Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 314-318).

CHAPITRE III

(90)

Récapitulation du chapitre précédent. Comment le démon a peur de ceux qui sont arrivés aux cinquièmes larmes ; et comment les attaques du démon sont la voie qui conduit à cet état.

Tu as vu maintenant, quelles sont les larmes qui sont propres à chaque état, et leurs différences, suivant qu’il a plu à ma Vénté de satisfaire à ton désir.

Les premières sont les larmes de ceux qui se trouvent en état de mort, par le péché mortel. Tu as vu que, généralement, leur pleur procède du cœur. Mais comme le sentiment qui est la source des larmes est corrompu, il ne peut verser qu’un pleur corrompu et misérable, comme toutes les œuvres qui dérivent de lui.

Les secondes appartiennent à ceux qui commencent à prendre conscience de leurs maux, par le châtiment personnel encouru par leurs fautes. C’est là un premier mouvement assez commun, que j’accorde généreusement aux faibles qui, dans leur aveuglement, suivent la voie d’en dessous, et vont se noyer dans le fleuve, en faisant fi de la doctrine de ma Vérité. Nombreux cependant, sont ceux qui connaissent leurs maux, sans éprouver la crainte servile de la peine, et se dégagent du péché par une grande haine d’eux-mêmes, qui les fait s’estimer dignes du châtiment. Et quelques-uns, avec une bonne simplicité, s’appliquent désormais à me servir, moi leur Créateur, avec une vraie douleur de l’offense qu’ils m’ont faite.

Cette grande douleur qu’ils éprouvent de leurs péchés les dispose mieux que les premiers à atteindre à la perfection. Cependant, en s’exerçant dans la vertu les uns comme les autres y peuvent parvenir. Mais ils doivent bien se garder de demeurer, ceux-là dans la crainte servile, ceux-ci dans leur tiédeur, c’est-à-dire dans cette première simplicité où l’âme s’attiédit, si elle n’essaye pas d’en sortir par l’exercice de la vertu. C’est là la vocation commune.

Les troisièmes larmes sont le fait de ceux qui, délivrés de la crainte sont parvenus à l’amour et à l’espérance, en goûtant ma divine miséricorde, par l’expérience qu’ils ont de mes faveurs et des consolations spirituelles. Le sentiment qu’ils en éprouvent dans leur cœur, se satisfait par les larmes qui coulent de leurs yeux. Mais ce pleur est encore imparfait, il est mélangé de larmes sensibles spirituelles, comme il a été dit.

En s’exerçant dans la vertu, pendant quelque temps, l’âme sent son désir s’élever et grandir, et elle s’unit à Moi en conformant sa volonté à la mienne, au point qu’elle ne peut désirer et vouloir désormais que ce que Je veux, vis-à-vis de son prochain. C’est alors qu’elle verse, tout à la fois, des larmes, d’amour pour l’union qu’elle sent en elle, et de douleur, pour mon offense et la perte du prochain. Ce sont les quatrièmes larmes.

Cet état est étroitement uni au cinquième, qui est l’ultime perfection, où l’âme s’unit actuellement a Moi, en vérité, et sent croître l’ardeur du saint désir.

Ce désir enflammé met en fuite le démon. Il n’a plus sur l’âme aucune prise ; ni par l’injure qui lui est faite, car la charité du prochain l’a rendue patiente ; ni par les consolations spirituelles ou temporelles, car, par haine d’elle-même et par humilité véritable, elle les méprise.

Il est bien vrai que, de son côté, le démon ne dort jamais. Son exemple fait la leçon a ces négligents qu’il abuse, et qui emploient à dormir, un temps dont ils pourraient tirer tant de profit. Mais à ces âmes parfaites, sa vigilance ne peut nuire, car il ne peut supporter l’ardeur de leur chanté, ni l’odeur de cette union qu’elles ont avec moi, l’Océan de paix.

L’âme ne peut être trompée, tant qu’elle demeure ainsi unie a moi ; le démon fuit d’elle, comme la mouche de la marmite qui bout sur le feu, par la peur qu’elle a de s’y brûler. Mais, si la marmite était tiède, la mouche n’aurait plus peur, elle entrerait dedans ; bien que souvent, elle en sorte bien vite, parce qu’elle la trouve bien plus chaude qu’elle s’imaginait. Il en va ainsi pour l’âme qui n’est pas encore parvenue à l’état parfait. Le démon la croyant tiède, pénètre en elle par des tentations aussi variées que multiples. Mais il se rencontre, que cette âme est en acte de se connaître elle-même et de concevoir de la douleur et du regret de ses fautes. Elle résiste à l’attaque. Pour qu’elle ne consente pas, elle enchaîne sa volonté dans les liens de la haine du péché et de l’amour de la vertu.

O que toute âme se réjouisse, qui éprouve ces nombreux assauts C’est la voie qui conduit à ce doux et glorieux état !

Je te l’ai déjà dit, c’est par la connaissance et la haine de vous-mêmes et par la connaissance de ma Bonté que vous parvenez à la perfection ; aussi, l’âme ne connaît-elle jamais mieux si je suis en elle, qu’au moment de ces combats.

Et comment ?

Je te vais te le dire !

Si en se voyant au milieu de ces luttes, elle prend bien conscience que ces assauts lui déplaisent, et qu’en même temps il ne dépend pas d’elle de s’en délivrer tout en refusant d’y consentir, elle peut alors connaître qu’elle n’est rien. Car, si elle était quelque chose par elle-même, elle se mettrait à l’abri de ces tentations, qu’elle voudrait ne pas subir. Ainsi, par ce moyen, elle s’humilie dans la vraie connaissance d’elle-même, et à la lumière de la très sainte Foi, elle accourt à Moi, le Dieu éternel, dont la Bonté garde sa volonté droite et sainte, pour l’empêcher au temps des multiples assauts, de céder à l’ennemi, en consentant aux tentations dont elle se sent assiégée.


Vous avez donc bien raison de vous réconforter par la doctrine de mon doux Verbe d’amour, mon Fils unique, au temps des afflictions, ou de l’adversité, ou des tentations des hommes et du démon ; car ce sont des moyens d’accroître votre vertu et de vous faire atteindre à la grande perfection.