Un Souhait.
(p. 17-18).

Un Souhait


Je voudrais un jour disparaître,
Changer d’habit, changer de peau,
Pour devenir un nouvel être,
Et chanter des chansons de reître
Cheminant auprès d’un drapeau.

Je voudrais relever la nuque
Avec l’orgueil des vieux soudards,
Et, quittant la France caduque,
M’engager, rude et fier heiduque,
Au service des hospodars.

Je voudrais dans l’Herzégovine
Courir les monts comme, un brigand,
Dormir au fond d’une ravine,
Et pour une grecque divine
Brûler d’amour extravagant.



Là, durs soldats riant des larmes
De nos ennemis aux abois,
Loin des codes et des gendarmes,
Nous ferions scintiller nos armes
Sous l’ombre épaisse des grands bois.

Les tziganes aux chansons folles
Pour nous trahiraient leurs amants,
Et les plaisirs des danses molles,
Se déroulant en farandoles,
Divertiraient les campements.

Un poignard servirait de broche
Pour cuire au soir la venaison,
Et, sous l’abri de quelque roche,
Chacun boirait jusqu’à l’approche
De l’aube blanche à l’horizon.

Comme un Polonais de naguère
Chacun boirait le blond Tokay !
— Et j’ai rimé ce chant de guerre
En regardant Paris vulgaire
D’une fenêtre du Jockey.