Le Collier de larmes

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Le collier de larmes[1].


Le cobzar[2] a chanté à ma porte
Et j’ai écouté sa chanson.
Et je lui ai dit : chante encore.
Mais le cobzar ne sait qu’une chanson.

L’enfant voulait se faire un beau collier d’argent.
Qui brillât comme la lune et la rivière
Sous les yeux de la lune.
Elle demanda à la rivière : Me donnes-tu ton flot ?
Elle demanda à la lune : Me donnes-tu ton regard ?
Et la lune a dit : La nuit a besoin de mon regard.
Et la rivière a dit : La plaine a besoin de mes flots.

L’enfant voulait se faire un beau collier d’argent
Et les hommes lui dirent : Prends nos larmes
Pour te faire un collier d’argent.
Et chacun lui donna sa larme la plus chère.
Et les larmes étaient heureuses
De parer le cou de l’enfant.
Et les larmes disaient entre elles :
Qui es-tu, sœur, et de quel cœur viens-tu ?
Et chacune parlait du chagrin de ce cœur,
Et chacune se trouvait plus triste que sa sœur.
Et l’enfant avait un collier de larmes
Plus argentées que l’eau de la rivière,
Plus argentées aussi que le regard de la lune.
Mais quand l’enfant mit son collier,
Les larmes disaient leur histoire
Et devenaient si lourdes, si lourdes.
Que l’enfant mourut sous leur poids
Et le collier pesant appesantit sa tombe.

Le cobzar a chanté à ma porte
Et j’ai écouté sa chanson.
Et je lui ait dit : Chante encore.
Mais le cobzar ne sait qu’une chanson.

  1. Extrait du recueil : Le Rhapsode de la Dîmbovitsa.
  2. Le cobzar est le joueur de mandoline ; on l’appelle aussi, dans les villages roumains, le lutariu.