Traduction par Honorine Martel.
Hachette (p. 105-116).

CHAPITRE XII

m. owen


Isabel passa à Hereford quatre semaines bien tristes avant le retour de M. Owen. La perspective de ce retour ne diminuait en rien sa peine et ses embarras. Elle connaissait parfaitement la position de fortune de M. Owen, et se disait à elle-même qu’il aurait tort de se marier avec si peu de ressources. Quant à elle-même, elle ne se reconnaissait pas les qualités nécessaires à une femme qui épouse un mari pauvre. Elle se croyait capable de mourir de faim sans se plaindre, si elle y était réduite. Elle se croyait capable de travailler depuis le matin jusqu’à la nuit, et cela pendant des semaines et des mois, sans laisser voir ni fatigue, ni ennui ; mais elle ne se croyait pas femme à montrer un visage toujours souriant à un mari portant des habits usés, ni à partager, avec cette tendresse naturelle que ne diminue pas le souci de la pauvreté, une nourriture à peine suffisante entre des enfants nombreux. Mourir et en finir, si c’était possible, voilà le seul remède à ses maux auquel elle pensât pour le moment. Aussi ne se sentait-elle pas consolée par cette arrivée prochaine de l’homme qui l’aimait, et dont ses jeunes sœurs lui parlaient sans cesse. Elle avait refusé M. Owen quand elle occupait la haute position d’héritière de Llanfeare, refusé, sans doute, pour obéir à la volonté de son oncle, et non pour donner satisfaction à ses propres sentiments ; mais elle l’avait refusé. Dans la suite, quand elle avait cru que, d’après le testament, elle recevrait une certaine somme d’argent, elle avait pu revenir, en elle-même, sur son refus, et considérer de nouveau quelle conduite elle tiendrait. Si cette somme était assez considérable pour qu’en épousant M. Owen elle apportât l’aisance dans son intérieur, loin d’être une charge pour son mari, ce serait peut-être son devoir de l’épouser, puisqu’elle l’aimait de tout son cœur et avait l’assurance d’être aimée par lui. Même ainsi, il y aurait toujours eu contre le mariage cette grosse objection qu’elle l’avait refusé quand elle était une grande dame. Mais maintenant, il n’y avait pas d’hésitation possible. Pourrait-elle, elle qui l’avait refusé parce qu’elle était l’héritière de son oncle, et pour cette seule raison, pouvait-elle, maintenant qu’elle était pauvre, accepter d’être une charge pour lui ? Il serait, sans nul doute, assez généreux pour renouveler sa proposition. Elle connaissait bien la noblesse de son cœur ; mais, elle aussi, elle pouvait-être généreuse et montrer un noble cœur. C’est ainsi qu’elle raisonnait avec elle-même, et qu’elle faisait à son inflexible fierté le sacrifice de ses plus tendres affections.

Ainsi, le retour annoncé de M. Owen ne devait guère la rendre heureuse.

« Il sera ici demain, lui dit sa belle-mère. « Mrs. Richard l’attend par le dernier train de la nuit. Je l’ai vue hier, et elle me l’a dit. » Mrs. Richard était la respectable dame chez qui logeait M. Owen.

« Je n’en doute pas, » dit Isabel d’un ton ennuyé ; elle était fâchée que l’on suivît d’un œil si attentif les allées et venues de M. Owen.

« Voyons, Isabel, laissez-moi vous donner un avis. Il n’est pas possible que vous soyez assez injuste à l’égard de M. Owen pour lui laisser croire un moment que vous refuserez l’argent de votre oncle. Pensez à sa position, environ deux cent cinquante livres[1] par an ! Avec vos deux cents livres[2], ce serait le bien-être ; sans cet argent, vous serez terriblement pauvres.

— Pensez-vous que je n’y aie pas réfléchi ?

— Je suppose que si. Mais vous êtes si étrange, si obstinée, si différente de toutes les jeunes filles que j’ai vues ! Je ne comprendrais pas que vous eussiez le front de refuser l’argent, pour aller ensuite manger son pain. »

C’était là de malheureuses paroles, surtout dans la bouche de Mrs. Brodrick. Elles donnèrent à Isabel le courage de faire une réponse catégorique. Jusqu’alors, sa belle-mère avait conservé la certitude que le mariage se ferait, malgré les premiers refus de la jeune fille ; mais Isabel était amenée à formuler maintenant un refus énergique et décisif.

« J’y ai réfléchi, dit Isabel, j’y ai réfléchi bien souvent, et je me suis dit à moi-même qu’il n’y aurait pas d’expression pour qualifier une conduite si vile. Quoi vivre sur ses modiques ressources, après lui avoir refusé ma fortune, quand on croyait qu’elle serait si considérable ! Certainement non, je n’aurai pas le front de le faire, ni le front, ni le courage. Il y a des actions ignobles qui ne se peuvent faire que par une audace à laquelle je ne saurais atteindre.

— Alors, vous accepterez l’argent de votre cousin ?

— Certainement non, dit Isabel ; ni cet argent, ni la position que M. Owen m’offrira peut-être de nouveau.

— Sans doute, il vous l’offrira encore.

— Qu’on lui dise alors qu’aucune considération ne me fera l’accepter.

— C’est de la folie ; vous mourez d’amour l’un pour l’autre.

— Eh bien, nous mourrons. Mais je ne crois pas d’ailleurs que l’on meure d’amour aujourd’hui. Si nous nous aimons, nous aurons à nous passer l’un de l’autre, comme il faut apprendre à se passer de la plupart des choses que l’on désire.

— Je n’ai jamais vu semblable déraison, semblable perversité ! Voilà de l’argent qui est à vous, pourquoi ne pas le prendre ?

— Je puis vous dire, ma mère, » dit-elle, en prononçant avec gravité ce nom qu’elle donnait rarement à sa belle-mère. « pourquoi je ne prendrai pas M. Owen pour mari ; mais je ne puis vous dire pourquoi je ne puis prendre l’argent de mon cousin. Je peux seulement vous assurer que je ne le ferai pas, et que je n’épouserai jamais un homme qui accepterait cet argent.

— Encore une fois, c’est de la perversité ; vous vous conduisez méchamment à l’égard de votre père.

— J’ai tout dit à papa. Il sait que je n’aurai pas cet argent.

— Voulez-vous dire alors que vous entrerez dans cette maison comme une charge de plus, comme un fardeau sur les épaules de votre pauvre père, quand vous pourriez au contraire le soulager ? Ne savez-vous pas combien il est gêné, et qu’il a à pourvoir à l’éducation de vos frères ? » Isabel restait silencieuse, les yeux fixés sur le plancher, et sa belle-mère continuait, sans se douter du peu d’impression que produisaient ses reproches sur une nature dont elle ne comprenait pas la fierté. « Il avait toute raison de s’attendre à ce que vous ne lui coûtiez pas un sou. On lui a dit mille fois que votre oncle vous assurerait d’amples moyens d’existence. Vous savez qu’on le lui a dit ?

— Oui, je le lui ai dit moi-même la dernière fois que je suis venue ici avant la mort de mon oncle Indefer.

— Et pourtant vous ne voulez rien faire pour le soulager ! Vous voulez refuser cet argent, quoiqu’il vous appartienne, et quand vous pourriez épouser demain M. Owen ! » Elle s’arrêta pour voir l’effet que produirait son éloquence.

« Je ne reconnais pas le droit de mon père, ni le vôtre à me presser d’épouser quelque homme que ce soit.

— Mais vous reconnaissez, je suppose, le droit que vous avez de tenir votre parole ? L’argent est là, vous n’avez qu’à le prendre.

— Vous voulez dire que je dois me reconnaître tenue par ma parole. Je n’hésite pas à le faire. J’ai dit à mon père que je ne voulais pas être un fardeau pour lui : je ne serai pas pour lui un fardeau. Il aura d’ailleurs compris que si je viole ma promesse en ce moment, c’est à cause d’une erreur de mon oncle Indefer, à laquelle je ne pouvais m’attendre.

— Vous violez votre promesse en ce que vous ne voulez pas accepter l’argent qui vous appartient.

— Je viole ma promesse ; cela suffit. Je sortirai de cette maison, où je ne serai plus un fardeau pour personne. Si seulement je savais où aller, je partirais dès demain.

— Tout cela est de la folie, » dit Mrs. Brodrick se levant en colère et sortant violemment de la chambre. « Vous avez, d’un côté, l’homme prêt à vous épouser, de l’autre, l’argent. Il ne faut pas deux yeux pour voir quel est votre devoir. »

Isabel ne le voyait pourtant pas si clairement. Ce ne pouvait être un devoir pour elle d’accepter un présent d’argent de l’homme qu’elle supposait l’avoir dépouillée frauduleusement de la propriété. Ce ne pouvait être un devoir pour elle d’apporter la pauvreté à l’homme qu’elle aimait, et surtout après qu’elle avait refusé de lui apporter la richesse. C’était évidemment son devoir, à ce qu’elle pensait, de ne pas être une charge pour son père, puisqu’elle lui avait promis que cela ne serait jamais. C’était son devoir de gagner le pain qu’elle mangerait, ou de n’en pas manger du tout. Disposée comme elle l’était à ce moment, elle aurait quitté la maison sur-le-champ, si quelqu’un avait voulu l’accepter comme fille de cuisine. Mais il n’y avait personne pour la prendre. Elle avait questionné son père sur ce sujet, et il avait accueilli en se moquant l’idée qu’elle gagnât son pain. Quand elle avait parlé de service, il s’était fâché. Ce n’était pas ainsi, avait-il dit, qu’elle pouvait le soulager ; il n’éprouvait pas le besoin de voir sa fille servante ou même gouvernante. Ce n’était pas par de semblables moyens qu’elle pouvait améliorer la position des siens. Ce qu’il voulait, c’était l’amener à penser comme lui, à accepter le large revenu qui était à sa disposition, à devenir la femme d’un galant homme que chacun estimait. Mais, en ce moment, il était bien indifférent à Isabel qu’en acceptant d’être domestique elle déconsidérât sa famille. On lui avait dit qu’elle était un fardeau : elle voulait cesser de l’être.

Elle y pensa toute la nuit, et résolut de consulter M. Owen lui-même. Il serait facile, pensait-elle, ou tout au moins possible, de lui faire comprendre qu’il ne fallait pas songer à un mariage. Avec lui au moins elle pouvait discuter. Il n’avait pas autorité sur elle, et elle se connaissait assez pour avoir toute confiance dans sa force de caractère. Son père avait un certain droit à vouloir diriger sa conduite. Sa belle-mère avait aussi ce droit, par délégation en quelque sorte. M. Owen n’en avait aucun. Elle lui ferait comprendre pourquoi elle ne voulait pas l’épouser, et alors il pourrait servir, par d’utiles avis, son projet d’être gouvernante, femme de chambre, maîtresse d’école, n’importe quoi enfin.

Le lendemain matin, il vint et fut bientôt enfermé avec elle. Au moment où il arriva, Isabel était assise avec Mrs. Brodrick et ses sœurs, mais elles eurent bientôt fait de plier leur ouvrage et de sortir, montrant ainsi que c’était chose convenue qu’Isabel et M. Owen fussent laissés ensemble. La porte ne fut pas plus tôt fermée, qu’il vint à elle, comme pour la prendre dans ses bras, et l’empêcher ainsi de se dérober, en se retirant, au baiser qu’il voulait lui donner comme à sa future femme. Elle comprit tout sur-le-champ. Il semblait que, depuis la dernière entrevue dont elle eût gardé le souvenir, il y en avait eu une autre, oubliée par elle, dans laquelle elle avait consenti à être sa femme. Elle ne pouvait s’irriter contre lui. Comment une jeune fille s’irriterait-elle contre un homme dont l’amour est si tendre, si constant ? Il n’aurait pas songé à lui donner un baiser, s’il avait eu devant lui l’héritière définitive de Llanfeare. Elle le sentait bien. Elle comprenait à son attitude qu’il savait sa résolution de ne pas prendre l’argent de son cousin.

Elle ignorait d’ailleurs qu’il eût eu le matin même un entretien avec son père ; mais elle ne doutait pas qu’il ne connût sa résolution. Comment pouvait-elle se fâcher contre lui ?

Elle se déroba pourtant. « Non, pas cela, dit-elle. Cela ne doit pas être, cela ne peut pas être.

— Dites-moi une chose, Isabel, avant que nous allions plus, loin, et dites-la-moi franchement : m’aimez-vous ? »

Elle était debout à six pieds de lui, le regardant fixement, et déterminée à ne pas rougir devant lui. Mais elle ne sut pas d’abord quelle réponse il convenait de lui faire.

« Je sais, ajouta-t-il, que vous êtes trop fière pour dire un mensonge.

— Je ne dirai pas de mensonge.

— M’aimez-vous ? Il s’arrêta un instant. M’aimez-vous comme une femme aime l’homme qu’elle veut épouser ?

— Je vous aime.

— Alors, au nom de Dieu, pourquoi ne pas échanger un baiser ? J’ai votre amour, et vous avez le mien. Votre père et votre mère voient nos sentiments avec satisfaction. Est-ce alors une faute de donner et de recevoir un baiser ? Puisque j’ai gagné votre cœur, ne puis-je avoir le bonheur de penser que vous désirez me sentir près de vous ?

— Vous le savez bien, dit-elle, quoiqu’il soit peu convenable à une femme de le dire.

— Qu’est-ce que je sais bien ?

— Qu’il n’y a jamais eu un homme dont je me sois approchée avec plaisir, tandis qu’auprès de vous je suis heureuse. Vous donner un baiser ? Je baiserais vos pieds en ce moment, j’embrasserais vos genoux. Tout ce qui est vous m’est cher. Les objets que vous avez touchés me sont sacrés. Le livre de prières dit que la jeune femme doit aimer son époux jusqu’à ce que la mort la sépare de lui, je crois que mon amour vous suivra plus loin encore.

— Isabel ! Isabel !

— Retirez-vous ! je ne vous donnerai pas même ma main à presser tant que vous ne m’aurez pas promis d’être d’accord avec moi. Je ne veux pas être votre femme.

— Vous serez ma femme.

— Jamais ! jamais ! J’ai banni cette pensée de mon esprit, et je sais que j’ai eu raison de le faire. Les circonstances m’ont été bien contraires.

— Non pas à moi ! Et elles ne me le seront point, si j’obtiens de vous ce que je désire.

— J’ai dû paraître devant vous comme l’héritière de mon oncle.

— Cela a-t-il en quelque influence sur mes sentiments ?

— Et j’ai été forcée de refuser votre proposition, pour obéir à la volonté de celui qui m’avait adoptée.

— J’ai très bien compris tout cela.

— Ensuite, il a fait un nouveau testament par lequel il me laissait une somme d’argent.

— Je le sais, et je connais, je pense, l’affaire dans tous ses détails.

— Mais je n’ai pas l’argent. » Elle secoua alors la tête, comme si elle souriait de sa sottise à revenir sur des faits si bien connus de son amant et d’elle. « L’argent m’est offert par mon cousin, mais je ne veux pas le prendre.

— À cela je n’ai rien à dire. C’est le seul point sur lequel, une fois que nous serons mariés, je refuse de vous donner aucun avis.

— Monsieur Owen, » et elle vint plus près de lui, pas assez près pourtant pour qu’elle ne pût lui échapper, si cela était nécessaire, « monsieur Owen, je vais vous dire une chose que je n’ai dite à personne.

— Pourquoi à moi ?

— Parce que j’ai en vous une confiance que je n’ai en aucun autre.

— Dites alors.

— Il y a un autre testament, — ou plutôt, il y avait un autre testament, et il l’a détruit.

— Pourquoi dites-vous cela ? Vous ne devez pas parler ainsi ; vous ne pouvez pas le savoir !

— Aussi vous le dis-je à vous, comme je le dirais à mon propre cœur. Le vieillard me l’a dit dans ses derniers moments. Et puis cet homme a une physionomie si répulsive. Si vous aviez pu voir combien sa lâcheté tremblait sous mes regards !

— Il ne faut pas juger d’après des indices de ce genre. On ne peut que les voir et les remarquer ; on ne doit pas en faire la base d’un jugement.

— Vous auriez jugé vous-même, si vous aviez vu, et vous n’auriez pu vous empêcher de juger comme moi. D’ailleurs la seule conséquence de la conviction que je me suis faite est… que pour rien au monde je n’accepterai son argent.

— Il est peut-être bon, Isabel, que nous discutions entre nous tout ce qui est pour vous l’objet d’un doute, l’occasion d’un embarras. Je serai heureux de penser qu’il n’y aura jamais de secret entre nous. Mais croyez-moi, ma chérie, tout cela n’a aucun rapport avec l’affaire qui nous concerne tous deux.

— Il est indifférent que je sois privée de toutes ressources ?

— Absolument.

— Non, monsieur Owen et en cela mon père lui-même est d’accord avec moi. » Elle avait tort de parler ainsi. Son père avait seulement voulu lui démontrer que le modique revenu de son futur mari lui faisait une nécessité d’accepter l’argent. « Je ne veux à aucun prix être un fardeau pour vous, et, comme je ne puis me donner à vous sans vous imposer en même temps une charge, je ne veux pas être à vous. Qu’importe que nous souffrions un peu plus ou un peu moins ?

— Cela m’importe beaucoup à moi.

— Un homme a bientôt fait, je pense, d’oublier cette souffrance.

— Une femme aussi, — si elle est de celles qui surmontent aisément des difficultés de ce genre. Vous n’êtes pas de ces femmes-là, je pense ?

— J’essayerai.

— Moi, je n’essayerai pas, » Et, en parlant ainsi, il la regardait bien en face. Ma philosophie m’enseigne à dédaigner les raisins qui pendent trop haut au-dessus de ma tête, mais à prendre le plus possible de ceux qui sont à ma portée.

— Je ne suis pas à votre portée.

— Si, excusez ma confiance, vous m’appartenez. Vous avez avoué que vous m’aimez.

— Je vous aime.

— Alors, vous n’aurez pas la méchanceté de me refuser ce que j’ai le droit de vous demander. Si vous m’aimez comme une femme doit aimer l’homme qui sera son époux, vous n’avez pas le droit de me repousser. J’ai donc établi la justice de mes prétentions, à moins qu’il n’y ait encore d’autres raisons…

— Il y a une autre raison.

— Il n’y en a pas d’autre dont je puisse être juge. Si votre père avait fait quelque objection, ce serait là une raison ; quand votre oncle a désapprouvé notre mariage à cause de la propriété, c’était une raison. Quant à l’argent, je ne vous demanderai jamais de le prendre, à moins que vous ne disiez vous-même que la pauvreté vous fait peur. » Il s’arrêta alors, la regardant, comme pour la mettre au défi de plaider sa propre cause avec d’aussi bons arguments. Elle ne répondit pas, mais demeura assise, toute palpitante et comme effrayée par l’énergie de ses paroles.

« Elle ne me fait pas peur à moi non plus, » continua-t-il avec douceur, « pas le moins du monde. Pensez-y, et vous sentirez que j’ai raison ; alors, la première fois que je reviendrai, peut-être ne me refuserez-vous pas un baiser. » Et il partit.

Oh ! combien elle l’aimait ! Combien il lui serait doux de sacrifier sa fierté, son indépendance à un homme comme lui ! Combien il méritait un absolu respect, une confiance sans bornes, un entier dévouement ! Combien il était au-dessus de tous les hommes qu’elle avait jamais rencontrés sur le chemin de la vie ! Et pourtant elle était déterminée encore à ne pas l’épouser.




  1. Environ 6 250 francs.
  2. Environ 5 000 francs.