Le Compositeur typographe/Manœuvre typographique

Adrien Delahaye et Émile Lecrosnier (p. 5-7).


HYGIÈNE PROFESSIONNELLE

le
COMPOSITEUR
TYPOGRAPHE



manœuvre typographique


Sous la dénomination générale de compositeur typographe, nous comprendrons l’apprenti compositeur, le paquetier, le metteur en pages, l’imposeur, et le corrigeur.

L’apprentissage du compositeur commence vers l’âge de quatorze ans. Dans les petites imprimeries les occupations de l’apprenti sont multiples : en dehors du temps qu’il consacre à la composition, on lui confie l’entretien de l’atelier, on l’envoie faire des courses, porter des épreuves, etc., etc. Dans les établissements plus importants, il existe de véritables écoles d’apprentissage, sous la direction de typographes expérimentés ; cette institution qui tend chaque jour à se généraliser donne d’excellents résultats à tous les points de vue.

La durée de l’apprentissage est, en général, de quatre ans, et la rémunération journalière, à Paris, est de : cinquante centimes pour la première année ; un franc pour la seconde ; deux francs pour la troisième et trois francs pour la quatrième.

Le paquetier travaille debout ; il est placé devant son rang, sorte de table de 1m, 50 dans sa plus grande hauteur, de 1 mètre dans sa plus petite, disposée à sa partie supérieure en forme de pupitre. Cette table est garnie d’un rebord épais, qui règne dans toute sa longueur.

C’est sur le rang que repose la casse, boîte plate et découverte, divisée en compartiments nommés cassetins, où sont placés les lettres et les signes nécessaires à la composition. La casse du typographe est tantôt unique, tantôt double et, dans ce dernier cas, comprend deux parties égales superposées, haut de casse, bas de casse.

Le paquetier, ayant sous les yeux la copie à composer (manuscrit ou réimpression) placée directement sur la casse ou retenue par le visorium, tablette disposée à cet effet, saisit, entre le pouce et l’index de la main droite, la lettre dans son cassetin, pour la placer rapidement dans le composteur, instrument en fer destiné à la recevoir.

Cet outil est tenu avec la main gauche et préalablement justifié, c’est-à-dire réglé longitudinalement sur une dimension déterminée.

Les lettres successivement rangées constituent avec les espaces la ligne, à laquelle vient se superposer l’interligne provisoire ou définitive qui permet l’enlèvement du fragment composé et son placement sur une planchette rectangulaire nommée galée.

Lignes et interlignes ainsi réunies forment le paquet, que l’ouvrier lie au moyen de plusieurs tours de ficelle et dépose ensuite sur une feuille de papier épais dite porte-page. Une première épreuve de ce paquet est tirée, soumise au correcteur, puis rendue au paquetier, qui fait les rectifications nécessaires.

Ici s’arrête le travail du paquetier et commence celui du metteur en pages.

Ce dernier, plus avancé que le précédent dans l’art typographique, est chargé de répartir la copie entre les paquetiers, de recueillir les paquets composés et de les disposer en pages, d’y distribuer les blancs, d’y ajouter les folios, titres courants, fleurons, vignettes, etc., etc.

L’imposeur rassemble les pages achevées, pour les placer en forme, de telle sorte que la feuille de papier une fois imprimée et pliée offre la disposition convenable. Cette opération se fait sur le marbre, table horizontale de dimensions variables, formée d’une pierre très dure enduite de vernis ou construite en fonte.

Les pages, convenablement disposées dans un cadre rectangulaire en fer, nommé châssis, sont ensuite séparées en tous sens par des lingots, puis définitivement immobilisées, après déliage des paquets, au moyen de réglettes, biseaux et coins, qui les maintiennent solidement enclavées dans l’intérieur du châssis. La forme ainsi constituée est enlevée du marbre et portée à la presse, où les épreuves destinées à l’auteur sont successivement tirées.

Le corrigeur est spécialement chargé d’effectuer sur la forme les corrections de l’auteur.

Les fonctions de metteur en pages et d’imposeur se confondent le plus souvent dans les imprimeries ; il en est de même de celles de paquetier et de corrigeur.

Un dernier travail, qui rentre dans les attributions du paquetier, nous reste à exposer, c’est celui de la distribution.

Lorsque les formes qui ont servi au tirage ont été lavées à la potasse, le metteur en pages les desserre sur un marbre, enlève les garnitures et répartit entre les compositeurs de son équipe les fragments à distribuer.

Le paquetier, devenu distributeur, tient les lignes dans la main gauche, saisit entre le pouce et l’index de la main droite un certain nombre de lettres et les replace successivement dans leur cassetin respectif, en se servant du médius pour les détacher.