Traduction par Fernand Hû.
Ernest Leroux (Bibliothèque orientale elzévirienne, XXIp. 31-33).

CHAPITRE IX




LE MAL


116 Qu’on se hâte vers le bien ! Qu’on détourne sa pensée du mal ! Si l’on fait le bien paresseusement, c’est que l’esprit se complait dans le mal.

117 Si l’on faisait une fois le mal, on ne devrait point y retomber, ni s’y complaire. La douleur est fille du mal.

118 Si l’on faisait une fois le bien, on devrait recommencer et s’y complaire. Le bonheur est fils du bien.

119 Le méchant même goûte le bonheur, tant que le mal qu’il a fait n’est point arrivé à maturité. Dès qu’il y est arrivé, le malheur alors fond sur lui.

120 L’homme de bien même voit le malheur fondre sur lui, tant que le bien qu’il a fait n’est point arrivé à maturité. Dès qu’il y est arrivé, il goûte alors le bonheur,

121 Qu’on ne fasse point peu de cas du mal, en disant : « il ne retombera pas sur moi ! » L’eau, tombant même goutte à goutte, finit par remplir la cruche. Le mal, fait même petit à petit, finit par remplir l’âme de l’insensé.

122 Qu’on ne fasse point peu de cas du bien, en disant : « Il ne m’en reviendra rien ». L’eau, tombant même goutte à goutte, finit par remplir la cruche. Le bien, fait même petit à petit, finit par remplir l’âme du sage.

123 De même qu’un marchand accompagné de peu de monde, et porteur de grandes richesses, évite une route périlleuse, de même que celui qui tient à la vie évite le poison, — évitez de même le mal.

124 Si l’on n’a point de blessure à la main, avec la main on peut prendre le poison. Il est sans action quand il n’y a point de blessure. De même le mal n’a point de prise sur celui qui ne le fait pas.

125 Celui qui fait du mal à qui ne lui en fait pas, à un homme pur et sans péché, le mal retombe sur celui-là comme une poussière légère jetée contre le vent.

126 Les uns retournent dans le sein (d’une mère). Les autres vont dans l’enfer, s’ils ont fait le mal, dans le ciel, s’ils ont fait le bien. Ceux-là entrent dans le Nirvâna, qui ont détruit en eux la concupiscence.

127 Il n’existe point en ce monde, ni dans l’air, au milieu de l’océan, ni dans les profondeurs des montagnes, d’endroit où l’on puisse se débarrasser du mal qu’on a fait[1].

128 Il n’existe point en ce monde, ni dans l’air, ni au milieu de l’Océan, ni dans les profondeurs des montagnes, d’endroit où l’on soit à l’abri des atteintes de la mort.

  1. Nihil autem opertum est quod non reveletur, nihil absconditum quod non sciatur. (Luc xii, 2.)