Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 249-251).


CHAPITRE XLIV

(74)

Des signes auxquels on connaît que l’âme est parvenue à l’amour parfait.

Il me reste maintenant à te dire à quel signe l’on voit que l’âme est arrivée à l’amour parfait. Ce signe est celui-là même qu’on vit dans les disciples saints, après qu’ils eurent reçu le Saint-Esprit. Ils sortirent du cénacle, et délivrés de toute crainte, ils annonçaient même parole, et prêchaient la doctrine de mon Fils unique. Loin de redouter les souffrances, c’est de leurs souffrances qu’ils se faisaient gloire. Ils n’avaient pas peur d’aller devant les Tyrans, pour leur annoncer et leur faire connaître la Vérité, pour l’honneur et la gloire de mon nom.

Ainsi, pour l’âme qui attend ma venue, dans la connaissance d’elle-même, comme je L’ai dit. Je suis retourné vers elle, par le feu de ma Charité. Cette Charité, pendant qu’elle se tenait enfermée dans sa demeure avec persévérance, lui a fait concevoir la vertu par sentiment d’amour en la faisant participer à ma Puissance, à ma Force, à ma Souveraineté, et elle a vaincu par elle son amour-propre sensitif.

Par cette même Charité, je la rendais participante de la Sagesse de mon Fils. Par cette Sagesse, l’œil de son intelligence vit et connut ma Vérité, et les illusions de l’amour-propre spirituel, de l’amour imparfait des consolations personnelles. Elle connut la fourberie et la malice avec lesquelles le démon abuse l’âme qui est encore retenue dans les liens de cet amour imparfait, et elle sentit monter en elle la haine de cette imperfection avec l’amour de la perfection.

Cet amour, c’est le Saint-Esprit lui-même qui se répand dans sa volonté, lui communiquant sa Force, lui inspirant le désir de supporter la souffrance et de sortir de sa retraite, pour produire les bonnes œuvres envers le prochain. En réalité elle ne quitte pas la cellule de la connaissance d’elle-même ; elle fait seulement sortir d’elle les vertus qu’elle a conçues par sentiment d’amour, et elle les fait fructifier de diverses manières, quand les besoins du prochain le demandent. Elle n’a plus peur de perdre ses consolations spirituelles, comme je te l’ai dit plus haut. Une fois parvenue à l’amour parfait et libre, elle sort au dehors, rien ne la retient plus.

L’âme atteint ainsi le quatrième état, qui fait partie du troisième, qui est l’état parfait. Mais, dans ce troisième état, où elle goûte et enfante la charité dans son prochain, elle reçoit un état ultime de parfaite union avec moi. Ces deux états sont unis ensemble ; l’un ne va pas sans l’autre, car la charité envers moi n’est pas séparée de la charité envers le prochain et la charité envers le prochain de celle qu’on a pour moi ; l’une ne peut exister sans l’autre. Ainsi en est-il de ces deux états, l’un n’est pas sans l’autre, comme je te l’expliquerai quand je te parlerai de troisième état.