Traduction par Fernand Hû.
Ernest Leroux (Bibliothèque orientale elzévirienne, XXIp. 35-37).

CHAPITRE X




LA VIOLENCE


129 Tout le monde tremble devant la violence, tout le monde tremble devant la mort. Qu’on fasse ce qu’on voudrait que fît autrui ; qu’on ne tue point ; qu’on ne fasse point tuer.

130 Tout le monde tremble devant la violence, à tout le monde la vie est chère. Qu’on fasse ce qu’on voudrait que fît autrui ; qu’on ne tue point, qu’on ne fasse point tuer[1].

131 Les êtres aspirent après le bonheur. Celui dont la violence les maltraite, quelque désireux qu’il soit de bonheur pour lui-même, n’en goûte point après sa mort.

132 Les êtres aspirent après le bonheur. Celui dont la violence ne les maltraite pas, goûte, après sa mort, le bonheur dont il était désireux pour lui-même !

133 Ne dis d’injures à personne : tes interlocuteurs te répondraient sur le même ton. Douloureux pour toi serait cet échange d’injures, car on te rendrait coup pour coup.

134 Si tu es devenu insensible comme une trompette brisée, tu as atteint le Nirvâna. Les altercations n’existent plus pour toi.

135 De même qu’avec son bâton le bouvier pousse les bœufs vers l’étable, de même la vieillesse et la mort poussent devant elles la vie des hommes.

136 En faisant le mal, le sot ne s’éveille point. L’insensé est consumé par ses propres actions, comme un homme brûlé par le feu.

137 Celui qui, usant de violence à l’égard de ceux qui n’en usent pas, fait du mal à ceux qui n’en font pas, — celui-là arrive fatalement et bien vite à l’un des dix états suivants :

138 Une cruelle douleur, une perte, une mutilation corporelle, un tourment plus dur encore, ou la dissipation de sa pensée, voilà ce qui peut lui arriver ;

139 Ou l’intervention du roi, ou une accusation terrible, ou la mort de ses parents, ou l’anéantissement de ses richesses.

140 Ou bien le feu, qui purifie tout, consume ses maisons. Après la désagrégation des éléments qui constituent son corps, l’insensé tombe dans l’enfer ;

141 Ce ne sont ni la nudité[2], ni les cheveux tressés, ni la saleté, ni le jeûne, ni l’habitude de coucher sur la dure, ni un enduit de poussière, ni une posture immobile, qui purifient le mortel qui n’a point triomphé de la concupiscence.

142 Même paré avec luxe, si l’on vit dans la quiétude, calme, dompté, maîtrisé, chaste, ne faisant de mal à aucun être, on est un Brâhmana, un Çramana, un Bhixu.

143 Y a-t-il en ce monde un homme assez timide et assez retenu pour connaître aussi peu l’injure que le coursier vigoureux connaît le fouet ? Comme un coursier vigoureux au contact du fouet, soyez ardents et rapides.

144 C’est par la foi, par la vertu, par l’énergie, par la méditation, par la certitude que donne la Loi, par la perfection dans la science et dans la conduite, par la persévérance, que vous vous soustrairez à cette grande douleur.

145 À leur guise, les constructeurs d’aqueducs dirigent l’eau, les faiseurs d’arcs plient l’arc, les charpentiers courbent le bois : c’est d’eux-mêmes que viennent à bout ceux qui sont fidèles à leurs vœux.

  1. Prout vultis ut faciant vobis homines, et vos facite illis similiter (Luc, VI, 31).
  2. Condamnation des habitudes brâhmaniques. Buddha ne voulait point de γυμνοσοφισταὶ parmi ses fidèles.