Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/31

Imprimerie de Chatelaudren (2p. 842-843).


CHAPITRE XXXI

LA COMPOSITION ÉPIGRAPHIQUE



1. L’épigraphie (terme venu d’un mot grec signifiant inscription, épigraphe ; en latin : titulus) est la science des inscriptions.

Le mot « science » ainsi entendu désigne non seulement le « savoir pratique nécessaire pour déchiffrer les textes anciens » que nous ont conservés la pierre, le bois, le papyrus ou même tout autre matière, mais aussi celui non moins indispensable pour « interpréter ces documents et en tirer les renseignements qu’ils contiennent ».
xxxx Si l’on envisage ainsi la question au point de vue archéologie et érudition, on peut dire avec quelque raison : « L’épigraphie n’est pas une affaire d’intuition, mais bien de science et de pratique ; on ne la devine pas, on l’apprend. » Malheureusement, cette opinion ne peut se soutenir lorsqu’il s’agit de reproduire en typographie les inscriptions déchiffrées : trop souvent, après avoir appris, le compositeur est obligé de deviner, et pour lui, malgré sa science, nonobstant sa pratique, l’épigraphie devient surtout une affaire d’intuition et d’intelligence.
xxxx Bien que l’épigraphie soit « une écriture officielle et simple où tout est arrêté et soumis à des règles constantes » sur les monuments, il n’en est plus de même sur les manuscrits des auteurs : la « simplicité » devient confusion ; « les règles constantes » sont prétexte à des dispositions vicieuses au milieu desquelles le typographe a peine à se reconnaître ; et « l’écriture officielle » se transforme en un grimoire dont les obscurités involontaires font regretter plus vivement la prétendue clarté des textes antiques.
xxxx Si l’on ajoute encore que les inscriptions anciennes sont émaillées d’abréviations nombreuses et de signes, parfois énigmatiques pour les profanes, que les auteurs se feraient scrupule de reproduire convenablement ou d’expliquer d’un mot, on conviendra aisément que, « pour n’être pas une science à part », l’épigraphie n’en représente cependant pas moins, pour la reproduction typographique des textes et leur disposition correcte, des difficultés d’un caractère tout spécial.
xxxx Le typographe soucieux de ne négliger aucun des côtés même les plus minimes de sa profession, ou simplement curieux, a le devoir d’acquérir quelques notions d’épigraphie et de se familiariser avec sa pratique, non pas sans doute de manière à posséder les moyens de déchiffrer les inscriptions des monuments

anciens — ce serait, il faut le reconnaître, trop exiger — mais, tout au moins, de façon à lui permettre d’interpréter heureusement, et selon toutes les règles, les documents qu’il peut être appelé à reproduire. C’est dans ce but que l’on s’est efforcé d’exposer ici, aussi brièvement que possible, les principaux éléments typographiques de cette science.
xxxx Aussi bien le nombre des manuels qui ont signalé en une courte notice les caractéristiques principales de l’épigraphie est-il presque négligeable et peut-on dire qu’au point de vue typographique l’étude de cette science est encore à présenter. Toutefois, B. Vinçard, dans l’Art du Typographe, a donné une nomenclature des « premiers alphabets italiques comparés avec le grec et l’oriental », d’après une gravure d’Alde Manuce remontant à l’an 1480 ; mais aucun texte n’accompagne ce tableau d’un intérêt minime, en somme. Brun, Fournier, Daupeley-Gouverneur, Muller et nombre d’autres après Vinçard ont gardé le silence sur la question qui nous occupe. Dumont, dans la quatrième édition du Vade-Mecum du Typographe, a reproduit une série d’alphabets de diverses langues, ou mortes ou vivantes, sans toutefois aucun commentaire. Seul, nous semble-t-il, Th. Lefevre a traité, au moins sommairement, la composition des inscriptions latines et grecques, et appuyé ses explications d’un alphabet et de plusieurs exemples de compositions.