Le Commerce de coton depuis la pose du cable/Texte entier


LE
COMMERCE DE COTON
DEPUIS LA POSE DU CÂBLE

GUIDE DES FILATEURS,
PAR
Jules BORAIN.

BRUXELLES,
C. MUQUARDT,
HENRY MERZBACH, SUCCESSEUR, ÉDITEUR,
MÊME MAISON À GAND ET À LEIPZIG.
1870






bruxelles. — impr. et lith. de e. guyot, rue de pachéco, 12.



PRÉFACE.

« Nothing but truth. »


Les chapitres qu’on va lire ont paru dans le Journal de Gand, les 17 avril, 2, 21 mai et 3 juin 1870, au moment même où la spéculation, faisant jouer tous ses ressorts, voulait forcer la position déjà faussée de l’article, et en amener une hausse artificielle en contradiction directe avec le rendement des récoltes, avec l’excédant des importations américaines, avec l’état réel de la consommation. C’est sur la demande de ses amis que l’auteur s’est décidé à réunir, en forme de brochure, le résultat de ses recherches, appuyées de quelques pièces justificatives.

En stigmatisant les manœuvres de l’agiotage qui, désespéré d’une résistance logique, était allé jusqu’à former un syndicat à Liverpool pour pousser les prix ; en dévoilant les mystères du vendeur à découvert, ses fraudes sur le classement et ses avantages à l’arbitrage ; en prémunissant la filature contre les embûches et les surprises de tout genre qui lui sont dressées ou réservées, l’auteur ose se flatter d’avoir contribué pour sa part à l’avortement de l’élan factice que les haussiers à outrance avaient essayé d’imprimer aux marchés cotonniers en avril et mai derniers. Il y a été aussi fortement engagé par un sentiment d’humanité : car renchérir outre mesure les prix d’une matière qui est la source de travail et d’habillement pour la classe ouvrière, c’est lui porter les plus rudes coups dans un intérêt sordide et peu chrétien.

Les statistiques que contient l’opuscule n’ont plus un intérêt d’actualité ; mais, comparées aux époques, à l’origine de la baisse survenue, elles serviront toujours à prouver que le compilateur ne s’est point trompé dans leurs appréciations. Quant à ses arguments, ils resteront debout jusqu’à ce que la filature, bien conseillée, aura fait bonne justice de tout ce monde de tripoteurs plus ou moins solvables, qui l’agite sans cesse, qui lui cause de sérieux préjudices en corrompant l’âme, en détruisant la confiance, en jetant le mépris sur le commerce.


Bruxelles, 30 juin 1870.


LE COMMERCE DE COTON
DEPUIS LA POSE DU CÂBLE


I

L’agiotage européen.

Pourquoi vend-on, depuis deux ans, le coton à Liverpool et au Havre au-dessous du prix de revient ?

Pourquoi les prix en Amérique et aux Indes sont-ils plus chers qu’en Europe ?

Pourquoi à Liverpool et au Havre tient-on tant à vendre à livrer ?

Voici le mot de l’énigme :

Les grandes fluctuations que les prix ont subies depuis la guerre d’Amérique, fluctuations qui ont fait et défait des fortunes ; la rapidité des communications télégraphiques, la bonhomie des filateurs de se laisser entraîner ; tous ces avantages ont tourné la tête à tout le monde, et au lieu de tripoter à la Bourse épuisée, on se jette sur le coton dont les consommateurs sont plus faciles à manier que les roués en fonds publics.

Il en est résulté que tous les marchands de vin (voyez pièce justificative, no 1), tous les épiciers, tous les bousilleurs qui savent à peine écrire une lettre, tous les gens tarés qui n’ont guère prospéré en Europe, font aujourd’hui le commerce de coton dans les ports américains. Il leur suffit d’obtenir, n’importe par quels moyens, quelques ordres de la filature, et là-dessus ils jouent bravement à la hausse ou à la baisse, culbutent vingt fois et reviennent vingt fois sur l’eau. En Amérique, il est si facile de sauter sans se casser le cou !

C’est cette spéculation affamée et téméraire basée sur les ordres européens, véritable course au clocher, qui fait maintenir les prix plus chers aux lieux de production qu’en Europe, et cela au détriment de la filature, à qui ce manège ne profite guère et qui ne sait plus à quel saint se vouer. Et ce qui est encore plus triste, c’est que les maisons les plus respectables, à moins qu’elles ne veuillent se croiser les bras, sont forcées à suivre le courant et faire comme les autres. Presque tout le monde étant ainsi intéressé à la hausse plutôt qu’à la baisse, parce que la hausse fait toujours marcher rondement les affaires, il s’ensuit que presque tout le monde prêche la hausse, en dépit du bon sens, en dépit de toutes les règles de la prudence, en dépit de toutes les statistiques prouvant le contraire.

Les approvisionnements dans tous les ports européens, en coton de toutes sortes, étaient le

12 avril : 1870. 1869.
Stocks dans tous les ports. 609,300 453,400 balles.
Flottant sur tous les ports. 419,400 486,100


1,028,700 939,500
Excédant en 1870. 89,200

1,028,700

Par contre, la consommation était inférieure à celle de l’année passée. Prenons d’abord celle d’Angleterre, du 4 mars au 7 avril :

Consommation anglaise
Seme. Fint. 4 mars 38230 b. 1870. 1869. 1868.
11 38440
18 49930 moyenne moyenne moyenne
25 47970 pr seme. pr seme. pr seme.
1 avril 48510 47733 b. 50550 b. 53880 b.
7 63320

L’année dernière, à 12 3/8 deniers pour Middling Orléans (prix du 7 avril), on a donc consommé plus de coton que cette année à 11 1/2 deniers.

Voyons maintenant la consommation de l’Europe presque entière, car les filateurs du continent sont dans une position bien moins avantageuse que ceux d’Angleterre.

Les débouchés des quatre principaux marchés : Liverpool, Londres, Havre et Marseille, étaient au 11 avril :

1870. 1869.
Débouchés. 1,057,224 1,097,091 balles.
Moyenne par semaine. 75,516 78,363
Stocks. 565,834 444,353

Les filateurs du continent souffrent donc toujours, car malgré les 63,320 balles prises, l’avant-dernière semaine, par la consommation anglaise, le total des débouchés des quatre ports présente une diminution de 2,847 balles par semaine, et cependant les prix à Liverpool sont de 1 denier moins chers que l’année dernière, à pareille époque.

Ayant ces chiffres sous les yeux, comment expliquer la rage de certaines gens (surtout au Havre) de prêcher la hausse ? Comment s’est-il fait que l’année dernière, avec une petite récolte et de pauvres approvisionnements, le Low-Middling Louisiane était descendu au Havre, en décembre 1868, à 120 francs, tandis qu’il n’est tombé, cette année, qu’à 129 ?

La combinaison qu’on a trouvée pour forcer les prix est très-simple. Chaque acheteur américain (les exceptions sont rares) a établi une succursale en Europe, où, faute de succursale, il s’est mis en rapports intimes, de compte à demi, avec une maison de commission d’un port européen, et pour pousser et multiplier rapidement les affaires moyennant le câble atlantique, ce qu’il ne pourrait guère faire avec la filature, la maison d’Europe vend toujours et quand même à découvert, télégraphie à la Nouvelle-Orléans, ou ailleurs, sa vente pour se faire couvrir par son ami, et si le prix auquel on a vendu ne suffit pas, on se rattrape sur le classement et sur le poids. Quelquefois c’est la maison d’Amérique qui achète d’avance, à bas prix, un classement pauvre, charge et offre ferme par télégraphe, à son ami d’Europe, qui vend. Dans ce dernier cas, le prix est toujours plus élevé que le prix réel de la source, sans compter la défectuosité du classement. Comme les parties intéressées sont étroitement liées par le compte à demi, ils n’ont jamais rien à se reprocher, et l’imprudent acheteur à livrer doit payer les pots cassés. Voilà tout le mystère. De cette manière, les deux maisons font dix fois plus d’affaires que directement avec la filature, dont on fait très-peu de cas aujourd’hui, bien qu’on spécule sur et avec ses ordres donnés (voyez pièce justificative no 2).

Rien de plus facile que de se rattraper sur le classement ; les usages savamment combinés de Liverpool et du Havre s’y prêtent admirablement. À Liverpool les cotons à livrer se vendent sur la base de Middling ou Low-Middling arbitrable en-dessous et en-dessus. Mais, comme l’arbitrage se fait par les courtiers de place, qui ne connaissent point le filateur-acheteur et qui tiennent à rester en bons termes avec le vendeur et le commissionnaire anglais, ces courtiers, sachant ménager leurs intérêts, font à peu près ce que désirent le vendeur et le commissionnaire de Liverpool.

Au Havre c’est encore pis. On y vend à livrer, qualité telle quelle, sur classement d’origine désigné, et lorsque l’acheteur-filateur trouve, à sa grande surprise, que le classement ne correspond nullement aux conditions du marché, il n’a aucun recours ni contre le vendeur, ni contre son commissionnaire. C’est presque une duperie organisée, moins le coupable. Voici ce qui est arrivé dernièrement à un de mes amis. Il a acheté à livrer 50 balles Low-Middling Savannah à fr. 136-50, qui, à l’arrivée du navire, ressortaient à peine Strict good Ordinary. Mon ami n’a jamais pu obtenir la production de la facture originale constatant la désignation Low-Middling. Sous prétexte que les usages de la place s’y opposent, on a, malgré la baisse, repris les cotons plutôt que d’avouer une supercherie. Vous voyez d’ici que, pour bâcler les affaires le plus tôt possible, tous ces messieurs sont solidaires les uns des autres, aux dépens du consommateur. Voilà pourquoi les achats à livrer ont donné, cette année, de la perte plutôt que du bénéfice, en dépit de la hausse préconisée de commun accord, et en dépit de la marge qu’on nous présentait très-éloquemment, au moment de l’achat, sur le disponible. Et voilà aussi pourquoi on a réussi à maintenir les prix plus élevés que ne comportent une forte récolte en Amérique et une consommation inférieure à celle de l’an passé.

Les stocks en coton de toutes sortes étaient :

Au 12 avril : 1870. 1869.
À Liverpool 455,000 contre 319,000 balles
Au Havre 83,000 contre 44,400 balles [1]

Et malgré les excédants, quand on demande du coton disponible, on vous répond, surtout du Havre, qu’il n’y en a pas grand choix, et on vous force d’acheter à livrer : Admirez tous ces stratagèmes, qui ne servent qu’à brasser vite les affaires sans la moindre responsabilité de la part du mandataire.

Un mot encore à propos des affaires à terme, qui sont très-commodes aux commissionnaires et d’une tout autre nature que celles à livrer par navire désigné. C’est tout simplement un jeu de Bourse. La loi ne reconnaît pas ces opérations, à moins qu’on ne demande livraison, et dans ce cas, avec l’assistance du courtier, on vous donne ce qu’il plaît au vendeur et à votre commissionnaire, ce dernier toujours indulgent pour son voisin, par esprit de réciprocité (voyez pièce justificative no 3). Si, au contraire, vous voulez régler par différence, comme à la Bourse, voici ce qui peut vous arriver. Si vous perdez et si vous êtes un honnête homme, vous payerez ; mais si vous gagnez, il est permis à votre vendeur de ne pas vous payer, et comme votre commissionnaire lui-même est très-souvent vendeur et acheteur, il vous mène comme bon lui semble. Il ne vendra jamais, au plus fort du mouvement, à un prix élevé, mais il vendra toujours (à lui-même sans doute) chaque fois qu’on lui donnera des limites trop basses.

Comment trouvez-vous, cher lecteur, cette belle organisation systématique pour s’enrichir, inventée depuis la guerre d’Amérique ? (voyez pièce justificative no 4).


II

L’agiotage indien.

J’ai mis la main, à ce qu’il paraît, dans un guêpier par l’article que j’ai publié dans le Journal de Gand du 17 avril 1870, sur le commerce de coton actuel. Les blessés — ce n’est que la vérité qui blesse — me jettent la pierre ; mais j’aime encore mieux la vérité avec ses déboires que de faux amis, à qui, pour plaire, il ne s’agit de rien de moins que de les aider aveuglément à s’enrichir.

Je continue donc à compléter mes révélations, malgré la colère et les dénégations cyniques de mes adversaires.

Les grands faiseurs anglais, ne sachant comment faire mousser l’article, se sont réfugiés derrière une statistique dressée à leur gré, pour démontrer que les approvisionnements actuels et futurs de l’Europe étaient et seront, par le déficit que présentent les importations de l’Inde, plus faibles que ceux de l’an dernier, et là-dessus reprise la semaine dernière (13 mai 1870), tristement amortie par l’avis de 80,000 balles de recettes dans une semaine, que le télégraphe de Bombay nous annonçait, le 14 mai, contre 15,000 balles en 1869. (Grand pays de surprises ! je t’admire.) Ces énormes recettes ont versé de l’eau glacée sur la tête échauffée des honorables gentlemen haussiers, qui croient sérieusement qu’une grande partie du genre humain n’est composée que de moutons de Panurge.

En effet, qu’ont-ils imaginé, à l’aide des courtiers, fatigués eux-mêmes de la marche indécise des affaires ? Ils prétendent, sincèrement ou non, peu importe, que la consommation anglaise est et sera de 54,000, et celle du continent de 38,000 balles par semaine. Cela ferait 92,000 balles, et d’après les débouchés de quatre principaux marchés d’Europe, ce n’est que la semaine finissant le 14 mai, que la consommation, augmentant, prenait 74,893 contre 74,959 balles de l’an dernier. Comme on voit, il y a là une différence de 17,107 balles par semaine, qu’on ne peut guère attribuer aux importations directes du continent ni à celles du Levant, ou aux livraisons des ports secondaires, tels que Brême, Hambourg, etc.

D’un autre côté, la statistique générale nous offre les expéditions suivantes :

1870 1869
Des États-Unis :
Du 1er sept. au 31 mai 1,844,000 1,287,000
De Bombay :
Du 1er janv. au 14 mai 417,000 617,765


Balles 2,261,000 1,904,765


donnant un excédant de 356,235 balles, excédant qui existe en partie encore, car, le 10 mai, les stocks à Liverpool, Londres, Havre, Brême, Hambourg et Marseille étaient de 681,900 balles, contre 500,600 balles l’an dernier.

Pourquoi les courtiers, d’accord avec les grands faiseurs, cherchent-ils maintenant les raisons aux Indes pour exciter à la hausse ? C’est que les affaires de l’Inde aussi (à livrer, bien entendu, et c’est à cela qu’on vise toujours) se font, à Liverpool comme au Havre, très-commodément, sans aucun risque, sans aucun déboursé, sans aucune garantie sérieuse.

Prenons les conditions du Havre, plus dangereuses que celles de Liverpool, où l’on vous garantit bien le classement, garantie éphémère, sans doute, puisque le courtier-acheteur en reste juge, mais enfin c’est une garantie, tandis qu’au Havre on ne produit pas même la facture d’origine, sur la foi de laquelle on a vendu un classement déterminé.

Voici les conditions du Havre modifiées depuis le commencement de l’année :

Le vendeur se réserve le droit : 1o de choisir entre quatre acheteurs de Bombay ; 2o de n’en indiquer un que six semaines à deux mois après le départ de la dernière malle de Bombay précédant le dernier mois d’embarquement ; 3o de n’indiquer aussi qu’alors le nom du navire ; enfin 4o de vendre qualité telle quelle non arbitrable et non garantie.

Convenez que les vendeurs se sont fait bien belle la part du lion ; impossible de mieux s’entourer de toutes sortes de précautions pour gagner de l’argent à coup sûr, et endosser la perte éventuelle au dernier acheteur, qui est, le plus souvent, un filateur. Le grand faiseur ne vend jamais à découvert qu’avec la hausse, et comme il a deux mois d’intervalle pour manœuvrer de concert avec les quatre maisons de Bombay qui ont des succursales établies au Havre exprès pour ce genre d’agiotage, il s’ensuit qu’il trouve presque toujours occasion d’acheter à meilleur marché qu’il n’a vendu, dût-il se rattraper sur le classement non garanti, sur le poids et autres chapitres.

Pour accepter un pareil marché dérisoire, pour pousser ainsi à la hausse par des achats à livrer si scabreux, il faut, avouons-le, être enragé d’affaires, et dire que ce sont quelquefois les filateurs eux-mêmes ! Mais le moyen de résister aux séduisantes propositions d’un commissionnaire qui revient dix fois à la charge, vous assiége de tous côtés, et vous prouve sur tous les tons, en égrenant un chapelet de raisons captieuses, que l’affaire qu’il propose vous offre toutes les garanties imaginables et même inimaginables ?

Cependant, rien ne se fait aujourd’hui régulièrement, consciencieusement. Tout le monde veut tromper. Le planteur, connaissant les besoins de la spéculation à découvert, trompe les spéculateurs de la localité, en retenant les cotons dans l’intérieur ; les mêmes spéculateurs des lieux de production trompent les importateurs européens en feignant de croire, par la modicité des recettes, à une récolte réduite ou attardée, et les négociants européens, à leur tour, trompent les filateurs en exploitant, machinalement ou avec préméditation, toutes ces fausses nouvelles, combinées de longue main, jusqu’à ce que, par la force même des choses, la bombe éclate, et des recettes formidables, trop longtemps masquées, sont tout à coup annoncées à la stupéfaction de tous ceux à qui l’on a jugé utile de cacher la vérité. Bien plus, on forme des syndicats, comme cela a eu lieu dernièrement à Liverpool, pour s’opposer par tous les moyens artificiels à la baisse, et une fois les gros importateurs allégés, on lâche la main ; gare alors aux derniers acheteurs à livrer ! Mais en attendant qu’on ait ainsi forcé la position de l’article pendant trois, quatre à cinq mois, les roués ont fait de magnifiques affaires à la barbe de la filature, et c’est tout ce qu’ils ont voulu.

III

L’agiotage américain.

L’esprit d’agiotage ayant envahi tous les marchés cotonniers, il est nécessaire, indispensable, de faire une étude spéciale de ceux-là mêmes où l’amour effréné des jeux de hasard, le mépris du danger, la grande vie aventureuse ont donné naissance à une foule d’opérations malsaines et scabreuses, n’ayant pour unique but que la réussite personnelle, n’importe à quel prix.

On offre, en ce moment, d’Amérique (3 juin 1870) :

— De New-Orleans, Base Low-Middling, livrable en octobre prochain, à 8 3/4 deniers franc à bord ;

— De New-York, même désignation livrable en novembre prochain, à 8 3/4 d. franc à bord ;

— De n’importe quel port, même désignation, livrable en octobre prochain, à 8 1/2 d. franc à bord.

Ces offres, eu égard aux prix actuels, sont, assurément, bien tentantes, mais examinons-en de près les conditions accessoires dont elles sont entourées. Il est dans l’intérêt des offrants de les dissimuler et de ne les faire connaître qu’après coup, en se réfugient alors derrière le grand mot sacramentel : c’est l’usage ; — pour un homme sérieux, il vaut mieux envisager ces conditions sous toutes leurs faces, avant de les accepter.

En principe, toute offre ferme venant d’Amérique n’est, ni plus ni moins, qu’une vente à découvert ; car il est rare qu’on achète d’avance, et plus rare encore qu’un facteur ou un planteur prenne un tel engagement pour 24 heures seulement, et s’il le fait, c’est toujours pour obtenir un prix plus élevé que les cours du jour. Ces offres fermes reposent donc généralement sur une spéculation à la hausse ou à la baisse, et tout commissionnaire qui les fait, lors même qu’il achète d’avance, n’est plus un commissionnaire, mais un spéculateur, qui se fait payer une prime pour les risques d’une vente à découvert. Il en découle clairement, incontestablement, qu’en acceptant de telles offres, si le marché hausse, vous ne gagnez pas grand chose, ayant déjà payé une prime sur le prix, et si le marché baisse, vous perdez plus que si vous aviez fait acheter aux cours du jour, par une maison honnête et strictement commissionnaire, un classement dont elle est responsable. Ce qui prouve, d’ailleurs, mathématiquement que ces affaires doivent être très-profitables à ceux qui les proposent, c’est que presque toutes les maisons américaines s’y livrent à tête baissée, et qu’on ne trouve presque plus de vrais commissionnaires de l’autre côté de l’Atlantique.

Voilà pour le principe ; voici maintenant pour les expédients :

« Le gros de nos affaires, m’écrit l’associé européen d’une maison d’Amérique très-respectable, mais qui, malheureusement, ne sait pas résister au courant, le gros de nos affaires (il voulait dire la base de nos spéculations) consiste en ordres purs et simples ; cependant, nous faisons aussi des offres fermes, et voici comment. Acheter d’avance, c’est impossible à cause des grandes fluctuations de change et frais d’emmagasinage. (Il aurait dû aussi ajouter, à cause des fonds à débourser sans tirage.) Par conséquent, ma maison de la Nouvelle-Orléans me télégraphie les prix plusieurs fois par semaine, et là-dessus je vends selon mon jugement, en ajoutant 3 1/2 p. c. de commission (et sans doute une prime qu’on n’avoue pas). »

Est-ce que ce monsieur saurait déjà le prix qu’on va pratiquer le mois d’octobre prochain ? Pas le moins du monde ; il n’est pas plus prophète que vous et moi. Seulement voici sa double ancre de salut. Si les prix baissent, en octobre, au-dessous de la parité de 8 3/4 deniers, la maison vous donnera un classement passable, ce qui ne vous empêchera pas de perdre tout de même, et si les prix haussent, ce n’est pas elle encore qui perdra ; car, suivant les usages prudemment adoptés au profit des vendeurs américains, elle a le droit de vous livrer, dans le courant d’octobre, n’importe quel classement au-dessus ou au-dessous de Low-Middling, avec augmentation ou diminution relative du prix convenu, fixées par les courtiers d’Amérique, et comme les classements inférieurs sont toujours plus abondants que ceux au-dessus de Low-Middling, vous pouvez être sommé à recevoir même Low-Ordinary à un prix que le courtier de la Nouvelle-Orléans n’évaluera certainement pas à votre avantage, puisqu’il ne vous connaît pas.

Ces affaires vous tentent-elles encore, cher lecteur ? Pardon. — Une seule condition peut vous garantir quelque peu contre les surprises de toutes ces latitudes prodiguées au vendeur, c’est de stipuler, par exemple, dans le marché : « Rien au-dessous de Strict good Ordinary, » mais avec cette clause vous trouverez déjà moins de vendeurs, et seulement à un prix bien plus élevé, qui ne vous laissera pas grande marge. Et puis quel est son Strict good Ordinary et quel est son Low-Middling ?

On voit par ce qui précède qu’à part le poids, le fret et le change, sur lesquels le vendeur peut encore bénéficier, sa force principale (en Amérique comme en Europe) est dans les différents trucs qu’il emploie pour substituer un classement à un autre, et comme ces affaires s’endossent, par la filière de la spéculation, du point de départ jusqu’en Europe, il arrive assez souvent que, lorsque vous achetez à livrer à Liverpool, au Havre ou à Brème, c’est la suite de ces marchés véreux que vous acceptez. Dans ce cas, ou votre commissionnaire de Liverpool règle l’affaire, sans rien vous dire, et vous achète, pour la remplacer, un classement à votre convenance, ce qui ne se fait pas sans quelques sacrifices tirés sur votre caisse, ou bien vous avez à recevoir avec une diminution de prix illusoire du Low-Ordinary poussiéreux que vous ne pouvez pas travailler. Une livraison en classements supérieurs à Low-Middling est comptée au nombre des miracles.

Le vendeur s’étant réservé tant de facultés aux évolutions, ne perd donc presque jamais, et c’est pour cela que ces affaires ont gagné une si grande extension dans les derniers temps, tandis que vous, acheteur-consommateur, vous perdez toujours, lors même qu’il y a hausse, car vous avez accepté un prix doublé de prime, et vous recevez un classement qui, la plupart du temps, n’est pas de votre emploi. Si ces opérations aléatoires ne tournaient pas tout à l’avantage du premier vendeur, on ne s’engagerait pas aujourd’hui, le 3 juin, pour octobre à deux deniers au-dessous du cours, et les marchés d’Europe ne seraient pas assaillis d’offres fermes, en dépit de la masse des frais télégraphiques perdus que les trop confiants acheteurs doivent payer sans le savoir. Quant au commissionnaire européen, il ne risque rien de prêter son concours à ce commerce interlope, étant presque sûr de passer toute affaire au dos de l’un de ses bons amis, moyennant une commission et le reste.

Pour mieux illustrer la nature de ces tristes opérations, je ne puis me dispenser, en terminant, de citer quelques passages d’une lettre très-judicieuse que j’ai reçue dernièrement d’un Américain établi actuellement en Europe.

« En Amérique, dit-il, quelque chose d’analogue se produit. Les grands faiseurs, les vendeurs fermes, les acheteurs qui se prétendent commissionnaires, et qui annoncent des achats faits quand ils n’ont pas une balle ; qui, en un mot, spéculent à la baisse, au moyen des ordres qui leur sont transmis, — tous ces vendeurs de l’avenir se laissent quelquefois acculer, et puis, à un moment donné, ils croient tous à la fois les prix au plus bas point pour acheter, et les facteurs qui n’ignorent pas leur position, les voyant entrer dans le marché, remontent leurs prétentions, et peu à peu une hausse majeure s’établit en deux ou trois fois 24 heures. Les facteurs connaissent cela si bien, qu’ils font des différences suivant les acheteurs, et celui de ces derniers qui ne vend pas l’avenir fait en somme les meilleurs achats.

« Si la filature comprenait ses véritables intérêts, elle n’achèterait pas en Amérique ce qu’on lui offre ferme. À la longue, c’est elle qui en souffre, parce que ce sont ces affaires-là qui empêchent les baisses de se faire. Mais il est, je suppose, bien inutile de chercher à arrêter ce courant — il faut qu’il s’use, et alors on reviendra à l’ancien système. C’est l’affaire de quelques années à passer. »

En attendant qu’on y revienne, il est utile aussi d’ajouter que, lorsque vous faites un achat à terme à New-York ou à la Nouvelle-Orléans, vous devez déposer 10 dollars par balle à titre de garantie, et si vous demandez livraison, la maison américaine se rembourse sur vous à 60 jours de vue, au moment de l’expédition.

À la Havane, les vrais commissionnaires ont également presque cessé d’exister, mais, au moins, sont-ils devenus des spéculateurs francs et résolus. Au lieu de jeter de l’argent pour une masse de dépêches coûteuses, qu’ils seraient obligés de mettre n’importe de quelle manière au dos du client, les Havanais achètent et expédient, pour leur compte, des cargaisons entières de sucre, en tirent le montant sur leurs propres banquiers en Europe, vendent la marchandise, échantillons à la main, flottante ou disponible, avec ou sans bénéfice, suivant les circonstances, et demandent règlement après livraison faite. C’est spéculer ouvertement, loyalement ; c’est présenter un marché honnête, exempt de surprises.

Pourquoi les spéculateurs américains n’adoptent-ils pas ce système ? parce qu’il n’est pas si commode que le leur. Vendre du coton qu’on ne possède pas, s’indemniser sur le classement lorsqu’on se fourvoie, spéculer tout à la fois et faire payer l’affaire comme si elle était à la commission, c’est certainement très-bien combiné pour ceux qui n’ont pas assez de capitaux, mais ce n’est pas une spéculation franche et loyale : c’est du tripotage. Ceux des filateurs qui acceptent de pareilles conditions ne pensent pas au mal qu’ils se font à eux-mêmes. Ils ressemblent à cet imprudent milord qui, aux dernières courses du Derby, se fit voler deux fois sa montre, parce que, la première fois, après avoir pardonné à l’adroit pick-pocket, qui alléguait la misère, sa seigneurie l’a de plus régalé d’une guinée.


IV

Conclusion.

On me demande de signaler les remèdes pour ne pas tomber victime de la spéculation, dont j’ai parlé dans mes précédents articles. Voici mes conseils à cet égard, sans prétendre à l’infaillibilité. La filature étant le vrai et l’unique consommateur de l’article, elle en sera toujours maîtresse, chaque fois qu’elle le voudra, par l’adoption des mesures analogues et aussi étendues que possible.

En vendant censément au-dessous des prix de revient, au Havre, à Liverpool, quitte à se rattraper sur le classement et sur le poids, les intéressés n’ont qu’un but : c’est de concentrer les importations entre les mains des négociants des ports de mer, afin de pouvoir dicter les lois, faire la hausse ou la baisse à volonté, et mener ainsi rondement les affaires.

En face de cette conspiration parfaitement organisée, quelle est la ligne de politique à suivre par la filature ? La voici :

Ne favorisez point, en Europe, l’ingénieuse et hardie combinaison des importateurs de ports de mer par des achats à livrer, toujours chanceux sous tous les rapports, et si vous en faites, ne vous contentez pas de certificats des courtiers, mais demandez la justification du classement par la production de la facture d’origine.

N’achetez, en Europe, que du coton disponible, aux moments de calme. Comme cela, vous saurez ce que vous aurez.

Pour empêcher le monopole dans les ports européens, ce qui arriverait infailliblement en se bornant aux achats du disponible, confiez des ordres pour importations directes, de l’Amérique et des Indes, à des maisons honnêtes, expérimentées, strictement commissionnaires et incapables de tremper dans toutes sortes de spéculations véreuses avec les ordres de la filature, et, ce qui est plus fort, au détriment de la filature. De cette manière vous aurez un homme responsable devant vous, tandis qu’avec les achats à livrer, toute responsabilité s’éclipse, principalement au Havre. Et lors même qu’en achetant au véritable prix de revient, les cotons vous reviendraient plus chers que les offres trompeuses qu’on vous fait des ports de mer, vous y gagneriez encore. Si tel n’était pas le cas, les négociants de ces mêmes ports de mer ne forceraient pas les importations plus que jamais. C’est clair comme bonjour. Seulement ne faites pas échantillonner, ne laissez pas couper les cordes et les cercles de fer. Votre correspondant américain étant seul responsable du classement, l’échantillonnement ne vous sert à rien ; il donne lieu seulement au dénigrement, au prélèvement d’un bénéfice odieux, en faveur des journaliers du Havre, mal payés malgré les frais qu’on vous compte, et qui se rattrapent sur les cordes, sur le fer et sur de trop copieux échantillons qu’on escamote, sous prétexte de vous en épargner les frais de transport, comme si le fer n’en représentait pas la valeur. C’est de ces abus iniques que provient souvent un mauvais rendement du poids américain.

N’acceptez des offres fermes venant d’Amérique ou des Indes, qu’avec garantie du classement, à des conditions exceptionnellement favorables, et seulement d’une maison reconnue sage et probe. Ordinairement, ces offres sont toujours entachées d’un vice quelconque, et, en effet, la maison offrante ne peut guère s’engager ferme sans courir certains risques, pour lesquels elle doit être payée ; d’où il suit que le coton acheté ainsi coûte régulièrement plus cher qu’un ordre direct honnêtement exécuté, sans parler de la commission qui est portée à 3 1/2 p. c., et dont on cède à l’agent 1 1/4 p. c., afin de stimuler son activité, les yeux fermés. C’est un métier pour faire des dupes, et non pour s’assurer une clientèle.

Ne travaillez pas avec des maisons d’Amérique et des Indes qui font grand étalage de dépêches télégraphiques, ni avec celles qui donnent la préférence aux ports de mer. Plus une maison fait jouer le câble, plus elle a de frais perdus qu’elle doit retrouver sur l’une ou l’autre affaire, et les maisons qui travaillent beaucoup avec les négociants des ports de mer, favoriseront toujours ceux-ci plutôt que les filateurs. Bien plus, les spéculateurs à la hausse ou à la baisse, non moins que ceux qui offrent ferme, toujours préoccupés de leurs engagements, ne peuvent jamais juger froidement la position et l’avenir de l’article ; il arrive donc souvent qu’ils remplissent des ordres lorsqu’il faudrait attendre, et s’abstiennent lorsqu’il faudrait agir.

Surtout, ne donnez pas d’ordres à une maison américaine ou indienne qui a une succursale en Europe, établie exprès pour se réserver les bonnes affaires et endosser les mauvaises aux clients. Si vous tombez entre les mains de ces cerbères, toujours à l’affût, vous n’aurez jamais de coton qu’à peu près dans la parité des prix d’Europe. Les succursales sont là pour contrôler le marché et télégraphier les prix auxquels on doit facturer. À la source on saisira bien les moments de bon marché, mais vous n’en profiterez jamais.

L’établissement des succursales en Europe, pour me servir d’une expression impériale, est le couronnement de ce bel édifice systématique, dont les fondements datent de la pose du câble pour dégoûter les filateurs des importations directes, et les livrer, pieds et poings liés, à l’avidité des négociants de ports de mer[2].

PIÈCES JUSTIFICATIVES.



No 1.


Un de mes amis a eu la chance de faire quelques opérations avec un ancien marchand de vin à la Nouvelle-Orléans. À sa réclamation qu’une autre maison lui facturait, au même prix, un classement suivi, tandis que le marchand de vin ne donnait qu’un classement très-hétérogène, celui-ci a eu la naïveté de répondre ; « Messieurs tels achètent par le même courtier que nous. »

Ainsi donc, ce digne fils de Bacchus qui, pour accaparer les bonnes grâces de la filature, ne parlait que du bon maaarché (quoique Marseillais, il affectait la prononciation anglaise), et qui finissait toujours par acheter trop cher une macédoine de classement, devait entièrement se fier à la discrétion d’un courtier ne connaissant rien lui-même du coton !!! Aussi, à peine engagé dans l’article, il s’est mis effrontément à spéculer sur les ordres, pour faire immédiatement une piteuse culbute, conjurée pendant quelque temps par des tirages supérieurs au montant des factures, qu’il attribuait à des erreurs de plume.


No 2.


Le 7 avril 1870, une maison de commission du Havre m’écrivit : « Peut-être pourriez-vous nous créer une clientèle de spéculateurs, nous la préférerions à d’autres, et vous prions de nous dire ce que vous en pensez. »


No 3.


Voici ce qui est arrivé à un filateur de ce pays. Le 3 mars 1870, il a acheté au Havre, à terme, 50 balles Louisiane, type très-ordinaire, à fr. 129 ; mais voyant arriver la baisse et craignant recevoir un mauvais classement, il les a fait revendre à fr. 125. On sait que ce genre de tripotage illicite est organisé de manière à laisser plusieurs échappatoires au vendeur primitif. Le classement est arbitrable en dessous et en dessus, ce dont votre commissionnaire se garde bien de vous prévenir d’avance. Or le classement type très-ordinaire, fin avril, valait fr. 130, et le premier vendeur, qui livre le coton, pour ne pas perdre de l’argent, a tout bonnement usé de la faculté qu’une convention hybride lui accorde, et au lieu de livrer type très-ordinaire, rare alors sur le marché du Havre, il n’a donné que bas et très-bas, arbitrés par ses amis, les courtiers, seulement 4 francs au-dessous du prix convenu, c’est-à-dire à fr. 125, différence qui a été également adoptée pour la revente, mais dont le premier vendeur seul a profité, celui qui compose le lot pour le faire passer par la filière de la spéculation. Ainsi, si le filateur en question n’avait pas fait vendre, il aurait eu un ramassis de mauvais cotons, inférieurs à ses besoins, à fr. 125, qui ne valaient, fin avril, que 115 à 120 francs, tout honneur rendu à l’arbitrage des courtiers. Cette petite expérimentation lui a coûté plus que 1,300 francs de perte, dont presque 600 francs pour commissions d’achat et de vente, que le commissionnaire du Havre avait cependant la gracieuseté de réduire à 2 p. c. pour tout. On voit que ce n’est pas un mauvais métier pour les commissionnaires faiblement dotés, et ils y ont pris un goût très-prononcé, ne devant jamais débourser que la différence.


No 4.


Pour donner un exemple de la rapidité prodigieuse dont les maisons de commission s’enrichissent aujourd’hui, voici l’extrait d’une lettre qu’on m’a adressée le 17 décembre 1869 : « C’est une nouvelle maison, il y est dit, avec laquelle je suis intime. Le capital social a été primitivement de 500,000 francs, en commandite ; au bout de 3 mois, on a vu les affaires aller si bien que le capital fut augmenté de 150,000 francs. Après un an d’affaires, il y avait 300,000 francs d’acquit. »

Gagner 50 p. c. dans une seule année, il me sera permis de douter que ce fût à la commission. C’est cette maison précisément qui, ne pouvant justifier le classement de 50 balles Low-Middling Savannah, les a reprises, malgré la baisse survenue. D’ailleurs, pas plus qu’au sapeur de la chanson, rien n’est sacré à la pluralité des soi-disant commissionnaires : ils gagnent en spéculant, ils gagnent sur le classement, ils gagnent sur les intérêts d’argent avancé, ils gagnent leurs commissions plus ou moins élevées ; ils gagnent même sur les frais ; car si vous marchandez bien, mais bien, bien, on vous les réduira par condescendance (notez cela) de fr. 1-50 à 0-70 par balle pour réception et expédition, la toile (sur laquelle on gagne aussi) et les commissions non comprises.

TABLE.



  1. Le 24 avril, les approvisionnements disponibles et flottants montaient au Havre à 141,000 balles contre 92,000 de l’an dernier.
  2. Depuis trois mois, ils nous prêchent la rapide diminution des recettes en Amérique, et au lieu de diminuer, elles augmentent. Que penser de cette tactique, ou de cette ridicule méprise ?