Le Diable au XIXe siècle/XXXV

Docteur Bataille ()
Delhomme et Briguet (tome 2p. 594-606).

CHAPITRE XXXV

Le plan des Chefs secrets[1]


Dans les premiers jours du mois d’août 1871, c’est-à-dire moins d’un an après la constitution du Palladisme (rite suprême), le « docte pontife luciférien », Albert Pike reçut de Mazzini une importante lettre. Le chef d’action politique de la franc-maçonnerie universelle invitait le chef suprême et dogmatique de la secte à tracer un plan de campagne précis en vue de la destruction du catholicisme romain.

« L’unité de l’Italie, disait-il, n’a jamais été considérée par nous comme un but, mais comme un moyen. »

Albert Pike réunit ses dix conseillers des heures solennelles, les membres du Sérénissime Grand Collège des Maçons Émérites, et soumit à leur examen la question posée par le très illustre frère Giuseppe Mazzini.

De cette réunion des onze plus hautes lumières de la secte infernale, de ce conciliabule diabolique qui dura sept jours (du 9 au 15 août), sortit, mûrement délibéré, et inspiré sans aucun doute par Satan en personne, le document suivant (traduit du texte original, qui est en latin) :


« Le Sérénissime Grand Collège des Maçons Émérites, réuni sous la présidence du Très Illustre, Très Puissant et Très Divinement Éclairé Frère Limmud-Ensoph[2], Grand-Maître Conservateur du Palladium Sacré, Souverain Pontife de la Franc-Maçonnerie Universelle, a reçu avec respect la Noble et Digne Voûte émanant du Très Illustre, Très Puissant et Très Éclairé Frère Emounah-Shemed, Chef d’Action Politique et Grand Dictateur Président du Souverain Directoire Exécutif, datée du premier jour de la Lune Ab, dix-huitième jour du cinquième mois de l’an de la Vraie Lumière 00871, et, sous l’œil du Tout-Puissant Divin Maître Excelsus Excelsior, l’a prise en considération, a examiné les questions d’intérêt suprême qui y sont exposées, puis, après délibération, a fixé les conclusions légitimes qui de ce jour auront force de loi.

« Rihab Sabba, Ahta Ahtnanoc Malog Hcsorem, Lucifer. Alleluia !

« La destruction du mauvais catholicisme, ne pouvant être opérée d’un seul coup, et l’édification du bon catholicisme, demandant également de longs travaux, sont deux œuvres parallèles, auxquelles il faut s’employer en même temps, de telle sorte que, lorsque le temple d’Adonaï, miné de toutes parts, sera prêt à s’effondrer à jamais dans sa ruine totale, la même impulsion qui l’anéantira découvre, aux yeux de l’humanité dûment préparée, le temple, jusque-là caché, de notre Divin Maître.

« Lucifer Dieu-Roi verra alors le monde entier se consacrer à lui et l’adorer ; sa religion sera dès lors vraiment catholique.

« Le titre de catholique n’appartient pas, en effet, ne saurait appartenir à la superstition romaine. Il est certain, par révélation, que son nombre d’apogée n’atteindra jamais le quart de la population du globe ; cela est écrit dans le livre des cieux. D’autre part, la religion d’Adonaï a eu son maximum de domination, et il est visible qu’elle est en décroissance.

« Il nous est nécessaire d’envisager la situation religieuse de l’humanité, si nous voulons agir sûrement dans l’œuvre double de destruction du temple d’Adonaï et d’édification du temple de Lucifer. Ce coup d’œil préliminaire nous donnera courage et bon espoir dans la réalisation des promesses divines ; car il nous montrera que l’avenir est à nous, et que le titre de catholiques est réservé à nous seuls.

« Un milliard quatre cent millions d’habitants, telle est la population du globe terrestre. Sur ce nombre, le catholicisme romain compte seulement deux cent dix millions d’adeptes.

« Toutefois, nous devons classer les adeptes des religions par groupes.

« Le groupe chrétien est à subdiviser ainsi : catholiques romains, deux cent dix millions ; protestants, cent vingt millions ; orthodoxes, que le pape de la superstition appelle schismatiques, quatre-vingts millions.

« Le groupe indien est à subdiviser ainsi : bouddhistes, quatre cent vingt millions ; brahmanistes, cent soixante millions.

« Il faut placer à part les mahométans, deux cents millions.

« Observons que la vérité est connue des prêtres du védisme (groupe indien), et que les mahométans, sans avoir encore la vérité, ont grand nombre de leurs prêtres inspirés par elle.

« Deux cent trente-trois millions d’idolâtres, fétichistes ou adorateurs de diverses idoles, sont appelés à disparaître avec la civilisation, non comme individus, mais comme religionnaires. Les missionnaires du catholicisme romain les veulent conquérir ; or, le catholicisme romain aura lui-même disparu avant que cette conquête ait été accomplie fractionnellement d’une façon sérieuse.

« La religion israélite compte sept millions d’adeptes ; ce petit groupe n’a pas de tendance à se laisser entamer par le catholicisme romain ; il nous est promis par la révélation.

« Enfin, les statisticiens estiment à vingt-huit millions les libres-penseurs déistes répandus sur la surface du globe, et les athées à deux millions. Les uns et les autres sont surtout des déserteurs du groupe chrétien.

« Or, il ne convient pas de considérer tout l’ensemble du groupe chrétien comme éloigné de la vraie lumière au même degré. Le protestantisme, dans ses multiples fractions, sauf une minorité infime, est composé d’adeptes qui raisonnent, cherchent constamment la vérité, et, par conséquent, la trouveront ; c’est d’eux que nous viennent les plus nombreux fidèles du Dieu-Bon. Tout au contraire, les orthodoxes ou schismatiques sont la proie promise au Dieu-Mauvais, ainsi qu’il est écrit dans le livre des cieux. Mais, quand les orthodoxes se seront réunis au catholicisme romain, celui-ci ne comptera pas trois cent millions d’adeptes.

« La conversion des protestants au Temple de la Vraie Lumière sera graduelle, dit la révélation ; celle des mahométans sera déterminée entière et inopinée par un grand évènement qui se produira sous le sixième souverain pontificat du bon catholicisme. De cela, il résulte que trois cent vingt millions d’âmes seront éclairées, loin d’être vouées, un jour quelconque, aux ténèbres de la superstition maudite.

« Selon la révélation, le catholicisme romain ira donc toujours en décroissance, soit par les conquêtes d’âmes que nous ferons sur lui, soit par les désertions qui augmenteront le nombre de libres-penseurs déistes, et nous savons que ceux-ci sont en état de transition et nous sont finalement promis.

« D’autre part, nous n’avons pas à nous préoccuper de l’état de transition du groupe indien ; car ses prêtres ont d’ores et déjà la vraie lumière.

« C’est pourquoi, à l’heure marquée dans le livre des cieux, c’est-à-dire quand le catholicisme romain aura atteint son dernier maximum d’adeptes par la réunion des orthodoxes ou schismatiques, il trouvera en face de lui plus d’un milliard de catholiques lucifériens.

« La question se résume, en conséquence, à ceci : il faut que nous soyons prêts, lorsque nous nous trouverons être un milliard et plus, faisant enfin flotter haut nos étendards, à produire l’explosion qui fera sauter le Temple d’Adonaï ; alors, en d’autres termes, la superstition devra être tellement impuissante et ruinée, que ses adeptes viendront d’eux-mêmes se fondre dans nos rangs, — et les miracles éclatants qui ouvriront leurs yeux nous sont promis, — et que, s’il reste à ce moment encore quelques prêtres obstinés à vouloir prêcher le Dieu Mauvais, leur extermination s’exécutera sans aucune difficulté.

« Comment donc tout doit-il être dirigé pour que nous parvenions graduellement et paisiblement à cette échéance inéluctable ?

« La tactique est variable, selon que nous manœuvrerons en pays où domine l’élément catholique romain ou bien en pays où domine l’élément protestant, pour parler ici du groupe chrétien.

« L’œuvre principale est celle qui a pour but de transformer les catholiques romains en libres-penseurs déistes. Nous devons nous y appliquer de toutes nos forces ; car ce sera là la transition du plus grand nombre. L’expérience a démontré que peu nombreuses sont les âmes privilégiées qui s’arrachent d’un seul bond à l’abîme de l’obscurantisme pour prendre leur vol hardi dans l’éther des divines et vivifiantes lumières.

« Pour cela, il faut conquérir les sièges du gouvernement de ces peuples ; tout est là. Soit dans les républiques, soit dans les états monarchiques, nous devons faire promulguer des lois, annihilant partout l’influence des prêtres de la superstition et de leurs auxiliaires, les moines qui se mêlent au peuple et les nonnes qui entretiennent les âmes dans l’erreur, en se couvrant du manteau d’une trompeuse bienfaisance. Il faudra, d’une part, au moyen de la presse dont nous inspirons les écrivains, montrer combien est avilissante pour la dignité humaine l’aumône des mauvais catholiques, et cela en faisant ressortir que l’individu a droit au bien-être par des réformes sociales et non par des secours d’une routinière charité, et, d’autre part, au moyen des parlements législateurs ou n’importe comment, disperser les congrégations impopulaires, ruiner adroitement celles que des préjugés profanes obligent à ménager encore, en un mot, faire disparaître d’abord tout ce qui est moine ou nonne.

« Dans l’ordre intellectuel, spécialement, il faut obtenir des pouvoirs publics la neutralité de l’école, afin que le prêtre ni aucun de ses auxiliaires n’y pénètrent plus désormais ; ensuite, on arrivera à détourner les parents de la pensée, qu’ils pourraient avoir dans les premiers temps de la neutralisation, de faire donner à leurs enfants l’enseignement catholique romain en dehors de l’école neutralisée. En effet, empêcher que les nouvelles générations aient l’intelligence oblitérée par le mensonge des mauvais dogmes est un point capital. Mais il faudra, en même temps, prendre des mesures sérieuses pour que l’enseignement officiel reste neutre et ne tombe pas dans l’athéisme ; la neutralité nous suffit, c’est-à-dire l’étouffement de toute tendance à insinuer dans les jeunes cerveaux les faux dogmes adonaïtes. Il existe, en effet, en l’âme humaine un sentiment inné qui pousse l’individu vers un idéal divin, qui lui fait comprendre instinctivement l’existence d’un être suprême, surnaturel facteur, organisateur et moteur de l’univers. Ce sentiment, en le laissant librement s’épanouir, c’est-à-dire sans le diriger criminellement vers la superstition, religion du Dieu-Mauvais, flottera d’abord dans la demi-lumière d’un déisme vague, mais non contaminé par le souffle empesté du catholicisme romain ; puis, quand l’heure sera venue où le Dieu-Bon se montrera, seul vraiment digne des adorations de l’humanité, c’est à lui qu’iront toutes les aspirations indécises des enfants devenus hommes ; et ainsi, en éloignant d’Adonaï l’enfance et l’adolescence, nous vouerons à Lucifer, par le seul fait du penchant de la nature, la maturité des nouvelles générations. Il est donc de nécessité absolue que l’instituteur nettement athée soit éliminé de l’école, s’il s’y introduisait après que nous en aurons chassé le prêtre adonaïte, et que les livres d’instruction, mis entre les mains des enfants, tout en étant expurgés des dogmes menteurs du catholicisme romain, posent en principe, mais sans définition précise, l’existence d’un être suprême.

« Pendant que les nouvelles générations seront ainsi formées, il faudra combattre l’adonaïsme dans les esprits, par toutes sortes de publications démontrant combien est à la fois monstrueuse et ridicule l’idée de la divinité, telle que les prêtres de la superstition la représentent. Dans cette lutte, on ne devra pas négliger le pamphlet, la satire, la moquerie, qui frappent les masses bien mieux que les dissertations savantes. N’oublions jamais le bien que Voltaire a fait à notre cause, en couvrant de ridicule le catholicisme romain. Mais ce n’est pas pour le plaisir de plaisanter et de rire qu’il convient d’adopter cette excellente tactique : en discréditant les dogmes mensongers et le culte adonaïtes, nous discréditerons les ministres de cette religion détestable ; nous arriverons peu à peu à faire déserter ses églises En effet, nous ne devons pas compter uniquement sur le résultat des lois obtenues ; car, lorsque nous serons parvenus à faire priver totalement le clergé catholique romain des subventions octroyées par les États, il obtiendra des compensations pécuniaires par les sommes qu’il soutirera directement aux fanatiques demeurant dans une crédulité incurable. Or, on ne diminuera le nombre de ces malheureux exploités, qu’en discréditant — toutes les institutions du catholicisme romain ; il faut que les individus ayant le moindre bon sens en arrivent à se considérer eux-mêmes comme ridicules chaque fois qu’ils auraient la faiblesse de recourir aux sacrements de la superstition ; de la sorte, par crainte des railleries, ils se déshabitueront d’entretenir les prêtres imposteurs. Il sera bon de donner alors toute latitude aux charlatans de la pire espèce, à la lie des faux devins, dont le vil métier est une escroquerie évidente ; la presse inspirée par nous établira des comparaisons entre ceux-ci et les ministres d’Adonaï, et les confondra dans la même moquerie et la même réprobation.

« D’autre part, par tous les moyens législatifs ou autres, on restreindra le recrutement du sacerdoce catholique romain. On accomplira une œuvre salutaire en donnant aux jeunes prêtres la connaissance réelle de la vie sociale, que leurs éducateurs leur montrent sous de faux aspects. Il sera nécessaire d’avoir des femmes sûres, qui se dévoueront à les initier aux bienfaits du Dieu-Bon. Les résultats à obtenir ainsi seront fructueux ; car il se produira de deux choses l’une : ou le prêtre adonaïte, une fois qu’il aura goûté aux joies suaves que la barbarie papale lui interdit, se retirera du clergé et sera alors la démonstration publique de ce que la nature condamne le célibat systématique et absolu ; ou bien, il demeurera dans la caste sacerdotale, et alors il sera bientôt à nous secrètement, non comme allié, mais comme tout à fait nôtre, et il nous rendra les plus précieux services pour miner le temple d’Adonaï.

« De n’importe quelle façon et en toutes circonstances, il faut faire le vide autour du prêtre catholique romain, et il faut encore que ce clergé, devenant de plus en plus méprisé, honni, conspué, soit diminué en nombre, sans s’arrêter à aucune considération pour obtenir ce résultat. D’une part, on multipliera les sociétés de plaisirs citadins ou champêtres, les cercles, les fêtes non religieuses, etc. ; d’autre part, on préconisera hardiment et partout, comme on le ferait pour une doctrine, ce mot d’ordre anticatholique-romain : « Pas de prêtre à la naissance ! pas de prêtre au mariage ! pas de prêtre à la mort ! » et l’on favorisera la création de toute association de solidaires établie avec ce programme. Enfin, or signalera, à grand bruit, comme un scandale, tout fait dont un prêtre adonaïte sera l’auteur et qui sera de nature à discréditer la corporation sacerdotale ; que s’il s’agit cependant d’un fait non mauvais par lui-même, mais seulement en contradiction avec la cruelle loi de chasteté prétentieusement revendiquée par le papisme, voulant faire croire que son clergé est au dessus de la nature, dans ce cas, il conviendra de n’ébruiter la chose que si l’auteur de l’infraction aux règlements ecclésiastiques n’est pas jugé capable de devenir notre agent secret.

« Voilà la marche à suivre, pour l’ensemble de tous les pays du groupe chrétien.

« En particulier, nous devons arrêter un moment nos regards sur l’Italie. Là, la franc-maçonnerie, tout en suivant à la lettre la ligne de conduite que nous venons de tracer, aura le devoir, en outre, de travailler, avec la plus grande activité et sans jamais se lasser, à l’abrogation de la loi qui vient d’être votée il y a trois mois et sur laquelle le Chef d’Action Politique a appelé notre attention[3]. On commencera par attaquer à outrance le système des deux souverainetés dans un même pays, dans la même capitale ; on fera ressortir l’inconvénient résultant d’un double corps diplomatique, dont la moitié sera accréditée auprès d’un italien tiaré en état de conspiration permanente contre sa propre patrie. Cette campagne de la maçonnerie italienne devra être secondée par la maçonnerie des pays ayant un ambassadeur auprès du pontife de la superstition romaine ; on déposera des motions pour la suppression de ces ambassades ; on insistera sur ce point, que le fait de l’existence des ambassades auprès dudit pontife dépend uniquement de la magnanimité de l’Italie qui a bien voulu reconnaître à un chef de secte, désormais sans territoire, le caractère et les prérogatives du souverain. Ensuite, on attaquera l’inviolabilité si imprudemment octroyée aux congrégations ecclésiastiques formant la haute administration spirituelle du siège suprême de la superstition romaine. On suscitera des conflits entre l’autorité politique nationale et n’importe quels chefs relevant de l’autorité pontificale. On ne négligera aucune occasion d’exciter le peuple contre la personne même de l’occupant de ce siège maudit, afin que, s’il venait à sortir de son Vatican, il y ait des troubles. Il faudra habituer l’opinion publique italienne à considérer comme un embarras dangereux la présence du pape dans le pays.

« Lorsque l’opinion publique sera mûre pour accepter l’expulsion du pape votée par un parlement à majorité maçonnique, il conviendra qu’un des nôtres dépose un projet de loi dans le sens que voici :


« Art. 1er . — L’Italie ne reconnaît aucune religion d’État.

« Art. 2. — L’Église chrétienne, précédemment dite catholique, pour continuer à avoir le droit au libre exercice de son culte, devra être exclusivement italienne en Italie.

« Art. 3. — Ses évêques sont autorisés à se réunir en conseil général national et à nommer l’un d’entre eux Patriarche pour la Péninsule, la Sardaigne et la Sicile.

« Art. 4. — Le Pape actuel est éligible à cette dignité, à la condition qu’il renoncera à toute direction supérieure chrétienne autre que celle de l’Église d’Italie.

« Art. 5. — Le Patriarche chrétien d’Italie n’ayant aucunement le caractère de souverain, nul ambassadeur étranger ne peut être accrédité auprès de lui.

« Art. 6. — Le Sacré Collège des Cardinaux cesse d’exister, ainsi que les Congrégations dites du Saint-Office, du Concile, de la Propagande, des Rites, de l’Index, des Indulgences, et, en un mot, tout comité supérieur ecclésiastique fonctionnant en vue d’une administration universelle soit spirituelle soit financière.

« Art. 7. — Les titres de Cardinal et d’Archevêque sont abolis ; tous les Évêques sont sur le même pied vis-à-vis du pouvoir civil, à l’exception du Patriarche, qui est le premier évêque italien et qui, dans les cérémonies officielles de l’État, prendra place entre les présidents de Cours de Cassation et le président de la Cour des Comptes.

« Art. 8. — Chaque Évêque administre son diocèse sous le contrôle de l’État ; les Évêques n’ont à se référer au Patriarche qu’en ce qui concerne les questions d’ordre purement spirituel ou liturgique.

« Art. 9. — Tout acte du Patriarche ; qui serait commis en violation de la présente loi, entraînera sa destitution immédiate et son bannissement.

« Art. 10. — Tout Évêque, qui serait reconnu complice du Patriarche violateur de la loi, encourra la peine de l’emprisonnement en forteresse, de cinq ans à dix ans, et sera, en outre, dégradé en présence du peuple assemblé sur la place publique ou parvis de la cathédrale de son diocèse.

« Art. 11. — Une Commission Centrale des Cultes, composée d’autant de membres laïques qu’il existe de diocèses, et dont les membres seront nommés par le Parlement, centralisera tous les rapports des autorités civiles sur les actes d’administration ou autres relatifs aux diocèses et formera un conseil supérieur permanent chargé de trancher tous les différends entre les Évêques et leurs subordonnés ecclésiastiques, à l’exception des questions d’ordre purement spirituel ou liturgique restant soumises à la seule juridiction suprême du Patriarche.

« Art. 12. — Les Curés seront élus par les fidèles, votant au scrutin secret, et demeureront attachés inamoviblement à leur paroisse ; les Curés actuels, déclarés éligibles par la présente loi, mais non imposés aux fidèles, seront soumis, dans les six mois à dater de ce jour, à la confirmation de leur fonction et titre par le libre suffrage de leurs paroissiens.

« Art. 13. — Les Évêques seront nommés par le Patriarche sur la présentation du gouvernement choisissant trois candidats ; néanmoins, les Évêques actuels, qui accepteront le présent règlement de la question religieuse, resteront en fonctions ; tout Évêque non acceptant redeviendra simple prêtre, sera pourvu d’un vicariat de paroisse rurale par son successeur à la direction du diocèse, et restera à jamais inéligible à une Cure. »


« En même temps que ce projet de loi sera déposé à la Chambre des députés d’Italie, une copie, qui en aura été envoyée au préalable, dans tous les pays infectés de catholicisme romain, aux journaux rédigés par les nôtres, sera aussitôt publiée partout, avec accompagnement de vifs éloges. Un concert unanime d’articles célèbrera la sagesse des libéraux italiens, en leur attribuant le mérite d’avoir trouvé une si bonne solution de la question religieuse. On s’appliquera à mettre en lumière l’absurdité de la situation existant jusqu’alors : combien il est mauvais pour l’Italie d’avoir un de ses citoyens conspirant contre la patrie, en tant que chef irréductible d’une religion se prétendant universelle et faisant profession de se placer au-dessus des autorités légitimes du pays ; et combien il est mauvais pour les autres nations d’avoir chacune un véritable État organisé dans l’État, avec tout un personnel de prêtres, en réalité fonctionnaires dépendant d’un souverain étranger. Les journaux inviteront les députés progressistes de leur pays à présenter promptement un projet de loi semblable, affranchissant du joug extérieur le clergé national de ce culte dit catholique, et le constituant en sacerdoce libre d’une religion dont les fidèles n’auront, avec ceux pratiquant le même culte en une autre contrée, rien de commun que la croyance. Une grande agitation sera ainsi créée dans les divers pays où les adeptes d’un catholicisme romain sont en nombre, et, par les moyens légaux, au moyen d’une entente générale émanant de la franc-maçonnerie, on procèdera au morcellement de la religion malfaisante.

« Ces évènements ne s’accompliront ni dans vingt ans ni dans trente ans. On les provoquera lorsque le catholicisme romain sera déjà tout à fait discrédité, lorsque les vieilles femmes et quelques fous incurables seront seuls à former sa clientèle de partisans, et lorsqu’une notable partie de son clergé nous sera secrètement acquise.

« Quand se produiront les circonstances favorables, si tel ou tel pays, ayant été mieux travaillé que d’autres, a déjà supprimé totalement le budget des cultes et réduit les prêtres de la superstition aux offrandes des fidèles, rendues de plus en plus restreintes par des obstacles légaux, dans ce cas, il sera utile, dans ce ou ces pays, de rétablir les subventions de l’État aux membres des divers clergés et même de se montrer généreux envers les prêtres de l’adonaïsme qui accepteront la nouvelle situation. On proclamera bien haut que l’État, voulant protéger la religion dès l’instant qu’elle n’est plus un prétexte de complots avec l’étranger, dote magnifiquement le corps sacerdotal. Rien ne devra être négligé pour assurer le morcellement de la religion d’Adonaï et lui enlever son caractère d’internationalité. C’est là, en effet, ce qui permettra, un peu plus tard, de l’extirper complètement et d’une façon définitive.

« On ne saurait donc trop agir en vue d’amener un jour ce résultat si important, sans se laisser décourager jamais par les difficultés de l’entreprise.

« Au surplus, nous devons nourrir dans nos cœurs non seulement l’espoir, mais même la certitude, que l’accomplissement du morcellement de l’adonaïsme n’est pas une chimère ; car cela nous est promis par la révélation, au livre intitulé De la Rédemption, dans l’Apadno.

« Il est dit encore que le Pape de la superstition, siégeant à Rome à l’époque du morcellement, refusera d’acquiescer à la nouvelle situation de son Église, et qu’il lancera ses foudres, désormais impuissantes, contre les gouvernements participant à cette grande œuvre de salut social. Alors, il sera abandonné par une multitude de ses prêtres dans les divers pays, attendu que beaucoup auront été gagnés d’avance à nous ; l’Italie l’expulsera, et la Papauté maudite sera errante et obligée de rentrer quelque temps dans les ténèbres ; car les gouvernements porteront des peines sévères contre ceux qui lui maintiendraient leur adhésion et qui conspireraient ainsi avec elle.

« Mais il est écrit aussi que le Pape-Errant, pasteur d’un troupeau dispersé, pilote de la barque désemparée de Céphas, et sixième successeur de l’homme d’orgueil sous qui s’est écroulé le pouvoir temporel du pontificat infâme, sera recueilli, après expulsions sur expulsions, par l’autocrate slave, qui affectera de lui rendre de grands honneurs. L’adonaïsme tentera alors de se reconstituer comme avant l’expulsion de Rome ; le Pape-Errant étant près de mourir en Russie, l’autocrate impérial se prosternera à ses pieds, et les nations pratiquant jusque-là l’orthodoxie, c’est-à-dire la religion schismatique d’Orient, se rallieront assez rapidement à l’ancien catholicisme romain, vomi d’Italie. Le Pape-Errant, à son lit de mort, sera joyeux de voir ces nouveaux adeptes remplacer les occidentaux récemment séparés de son Église, et, au sein des nations qui auront opéré le morcellement de l’adonaïsme, il aura encore des fidèles, ceux-ci se cachant pour se livrer aux pratiques de la superstition réprouvée ; avant d’expirer, il aura maintenu l’épiscopat aux évêques du schisme d’Orient, et il aura institué, parmi eux, des cardinaux grecs et russes. Son successeur sera un slave ; le siège de la Papauté adonaïte sera établi dans la ville septentrionale de Pierre, sous la réserve de reconquérir Rome. Mais ce sera en vain que l’autocrate impérial, dans l’espoir d’étendre sa domination, se fera le croisé de l’adonaïsme ; ses efforts n’aboutiront point, et l’Église naguère romaine demeurera morcelée dans les nations de l’Occident européen. Ainsi, la Russie sera le dernier refuge et le dernier rempart de l’adonaïsme se prétendant catholique.

« Chez les peuples occidentaux, dès que le nouveau régime religieux sera légalisé, il faudra supprimer radicalement ces propagandistes dangereux qui s’intitulent missionnaires et vont chez nos frères d’Asie, ainsi que chez les idolâtres d’Afrique et d’Océanie dont la conversion doit être notre œuvre, porter le mensonge de leurs prédications empoisonnées. Les gouvernements interdiront, sous les peines les plus sévères, ces émigrations détestables, qui sont de nature à créer d’incessants conflits avec les nations asiatiques, dont la foi, devenue alors parfaitement éclairée par les efforts des sages prêtres thibétains unis à notre maçonnerie auxiliaire des Indes et de la Chine, devra être respectée. Et, sans attendre l’époque éloignée de ces évènements, tout maçon a, dès à présent, le devoir de combattre, par la plume et par la parole, les missionnaires dits catholiques et de souffler dans le monde profane le mépris d’eux et une haine inextinguible. Ces missionnaires sont nos plus mortels ennemis. Quiconque, franc-maçon, ne les combattra pas, sera tenu pour traître ; quiconque s’associera à leur action néfaste ou seulement l’appuiera par un éloge public sera frappé à mort.

« Enfin, il sera bon d’entretenir, dans les basses classes de toute nation, le ferment des idées révolutionnaires, même celles des socialistes les plus portés aux extrémités violentes. L’athéisme étant mauvais par lui-même en détournant de son vrai but toute œuvre de rénovation humanitaire antichrétienne, il nous faut le canaliser et le mêler aux doctrines sociales les plus exagérées, qui sont destinées à l’insuccès final, ne pouvant qu’occasionner un bouleversement momentané, immédiatement suivi d’une énergique réaction. Or, d’une part, nous discréditerons au dernier degré la théorie superstitieuse de la divinité, de telle façon que les peuples encore imprégnés d’adonaïsme s’en détacheront peu à peu et finiront par n’y plus croire aucunement, et les derniers prêtres de l’adonaïsme morcelé, émietté, seront tout à fait acquis à nous dans les temps du nouveau régime religieux, lequel sera un état de transition, comme le déisme libre-penseur ; d’autre part, nous nous garderons bien d’arracher de la multitude la croyance au surnaturel divin, mais nous nous bornerons à proclamer en toute occasion l’existence d’un être suprême, sans faire connaître publiquement encore nos saintes traditions et nos révélations mystiques. Ainsi le veut le Dieu-Bon.

« C’est pourquoi, lorsque l’empire autocratique de Russie sera devenu la citadelle de l’adonaïsme papiste, nous déchainerons les révolutionnaires nihilistes et athées, et nous provoquerons un formidable cataclysme social, qui montrera bien aux nations, et dans toute son horreur, l’effet de l’incroyance absolue, mère de la sauvagerie et du plus sanglant désordre. Alors, partout, les citoyens, obligés de se défendre contre la minorité folle des révoltés, extermineront ces destructeurs de la civilisation ; et les innombrables désabusés de l’adonaïsme, dont l’âme déiste sera jusqu’à ce moment restée sans boussole, ayant soif d’idéal, mais ne sachant à quel dieu décerner leurs hommages, recevront la Vraie Lumière, par la manifestation universelle de la pure doctrine luciférienne, rendue enfin publique, manifestation qui surgira du mouvement général de réaction, à la suite de l’écrasement de l’athéisme et de l’adonaïsme, tous deux vers le même temps vaincus et exterminés.

« L’enfantement de la religion de Lucifer Dieu-Bon, s’établissant à jamais sans rivale sur le globe terrestre, ne saurait être une opération instantanée, ni d’un an, ni d’un lustre, ni d’un siècle. L’œuvre durable est celle qui se crée par progression lente. Le xixe siècle a vu la conception du vrai et bon catholicisme ; le xxe siècle sera le siècle de la gestation, pour amener sûrement la parturition à son terme fixé dans le livre des cieux (29 septembre 1996 de l’ère chrétienne alors finie).

« Ecrit et donné en Solennelle Voûte, et signé, aux pieds du Palladium Sacré, par le Souverain Pontife de la Franc-Maçonnerie Universelle et par les dix Anciens composant le Sérénissime Grand Collège des Maçons Emérites, au Suprême Orient de Charleston, en la Vallée chérie du Divin Maitre, le 29e et dernier jour de la Lune Ab de l’an 000871 de la Vraie Lumière (15 août 1871, ère vulgaire). »

Tel est le plan secret, qui, formule et résume la tactique et les espérances de la secte.

N’y at-il pas lieu de prononcer, pour conclure, la mystérieuse réponse du mot sacré des chevaliers Kadosch ?

« Pharasch-Chol. » Tout est expliqué.

  1. Il est utile de faire ici une modification à l’ordre des chapitres de mon ouvrage ; ce sera, du reste, la seule. Dans mon premier volume, pages 482 et suivantes, j’ai indiqué la division qu’il m’était nécessaire d’adopter, pour être clair et complet, et j’ai annoncé huit chapitres pour la présente viiiie partie. Cependant, au classement de mes noter, je m’aperçois que les trois chapitres consacrés aux complots contre la Papauté, à l’état général et aux bilans annuels de la franc-maçonnerie universelle, trouveront une place plus rationnelle dans la xie partie, Théurgie ou Magie Blanche, partie réservée au Palladisme. En effet, les documents à produire, tout en faisant la lumière sur les forces et les ressources de la secte, s’appliquent en grande partie à la haute-maçonnerie, c’est-à-dire au Rite Suprême du Palladium ; et, d’autre part, l’histoire d’un complot contre Léon XIII a sa place mieux marquée dans le chapitre qui sera consacré à Sophie Walder. Enfin, le Plan des chefs secrets, que je publie ici est la meilleure conclusion des révélations sur le Combat contre l’Église.
  2. Dans les documents essentiellement palladiques et exclusivement destinés aux triangles, les chefs supérieurs de la haute-maçonnerie ne signent et ne sont jamais désignés autrement que par leur nom de « divine consécration ». On sait qu’au Sérénissime Grand Collège ces noms sont cabalistiques et passent de l’un à l’autre au fur et à mesure des remplacements par suite de décès. Ainsi, le Chef Suprême est toujours l’Ensoph, comme président du Sérénissime Grand Collège ; mais un qualificatif honorifique le distingue personnellement. Albert Pike se qualifia de Limmud, qui veut dire « plein de science ».
  3. Il s’agit évidemment de la loi des garanties, qui, après avoir été votée par la Chambre des députés, passa le 2 mai au Sénat italien.