Le Divorce (Gagneur)/Appendice/Législation comparée

Librairie de la bibliothèque démocratique (p. 179-191).


LÉGISLATION COMPARÉE


Le divorce, dit L’Encyclopédie, se pratique dans les États d’Allemagne de la Confession d’Augsbourg.

« On peut ajouter, — écrit à son tour Voltaire dans son Dictionnaire philosophique, — que cet usage est établi dans tous les pays du Nord, chez tous les réformés de toutes les Confessions possibles, et dans toute l’Église grecque. »

Rien de plus vrai ; le divorce est une conquête du protestantisme.

Voyons maintenant quel est, sur cette intéressante question du divorce, la législation de la plupart des États européens.

LA SUÈDE

Le Code suédois annule toute demande en divorce pour adultère, et la demanderesse perd ses droits lorsqu’elle a partagé le lit de son mari, après avoir eu connaissance de l’adultère.

Il est interdit à celui des deux époux, contre lequel la dissolution a été prononcée pour cause d’adultère, de se remarier avant que l’autre époux soit mort ou remarié, ou avant qu’il donne son consentement et le roi son autorisation.

La Code Napoléon garde le silence sur l’impuissance comme constituant une cause de divorce : d’autres États l’admettent, notamment la Prusse et la Suède.

LA LOUISIANE

Comme dans le royaume des Deux-Siciles, le divorce n’existe qu’avec les dispositions relatives à la séparation de corps, telles qu’elles concordent avec notre Code civil.

LA SARDAIGNE

Les États sardes ont combiné leurs causes de divorce avec les dispositions de notre Code civil relatives à la séparation de corps ; sauf un point : les époux ne peuvent, même d’un commun accord, se séparer, sans y être autorisés par le juge ecclésiastique.

ROYAUME DES DEUX-SICILES

Le divorce n’existe pas dans la législation napolitaine ; mais plusieurs des dispositions qui s’y rapportent dans le Code civil français ont été reproduites dans le titre relatif à la séparation de corps.

Ce qui en diffère seulement, c’est le conseil et l’assistance de deux proches parents quand la femme est demanderesse.

CANTON DE VAUD

Le divorce est admis comme en 1792 en France, avec de très-légères modifications ; ainsi par exemple : à la cause de la démence, une condition d’âge est exigée ; il faut moins de soixante ans ; il faut aussi que toute maladie contagieuse soit en outre invétérée et incurable.

On a également retranché du bénéfice du divorce la femme âgée de quarante-cinq ans. Les art. 144 à 147 répondant à 278 et 281 du Code Napoléon, disent au lieu de deux notaires, deux parents ou deux amis.

Au lieu du partage par nombre et par sexe pour l’entretien des enfants, cette charge incombe à l’époux coupable contre lequel l’autre aura obtenu divorce. Toutefois, à défaut de fortune, l’autre conjoint y pourvoira, soit de compte à demi, soit en entier.

CANTON D’ARGOVIE

Le Code n’exige que pour les catholiques la déclaration solennelle du consentement.

Pour tout le reste : les lois du divorce entre protestants sont les mêmes que la séparation de corps pour les catholiques.

HOLLANDE

En ce pays, le divorce a lieu après la séparation de corps, qui se pratique comme en France.

Les seules causes de divorce sont : 1° l’adultère ; 2° l’abandon ou la désertion malicieuse. Le reste comme les art. 231-232 du Code Napoléon.

La loi présume la réconciliation, lorsque le mari cohabite avec sa femme après avoir déserté le domicile commun, et toute action est alors éteinte.

BAVIÈRE

Le Code bavarois ne diffère des autres législations que par cette clause :

La femme mariée peut tester, etc. « Elle a la faculté de se remarier aussitôt après la dissolution du mariage.

« Mais il est ouvert au mari une action en désaveu, pro evidentia facti. » (228, Code Napoléon, diff.)

AUTRICHE

Le Code autrichien admet l’autorité du juge ecclésiastique pour la dissolution du mariage, sauf recours au juge civil.

Aux maladies incurables, connue cause de rupture, il ajoute les infirmités et la dilapidation de la fortune par l’un des conjoints.

En outre, si l’on ne produit pas de moyens de nullité, le mariage entre catholiques est indissoluble, même s’il n’y a qu’un époux qui soit catholique. Dans le Code autrichien, on ordonne une séparation préalable de lit et de table, lorsqu’il y a seulement « aversion invincible ».

D’après les art. 118 et 119 de ce Code, les époux divorcés peuvent se remarier entre eux, comme s’ils n’avaient jamais été unis, et avec d’autres personnes, mais jamais avec les personnes qui ont été la cause du divorce pour adultère ou tout autre fait punissable.

CODE PRUSSIEN

Il admet, comme la loi de 1792, les mêmes causes de divorce, mais, à la preuve d’adultère, il ajoute « la suspicion légitime d’adultère ».

La femme, poursuivie comme adultère, ne peut opposer l’adultère du mari.

Le Code prussien provoque le divorce pour les causes suivantes :

Vices contre nature (ce que je n’ai vu dans aucun Code) ;

Quand un des époux se refuse à remplir les devoirs conjugaux ;

Lorsque l’un des époux change de religion ;

Lorsque la femme refuse de suivre son mari dans le nouveau domicile qu’il choisit.

Pour injures graves, eu égard au rang social des époux.

DUCHÉ DE BADE

Ce Code ne diffère des autres qu’en une clause, celle du constat de l’adultère.

« Il y a adultère de la part du mari, lorsque la concubine habite tellement près du domicile du mari, que celui-ci puisse aller la voir sans cesse. »

HAÏTI

Tout ce qui regarde les tribunaux de cassation est supprimé dans ce Code ; il n’y a pas de Cour d’appel à Haïti.

Un an au lieu de dix mois est prescrit à la femme pour contracter mariage à nouveau.

Une année au lieu de deux années d’emprisonnement (maximum de la peine pour la femme adultère).

Le reste comme dans les autres Codes.


Les éléments de cette étude de législation comparée, sont empruntés à l’ouvrage de M. Anthoine de Saint-Joseph, ancien avocat du barreau de Paris.

Ainsi donc, partout où la liberté de conscience et le libre examen ont pénétré, la loi admet le divorce. Le divorce est repoussé par la loi, partout où l’intolérance religieuse et le despotisme clérical sont triomphants.

Justinien, dont les peuples de race latine ont presque tous adopté le Code, autorisait le divorce ; mais le droit canonique, plus cher encore aux catholiques, ne le permet pas.

« Justinien était chrétien et théologien, — ajoute Voltaire, — comment donc arriva-t-il que l’Église dérogea à ses lois ?

« Ce fut quand l’Église devint souveraine et législatrice. Les papes n’eurent pas de peine à substituer leurs décrétales au Code dans l’Occident, plongé dans l’ignorance et dans la barbarie. Ils profitèrent tellement de la stupidité des hommes, qu’Honorius III, Grégoire IX, Innocent III, défendirent, par leurs bulles, qu’on enseignât le droit civil, et comme l’Église jugea seule du mariage, elle jugea seule du divorce.

« Cette coutume, établie dans les temps d’ignorance, se perpétua dans les temps éclairés, par la seule raison qu’elle existait, et qu’un abus s’éternise de lui-même. »

Cependant le jour semble prochain où le cléricalisme sera vaincu. Une nouvelle pétition, couverte de nombreuses signatures et demandant le rétablissement du divorce, va être présentée à l’Assemblée nationale, et sera défendue par un groupe énergique de représentants. La vérité est une ; ce qui est un bien dans l’ordre politique ne saurait être un mal dans l’ordre moral, et si la liberté fait seule les citoyens, en développant les énergies de la conscience, la liberté fait seule aussi les hommes.