Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 102-104).


CHAPITRE XIV

(30)

Comment cette âme, en admiration de la miséricorde de Dieu, raconte plusieurs grâces et bienfaits accordés à la race humaine.

Alors, cette âme, comme enivrée, ne se pouvait plus contenir et, debout en la présence de Dieu, elle disait : O éternelle miséricorde, qui couvrez les fautes de vos créatures ! Je ne m’étonne donc plus que vous disiez de ceux qui sortent du péché mortel pour faire retour à vous : Moi, je ne me souviens plus que vous m’ayez jamais offensé ! O Miséricorde ineffable, non je ne m’étonne plus que vous disiez cela à ceux qui sortent du péché, quand je vous entends dire de ceux qui vous persécutent : Je veux que vous me priez pour eux afin que je leur fasse miséricorde. O miséricorde qui procède de votre Divinité, Père éternel, et qui gouverne par votre puissance le monde tout entier ! C’est par votre miséricorde que nous avons été créés ; par votre miséricorde que nous avons été recréés, dans le sang de votre Fils ; c’est votre miséricorde qui nous conserve ; c’est votre miséricorde qui a mis votre Fils en agonie et l’a abandonné sur le bois de la croix, dans cette lutte de la mort contre la vie et de la vie contre la mort ! C’est alors que la Vie a vaincu la mort du péché et que la mort du péché a arraché la vie corporelle à l’Agneau sans tache. Qui resta vaincu ? La mort ! Quelle en fut la cause ? La miséricorde ! Votre miséricorde donne la vie, et elle donne la lumière qui nous fait connaître votre clémence pour toute créature, pour les justes et pour les pécheurs.

Au plus haut des cieux, votre miséricorde éclate dans vos saints. Si je regarde la terre, votre miséricorde y abonde. Dans les ténèbres de l’enfer, votre miséricorde luit encore, en n’infligeant pas aux damnés un supplice aussi grand que leurs fautes. Votre miséricorde fait plus douce votre justice ! C’est par miséricorde que vous nous avez lavés dans le sang, par miséricorde que vous avez voulu converser avec vos créatures.

O Fou d’amour ! Ce n’était donc pas assez de vous incarner, qu’encore vous avec voulu mourir ! Ce n’était donc pas assez de mourir, qu’aussi vous êtes descendu aux enfers pour en délivrer les saints Patriarches et accomplir en eux votre vérité et votre miséricorde ! Votre bonté en effet, avait promis le bonheur à ceux qui vous servent en vérité, et vous êtes descendu aux limbes, pour tirer de peine ceux qui vous avaient servi et leur rendre le fruit de leurs travaux.

Votre miséricorde vous a poussé à faire plus encore pour l’homme. Vous vous êtes laissé en nourriture, afin de nous fortifier dans notre faiblesse, et pour que notre ignorance, avec un tel souvenir, ne pût perdre la mémoire de vos bienfaits. Voilà pourquoi chaque jour, vous vous donnez à l’homme, en vous représentant à lui, au sacrement de l’autel, dans le corps mystique de la sainte Église. Qui donc a fait cela ? Votre Miséricorde !

O Miséricorde ! Mon cœur devient tout feu à penser à vous ! De quelque côté que mon esprit se tourne et se retourne, je ne trouve que miséricorde ! O Père éternel, pardonnez à mon ignorance, si je suis assez présomptueuse pour parler devant vous ! L’amour de votre miséricorde me sera une excuse devant votre Bonté.