Texte établi par Société Française d’Édition d’Art L.-H. May (p. 83-96).

Le château de Sassenage.

CHAPITRE VI


Du temps où Salvaing de Boissieu chantait… — Sassenage. — Le Furon. — Le château des Bérenger. — Louis XIII à Sassenage. — Le Tombeau du connétable. — Les fées. — Mélusine dans les ravins des monts de Lans. — Les Grottes de Sassenage. — Terre de légendes. — Pariset. — La Tour-sans-Venin. — Roland le paladin contre les Infidèles. — Isis à Pariset. — Ce que pensent Grégoire de Tours et Symphorien Champier. — Sur la route du Villard-de-Lans. — Dans les roches. — Le Pas du Curé. — Saint-Nizier. — Le Moucherolle et les Trois-Pucelles. — Les Gorges d’Engins. — Lans. — Au seuil des vallées d’Autrans et de Méaudre. — Une histoire d’ours. — Le Villard-de-Lans. — Au pays des bœufs, du beurre et des fromages. — Le Roquefort menacé. — Les fossiles du vallon de la Fauge. — Une leçon de géologie. — Baron de Sassenage contre Baron des Adrets.


Sur la place de Sassenage.


Du temps où Salvaing de Boissieu chantait, on comptait en Dauphiné sept merveilles, dont les Cuves de Sassenage — à six kilomètres de Grenoble, sur la rive gauche de l’Isère, ajoutent MM. Joanne et Bædeker, auteurs bien renseignés.

Et j’ajouterai, moi, auteur non moins bien renseigné, que, entre le plateau de Sornin et celui de Saint-Nizier, se dresse une colline nue, composée de blocs errants, restes de moraines qui, aux époques géologiques, remplissaient les vallées supérieures… Et que c’est au pied de cette colline qu’est bâti Sassenage. Et pour peu qu’on me presse, il me sera facile d’ajouter encore que, au-dessus de Sassenage, on rencontre bientôt les portes, puis les gorges d’Engins, donnant accès à un berceau de mille mètres de hauteur, à l’extrémité duquel se trouve le Villard.

Sassenage et le massif de la Chartreuse.

Tout ce massif largement échancré, abondant en eaux courantes, a reçu le nom de pays des Quatre-Montagnes.

Et maintenant que cette préface est achevée, que cette préface satisfera sans aucun doute les plus difficiles d’entre les touristes, puisqu’elle est empruntée, d’un bout à l’autre, à l’ouvrage de M. Antonin Macé, sans rival en la matière…

Maintenant, prenons, place Grenette, la diligence franchissant le Drac. Trente minutes de galop à travers la plaine de Fontaine — et Sassenage est là.



Sassenage. — Les Cuves.
Son Furon d’abord, torrent braillard qui bave entre les pierres ; l’avenue centrale, proprette, gentille — et le château des Bérenger, flanqué de pavillons à haute toiture.

Louis XIII y coucha dans un de ces pavillons. Grand honneur ! Comme à Virieu, on me montre son lit, un merveilleux lit, certes, caparaçonné de baldaquins et de tentures…

On me montre aussi tout un musée d’objets d’art et de manuscrits précieux, deux paysages de l’école de Poussin et une toile de Murillo, les Quatre Évangélistes, qui n’est pas précisément ce que l’illustre peintre a fait de mieux.

Et quand je me suis convenablement extasié devant ces belles choses, le gardien, me découvrant l’église, lourde façade aux assises saillantes et vermiculées, dit ces seuls mots :

— C’est là qu’il est.

— Qui ça ?

— Lesdiguières.

— Tiens ! je le croyais dans les Hautes-Alpes !

— Non, me répond cet homme savant, tout d’une traite, ainsi qu’en une leçon depuis quarante années apprise, non, Lesdiguières — et Dieu me pardonne, je crois qu’il ôta son bonnet — Lesdiguières avait fait préparer, de son vivant, dans l’ancien manoir de ses aïeux, un superbe tombeau où il reposa pendant près de deux siècles. Ce tombeau fut transféré à Gap en 1798. Toutefois, le cercueil resta au château paternel, qui depuis longtemps déjà était passé dans la maison de Tallard, jusqu’au moment où un allié de la famille Bérenger le transporta ici en 1822. Car vous savez sans doute, monsieur, que la première femme du maréchal fut une Bérenger.

— Et que sa seconde femme fut une Marie Vignon, ajoutai-je d’un air suffisant, pour lui prouver que mon ignorance, si grande qu’elle apparut, avait cependant des bornes.

— Ne parlons point de celle-là, répliqua-t-il vivement, elle fait tache dans sa vie !

Et mon érudit, en signe de protestation contre cette mésalliance, rajusta son bonnet.

C’est à l’entrée, près des fonts baptismaux, qu’une plaque de marbre noir, sans inscription, marque la place du dernier connétable.

La place, mais la place seule, car il n’est pas sûr du tout qu’il y soit, lui, le connétable. L’Isère débordée envahit à plusieurs reprises les dalles de la chapelle ; elle a fouillé dans les tombes, et si profondément qu’il se pourrait fort bien que les cendres de François de Bonne, entraînées par les eaux, s’en fussent allées à travers champs boucher la bonde d’une barrique de vin, supposition qui dans ma bouche pourra paraître irrespectueuse, tandis que dans celle de Shakespeare, à qui je l’emprunte, elle passera, au contraire, pour un modèle de haute philosophie, de logique et de bon goût…

À moins que les fées n’aient enlevé notre connétable ?…

Les fées hantent Sassenage. Chacun sait ça.

Des battements d’ailes se précipitent autour de vous ? Ne cherchez point : ce sont les fées.

Des murmures confus, des appels, des rires… ne cherchez point. Les fées, toujours les fées…

Voisinage dangereux, semble-t-il. Pas du tout.

Ces fées sont de bonnes fées. Elles n’ont rien de commun avec les brownies écossaises qui, si on a le malheur de prononcer leur nom, ouvrent les entrailles de la terre pour vous engloutir ; elles n’ont rien de commun avec les fairies, avec les vouivres qui portent au front une escarboucle lumineuse attirant les voyageurs dans le précipice…

Non, les fées de Sassenage sont de bonnes fées, proches parentes d’Esterelle qui guérit la stérilité et d’Abonde qui durant la nuit répand ses richesses dans les maisons. Les fées de Sassenage nous protègent, nous aiment. Elles « nous guérissent des maux d’yeux et, trois jours avant, par leurs cris de douleur, annoncent la mort de l’un des nôtres ».

La grande cascade de Sassenage.

Bonne fée, cette Mélusine, la magicienne moitié femme, moitié dragon, qui a élu domicile dans les ravins des monts de Lans. Sous la voûte gigantesque des roches, d’où se précipite le Furon, dans les bois et dans les éboulis menant aux grottes, dans les grottes elles-mêmes, et dans les Cuves — les fameuses Cuves qui, d’après la tradition, indiquent pluie ou sécheresse, suivant le plus ou moins grand volume d’eau qu’elles contiennent — là sont les appartements de dame Mélusine. Cherchez bien, vous trouverez encore la dolomie qui lui sert de table.

Terre de légendes. Partout, à chaque pas, il en est une.

À Pariset, les archéologues dégagent un hôtel païen ; un peu plus loin, se fixe le torse d’une vieille muraille percée de deux trous, seuls restes de la tour carrée — la Tour-sans-Venin — bâtie par Roland, le neveu de Charlemagne.

Pour lors Roland, guerroyant contre l’Infidèle, alors maitre de Grenoble, éleva cette tour afin de commander à la vallée du Drac. La guerre était rude ; son armée venait, à toutes charges, se briser contre le bloc épais de l’ennemi.

Roland eut recours au ciel. Toujours maintenant l’état de siège, toujours repoussé et toujours opiniâtre dans l’attaque, sept ans il attendit que le ciel voulût bénir ses armes.

Et le jour du miracle arriva. Après un jeûne de quarante heures, les troupes défilaient processionnellement le long des remparts, lorsque tout à coup l’aile droite de la porte s’effondre. Par cette brèche, les vainqueurs entrent dans la place.

Mais ce n’est point pour cet épisode de sa fondation que la Tour-sans-Venin resta célèbre. La « fille de Roland » passa à la postérité, grâce au singulier privilège qu’elle possédait de ne laisser vivre, en son enceinte, « aucune espèce d’animaux venimeux, ni crapauds, ni scorpions, ni araignées ».

Symphorien Champier, auteur d’un livre sur la Vie et les gestes du preux chevalier Bayard, s’exprime ainsi à ce sujet :

« La seconde singularité du noble pays du Dauphiné est la Tour-sans-Venin, environ le meillieu de la montaigne de la rivière de l’Isère et du Drac, en laquelle beste venimeuse ne peult vivre, car incontinent qu’on la boute dedans, elle meurt. »

La Tour-sans-Venin : quelle est la cause première de ce nom ? Pilot de Thorey croit pouvoir répondre qu’il s’agit là d’une tradition primitive se rattachant à la théogonie exotérique, au culte même d’Isis, honoré autrefois à Pariset. « Grégoire de Tours parle d’une croyance répandue de son temps et voulant qu’à Paris, l’ancienne Lutèce qui était également consacrée à Isis, les reptiles n’aient jamais pu séjourner. Il est à peu près certain que ces deux traditions doivent avoir la même source, parce que dans l’amalgame des mots Paris et Pariset se trouve ce nom d’Isis, protecteur des Égyptiens, regardé par eux comme les préservant de la morsure des serpents. »

En route pour le Villard-de-Lans. Les chevaux suent et soufflent. Le chemin se fait étroit, collé au flanc de la montagne. On s’élève au milieu des blocs éboulés, vacillants, tragiques, noirs au soleil…

La vaste plaine qui se couche à nos pieds apparaît plus vaste encore. Belledonne et la Chartreuse unissent leurs chaînes pour l’enserrer — et

La
Tour-sans-Venin.
là-bas, dans son creux, Grenoble a les nettetés d’ombre et de lumière des villes d’Orient.

On s’élève en des lacets sans fin, au pas de l’attelage, entre les conglomérats cabossés, tailladés, éclaboussés de vert par les eaux qui suintent des fissures calfatées de mousses.

El soudain, un grand vide s’ouvre au bord de la route. Le Furon roule dans ce vide ; on n’entend que le bruit de ses eaux précipitées. Hou ! hou !… le bruit gagne, s’élargit sous les arbres, comme une nappe — pour diminuer à mesure que l’on se rapproche des crètes et pour finir en un chuchotement vague, insaisissable, alors que le Furon, de chute en chute, est si bas descendu, qu’on ne voit rien de lui qu’une frange d’écume blanche.

Le défilé se resserre. On double le fameux Pas-du-Curé, conduisant à Saint-Nizier, et le hameau des Jaux où le torrent assagi paresse dans les prés.

Une explosion de roches, d’où partent en gerbes le Moucherolle et les Trois-Pucelles, toujours méritant leur nom de cimes inviolées !… Nous sommes aux portes des gorges d’Engins, ces portes que Mélusine fermait le soir, quand elle voulait punir les hommes. Encore des rochers à pic conquis à coups de tunnels, encore des sapins et des sources jusqu’à Lolettes. Ici les parois s’écartent, laissant place au grand bassin de Lans.

Au seuil des vallées d’Autrans et de Méaudre, terre close dont l’exploitation des forêts, jointe à l’élève du bétail, constitue la seule industrie.

Une histoire d’ours, ici, me fut contée :

« Il y avait longtemps que le père Cocat voyait, à chaque saison, le miel de sa ruche disparaitre.

« Enfin qu’y se dit, comme ça, un jour, je voudrais bien savoir le nom de mon voleur. Il me faut en avoir le cœur net.

« Son fusil chargé, il se mit à l’affût. Une nuit, deux nuits, trois nuits, rien… Plus de voleur. Déjà il s’était levé pour rentrer chez lui, quand, tout à coup, voilà qu’une espèce d’ombre s’approche doucement. Pan, il tire.

« Patatras, on entend un cri — et l’ombre dégringole dans le ravin. Va-t’en voir s’ils viennent ! Le vieux désespéré se met à pleurer, à s’arracher les cheveux :

« — Je l’ai tué ! j’ai tué un homme, c’est sûr ! Les gendarmes vont venir me prendre !…

« Péchère, pendant toute la semaine, il ne put ni manger ni boire, ni dormir, le pauvre ! Il dépérissait, devenait minable.

« — Qu’est-ce que tu as, Cocat ? demandait sa femme.

« Mais, comme bien vous pensez, il répondait rien et s’en allait pleurer tout seul dans la grange.

« Enfin ça pouvait pas durer plus longtemps comme ça ; il fallait se décider à parler. Cet homme, là-bas, dans le ravin, on finirait par le découvrir… Et si on le découvrait, les soupçons se porteraient sur lui, on l’interrogerait, il se troublerait : on le guillotinerait… Y a pas à dire : fallait parler, fallait parler !…

« Il alla trouver le garde champêtre :

« — J’ai tué un homme, qu’il lui dit comme ça.

« — Vous rigolez, que lui répond le garde.

« — Non, non, que je rigole pas.

« — Allons ! allons ! vous avez tué un homme, vous !… vous !… ah bien ! elle est bonne, celle-là ! Tenez, si c’est vrai, je paye un litre !… Sacré farceur, vous avez tué un homme !… Et comment qu’il était, cet homme ?… Ce serait pas une femme, des fois, hein ? Vieux rigolo, va !

« — Non, non, que je rigole pas. Je l’ai vu tomber là, dans ce trou. J’étais en cas de défense, il venait de me voler mon miel.

« — Alors quoi, c’est donc sérieux cette blague-là ! Je vas aller avertir le maire. Suivez-moi, vous êtes mon prisonnier.

« On avertit le maire, l’adjoint, les conseillers municipaux ; on télégraphie au parquet. Et puis on descend dans le précipice.

« Effectivement, il y avait, au fond, un gros tas noir avec du sang autour.

« On s’approche.

« — Ah ! farceur ! sacré bougre de farceur ! je savais bien, moi, va, que tu te f… de nous, se met à crier le garde très fort.

« Et il riait, il riait à s’en tenir les côtes.

« Le maire furieux, parce qu’il croyait déjà qu’on allait parler de lui dans les journaux, le maire faisait une tête…


Portes d’Engins.
« Mais le père Cocat se moquait pas mal de tout ça. Il était si content, si content qu’il sautait, qu’il dansait, tellement qu’il finit par tomber par terre, quasi évanoui.

« Et, maintenant, savez-vous ce qu’il y avait au fond du précipice ? Eh bien, monsieur, je vous le donne en mille. Il y avait un ours, oui, monsieur, un ours et un fameux, je vous en réponds ! Il pesait au moins 300 ! Le voleur de miel, c’était un ours. Le père Cocat, croyant tuer un homme, avait tué un ours !

« Sale bête, elle avait tout de même un fier toupet, hein ! pour s’en venir chercher son dessert aux portes du village !… »

Sale bête !… Et pour conclure, mon cocher, qui vient de me raconter cette histoire, enveloppe d’un majestueux coup de fouet ses chevaux qui, du reste, n’en vont pas plus vite pour cela.

La jolie vallée dans laquelle on pénètre par le seuil « presque insensible où divergent les eaux du Furon et celles de la Bourne ». Un fouillis de hameaux aux toits rouges, des ruisselets en cascatelles hachant des carrés de luzernes — et des forêts jusques aux bords du ciel.

Le Villard-de-Lans, juché sur son mamelon, nous regarde de toutes les lucarnes de ses maisons basses. Il a des rues en dos d’âne qui se croisent et s’entre-croisent. Ses lourdes charrettes chargées de sapins disparaissent, jusqu’aux moyeux, dans les ornières ; aux portails des fermes, les bœufs mugissent, de superbes colosses, trapus, râblés, forts comme des crics. On a envie de les saluer quand ils passent.

Ce soir, à l’hôtel, nous en mangerons sous forme de tranches grillées et cela ne sera point pour diminuer notre respect à leur égard. Demain, nous les saluerons plus bas encore ! Car, quel Monselet célébrera en odes suffisamment dithyrambiques l’exquisité de ces entrecôtes humides de beurre — un beurre qui s’étale en empâtement d’or au fond de l’assiette et ces truites pêchées dans la Bourne, et ces écrevisses qui pourraient se battre contre des homards — et les vaincre !… et par-dessus tout ce fromage, gloire première, puisqu’il est arrivé à menacer le trône de l’orgueilleux Roquefort !…

Ce pays de Lans est décidément l’émule de ceux de Gamache. On y

Gorges d’Engins. – La Tête de l’Ours.
mange mieux qu’en aucun point du monde. Et quand on a fini de manger, comme un peu d’exercice sied, ainsi que l’a fort bien démontré le baron Brisse, on s’en va, la pipe haute, jusqu’au vallon de la Fauge, prendre une petite leçon de géologie stratigraphique.

Des savants nous affirment qu’il est en cet endroit « des couches puissantes de craie chloritée, dans lesquelles se rencontrent des espèces rares et variées de fossiles ». Il est des calcaires à rudistes — le paradis des paléontologues ! — où l’on n’a qu’à se baisser pour retrouver intacts les restes des


Croquis original de Bernard..


Défilé Des Portes d’Engins.
dépôts tertiaires, une faune abondante qui va des formations coralligènes aux brachiopodes et aux lamellibranches.



Le Villard-de-Lans.

Et pour ceux qui ne prennent dans l’étude détaillée de l’écorce terrestre que plaisirs restreints, il y a d’autres… éléments de digestion. Aimez-vous mieux l’histoire ? En voilà :

Ce même pays de Lans qui, au xvie siècle, eut « plus que beaucoup à souffrir des guerres » vit aux prises deux ennemis jurés : les barons de Bérenger Sassenage et des Adrets.

Ce dernier devait, paraît-il, à l’autre, un certain nombre de florins et, débiteur peu zélé, toujours faisait la sourde oreille aux dates d’échéance.

Bérenger écrivait, réclamait, menaçait. Les Adrets, très calme, laissait passer l’orage et tenait sa bourse close.

Il fallut employer les moyens violents.

Certain jour que le capitaine huguenot se rendait à Grenoble, au temple des Cordeliers, deux robustes varlets l’empoignent, le jettent dans une barque — et à toutes rames cinglent sur Sassenage.

Arrivés au château, ils ouvrent la grille de la cellule la plus spacieuse, poliment y introduisent le baron. Trois coups de clef, le baron est prisonnier.

C’est à son tour de réclamer, de menacer. Bérenger, très calme, laisse passer l’orage et tient sa porte close.

En vain le roi de France voulut intervenir. Le vainqueur déclara au vaincu que si ses partisans tentaient pour lui la voie des armes, sa tête roulerait au pied des remparts.

Les Adrets paya.

Et ce fut tout ? Non, certes. Attendez la fin. Le sire de Beaumont était homme à prendre sa revanche. Il la prit — complète !

À quelque temps de là, Sassenage s’étant retiré en sa forteresse des Quatre-Montagnes, son ancien débiteur part du Touvet, une nuit d’hiver, arrive devant le donjon, égorge les sentinelles et le poste, sans façon entre dans la chambre du baron, et sans façon le cueille au saut du lit.

Le malheureux expia durement sa première faute — si faute il y avait. Ses procédés peu courtois de créancier pressé lui valurent deux ans de cachot dans les basses-fosses de Saint-Marcellin.

Quand il fut enfin délivré, il n’avait, rapporte son historiographe, « que la peau collée sur les os ».

Dans les hauts défilés.