Le Crime d’Orcival/Chapitre 9

E. Dentu (p. 97-117).


IX


Malgré toute la hâte imaginable, il n’était pas loin de dix heures quand le père Plantat et les invités purent enfin quitter le château de Valfeuillu.

Au lieu de prendre le chemin du matin, ils s’engagèrent dans le petit sentier en pente qui, longeant les propriétés de Mme  de Lanascol, conduit en diagonale au pont de fil de fer.

C’était le plus court pour gagner l’auberge où M. Lecoq avait déposé son léger bagage.

Tout en marchant, le vieux juge de paix, un peu distrait des préoccupations de l’enquête, s’inquiétait de M. Courtois, son ami.

— Quel malheur a pu le frapper ? disait-il au docteur Gendron. Grâce à la niaiserie méchante de l’affreux drôle qui le sert, nous n’avons rien su absolument. Et c’est au reçu de la lettre de sa fille aînée, Laurence, qu’on l’a envoyé chercher !

On était arrivé devant le Grenadier.

Sur la porte de l’auberge, le dos appuyé contre les montants, les jambes croisées, un grand gaillard taillé en hercule, haut en couleur, fumait une longue pipe de terre, tout en causant avec un homme de peine du chemin de fer, venu d’Évry tout exprès pour savoir. C’était l’aubergiste.

Dès qu’il aperçut le père Plantat :

— Eh ! bien, monsieur le juge de paix, s’écria-t-il, voilà un malheur ! Entrez, entrez, il y a dans la salle plusieurs personnes qui ont vu les assassins. Quel gredin que ce La Ripaille ! Et ce Guespin, donc ! Ah ! je ferai volontiers le voyage de Corbeil le matin où on dressera leur échafaud.

— Un peu de charité, maître Lenfant, vous oubliez trop vite que Guespin et La Ripaille étaient de vos meilleures pratiques,

Maître Lenfant resta quelque peu interdit de la réplique, mais son impudence de cabaretier reprit vite le dessus.

— Belles pratiques ! répondit-il, ce filou de Guespin m’emporte 38 francs que je ne reverrai jamais.

— Qui sait !… fit ironiquement le juge de paix, et d’ailleurs, ce soir, vous allez gagner plus que cette somme, vous avez autant de monde qu’à la fête d’Orcival…

Pendant cette courte conversation, M. Lecoq était entré dans l’auberge pour reprendre son sac de nuit.

Sa qualité n’étant plus un secret pour personne, il ne reçut pas l’aimable accueil du matin, alors qu’on le prenait pour un bonnetier retiré.

C’est à peine si Mme  Lenfant, une maîtresse femme qui n’a pas besoin de son mari pour fourrer les ivrognes qui n’ont plus d’argent à la porte, daigna lui répondre. Quand il demanda combien il devait, elle eut un geste de mépris en disant : « Rien. »

Dès qu’il sortit de l’auberge, son sac de nuit à la main :

— Marchons vite, maintenant, fit le père Plantat, d’autant que je tiens à passer prendre des nouvelles de notre pauvre maire.

Les trois hommes hâtèrent le pas et le vieux juge de paix, agité de pressentiments funestes, cherchant à combattre ses inquiétudes, poursuivait :

— S’il était survenu chez Courtois un événement grave, certainement je serais prévenu à cette heure. Peut-être Laurence a-t-elle écrit simplement qu’elle est malade ou même un peu indisposée. Mme  Courtois, qui est bien la meilleure des femmes qui soient au monde, se monte la tête pour un rien, elle aura voulu envoyer son mari chercher leur fille immédiatement. Ce sera, vous le verrez, quelque fausse alerte.

Non. Il était arrivé quelque catastrophe.

Devant la grille de l’habitation du maire, stationnaient une quinzaine de femmes du bourg. Au milieu du groupe, Baptiste, le valet qui fait ce qu’il veut, pérorait et gesticulait.

Mais à l’approche du redoutable juge de paix, les commères s’envolèrent comme une troupe de mouettes effarouchées.

Elles l’avaient reconnu d’assez loin à la lueur d’un réverbère.

Car Orcival possède et étale orgueilleusement vingt réverbères, présent de M. Courtois, qu’on allume jusqu’à minuit les soirs où il n’y a pas de lune. Vingt réverbères à huile de pétrole achetés à la liquidation d’une ville qui, assez riche pour se payer des lumières plus éclatantes, venait d’adopter le gaz.

Les réverbères d’Orcival n’éclairent peut-être pas beaucoup, mais par les soirées d’hiver, quand il y a du brouillard surtout, l’huile de pétrole répand une abominable odeur.

L’arrivée inattendue du vieux juge de paix contraria sensiblement le tranquille Baptiste, interrompu par la fuite de ses auditeurs juste au milieu d’un superbe mouvement oratoire.

Comme cependant il a grand peur du bonhomme, il dissimula sa contrariété sous son sourire habituel.

— Ah ! monsieur, s’écria-t-il, lorsque le père Plantat ne fut plus qu’à trois pas, ah ! monsieur, quelle histoire ! Je courais vous chercher…

— Ton maître a besoin de moi ?

— C’est à n’y pas croire, poursuivit Baptiste. En sortant du Valfeuillu, ce soir, monsieur se met à courir, si fort, mais si fort, que c’est à peine si je pouvais le suivre.

Baptiste s’interrompit pour placer une réflexion qui lui venait.

— Monsieur n’a pas l’air leste, n’est-ce pas ! Eh bien ! il l’est, allez, et joliment, quoique gros !

Le père Plantat impatienté frappa du pied.

— Enfin, reprit le domestique, nous arrivons ici, bon ! monsieur se précipite comme un ouragan dans le salon où se trouvait madame sanglotant comme une Madeleine. Il était si essoufflé qu’il pouvait à peine parler. Les yeux lui sortaient de la tête, et il disait comme ça : « — Qu’y a-t-il ? qu’y a-t-il ? » Alors, madame qui ne pouvait pas parler non plus, lui a tendu la lettre de mademoiselle qu’elle tenait à la main.

Les trois auditeurs de Baptiste étaient comme sur des charbons ardents et le drôle qui s’en apercevait, égrenait de plus en plus lentement ses paroles.

— Voilà donc, continua-t-il, monsieur qui prend la lettre et qui s’approche de la fenêtre pour y voir plus clair à lire. Oh ! d’un coup d’œil il a eu tout lu. Pour lors — on voit tout de même des choses singulières — il a poussé un cri rauque, comme cela, tenez : « Oh ! » puis il s’est mis à battre l’air de ses deux mains, comme un chien qui nage, puis il a fait deux tours sur lui-même et il est tombé, pouf ! comme un sac, la face contre terre. C’était fini.

— Il est mort ! s’écrièrent ensemble les trois hommes.

— Oh ! non, messieurs, répondit Baptiste avec un aimable sourire, vous allez voir.

M. Lecoq est certainement patient, mais non autant qu’on le pourrait croire. Crispé par l’allure du récit, il posa à terre son sac de nuit et, saisissant le bras de Baptiste de la main droite, pendant que de la gauche il faisait siffler un petit jonc très-flexible, à assommoir de vermeil qui ne le quitte jamais :

— Mon garçon, fit-il, je t’engage, là, sérieusement à te dépêcher…

Il ne dit que cela. Et le domestique, qu’on ne gronde jamais, eut une peur terrible de ce petit homme blond, à voix singulière, à poigne plus dure qu’un étau.

Il reprit donc très-vite cette fois, l’œil fixé sur le jonc de M. Lecoq :

— Monsieur venait d’avoir une attaque. Voilà la maison en l’air. Tout le monde perd la tête, sauf moi ; l’idée d’un médecin me vient et je cours chercher quelqu’un, M. Gendron, que je savais au château, ou le docteur d’ici, ou le pharmacien, n’importe qui. Un bonheur ! Juste au coin de la rue, je rencontre Robelot, le rebouteux. « — Toi, lui dis-je, tu vas me suivre. » Il me suit, il écarte les autres qui soignaient Monsieur, et il le saigne aux deux bras. Un petit moment après, Monsieur a respiré, ensuite il a ouvert les yeux, enfin il a parlé. Maintenant, il est bien revenu, il est étendu sur un des canapés du salon, pleurant toutes les larmes de son corps. Il m’a dit qu’il voulait voir monsieur le juge de paix, et moi, aussitôt…

— Et… mademoiselle Laurence ?… demanda le père Plantat avec des larmes dans la voix.

Baptiste prit une pose tragique.

— Ah ! messieurs, fit-il, ne m’en parlez pas… c’est navrant !

Le juge de paix et le docteur n’en écoutèrent pas davantage, ils entrèrent vivement.

Derrière eux venait M. Lecoq. Il avait confié son sac de nuit à Baptiste avec un : « Porte-moi ça chez le juge de paix, et leste, » qui fit trembler le domestique qu’on ne gronde jamais et lui donna des jambes.

Le malheur, lorsqu’il entre dans une maison, semble le marquer dès le seuil de son empreinte fatale. Peut-être n’en est-il pas ainsi en réalité, mais c’est le sentiment qu’éprouvent invinciblement les personnes prévenues.

Pendant que le médecin et le père Plantat traversaient la cour, il leur semblait que cette maison si hospitalière, si gaie et si vivante la veille, présentait un aspect lugubre.

À l’étage supérieur, on voyait des lumières aller et venir. On s’occupait de la plus jeune des filles de M. Courtois, Mlle  Lucile, qui avait été prise d’une affreuse attaque de nerfs.

Dans le vestibule, une fillette de quinze ans qui servait de femme de chambre à Mlle  Laurence, était assise sur la première marche de l’escalier. Elle avait relevé son tablier sur sa tête, comme font à la campagne les femmes au désespoir, et pleurait à fendre l’âme.

Quelques domestiques étaient là, effarés, immobiles, ne sachant que faire, que devenir dans ce désarroi.

La porte du salon, mal éclairé par deux bougies, était toute grande ouverte. Dans un vaste fauteuil près de la cheminée, Mme  Courtois était renversée plutôt qu’assise. Au fond, près des fenêtres donnant sur le jardin, M. Courtois gisait sur le canapé.

On lui avait retiré son paletot et pour aller plus vite, au moment où sa vie dépendait d’un coup de lancette, on avait déchiré et arraché les manches de sa chemise et de son gilet de flanelle. Des bandes de toile, comme on en ajuste après les saignées, entouraient ses deux bras nus.

Près de la porte, un petit homme vêtu comme les artisans aisés des environs de Paris, semblait fort embarrassé de sa contenance. C’était Robelot, le rebouteux, qu’on avait fait rester, crainte de quelque nouvel accident.

L’entrée du père Plantat tira M. Courtois de l’état de morne stupeur dans lequel il était plongé.

Il se leva, et c’est en chancelant qu’il vint se jeter, ou plutôt s’abattre entre les bras du vieux juge de paix.

D’une voix déchirante, il disait :

— Ah ! mon ami, je suis bien malheureux ! oui, bien malheureux.

C’était à ne plus reconnaître l’infortuné maire, tant il était changé.

Non, ce n’était plus là cet heureux du monde, au visage souriant, au regard sûr de soi, dont le maintien, comme un défi jeté à tous, disait bien haut et l’importance et la prospérité. En quelques heures, il avait vieilli de vingt ans.

Il était brisé, foudroyé, et sa pensée éperdue flottait à la dérive au milieu d’un océan d’amertumes.

Il ne savait que répéter comme un mot vide de sens :

— Malheureux ! malheureux !

Le vieux juge de paix, cet homme si éprouvé, était bien l’ami qu’il fallait en ces crises terribles.

Il avait ramené M. Courtois jusqu’au canapé, et là, assis près de lui, tenant ses mains dans les siennes, il s’efforçait de calmer cette douleur sans bornes.

Il rappelait à ce père infortuné, que sa femme, la compagne de sa vie, lui restait, pour pleurer avec lui la pauvre morte. N’avait-il pas une autre fille à aimer, et à laquelle il se devait !

Mais cet homme malheureux était hors d’état de rien entendre.

— Ah ! mon ami, gémissait-il, vous ne savez pas tout. Si elle était morte ici, au milieu de nous, entourée de nos soins, réchauffée jusqu’à son dernier soupir par notre tendresse, mon désespoir serait infini et cependant bien faible en comparaison de celui qui me tue. Si vous saviez, si vous saviez…

Le père Plantat s’était levé, comme s’il eût été épouvanté de ce qu’il allait entendre.

— Mais qui pourrait dire, poursuivait le maire, où et comment elle est morte ! Ô ma Laurence, il ne s’est donc trouvé personne pour entendre le râle de ton agonie et te sauver ! Qu’es-tu devenue, toi si jeune, si heureuse !

Il se redressa effrayant de désespoir et s’écria :

— Partons, Plantat, venez, allons voir à la Morgue !

Puis il se laissa retomber murmurant le mot sinistre :

— La Morgue.

Tous les témoins de cette scène déchirante restaient immobiles et muets, glacés, retenant leur souffle.

Seuls, les gémissements étouffés de Mme  Courtois et les sanglots de la petite servante dans le vestibule, troublaient le silence.

— Vous savez que je suis votre ami, murmurait le père Plantat ; oui, votre meilleur ami ; parlez, confiez-vous à moi, dites-moi tout.

— Eh bien donc !… commença M. Courtois, sachez…

Mais les larmes l’étouffant il ne put continuer.

Alors tendant au père Plantat une lettre froissée et mouillée de pleurs, il lui dit :

— Tenez, lisez… c’est sa dernière lettre.

Le père Plantat s’approcha de la table où étaient les bougies, et non sans peine, car l’écriture était effacée en plusieurs endroits, il lut :

« Chers parents aimés,

Pardonnez, pardonnez, je vous en conjure, à votre malheureuse fille la douleur dont elle va vous accabler.

Hélas ! j’ai été bien coupable, mais que le châtiment est terrible, ô mon Dieu !

En un jour d’égarement, entraînée par une passion fatale, j’ai tout oublié, l’exemple et les conseils de ma bonne et sainte mère, les devoirs les plus sacrés et votre tendresse.

Je n’ai pas su, non, je n’ai pas su résister à celui qui pleurait à mes genoux en me jurant un amour éternel et qui maintenant m’abandonne.

Maintenant, c’est fini, je suis perdue, déshonorée. Je suis enceinte et il me devient impossible de cacher plus longtemps l’horrible faute.

Ô chers parents, ne me maudissez pas. Je suis votre fille, je ne saurais courber le front sous les mépris, je ne survivrai pas à mon honneur.

Quand cette lettre vous sera remise, j’aurai cessé d’exister. J’aurai quitté la maison de ma tante, et je serai allée loin, bien loin, où nul ne pourra me reconnaître. Là, je saurai finir mes misères et mon désespoir.

Adieu donc, ô mes parents aimés, adieu ! Que ne puis-je, une dernière fois, vous demander pardon à genoux.

Ma mère chérie, mon bon père, ayez pitié d’une malheureuse égarée ; pardonnez-moi, oubliez-moi. Que Lucile, ma sœur, ne sache jamais…

Encore adieu, j’ai du courage, l’honneur commande.

À vous, la dernière prière et la suprême pensée de votre pauvre Laurence… »

De grosses larmes roulaient silencieuses le long des joues du vieux juge de paix pendant qu’il déchiffrait cette lettre désespérée.

Une rage froide, muette, terrible, pour qui le connaissait, crispait les muscles de son visage.

Quand il eut achevé, il prononça, d’une voix rauque, ce seul mot :

— Misérable !

M. Courtois entendit cette exclamation.

— Ah ! oui, misérable, s’écria-t-il, misérable, ce vil séducteur qui s’est glissé dans l’ombre pour me ravir mon plus cher trésor, ma fille bien aimée. Hélas ! elle ne savait rien de la vie. Il a murmuré à son oreille de ces paroles d’amour qui font battre le cœur de toutes les jeunes filles, elle a eu foi en lui, et maintenant, il l’abandonne. Oh ! si je le connaissais, si je savais…

Il s’interrompit brusquement.

Une lueur de raison venait d’illuminer l’abîme de désespoir où il était tombé.

— Non, dit-il, on n’abandonne pas ainsi une belle et noble jeune fille, lorsque dans son tablier elle porte une dot d’un million ; on ne l’abandonne pas, du moins, sans y être contraint. L’amour passe, la cupidité reste. L’infâme suborneur n’était pas libre, il était marié. Le misérable n’est et ne peut être que le comte de Trémorel. C’est lui qui a tué ma fille !…

Le silence qui persista plus lugubre, lui prouva que sa pensée était celle de tous ceux qui l’entouraient.

— J’étais donc, s’écria-t-il, frappé d’aveuglement. Car je le recevais chez moi, cet homme, je lui tendais une main loyale, je l’appelais mon ami. Oh ! n’est-ce pas, j’ai droit à une vengeance éclatante.

Mais le souvenir du crime de Valfeuillu lui revint, et c’est avec un profond découragement qu’il reprit :

— Et ne pouvoir même se venger ! Je ne pourrai pas le tuer de mes mains, le voir souffrir durant des heures, l’entendre demander grâce ! Il est mort. Il est tombé sous les coups d’assassins moins vils que lui.

Vainement le docteur et le père Plantat s’efforçaient de calmer le malheureux maire, il continuait, s’exaltant au bruit de ses propres paroles :

— Ô Laurence, ô ma chérie, pourquoi as-tu manqué de confiance. Tu as craint ma colère, comme si jamais un père pouvait cesser d’aimer sa fille. Perdue, dégradée, tomber au rang des plus viles créatures, je t’aimerais encore. N’es-tu pas à moi, n’es-tu pas moi ? Hélas ! c’est que tu ne savais pas ce qu’est le cœur d’un père. Un père ne pardonne pas, il oublie. Va, tu pouvais être heureuse encore. Ton enfant ! Eh bien ! il aurait été le mien. Il aurait grandi entre nous, et j’aurais reporté sur lui ma tendresse pour toi. Ton enfant, ne serait-ce pas moi encore. Le soir, au coin du feu, je l’aurais pris sur mes genoux comme je te prenais lorsque tu étais toute petite.

Il pleurait, l’attendrissement lui venait. Mille souvenirs de ce temps où Laurence enfant jouait sur le tapis près de lui, se représentaient à sa pensée. Il lui semblait que c’était hier.

— Ô ma fille, disait-il encore, est-ce le monde qui te faisait peur, le monde méchant, hypocrite et railleur ? Mais nous serions partis. J’aurais quitté Orcival, donné ma démission de maire. Nous serions allés nous établir bien loin, à l’autre bout de la France, en Allemagne, en Italie. Avec de l’argent, tout est possible. Tout… non. J’ai des millions et ma fille s’est suicidée.

Il cacha son visage entre ses mains, les sanglots l’étouffaient.

— Et ne savoir ce qu’elle est devenue, reprit-il. N’est-ce pas affreux. Quelle mort aura-t-elle choisie ! ô ma fille, toi, si belle ! Vous souvenez-vous, docteur, et vous Plantat, de ses beaux cheveux bouclés autour de son front si pur, de ses grands yeux tremblants, de ses longs cils recourbés. Son sourire, voyez-vous, c’était le rayon de soleil de ma vie. J’aimais tant sa voix, et sa bouche, sa bouche si fraîche qui me donnait sur les joues de bons gros baisers sonores. Morte ! perdue ! Et ne savoir ce qu’est devenu ce corps souple et charmant. Se dire qu’il gît peut-être abandonné dans les vases de quelque rivière. Rappelez-vous le cadavre de la comtesse de Trémorel, ce matin. C’est là ce qui me tue. Ô mon Dieu ! ma fille ; que je la revoie une heure, une minute, que je puisse déposer sur ses lèvres froides un dernier baiser.

Était-ce là le même homme, qui, tout à l’heure, du haut du perron de Valfeuillu débitait ses phrases banales aux badauds de la commune.

Oui. Mais la passion est le niveau égalitaire qui efface toutes les distinctions de l’esprit et de l’intelligence.

Le désespoir de l’homme de génie ne s’exprime pas autrement que le désespoir d’un imbécile.

Depuis un moment déjà, M. Lecoq faisait les plus sincères efforts pour empêcher de tomber une larme chaude qui roulait dans ses yeux. M. Lecoq est stoïque par principes et par profession.

Sur ces paroles désolées, sur ce vœu d’un père au désespoir, il n’y tint plus.

Oubliant qu’on allait s’apercevoir de son émotion, il sortit de l’ombre où il s’était tenu, et s’adressant à M. Courtois :

— Moi, dit-il, moi, M. Lecoq, de la sûreté, je vous donne ma parole d’honneur de retrouver le corps de Mlle  Laurence.

Le pauvre maire s’accrocha désespérément à cette promesse comme un noyé au brin d’herbe qui flotte à portée de sa main.

— Oui ! n’est-ce pas, dit-il, nous le retrouverons. Vous m’aiderez. On dit que rien n’est impossible à la police, qu’elle sait tout, qu’elle voit tout. Nous saurons ce qu’est devenue ma fille.

Il s’avança vers l’homme de la préfecture, et lui prenant les mains :

— Merci, ajouta-t-il, vous êtes un brave homme. Je vous ai mal reçu tantôt et jugé du haut de mon sot orgueil ; pardonnez-moi. Il est des préjugés stupides : je vous ai accueilli dédaigneusement, moi qui ne savais quelle fête faire à ce misérable comte de Trémorel. Merci encore, nous réussirons, vous verrez, nous nous ferons aider, nous mettrons sur pied toute la police, nous fouillerons la France ; il faut de l’argent, j’en ai, j’ai des millions, prenez-les…

Ses forces étaient à bout, il chancela et retomba épuisé sur le canapé.

— Il ne faut pas qu’il reste ici plus longtemps, murmura le docteur Gendron à l’oreille du père Plantat, il faut qu’il se couche, une fièvre cérébrale, après de pareils ébranlements, ne me surprendrait pas.

Le juge de paix, aussitôt s’approcha de Mme  Courtois, toujours affaissée sur le fauteuil.

Abîmée dans sa douleur, elle semblait n’avoir rien vu, rien entendu.

— Madame, lui dit-il, madame !…

Elle tressaillit et se leva l’air égaré.

— C’est ma faute, disait-elle, ma très-grande faute, une mère doit lire dans le cœur de sa fille comme dans un livre. Je n’ai pas su deviner le secret de Laurence je suis une mauvaise mère.

Le docteur à son tour s’était avancé.

— Madame, prononça-t-il d’un ton impérieux, il faut engager votre mari à se coucher sans tarder. Son état est grave, et un peu de sommeil est absolument nécessaire. Je vous ferai préparer une potion…

— Ah ! mon Dieu ! s’écria la pauvre femme en se tordant les mains, ah ! mon Dieu !…

Et la crainte d’un nouveau malheur, aussi épouvantable que le premier, lui rendant quelque présence d’esprit, elle appela les domestiques qui aidèrent M. Courtois à regagner sa chambre.

Elle monta aussi, suivie du docteur Gendron.

Trois personnes seulement restaient au salon, le juge de paix, M. Lecoq et, toujours près de la porte, Robelot, le rebouteux.

— Pauvre Laurence, murmura le vieux juge de paix, malheureuse jeune fille !…

— Il me semble, remarqua l’agent de la sûreté, que c’est son père surtout qui est à plaindre. À son âge, un pareil coup, il est capable de ne s’en pas relever. Quoi qu’il puisse arriver, sa vie est brisée.

Lui aussi, l’homme de la police, il avait été ému, et s’il le dissimulait autant que possible — on a son amour-propre — il l’avait formellement avoué au portrait de la bonbonnière.

— J’avais, reprit le juge de paix, j’ai eu comme le pressentiment du malheur qui arrive aujourd’hui. J’avais, moi, deviné le secret de Laurence, malheureusement je l’ai deviné trop tard.

— Et vous n’avez pas essayé…

— Quoi ? En ces circonstances délicates, lorsque l’honneur d’une famille respectable dépend d’un mot, il faut une circonspection extrême. Que pouvais-je faire ? Avertir Courtois ? Non, évidemment. Il eût d’ailleurs refusé de me croire. Il est de ces hommes qui ne veulent rien entendre et que le fait brutal peut seul désabuser.

— On pouvait agir près du comte de Trémorel.

— Le comte aurait tout nié. Il m’aurait demandé de quel droit je me mêlais de ses affaires. Une démarche aboutissait simplement à ma brouille avec Courtois.

— Mais la jeune fille ?

Le père Plantat poussa un gros soupir.

— Bien que je déteste, répondit-il, me mêler de ce qui en somme ne me regarde pas, un jour j’ai essayé de lui parler. M’armant de précautions infinies, avec une délicatesse toute maternelle, je puis le dire, sans lui donner à entendre que je savais tout, j’ai tenté de lui montrer l’abîme où elle courait.

— Et qu’a-t-elle répondu ?

— Rien. Elle a ri, elle a plaisanté, comme savent plaisanter et rire les femmes qui ont un secret à cacher. Et, depuis, il m’a été impossible de me trouver seul un quart d’heure avec elle. Et avant cette imprudence de ma part, car parler fut une imprudence, il fallait agir, j’étais son meilleur ami. Il ne se passait pas de journée qu’elle ne vint mettre ma serre au pillage. Je lui laissais dévaster mes pétunias les plus rares, moi qui ne donnerais pas une fleur au pape. Elle m’avait, d’autorité, constitué son fleuriste ordinaire. C’est pour elle que j’ai réuni ma collection de bruyères du Cap. J’étais chargé de l’entretien de ses jardinières…

Son expansion était à ce point attendrie, que M. Lecoq, qui le guettait à la dérobée, ne put retenir une grimace narquoise.

Le juge de paix allait continuer, lorsque, s’étant retourné à un bruit qui se fit dans le vestibule, il s’aperçut pour la première fois de la présence de Robelot, le rebouteux.

Sa figure aussitôt exprima le plus vif mécontentement.

— Vous étiez là, vous ? dit-il.

Le rebouteux eut un sourire bassement obséquieux.

— Oui, monsieur le juge de paix, bien à votre service.

— C’est-à-dire que vous nous écoutiez !

— Oh ! pour ça, non, monsieur le juge de paix, j’attends Mme Courtois pour savoir si elle n’a rien à me commander.

Une réflexion soudaine traversa le cerveau du père Plantat, l’expression de son œil changea ; il fit un signe à M. Lecoq comme pour lui recommander l’attention, et s’adressant au rebouteux d’une voix plus douce :

— Approchez donc, maître Robelot, dit-il.

D’un regard, M. Lecoq avait toisé et évalué l’homme.

Le rebouteux d’Orcival était un petit homme chétif d’apparence, d’une force herculéenne en réalité. Ses cheveux coupés en brosse découvraient son front large et intelligent. Ses yeux clairs étaient de ceux où flambe le feu de toutes les convoitises, et ils exprimaient, quand il oubliait de les surveiller, une audace cynique. Un sourire bas errait toujours sur ses lèvres plates et minces, que n’ombrageait pas un seul poil de barbe.

D’un peu loin, avec sa taille exiguë et sa face imberbe, il ressemblait à ces odieux gamins de Paris, qui sont comme l’essence même de toutes les corruptions, dont l’imagination est plus souillée que le ruisseau où ils cherchent les sous perdus entre les pavés.

À l’invitation du juge de paix, le rebouteux fit quelques pas dans le salon, souriant et saluant.

— Monsieur le juge de paix, disait-il, aurait-il par hasard et par bonheur besoin de moi ?

— Nullement, maître Robelot, en aucune façon. Je veux seulement vous féliciter d’être arrivé si à propos pour saigner M. Courtois. Votre coup de lancette lui a peut-être sauvé la vie.

— C’est bien possible, tout de même, répondit le rebouteux.

M. Courtois est généreux, il reconnaîtra bien ce service qui est grand.

— Oh ! je ne lui demanderai rien. Je n’ai, Dieu merci ! besoin de personne. Qu’on me paie seulement mon dû et je suis content.

— Oui, je sais, on me l’a dit, vos affaires vont bien, vous devez être satisfait.

La parole de M. Plantat était devenue amicale, presque paternelle. Il s’intéressait fort, on le voyait, à la prospérité de maître Robelot.

— Satisfait ! reprit le rebouteux, pas tant que monsieur le juge de paix le croit. La vie est bien chère, pour le pauvre monde, puis il y a ces rentrées, ces maudites rentrées qui ne se font pas.

— Cependant, c’est bien vous qui avez acheté le pré Morin, au bas de la côte d’Évry.

— Oui, monsieur.

— Il est bon, le pré Morin, bien qu’un peu humide. Heureusement vous avez de la pierraille dans les pièces de terre que vous a vendues la veuve Frapesle.

Jamais le rebouteux n’avait vu le juge de paix si causeur, si bon enfant, et il ne se lassait pas que d’être un peu surpris.

— Trois méchantes pièces de terre, fit-il.

— Pas si mauvaises que vous dites. Puis, n’avez-vous pas aussi acheté quelque chose à la licitation des mineurs Peyron ?

— Un lopin de rien du tout.

— C’est vrai, mais payé comptant. Vous voyez bien que le métier de médecin sans diplôme n’est pas si mauvais.

Poursuivi plusieurs fois déjà pour exercice illégal de la médecine, maître Robelot crut devoir protester.

— Si je guéris les gens, affirma-t-il, je ne me fais pas payer.

— C’est donc, continua le père Plantat, votre commerce d’herboristerie qui vous enrichit ?

Décidément, la conversation tournait à l’interrogatoire, le rebouteux devenait inquiet.

— Je gagne passablement avec les herbes, répondit-il.

— Et comme vous êtes un homme d’ordre et d’économie, vous achetez des terres.

— J’ai encore les bêtes, reprit vivement Robelot, qui me rapportent assez. On vient me chercher de plus de trois lieues. Je soigne les chevaux, les vaches, les brebis.

— Toujours sans diplôme ?

Le rebouteux prit un air dédaigneux.

— Ce n’est pas un morceau de parchemin, dit-il, qui fait la science. Je ne crains pas les vétérinaires de l’école, moi. C’est dans les prairies et à l’étable que j’étudie les bestiaux. Sans me vanter, je n’ai pas mon pareil pour l’enfle, non plus que pour le tournis ou la clavelée.

Le ton du juge de paix devenait de plus en plus bienveillant.

— Je sais, poursuivit-il, que vous êtes un homme habile et plein d’expérience. Et tenez, le docteur Gendron, chez qui vous avez servi, me vantait, il n’y a qu’un instant, votre intelligence.

Le rebouteux eut un tressaillement nerveux, qui, pour être très-léger, n’échappa point au père Plantat, qui continua :

— Oui, ce cher docteur m’affirmait n’avoir jamais rencontré un aide de laboratoire aussi entendu que vous, « Robelot, me disait-il, a pour la chimie une telle aptitude, et tant de goût en même temps, qu’il s’entend aussi bien que moi à quantité de manipulations extrêmement difficiles. »

— Dame ! je travaillais de mon mieux, puisque j’étais bien payé, et j’ai toujours aimé à m’instruire.

— Et vous étiez à bonne école chez M. Gendron, maître Robelot ; il se livre à des recherches très-intéressantes. Ses travaux et ses expériences sur les poisons sont surtout bien remarquables.

L’inquiétude qui, peu à peu, gagnait le rebouteux, commençait à devenir manifeste ; son regard vacillait.

— Oui, répondit-il pour répondre quelque chose, j’ai vu des expériences bien curieuses.

— Eh bien, dit le père Plantat, vous qui aimez à vous instruire, et qui êtes curieux, réjouissez-vous. Le docteur va, ces jours-ci, avoir un beau sujet d’études, et certainement il vous prendra pour aide.

Maître Robelot était bien trop fin pour n’avoir pas deviné depuis quelques minutes déjà que cette conversation, cet interrogatoire plutôt, avait un but. Mais lequel ? Où en voulait venir le juge paix ? Il se le demandait, non sans une sorte de terreur irraisonnée. Et récapitulant avec la foudroyante rapidité de la pensée, à combien de questions, oiseuses en apparence, il avait répondu et où l’avaient conduit ces questions, il tremblait.

Il crut être habile et esquiver d’autres demandes en disant :

— Je suis toujours aux ordres de mon ancien maître, quand il a besoin de moi.

— Il aura besoin de vous, je vous l’affirme, prononça le père Plantat.

Et d’un ton détaché qui démentait le regard de plomb qu’il fit peser sur le rebouteux d’Orcival, il ajouta :

— L’intérêt sera énorme et la tâche difficile. On va, mon brave, exhumer le cadavre de M. Sauvresy.

Robelot était assurément préparé à quelque chose de terrible et il était armé de toute son audace. Cependant, ce nom de Sauvresy tomba sur sa tête comme un coup de massue, et c’est d’une voix étranglée qu’il balbutia :

— Sauvresy !

Le père Plantat, qui ne voulait pas voir, avait déjà détourné la tête et continuait de ce ton qu’on prend en parlant de choses indifférentes, de la pluie et du beau temps.

— Oui, on exhumera Sauvresy. On soupçonne, — la justice a toujours des soupçons, — qu’il n’est pas mort d’une maladie parfaitement naturelle.

Le rebouteux s’appuyait à la muraille pour ne pas tomber.

— Alors, poursuivit le juge de paix, on s’est adressé au docteur Gendron. Il a, vous le savez, trouvé des réactifs qui décèlent la présence d’un alcaloïde, quel qu’il soit, dans les matières soumises à son analyse. Il m’a parlé de certain papier sensibilisé…

Faisant un héroïque appel à toute son énergie, Robelot s’efforçait de se relever sous le coup et de reprendre contenance.

— Je connais, dit-il, les procédés du docteur Gendron, mais je ne vois pas sur qui peuvent porter les soupçons dont parle monsieur le juge de paix.

Le père Plantat était désormais fixé.

— On a, je pense, mieux que des soupçons, répondit-il. Mme de Trémorel, vous le savez, a été assassinée, on a dû inventorier ses papiers, et on a retrouvé des lettres, une déclaration des plus accablantes, des reçus… que sais-je.

Robelot, lui aussi, savait à quoi s’en tenir ; cependant il eut encore la force de dire :

— Bast ! il faut espérer que la justice fait erreur.

Puis, telle était la puissance de cet homme, que, malgré le tremblement nerveux qui secouait tout son corps comme le vent agite les feuilles du tremble, il ajouta, contraignant ses lèvres minces à dessiner un sourire :

Mme Courtois ne descend pas, on m’attend chez moi, je reviendrai demain. Bonsoir, monsieur le juge de paix et la compagnie.

Il sortit et bientôt on entendit le sable de la cour crier sous ses pas. Il allait, trébuchant comme un homme qui a bu.

Le rebouteux parti, M. Lecoq vint se poser en face du père Plantat et ôtant son chapeau :

— Je vous rends les armes, monsieur, dit-il, et je m’incline ; vous êtes fort comme mon maître, le grand Tabaret.

Décidément, l’agent de la sûreté était « empoigné ». L’artiste en lui se réveillait ; il se trouvait en face d’un beau crime, d’un de ces crimes qui triplent la vente de la Gazette des Tribunaux. Sans doute, bien des détails lui échappaient, il ignorait le point de départ, mais il voyait les choses en gros.

Ayant pénétré le système du juge de paix, il avait suivi pas à pas le travail de la pensée de cet observateur si délié, et il découvrait les complications d’une affaire qui avait paru si simple à M. Domini. Son esprit subtil, exercé à dévider l’écheveau tenu des déductions reliait, entre elles, toutes les circonstances qui s’étaient révélées à lui dans la journée, et c’est sincèrement qu’il admirait le père Plantat.

Tout en regardant le portrait chéri, il pensait :

— À nous deux, ce rusé bonhomme et moi, nous expliquerons tout.

Il s’agissait cependant de ne se pas montrer trop inférieur.

— Monsieur, dit-il, pendant que vous interrogiez ce coquin qui nous sera bien utile, je n’ai pas perdu mon temps. J’ai regardé un peu partout, sous les meubles, et j’ai trouvé ce chiffon de papier.

— Voyons.

— C’est l’enveloppe, de la lettre de Mlle Laurence. Savez-vous où demeure la tante chez laquelle elle était allée passer quelques jours ?

— À Fontainebleau, je crois.

— Eh bien, cette enveloppe porte le timbre de Paris, bureau de la rue Saint-Lazare ; je sais que ce timbre ne prouve rien…

— C’est toujours un indice.

— Ce n’est pas tout ; je me suis permis de lire la lettre de Mlle Laurence, restée sur la table.

Involontairement le père Plantat fronça le sourcil.

— Oui, reprit M. Lecoq, ce n’est peut-être pas fort délicat, mais qui veut la fin veut les moyens ! Eh bien ! monsieur, vous l’avez lue, cette lettre, l’avez-vous méditée, avez-vous étudié l’écriture, pesé les mots, retenu la contexture des phrases.

— Ah ! s’écria le juge de paix, je ne me trompais donc pas, vous avez eu la même idée que moi !

Et dans l’élan de son espérance, prenant les mains de l’homme de la police, il les pressa entre les siennes comme celles d’un vieil ami.

Ils allaient poursuivre, mais on entendait des pas dans l’escalier. Le docteur Gendron parut sur le seuil.

— Courtois va mieux, dit-il, déjà il dort à moitié, il s’en tirera.

— Nous n’avons donc plus rien à faire ici, reprit le juge de paix, partons, M. Lecoq doit être à demi mort de faim.

Il adressa quelques recommandations aux domestiques restés dans le vestibule, et rapidement entraîna ses deux convives.

L’agent de la sûreté avait glissé dans sa poche la lettre de la pauvre Laurence et l’enveloppe de cette lettre.