgée, et elle agit sur la terre avec toute sa puissance. »
  19. Henri III et sa Cour, I, sc. iv, p. 155. Cf. le Roi Lear, V, sc. iii, pp. 365 et 366. — Le gant est jeté, et le défi porté au son des trompettes. Cf. Ivanhoe (trad. Dumas), t. I, ch. xxv, p. 297 et passim. Cf. surtout le vœu de Crèvecœur (Quentin Durward, ch, xxiv, p. 304), que Dumas semble avoir textuellement adopté ici : « … Moi, moi, Philippe Crèvecœur des Cordes, je fais vœu à Dieu et à saint Lambert et aux trois rois de Cologne de ne songer à aucune autre affaire terrestre, jusqu’à ce que j’aie tiré pleine vengeance… dans la forêt ou sur le champ de bataille, en ville ou en campagne ou dans la plaine…, etc. »
  20. Henri III et sa Cour, III, sc. i, p. 103. Cf. Quentin Durward, ch. xv, p. 203.
  21. Henri III et sa Cour, III, sc. i, pp. 102-103. Cf. Quentin Durward, ch. xviii, p. 230.
  22. Mes mémoires, t. VIII, ccvii, pp. 204-205.
  23. On trouvera le portrait de Hayraddin Maugrabin dans Quentin Durward, ch. xvi, pp. 205 sqq., et sa mort, ch. xxxiv, pp. 421 sqq. Outre le passage cité par Dumas : « d’être rendu aux éléments… Ma croyance, mon désir, mon espoir, c’est que le composé mystérieux de mon corps se fondra dans la masse générale », on trouvera, ibid., p. 208, le germe du rôle d’Yaqoub : « Misérable ! s’écria Quentin ; osas-tu bien assassiner ton bienfaiteur ? — Qu’avais-je besoin de ses bienfaits ? Le jeune Zingaro n’était pas un chien domestique habitué à lécher la main de son maître et à ramper sous ses coups pour en obtenir un morceau de pain. C’était le jeune loup mis à la chaîne, qui la rompait à la première occasion, déchirait son maître, et retournait dans ses forêts. » On remarquera, en passant, que Blaze de Bury p. 61 du livre qu’il a consacré à Alexandre Dumas, s’étonne qu’Yaqoub prononce ces vers d’un athéisme irréductible :
    De rendre un corps aux éléments,
    Masse commune où l’homme, en expirant, rapporte….

    « Qu’un lord Talbot s’exprime ainsi dans la Jeanne d’Arc de Schiller, dit-il, on le conçoit… » Blaze de Bury n’a pas même pris la peine de lire, je ne dis pas Walter Scott, mais Dumas lui-même, qui cite textuellement le passage dont il s’est inspiré (Mém., t. VIII, ch. ccvii, p. 205) et que nous avons indiqué plus haut. La vérité est que Scott avait lu Schiller de près, que nous verrons qu’il le rejoint parfois, et Dumas tous les deux.

    D’autre part, voici la scène du Manuscrit inédit de Fiesque de Lavagna, dont on reconnaîtra aisément le parti que Dumas a tiré, en relisant Charles VII, I, sc. i, p. 233 ; I, sc. iv, pp. 241 sqq. ; II, sc. v, p. 259 ; III, sc. ii, p. 274 ; et surtout V, sc. ii, p. 304.

    FIESQUE

    Avoue…, ou l’échafaud est prêt.

    LE MAURE.

    Le Maure sait mourir et garder son secret.

    FIESQUE.

    À l’aspect du trépas nous verrons s’il le brave.

    LE MAURE.

    Le Maure en expirant cessera d’être esclave.
    Même au sein du bonheur, ses frères d’Orient
    Apprennent à leurs fils à mourir en riant.

    FIESQUE.

    Pour qui meurt seulement la mort n’est rien sans doute ;
    Mais le sang criminel s’épuise goutte à goutte,
    Mais la main des bourreaux, lentement, jusqu’au cœur,
    Sans porter le trépas, sait glisser la douleur.
    Il est d’affreux tourmens et de lentes tortures.
    Des fers rougis, qui font de brûlantes morsures,
    Et des secours cruels, qui, lorsqu’il croit mourir.
    Rendent au malheureux la force de souffrir.

    LE MAURE.

    Depuis que l’arrachant a son brûlant rivage.
    Les Génois l’ont flétri du sceau de l’esclavage.
    Le Maure a dans son cœur dévoré plus de maux
    Que n’en inventera la rage des bourreaux.

    FIESQUE.

    Et sans doute le Maure, aux lieux qui l’ont vu naître
    Etait riche et puissant ?

    LE MAURE.

    Non, il élait sans maître.

    Il pouvait à son gré s’égarer aux déserts
    On fendre, en se jouant, le flot grondant des mers.
    Il était libre alors, comme l’aigle intrépide
    Que sa flèche arrêtait dans son essor rapide.
    Libre comme le tigre, auquel mon jeune bras
    Disputait sa caverne et portait le trépas !
    Oh ! que de fols te Maure, au sein de l’esclavage,
    Dans un rêve trompeur retrouva son rivage,
    Sentit le flot s’ouvrir devant ses bras nerveux
    Et le vent du désert passer dans ses cheveux…

    (Manuscrit inédit de Fiesque de Lavagna, I, sc. ii.)

    On distingue dans ces vers les différents motifs du rôle d’Yaqoub, — la chasse, souvenirs du désert, poésie du Zingaro. Dans le texte de Schiller, le nègre dit seulement : « On ne peut pas me pendre plus haut que la potence. — Non, console-toi ; on ne t’accrochera pas aux cornes de la lune, mais pourtant assez haut pour que de là le gibet ordinaire te paraisse un cure-dents. » (La Conj. de Fiesque à Gênes, I, sc. ix, p. 221.) En sorte qu’au moment où il traduit le Fiesque de Schiller, Dumas se rappelle Walter Scott. (Cf. Quentin Durward, ch. xvi, p. 206 : « Sous les lois de qui vivez-vous ? — Je n’obéis à personne qu’autant que c’est mon bon plaisir. — Mais qui est votre chef ? Qui vous commande ? — Le père de notre tribu, si je veux bien lui obéir. Je ne reconnais pas de maître. — … Que vous reste-t-il donc ? — La liberté. Je ne rampe pas aux pieds d’un autre. Je n’ai ni obéissance ni respect pour personne. Je vais où je veux, je vis comme je peux, et je meurs comme il le faut » ; et passim dans les ch. xvi et xxxiv.)

    Si l’on songe que Scott a lu Schiller, que Dumas a lu l’un et l’autre, et qu’il avait d’ailleurs eu connaissance (voir ci-dessous, p. 203) d’une pièce entreprise sur le même sujet par Gérard de Nerval et Théophile Gautier, cela fait un agréable brouillamini.

  24. Quentin Durward, ch. xviii, p. 233, et xix, p. 261. Cf. la Tour de Nesle, II, tabl. iii, sc. iii, pp. 32-33.
  25. Mes mémoires, t. VIII, ch. ccix, pp. 215 sqq.
  26. Dans les Chroniques de la Canongate (la Fille du chirurgien, pp. 257-429), le chirurgien s’appelle aussi Grey, et comme le village se nomme Middlemas, on donne à l’enfant le nom de Richard Middlemas (p. 282). Cf. Richard Darlington, prologue, sc. IV, p. 13 ; — p. 280. Le masque. « A-t-on jamais vu une honnête femme en masque ? » dit mistress Guy. Cf. Richard Darlington, prologue de IV, p. 13 ; — pp. 287-293. La scène du père de l’accouchée et du constable (seulement, dans le roman, Robertson, le bourreau, n’est pas présent). Cf. Richard Darlington, prologue, sc. v, pp. 14 sqq.
  27. Pp. 300-302. Les idées d’ambition ont été dé^Josées en l’esprit de Richard par les récits de sa nourrice. « … Le tableau du passé, tel que le peignait la nourrice, et la perspective qu’elle montrait dans l’avenir avaient trop d’attraits pour ne pas offrir des visions d’ambition à l’esprit d’un jeune homme, à peine sorti de l’enfance,… mais qui éprouvait déjà un désir prononce de s’élever dans le monde. » — Lire attentivement toute la page 303, où le docteur Grey révèle à Richard sa naissance. Cf, Richard Darlington, I, sc. ix, pp. 47-49.
    Pp. 311 sqq. C’est encore de Walter Scott qu’il emprunte l’amour de Menie Grey (Jenny dans le drame) pour Richard, quoiqu’il ait déclaré dans ses Mémoires (t. VIII, ch. ccix, p. 218) : « Il n’y a pas de drame dans la suite du roman. » On trouvera même indiqué (p. 332) le caractère d’ambitieux cynique de Richard et celui de Menie Grey. « … La fille est assez bien pour figurer dans un bal d’Ecosse ; mais a-t-elle de l’intelligence ? Sait-elle ce que c’est que vivre ? — C’est une fille très sensée, si ce n’est qu’elle m’aime ; et cela, comme dit Benedict (personnage de Shakespeare), n’est ni une preuve de sagesse ni une démonstration de folie. — Mais a-t-elle de la vivacité, du feu, du brillant, quelque étincelle de diablerie ? — Pas un grain, répondit l’amant ; c’est de toutes les créatures humaines la plus douce, la plus simple, la plus facile à conduire… » Cf. Richard Darlington. La fin du roman de Walter Scott s’égare aux Indes, où Menie Grey va retrouver Richard, qui a signé un pacte honteux avec Tippoo. Mais on voit que Dumas y a puisé beaucoup au delà du prologue, et qu’il y avait « un drame dans la suite », quoi qu’il en dise dans ses Mémoires.
  28. Mes mémoires, t. VIII, ccx, p. 234 et pp. 240-241-242. Cf. le Château de Kenilworth, ch. xli, pp. 469-470.
  29. Mes Mémoires, t. X, ch. ccliii, p. 137. « Le seul roman passionné de Walter Scott, c’est le Château de Kenilworth (cf. Mes mémoires, t. IV, ch. cvii, p. 267) ; aussi est-ce le seul qui ait fourni un drame à grand succès ; et encore les trois quarts du succès étaient-ils dus au dénoûment qui était mis en scène, et qui jetait brutalement aux yeux du public le spectacle terrible de la chute d’Amy Robsart dans le précipice. »
  30. Catherine Howard, IV, tabl. vii, sc. i, ii, iii, iv, pp. 291-299. Cf. Ivanhoe (trad. Dumas), t. II, ch. xxxvi, pp. 163-164, ch. xxxvii, pp. 164-181, ch. xxxviii, pp. 181-186.
  31. Mes mémoires, t. X, ch. ccliii, p. 137.
  32. A. Royer, Histoire universelle du théâtre, t. V, ch. ii, p. 90. Cf. Mes mémoires, t. VI, ch. cxliv, p. 83. La pièce était écrite en collaboration avec Paul Fouché. Il faut dire, à l’honneur de Victor Hugo, que, son nom n’ayant point paru sur l’affiche de l’unique représentation qu’elle eut, il réclama publiquement, dès le lendemain, sa part de paternité.