Le Cid/Édition Marty-Laveaux/Notice

LE CID, Texte établi par Ch. Marty-LaveauxHachetteÉdition Marty-Laveaux (p. 3-52).

NOTICE.


« Ce fut en quelque sorte à M. de Chalon que le public est redevable du Cid, dit Beauchamps dans ses Recherches sur les théâtres de France[1]. Voici comme le P. de Tournemine m’a conté la chose : M. de Chalon, secrétaire des commandements de la Reine mère, avoit quitté la cour et s’étoit retiré à Rouen dans sa vieillesse ; Corneille, que flattoit le succès de ses premières pièces, le vint voir : « Monsieur, » lui dit-il (lui dit M. de Chalon), après l’avoir loué sur son esprit et ses talents, « le genre de comique que vous embrassez ne peut vous procurer qu’une gloire passagère. Vous trouverez dans les Espagnols des sujets qui, traités dans notre goût par des mains comme les vôtres, produiront de grands effets. Apprenez leur langue, elle est aisée ; je m’offre de vous montrer ce que j’en sais, et jusqu’à ce que vous soyez en état de lire par vous-même, de vous traduire quelques endroits de Guillem de Castro. »

Corneille profita de ces offres obligeantes. L’attente de M. de Chalon fut bien dépassée ; mais en tout il faut un apprentissage ; celui de Corneille fut fort étrange. C’est sous l’aspect fantasque du capitan Matamore de l’Illlusion que le caractère espagnol lui apparut d’abord ; toutefois, en traçant cette esquisse bouffonne, il entrevoyait déjà confusément les nobles images de Chimène et de Rodrigue[2].

Du reste, Corneille ne crut pas devoir se préparer par de longues recherches à traiter cet admirable sujet. Las Mocedades del Cid[3] de Guillem de Castro lui servirent seulement de point de départ, et il ne parcourut les romances que pour y puiser des inspirations générales. Ces rapides études, fécondées par le génie le plus tragique qui eût jusqu’alors paru sur notre scène, produisirent un chef-d’œuvre que toutes les littératures nous envièrent. « M. Corneille, dit Fontenelle[4], avoit dans son cabinet cette pièce traduite en toutes les langues de l’Europe, hors l’esclavone et la turque : elle étoit en allemand, en anglois, en flamand ; et, par une exactitude flamande, on l’avoit rendue vers pour vers. Elle étoit en italien, et ce qui est plus étonnant, en espagnol : les Espagnols avoient bien voulu copier eux-mêmes une copie dont l’original leur appartenoit. »

Cette pièce espagnole imitée de celle de Corneille n’est autre, selon toute apparence, que l’ouvrage de Diamante intitulé : el Honrador de su padre. De cette imitation Voltaire voulut faire l’ouvrage original, celui où Guillem de Castro lui-même avait puisé le sujet de sa pièce. En 1764, dans la première édition de son commentaire, il ne s’était pas encore avisé de cette découverte ; mais le ier août de la même année il publia dans la Gazette littéraire[5] des Anecdotes sur le Cid qui commencent ainsi :

« Nous adons toujours cru que le Cid de Guillem de Castro était la seule tragédie que les Espagnols eussent donnée sur ce sujet intéressant ; cependant il y avait encore un autre Cid, qui avait été représenté sur le théâtre de Madrid avec autant de succès que celui de Guillem. L’auteur est don Juan-Bautista Diamante, et la pièce est intitulée : Comedia famosa del Cid honrador de su padre… Pour le Cid honorateur de son père, on la croit antérieure à celle de Guillem de Castro de quelques années. Cet ouvrage est très-rare, et il n’y en a peut-être pas aujourd’hui trois exemplaires en Europe. »

C’est là une erreur dans laquelle Voltaire s’obstine à demeurer. Il y revient et y insiste en 1774 dans la nouvelle édition de son commentaire. On dirait qu’il cherche à se faire illusion à lui-même ; il se paye de raisons détestables comme les gens d’esprit en trouvent toujours pour se persuader de ce qui leur plaît.

Acceptée sans examen par la Harpe, l’assertion du maître fut bientôt considérée comme un fait incontestable ; mais elle ne pouvait résister à une étude un peu attentive. Angliviel de la Beaumelle présenta, en 1823, dans les Chefs-d’œuvre des théâtres étrangers, la pièce de Diamante comme une traduction du Cid de Corneille[6] ; le 11 avril 1841 un article de Génin, publié dans le National, justifia plus complètement encore notre poëte, et M. de Puibusque soutint la même thèse dans son Histoire comparée des littératures espagnole et française. Enfin, dans un excellent travail, que nous aurons plus d’une fois l’occasion de citer et qui est intitulé : Anecdotes sur Pierre Corneille, ou Examen de quelques plagiats qui lui sont généralement imputés par ses divers commentateurs français et en particulier par Voltaire, M. Viguier a démontré de la manière la plus évidente, en comparant le texte de Corneille avec celui de Diamante, que ce poëte n’a été en général que le traducteur fort exact, et même assez plat, de notre illustre tragique ; et l’année dernière M. Hippolyte Lucas a mis tout le monde à même de consulter les pièces du procès, en traduisant dans ses Documents relatifs à l’histoire du Cid la pièce de Guillem de Castro et celle de Diamante. La question semblait donc résolue ; toutefois elle ne l’était encore que par des arguments d’un ordre purement littéraire, qui laissent toujours subsister quelque doute dans l’esprit de certaines personnes.

Un article de M. Antoine de Latour, intitulé Pierre Corneille et Jean-Baptiste Diamante, qui a paru dans le Correspondant le 25 juin 1861, et qui vient d’être reproduit dans un volume intitulé l’Espagne religieuse et littéraire (p. 113-134), est venu offrir aux plus obstinés des documents d’une irrésistible évidence, des preuves matérielles. Un pharmacien espagnol, qui a renoncé à sa profession pour s’adonner sans partage à l’étude de la bibliographie et de la littérature de son pays, don Cayetano Alberto de la Barrera y Leirado, a publié aux frais de l’État un Catalogue bibliographique et biographique de l’ancien théâtre espagnol depuis son origine jusqu’au milieu du dix-huitième siècle. On y trouve la notice suivante :

« Juan-Bautista Diamante, un des plus féconds et des plus renommés poètes dramatiques qu’ait produits l’Espagne dans la seconde moitié du dix-septième siècle. On ignore la date de sa naissance, mais on peut la fixer avec assez de vraisemblance entre 1630 et 1640. Notre poêle commença à travailler pour le théâtre vers 1657. Il est possible que son premier ouvrage ait été el Honrador de su padre, qui parut imprimé dans la première partie d’un recueil de comédies de divers auteurs, Madrid, 1659, et dans lequel on remarque des beautés de premier ordre, au travers de ses nombreuses irrégularités. Diamante avait sous les yeux, en écrivant cette pièce, las Mocedades del Cid, de Guillem de Castro, et l’imitation qui en a été faite par Corneille, et il a pris de l’un et de l’autre ce qui lui a paru bon. »

Après avoir lu cet article, M. Antoine de Latour s’empressa de faire demander à don Cayetano Alberto de la Barrera quelques communications au sujet des documents d’après lesquels il l’avait rédigé ; bientôt le savant bibliographe fit parvenir à notre compatriote la réponse suivante :

« Votre question ne pouvait venir plus à propos. Juste au moment où elle m’arrive, je tiens dans mes mains ce bon Juan-Bautista Diamante. Car voici plusieurs jours que je m’occupe à extraire les pièces d’un procès qui lui fut intenté en 1648 et qui vient d’échapper par bonheur au sort qui le menaçait, car on allait en faire des paquets. Les faits intéressants que j’en ai tirés me sont arrivés trop tard de quelques jours pour pouvoir être insérés dans le dernier appendice ou supplément de mon ouvrage. Je m’étais servi, pour écrire l’article qui le concerne, des faits qui se trouvent dans Barbosa Machado et dans Nicolas Antonio, et de ceux que j’ai pu moi-même trouver ailleurs. Voyant que, dès 1658, il prenait déjà le titre de licencié, comme cela résulte du manuscrit autographe de sa comédie el Veneno para si, qui existe dans la bibliothèque de M. le duc d’Osuna, j’ai calculé que sa naissance pouvait avoir eu lieu de 1630 à 1640 ; je ne m’étais trompé que de quatre ans : il était né à Madrid en 1626. C’est ce qui résulte d’un interrogatoire signé de sa main et dont l’original fait partie du procès que j’ai sous les yeux. »

À cette lettre était jointe une copie de ce document que M. Antoine de Latour traduit ainsi : « En la ville de Alcala de Hénarè, le vingtième jour du mois de septembre 1648, en vertu d’un ordre du seigneur recteur, moi, notaire, je me présentai à la prison des étudiants de cette université, en laquelle je fis comparaître devant moi don Juan-Bautista Diamante, écolier en ladite université et détenu dans la susdite prison, de qui je reçus le serment devant Dieu et sur une croix qu’il promettait de dire la vérité, et lui demandai ce qui suit :

« Lui ayant demandé comment il se nomme, quel âge il a, quelle est sa condition et où il est né ;

« À quoi il répond qu’il se nomme don Juan-Bautista Diamante, qu’il est étudiant de cette université et sous-diacre, qu’il est né dans la ville de Madrid, et qu’il a vingt-deux ans, à quelque chose près. »

Cependant M. de Latour conserve un dernier scrupule, et se demande si le Diamante qui figure au procès de 1648 est bien celui que nous connaissons comme auteur dramatique. Aussitôt nouvelle demande d’éclaircissements et nouvelle lettre de don Cayetano Alberto de la Barrera.

« J’eus le même doute qui vous est venu, répondit-il, quand j’examinai ces documents, mais toute incertitude disparut bientôt. L’identité de Juan-Bautista Diamante, sous-diacre en 1648 et prêtre en 1656, et de Diamante, écrivain dramatique, me fut démontrée jusqu’à l’évidence par cette double observation : d’une part, que Barbosa Machado déclare expressément que le poète était fils de Jacome Diamante, Espagnol, et d’une mère portugaise, et, d’autre part, que le clerc mis en cause était bien le fils de Jacome Diamante et de sa première femme, Magdalena de Acosta (nom portugais da Costa), comme il ressort de nombreux documents qui figurent au procès, et en particulier d’une pétition signée par Jacome lui-même. »

Voilà certes de quoi satisfaire les plus exigeants, et il n’est maintenant permis à personne de révoquer en doute la sincérité de Corneille, lorsqu’il déclare n’avoir eu d’autre guide que Guillem de Castro.

Mais ce premier point une fois mis hors de contestation, on voudrait avoir les détails les plus précis sur ce premier chef-d’œuvre de Corneille, et l’on ignore jusqu’à la date de sa représentation. Les frères Parfait se contentent de placer cet ouvrage le dernier parmi ceux de 1636, et c’est seulement à l’occasion de Cinna qu’ils nous disent : « Le Cid fut représenté vers la fin de novembre 1636[7]. »

L’immense supériorité de cette pièce sur toutes celles qui l’avaient précédée n’échappa point à Mondory ; il ne négligea rien pour que le jeu des acteurs, la beauté des costumes, l’exactitude de la mise en scène fussent dignes de l’œuvre : aussi le succès fut-il attribué uniquement aux comédiens par les ennemis de notre poète ; mais leurs accusations injustes renferment sur les premières représentations certains renseignements utiles à recueillir.

« Si votre poétique et jeune ferveur, dit Mairet[8] en se servant à dessein d’une expression employée dans le Cid[9] et critiquée par Scudéry, avoit tant d’envie de voir ses nobles journées sous la presse, comme vous êtes fort ingénieux, il falloit trouver invention d’y faire mettre aussi, tout du moins en taille-douce, les gestes, le ton de voix, la bonne mine et les beaux habits de ceux et celles qui les ont si bien représentées, puisque vous pouviez juger qu’ils faisoient la meilleure partie de la beauté de votre ouvrage, et que c’est proprement du Cid et des pièces de cette nature que M. de Balzac a voulu parler en la dernière de ses dernières lettres, quand il a dit du Roscius Auvergnac[10], que si les vers ont quelque souverain bien, c’est dans sa bouche qu’ils en jouissent, qu’ils sont plus obligés à celui qui les dit qu’à celui qui les a faits, et bref qu’il en est le second et le meilleur père, d’autant que par une favorable adoption il les purge pour ainsi dire des vices de leur naissance[11]. Un petit voyage en cette ville vous apprendra, si vous ne le savez déjà, que Rodrigue et Chimène tiendroient possible encore assez bonne mine entre les flambeaux du théâtre des Marais, s’ils n’eussent point eu l’effronterie de venir étaler leur blanc d’Espagne au grand jour de la Galerie du Palais[12]. »

Dans un autre libelle, imprimé à la suite de celui que nous venons de citer[13], la nouvelle pièce de Corneille est encore attaquée de la même manière : « Souvenez-vous que la conjoncture du temps, l’adresse et la bonté des acteurs, tant à la bien représenter qu’à la faire valoir par d’autres inventions étrangères, que le Sr de Mondory n’entend guère moins bien que son métier, ont été les plus riches ornements du Cid et les premières causes de sa fausse réputation. » Ce dernier passage est assez obscur : l’auteur veut-il parler seulement de l’habileté de Mondory pour la mise en scène, de son goût dans la disposition des décorations et le choix des costumes ? je ne le pense pas ; ces qualités, quoique ne faisant point nécessairement partie de l’art du comédien, sont loin toutefois d’y être étrangères. Je serais plutôt tenté de croire qu’il est question ici de l’adresse avec laquelle Mondory, dans un temps où la presse périodique, à peine née, ne s’occupait point de questions littéraires, savait intéresser les esprits délicats aux ouvrages importants qu’il faisait représenter, et, à l’aide de nouvelles adroitement répandues, assurait aux représentations plus d’éclat et de solennité.

Nous en avons un témoignage dans une lettre adressée le 18 janvier 1637, par le célèbre acteur, à Balzac, avec qui il paraît avoir été en correspondance suivie[14]. Ce précieux document, qui nous a été conservé dans les recueils de Conrart, contient, comme ou va le voir, un véritable compte rendu du Cid[15] :

« Je vous souhaiterois ici, pour y goûter, entre autres plaisirs, celui des belles comédies qu’on y représente, et particulièrement d’un Cid qui a charmé tout Paris. Il est si beau qu’il a donné de l’amour aux dames les plus continentes, dont la passion a même plusieurs fois éclaté au théâtre public. On a vu seoir en corps aux bancs de ses loges ceux qu’on ne voit d’ordinaire que dans la Chambre dorée et sur le siège des fleurs de lis[16]. La foule a été si grande à nos portes, et notre lieu s’est trouvé si petit, que les recoins du théâtre qui servoient les autres fois comme de niches aux pages, ont été des places de faveur pour les cordons bleus, et la scène y a été d’ordinaire parée de croix de chevaliers de l’ordre. »

À ce moment l’enthousiasme produit par le Cid était si vif, que chacun plaignait ceux de ses amis qui habitaient la province et ne pouvaient assister aux représentations. Dans une lettre écrite par Chapelain, le 22 janvier 1637, nous lisons le passage suivant : « Depuis quinze jours le public a été diverti du Cid et des deux Sosies[17], à un point de satisfaction qui ne se peut exprimer. Je vous ai fort désiré à la représentation de ces deux pièces[18]. » Ne pourrait-on conclure de ces lettres, écrites à quelques jours d’intervalle, que la première représentation du Cid eut lieu seulement à la fin de décembre, et non pas, comme le disent les frères Parfait, à la fin de novembre ? Ce qui est, en tout cas, hors de doute, c’est que le succès et la vogue du Cid ne furent bien établis que dans la première quinzaine de janvier.

Les recettes furent considérables. L’auteur d’une critique du temps, qui d’ailleurs ne ménage pas Corneille, n’hésite pas à dire : « Cette pièce n’a pas laissé de valoir aux comédiens plus que les dix meilleures des autres auteurs[19]. »

« Il est malaisé, dit Pellisson, de s’imaginer avec quelle approbation cette pièce fut reçue de la cour et du public. On ne se pouvoit lasser de la voir, on n’entendoit autre chose dans les compagnies, chacun en savoit quelque partie par cœur, on la faisoit apprendre aux enfants, et en plusieurs endroits de la France il etoit passé en proverbe de dire : Cela est beau comme le Cid[20]. »

Scarron, qui, dans son Virgile travesti, s’est presque continuellement appliqué à produire des effets comiques par la brusque opposition des usages et des habitudes de son temps avec les coutumes de l’antiquité, n’a pas manqué de signaler parmi les talents de la nymphe Déiopée, la façon dont elle récite le Cid :


Celle que j’estime le plus

Sera la femme d’Éolus :
C’est la parfaite Déiopée,
Un vrai visage de poupée ;
Au reste, on ne le peut nier,
Elle est nette comme un denier ;
Sa bouche sent la violette,
Et point du tout la ciboulette ;
Elle entend et parle fort bien
L’espagnol et l’italien ;
Le Cid du poëte Corneille,
Elle le récite à merveille ;
Coud en linge en perfection

Et sonne du psaltérion[21].

On voudrait savoir quels acteurs jouèrent dans le Cid du vivant de Corneille, mais on a sur ce point bien peu de renseignements certains. Dans les divers libelles où les critiques de Corneille attribuent tout le succès de la pièce au talent des comédiens, c’est, comme nous l’avons vu, sans les nommer.

Scudéry seul se montre plus explicite dans un passage du même genre, et nous fait ainsi connaître les acteurs qui remplissaient les rôles de Rodrigue et de Chimène : « Mondory, la Villiers et leurs compagnons n’étant pas dans le livre comme sur le théâtre, le Cid imprimé n’étoit plus le Cid que l’on a cru voir[22]. »

Il n’était pas besoin de ce témoignage pour réfuter l’assertion de Lemazurier, qui prétend que ce fut Montfleury qui joua d’original dans le Cid : elle repose uniquement sur un texte de Chapuzeau mal interprété[23].

L’attaque d’apoplexie qui frappa Mondory pendant la représentation de la Marianne de Tristan[24] l’empêcha bientôt de jouer Rodrigue. On ignore par qui il fut remplacé ; mais, en 1663, Beauchâteau remplissait ce rôle à l’hôtel de Bourgogne, car, dans la première scène de l’Impromptu de Versailles, Molière parodie le ton dont ce comédien débitait les stances du Cid. La troupe de Molière représentait aussi de temps à autre cet ouvrage, mais nous ne savons qui en remplissait les principaux rôles. Il est mentionné dès 1659 dans le registre de Lagrange, le vendredi 11 juillet, avec une recette de cent livres, et le mardi 16 septembre suivant, avec une recette de cent six livres.

Quant à don Diègue, s’il faut en croire M. Aimé Martin, qui, suivant sa coutume, ne cite aucun témoignage contemporain à l’appui de son assertion, c’est d’Orgemont qui le joua d’original. Quoi qu’il en soit, il est hors de doute que Baron se chargea plus tard de ce rôle à l’hôtel de Bourgogne, où il passa avec la Villiers et son mari lors de la retraite de Mondory, et qu’il mourut le 6 ou le 7 octobre 1655[25] des suites d’un accident qui lui arriva en le jouant. Tallemant des Réaux nous l’apprend en ces termes : « Le Baron de même n’avoit pas le sens commun ; mais si son personnage étoit le personnage d’un brutal, il le faisoit admirablement bien. Il est mort d’une étrange façon. Il se piqua au pied et la gangrène s’y mit[26]. » Puis il ajoute en note : « Marchant trop brutalement sur son épée en faisant le personnage de don Diègue au Cid. » Il refusa de subir l’amputation : « Non, non, dit-il, un roi de théâtre comme moi se feroit huer avec une jambe de bois[27]. » Son fils, en remplissant le rôle de Rodrigue, essuya plusieurs mésaventures, heureusement beaucoup moins tragiques. Ayant prolongé outre mesure sa carrière dramatique, il lui fallut un jour, dit-on, le secours de deux personnes pour se relever après s’être imprudemment jeté aux genoux de Chimène, et il se vit accueillir par un rire général lorsqu’il dit :

Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées
La valeur n’attend point le nombre des années[28].


Toutefois il fit bonne contenance, répéta les deux vers en affectant d’appuyer sur le premier hémistiche, et fut chaleureusement applaudi[29].

Aucun éditeur de Corneille ne nomme l’actrice qui représentait l’Infante. On possède pourtant sur ce point un renseignement très-précis : Scudéry dit dans ses Observations sur le Cid[30] : « Doña Urraque n’y est que pour faire jouer la Beauchâteau[31]. »

Bien que Corneille n’ait pas cru devoir répondre à ce reproche dans sa Lettre apologétique, il semble y avoir été fort sensible, car à vingt-quatre ans de distance, et après sa complète réconciliation avec Scudéry, il écrit dans un de ses Discours[32] : « Aristote blâme fort les épisodes détachés, et dit que les mauvais poètes en font par ignorance, et les bons en faveur des comédiens pour leur donner de l’emploi. L’Infante du Cid est de ce nombre, et on la pourra condamner ou lui faire grâce par ce texte d’Aristote, suivant le rang qu’on voudra me donner parmi nos modernes. »

À la cour, le succès de la pièce fut immense. Corneille nous l’apprend lui-même : « Ne vous êtes-vous pas souvenu, dit-il à Scudéry, que le Cid a été représenté trois fois au Louvre et deux fois à l’hôtel de Richelieu ? Quand vous avez traité la pauvre Chimène d’impudique, de prostituée, de parricide, de monstre, ne vous êtes-vous pas souvenu que la Reine, les princesses et les plus vertueuses dames de la cour et de Paris l’ont reçue en fille d’honneur[33] ? »

Anne d’Autriche, heureuse de voir les passions et les caractères de sa chère Espagne reproduits avec tant de génie et accueillis avec tant de chaleur, tint à donner au poète qui l’avait charmée une marque éclatante de son approbation. Depuis plus de vingt ans Pierre Corneille père remplissait l’office de maître des eaux et forêts en la vicomté de Rouen, et il avait fait preuve dans des circonstances difficiles d’une singulière énergie[34] ; le succès du Cid lui valut une récompense qu’il avait certes bien méritée, mais qu’il n’eût peut-être jamais obtenue : en janvier 1687, il reçut des lettres de noblesse, qui, tout en ne mentionnant que ses services personnels, étaient plus particulièrement destinées à son fils. Les contemporains ne s’y trompèrent pas : l’auteur d’une des pièces publiées en faveur du Cid s’exprime ainsi : « On me connoîtra assez si je dis que je suis celui qui ne taille point sa plume qu’avec le tranchant de son épée, qui hait ceux qui n’aiment pas Chimène, et honore infiniment celle qui l’a autorisée par son jugement, procurant à son auteur la noblesse qu’il n’avoit pas de naissance[35]. »

Le témoignage de Mairet n’est pas moins explicite : « Vous nous avez autrefois apporté la Mélite, la Veuve, la Suivante, la Galerie du Palais, et, de fraîche mémoire, le Cid, qui d’abord vous a valu l’argent et la noblesse[36]. »

Ce qui avait si fort séduit la Reine irrita vivement Richelieu. « Quand le Cid parut, dit Fontenelle dans sa Vie de M. Corneille[37], le Cardinal en fut aussi alarmé que s’il avoit vu les Espagnols devant Paris. » Il se trouvait également froissé à tous égards, et la vanité du poëte avait autant à souffrir que les susceptibilités de l’homme politique. « Il eut, dit Tallemant des Réaux, une jalousie enragée contre le Cid, à cause que les pièces des cinq auteurs n’avoient pas trop bien réussi[38]. » Et Pellisson fait entendre la même chose, quoique avec beaucoup de circonspection et de réticences : « Il ne faut pas demander si la gloire de cet auteur donna de la jalousie à ses concurrents ; plusieurs ont voulu croire que le Cardinal lui-même n’en avoit pas été exempt, et qu’encore qu’il estimât fort M. Corneille et qu’il lui donnât pension, il vit avec déplaisir le reste des travaux de cette nature, et surtout ceux où il avoit quelque part, entièrement effacés par celui-là[39]. »

Si peu délicates que fussent les railleries dirigées contre le Cid, elles avaient le privilège de l’amuser. Tallemant, à qui il faut sans cesse revenir pour tous ces petits détails, nous dit dans son Historiette sur Boisrobert : « Pour divertir le Cardinal et contenter en même temps l’envie qu’il avoit contre le Cid, il le fit jouer devant lui en ridicule par les laquais et les marmitons. Entre autres choses, en cet endroit où Rodrigue dit à son fils : Rodrigue, as-tu du cœur ? Rodrigue répondoit : Je n’ai que du carreau[40]. »

Tout en blâmant, comme on le doit, un tel acharnement et de si indignes critiques, on est forcé de convenir qu’au moment où il parut, le Cid pouvait exciter de légitimes inquiétudes et augmenter les embarras d’une situation déjà bien difficile. La pièce entière était une apologie exaltée de ces maximes du point d’honneur, qui, malgré les édits sans cesse renouvelés et toujours plus sévères, multipliaient les duels dans une effrayante proportion. Elles étaient résumées dans ces quatre vers, que le comte de Gormas adressait à don Arias, qui le pressait, de la part du Roi, de faire des réparations à don Diègue :

Ces satisfactions n’apaisent point une âme :
Qui les reçoit n’a rien, qui les fait se diffame,
Et de pareils accords l’effet le plus commun
Est de perdre d’honneur deux hommes au lieu d’un[41].


Corneille fut contraint de les retrancher, mais tout le monde les retint, et ils furent publiés pour la première fois, en 1730, par l’abbé d’Allainval dans la Lettre à Mylord *** sur Baron et la demoiselle le Couvreur, où l’on trouve plusieurs particularitez théâtrales, par Georges Winck, Paris, in-12, p. 21. Ils furent ensuite reproduits en 1738 dans l’avertissement de l’édition des Œuvres de Corneille donnée par P. Jolly (tome I, p. xx).

Parmi les changements apportés au Cid entre la première représentation et la publication, celui-là est le seul dont nous connaissions la nature ; mais Scudéry nous apprend, dans sa Lettre à l’illustre Académie, qu’il y en a eu beaucoup d’autres : « Trois ou quatre de cette célèbre compagnie lui ont corrigé tant de fautes qui parurent aux premières représentations de son poëme et qu’il ôta depuis par vos conseils, et sans doute vos divins qui virent toutes celles que j’ai remarquées en cette tragi-comédie qu’il appelle son chef-d’œuvre, m’auroient ôté en le corrigeant le moyen et la volonté de le reprendre, si vous n’eussiez été forcés d’imiter adroitement ces médecins qui voyant un corps dont toute la masse du sang est corrompue et toute la constitution mauvaise, se contentent d’user de remèdes palliatifs et de faire languir et vivre ce qu’ils ne sauroient guarir[42]. »

Que les choses se soient passées ainsi, nous sommes bien éloigné de le croire ; mais ne résulte-t-il pas du moins de ce passage, trop peu remarqué, que des changements nombreux, et dont par malheur nous ne pourrons jamais apprécier l’importance, ont été faits avant la publication ? Elle suivit d’assez près l’anoblissement du père de Corneille ; l’achevé d’imprimer est du 24 mars 1637[43]. La pièce est dédiée à la seule personne dont l’influence pouvait tempérer les rancunes du Cardinal, à Mme de Combalet, sa nièce, et plus encore, si l’on en croit Guy Patin et Tallemant des Réaux, les deux pires langues du siècle[44]. Elle avait vivement défendu l’ouvrage et l’auteur, et Corneille lui dit d’un ton pénétré : « Je ne vous dois pas moins pour moi que pour le Cid. »

Par malheur il perdit en partie le fruit de cette utile démarche en faisant paraître son Excuse à Ariste[45], qui a servi de prétexte aux nombreuses attaques dont le Cid a été l’objet. Dans cette épître notre poëte refuse à un de ses amis quelques couplets, en lui répondant que cent vers lui coûtent moins que deux mots de chanson, et il ne dissimule ni le légitime orgueil qu’il éprouve, ni le profond dédain que lui inspirent ses rivaux.

Les éditeurs et les biographes de Corneille sont loin d’être d’accord sur l’époque où ce petit poëme a paru. Au lieu de faire ici l’énumération de leurs opinions contradictoires, voyons si l’examen des écrits du temps ne peut pas nous fournir une solution à peu près certaine.

« On ne vous a pas sollicité, dit Mairet, de faire imprimer à contre-temps cette mauvaise Excuse à Ariste… À dire vrai, l’on ne vous a pas cru ni meilleur dramatique, ni plus honnête homme pour avoir fait cette scandaleuse lettre, qui doit être appelée votre pierre d’achopement, puisque sans elle ni la satire de l’Espagnol[46], ni la censure de l’observateur[47] n’eussent jamais été conçues[48]. »

Ce passage indique bien que l’Excuse à Ariste est postérieure au Cid, et de plus il nous fait connaître l’ordre dans lequel les premières pièces qui y ont répondu ont été publiées. L’extrait qui va suivre, emprunté à un autre libelle, confirme et précise ce témoignage :

« On m’a dit que pour la bien défendre (L’Excuse à Ariste), il assure qu’elle étoit faite il y a déjà plus de trois ans. Vraiment je n’imputerois qu’à vanité cette ridicule saillie si elle étoit postérieure au Cid, puisque le grand bruit qu’il a fait d’abord et par hasard pouvoit étourdir une cervelle comme la sienne ; mais d’avoir eu ces sentiments et les avoir exprimés avant le succès de cette plus heureuse que bonne pièce, il me pardonnera s’il lui plaît, je treuve que c’est proprement s’ivrer avec de l’eau froide ou du vinaigre, et se faire un sceptre de sa marotte.[49] »

Ces réflexions prouvent de la façon la plus indubitable que l’Excuse à Ariste n’a été imprimée qu’après le succès du Cid, et, malgré les allégations des partisans de Corneille, il n’est point permis de croire qu’elle ait été composée auparavant.

Nous trouvons, quant à nous, la plus grande analogie entre cette pièce de vers et la belle épître imprimée en tête de la Suivante en septembre 1637 ; le sixain qu’elle renferme est tout à fait du même ton que l’Excuse, et les deux morceaux nous paraissent également répondre aux clameurs des critiques du Cid[50].

La première réponse à l’épître de Corneille fut : « L’Autheur du vray Cid espagnol à son traducteur françois, sur une Lettre en vers qu’il a fait imprimer, intitulée « Excuse à Ariste, » où après cent traicts de vanité il dit de soy-mesme :

Je ne dois qu’à moy seul toute ma renommée. »


Cette réponse, composée seulement de six stances[51], se termine par les vers suivants :

Ingrat, rends-moi mon Cid jusques au dernier mot :
Après tu connoîtras, Corneille déplumée,
Que l’esprit le plus vain est souvent le plus sot,
Et qu’enfin tu me dois toute ta renommée.


Elle est signée Don Baltazar de la Verdad. Corneille et ses partisans n’hésitèrent pas à l’attribuer à Mairet. « Bien que vous y fissiez parler un auteur espagnol dont vous ne saviez pas le nom, lui dirent-ils plus tard, la foiblesse de votre style vous découvroit assez[52]. »

C’est du Mans que Mairet envoyait ces belles choses, et Claveret, qui comme lui s’était montré l’ami de Corneille et qui même avait adressé à ce dernier des vers élogieux que nous avons imprimés en tête de la Veuve, se chargea de répandre dans Paris le libelle où notre poëte était traité d’une façon si outrageante. La manière dont il s’en défend n’est guère propre à établir son innocence : « J’ai découvert enfin, écrit-il à Corneille, qu’on vous avoit fait croire que j’avois contribué quelque chose à la distribution des premiers vers qui vous furent adressés sous le nom du Vrai Cid espagnol, et qu’y voyant voire vaine gloire si judicieusement combattue, vous n’aviez pu vous empêcher de pester contre moi, parce que vous ne saviez à qui vous en prendre. Je ne crois pas être criminel de lèse-amitié pour en avoir reçu quelques copies comme les autres et leur avoir donné la louange qu’ils méritent[53]. »

Corneille répondit à l’Autheur du vray Cid espagnol par le rondeau[54] qui commence ainsi :

Qu’il fasse mieux, ce jeune jouvencel
À qui le Cid donne tant de martel,
Que d’entasser injure sur injure,
Rimer de rage une lourde imposture,
Et se cacher ainsi qu’un criminel.
Chacun connoît son jaloux naturel.
Le montre au doigt comme un fou solennel.

Quelques éditeurs ont cru qu’il s’agissait ici de Scudéry, mais ce dernier n’avait pas encore paru dans la querelle où il devait jouer bientôt un rôle si important ; ces vers s’adressaient à Mairet, qui, du reste, ne s’y trompa point.

« Vous répondez à l’Espagnol, dit-il, avec un pitoyable rondeau, dans lequel vous ne pouvez vous empêcher, à cause de la longueur de l’ouvrage, de faire une contradiction toute visible. » Ici Mairet transcrit les vers que nous venons de rapporter, et il ajoute : « Comment voulez-vous qu’il se cache ainsi qu’un criminel, et que chacun le montre au doigt comme un fou solennel ? l’épithète est solennellement mauvais[55]. »

À quoi les partisans de Corneille répliquent : « Le rondeau qui vous répondit parlait de vous sans se contredire. Que si l’épithète de fou solennel vous y déplaît, vous pouvez changer et mettre en sa place Innocent le Bel, qui est le nom de guerre que vous ont donné les comiques[56]. »

Vers la fin du rondeau se trouve un terme qu’on regrette d’y rencontrer, et qu’Arnauld fit plus tard effacer à Boileau dans son Art poétique. « Il eût été à souhaiter, dit Voltaire à ce sujet, que Corneille eût trouvé un Arnauld : il lui eût fait supprimer son rondeau tout entier. »

Si nous en croyons Claveret, il tenta d’être cet Arnauld. « Vous êtes le premier qui m’avez fait voir ces beaux vers, dit-il à Corneille, lui parlant des stances intitulées l’Autheur du vray Cid espagnol, et si vous eussiez cru l’avis que vous me demandâtes et que je vous donnai sur ce sujet, vous n’auriez pas ensuite fait imprimer ce rondeau que les honnêtes femmes ne sauroient lire sans honte[57]. »

C’est à ce malencontreux rondeau de Corneille que succédèrent les Observations sur le Cid. Voici comme Pellisson s’exprime à ce sujet : « Entre ceux qui ne purent souffrir l’approbation qu’on donnoit au Cid et qui crurent qu’il ne l’avoit pas méritée, M. de Scudéry parut le premier, en publiant ses observations contre cet ouvrage, on pour se satisfaire lui-même, ou, comme quelques-uns disent, pour plaire au Cardinal, ou pour tous les deux ensemble[58]. »

La dernière hypothèse paraît de beaucoup la plus vraisemblable. Ce volume, auquel Scudéry ne mit point d’abord son nom, est un véritable acte d’accusation littéraire, dont l’auteur établit ainsi lui-même les principaux chefs :

« Je prétends donc prouver contre cette pièce du Cid :
Que le sujet n’en vaut rien du tout,
Qu’il choque les principales règles du poëme dramatique,
Qu’il manque de jugement en sa conduite,
Qu’il a beaucoup de méchants vers,
Que presque tout ce qu’il a de beautés sont dérobées. »

Cette diatribe, vantée comme un chef-d’œuvre par les envieux de Corneille, qui, à eux seuls, formaient un public, eut trois éditions[59].

En se voyant traiter de la sorte par un homme qu’il considérait comme son ami, Corneille dut se reprocher vivement les pièces de vers qu’il avait écrites en sa faveur[60]. Les partisans de Scudéry cherchaient en vain un motif ou du moins un prétexte à sa colère : ils n’en pouvaient alléguer de plausible. L’un d’eux, un peu surpris de l’ardeur avec laquelle le critique poursuit tout ce qui lui semble pouvoir donner lieu à quelque observation, en vient à former cette conjecture au moins singulière : « Je ne puis croire néanmoins, dit-il, que M. Corneille ne l’aye sollicité à en prendre la peine par quelque mépris qu’il peut avoir fait de sa personne ou de ses œuvres, à quoi il y a peu à redire. Bien qu’il y ait quantité de gens dénaturés et sans jugement, qui ont aversion pour les beautés, et qui trouvent mauvais que Belleroze sur son théâtre donne nom à l’Amant libéral, le chef-d’œuvre de M. de Scudéry, ce beau poëme ne perd rien de son éclat pour cela, non plus qu’un diamant de son prix pour être chèrement vendu, et cet excellent et agréable trompeur semble faire (au jugement de tous les désintéressés) un acte de justice et de son adresse quand il loue ledit sieur de Scudéry, non pas autant qu’il le doit être, mais autant qu’il en a de pouvoir, témoignant en son discours sa reconnoissance, sans toutefois vouloir toucher ni préjudicier à la réputation de M. Corneille, comme font d’autres tout hautement à celle dudit Sieur de Scudéry, qui possède tout seul les perfections que le ciel, la naissance et le travail pourroient donner à trois excellents hommes[61]. »

Il n’est point nécessaire de chercher à Corneille des torts contre Scudéry : le Cid, voilà son crime ; c’est le seul que celui qui se croyait son rival ne pouvait lui pardonner.

Dans la Lettre apologétique du Sr Corneille, contenant sa response aux Observations faites par le Sr Scudéry sur le Cid[62], notre poëte replace la question sur son véritable terrain, et signale vivement les causes de l’indignation de son adversaire. Nous n’avons pas à nous étendre ici sur cet écrit, que nous publions in extenso dans les Œuvres diverses en prose ; nous sommes obligé toutefois de citer dès à présent le passage suivant qui donne lieu à certaines difficultés : « Je n’ai point fait la pièce qui vous pique : je l’ai reçue de Paris avec une lettre qui m’a appris le nom de son auteur ; il l’adresse à un de nos amis, qui vous en pourra donner plus de lumière. Pour moi, bien que je n’aye guère de jugement si l’on s’en rapporte à vous, je n’en ai pas si peu que d’offenser une personne de si haute condition dont je n’ai pas l’honneur d’être connu, et de craindre moins ses ressentiments que les vôtres. »

Les historiens du théâtre assurent que cette pièce que Corneille dit avoir reçue de Paris a pour titre : la Défense du Cid, mais ils n’en donnent aucun extrait ni même aucune description, et M. Taschereau déclare formellement qu’elle a échappé à toutes ses recherches ; nous n’avons pas été plus heureux que nos prédécesseurs[63].

Quant à la personne de haute condition dont Corneille déclare n’avoir pas l’honneur d’être connu, Voltaire n’hésite pas à dire que c’est le cardinal de Richelieu ; mais cela s’accorde assez mal, il faut en convenir, avec cette autre phrase de la Lettre apologétique : « J’en ai porté l’original en sa langue à Monseigneur le Cardinal, votre maître[64] et le mien. » On lit d’ailleurs dans l’Histoire de l’Académie[65] de Pellisson : « M. Corneille… a toujours cru que le Cardinal et une autre personne de grande qualité avoient suscité cette persécution contre le Cid. »

Aussitôt que Corneille eut démasqué Scudéry, on vit paraître presque simultanément un grand nombre de réponses aux Observations.

La voix publique. À Monsieur de Scudery sur les Obseruations du Cid[66], est une petite pièce écrite avec assez de vivacité, mais fort insignifiante, qui se termine par cet avis : « Si vous êtes sage, suivez le conseil de la voix publique, qui vous impose silence. »

L’incognu et véritable amy de Messieurs Scudery et Corneille[67] défend l’Amant libéral[68] contre le pamphlet précédent. « Il me semble, dit-il, qu’il ne fera jamais de honte au Cid de marcher pair à pair avec lui, non pas même quand il prendroit la droite. » L’auteur cherche, nous l’avons vu, les prétextes les moins vraisemblables pour justifier l’odieuse conduite de Scudéry ; enfin il ne se montre l’ami de Corneille que sur le titre : aussi paraît-il impossible, malgré les initiales D.R. dont son écrit est signé, de voir en lui Rotrou, comme le font Niceron dans ses Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres[69], et M. Laya, dans la Biographie universelle[70].

Le Souhait du Cid en faueur de Scuderi. Vne paire de lunettes pour faire mieux ses obseruations[71], est une assez pauvre apologie de Corneille, que nous avons eu tout à l’heure occasion de citer, en parlant des lettres de noblesse accordées à son père[72]. Elle est signée Mon ris, et c’est sans doute là un anagramme qui cache un nom trop obscur pour qu’on puisse le deviner.

Tandis que Corneille rencontrait quelques défenseurs, dont, il faut l’avouer, il n’avait pas lieu de s’enorgueillir, un nouvel adversaire venait prêter un faible renfort à Scudery et à Mairet. Dans la Lettre apologétique, Corneille, irrité de ce qu’un homme honoré pendant quelque temps de son amitié avait contribué à répandre dans Paris la pièce de vers intitulée : l’Autheur du Cid espagnol a son traducteur françois, s’était laissé emporter jusqu’à dire : « Il n’a pas tenu à vous que du premier lieu, où beaucoup d’honnêtes gens me placent, je ne sois descendu au-dessous de Claveret. » Bientôt parut, en réponse à cette phrase, la Lettre du Sr Claucret au S Corneille, soy disant Autheur du Cid[73]. On y trouve quelques détails intéressants à recueillir sur la façon dont fut publiée la Lettre apologétique : « J’étois tout prêt, dit Claveret, de vous signer que vous êtes plus grand poëte que moi, sans qu’il fût nécessaire que vous empruntassiez les voix de tous les colporteurs du Pont-Neuf pour le faire éclater par toute la France[74]. » — « Songez, ajoute-t-il un peu plus loin, que votre apologie fait autant de bruit dans les rues que la Gazette, que les voix éclatantes de ces crieurs devroient être seulement employées à publier les volontés des princes et les actions des grands hommes, et que le beau sexe que vous empêchez de dormir le matin déclamera justement contre votre poésie[75]. » Claveret, du reste, se résigne à son tour à ce mode de publication tant blâmé par lui : « Je suis marri…, dit-il, que je sois réduit à cette honteuse nécessité de faire voir ma lettre par les mêmes voies dont vous avez usé pour débiter vos invectives[76]. »

Tous ceux qui prirent part à cette polémique agirent sans doute de la même façon, car nous lisons à la fin d’un volume d’une certaine épaisseur qui semblait fait pour figurer aux étalages de la Galerie du Palais : « Ma pauvre muse, après avoir couru le Pont-Neuf et s’être ainsi prostituée aux colporteurs, sera possible reçue aux filles repenties[77]. »

La lettre de Claveret renferme quelques passages assez curieux dont nous avons fait usage dans l’occasion[78], mais elle n’est guère de nature à être analysée. Remarquons seulement qu’il en existe une autre, intitulée : Lettre du sieur Claueret à Monsieur de Corneille[79], mais entièrement différente de celle dont nous venons de parler. La rareté de cette pièce est telle qu’elle est restée inconnue à la plupart des éditeurs de Corneille et que, malgré le témoignage des frères Parfait, M. Taschereau, qui a fait preuve dans l’Histoire de la vie et des ouvrages de Corneille de connaissances bibliographiques si étendues et si précises, était tenté de douter de son existence[80]. Elle figure à la Bibliothèque impériale dans le recueil qui a pour numéro Y 5665. En comparant avec quelque attention les deux libelles qui portent le nom de Claveret, on s’aperçoit qu’ils ne peuvent avoir été écrits l’un et l’autre par le même auteur. En effet, ils ne se font nullement suite, et chacun d’eux a l’apparence d’une réponse directe et unique à la Lettre apologétique. Celle dont nous avons parlé d’abord commence ainsi : « Monsieur, j’avoue que vous m’avez surpris par la lecture de votre Lettre apologitique (sic), et que je n’attendois pas d’un homme qui faisoit avec moi profession d’amitié une si ridicule extravagance… » Le début de la seconde n’est pas moins vif : « J’étois en terme de demeurer sans repartir, et de ne me venger que par le mépris, voyant que les justes risées que l’on fait de vos ouvrages sont pour vous des sujets de vanité… » Évidemment, dans ces deux réponses, il y en a une qui est supposée ; il n’est nullement vraisemblable que ce soit la première dont l’authenticité n’a jamais été révoquée en doute, et qui contient un certain nombre de renseignements, tandis que la seconde est une déclamation des plus banales et des plus vides. Remarquons d’ailleurs, sans attacher à ce fait plus d’importance qu’il n’en mérite, que l’auteur du second pamphlet, après s’être adressé, comme nous l’avons vu, directement à Corneille, semble ensuite oublier son rôle ou négliger à dessein de le remplir, à tel point qu’il parle à chaque instant de Claveret à la troisième personne : « Bon Dieu ! quelle façon d’écrire est la vôtre, et combien en ce point êtes-vous au-dessous, je ne dis pas de Claveret, mais du moindre secrétaire de Saint-Innocent[81] ! » Et plus loin : « Quant à Claveret, vous l’avez vengé vous-même. » Enfin le nom qui se trouve à la fin de la pièce est amené de telle façon qu’il pourrait n’être pas une véritable signature : « Apprenez donc aujourd’hui que quand aux trente ans d’étude que vous avez si mal employés, vous en auriez encore ajouté trente autres, vous ne sauriez faire que vous ne soyez au-dessous de

CLAVERET. »

Ce serait le lieu de parler de l’Amy du Cid à Claueret[82]. Certes Niceron se trompe on l’attribuant à Corneille, mais cette brochure pourrait bien du moins avoir été écrite sous son influence et avec sa participation indirecte. Plutôt que de développer sur ce point quelque hypothèse dénuée de preuves, ne vaut-il pas mieux mettre tout simplement sous les yeux du lecteur à la suite de notre notice ce rare libelle qui n’a jamais été réimprimé ? C’est le parti que nous avons pris.

C’est sans doute ici qu’il faudrait placer l’analyse de la Victoire du Sr (sic) Corneille, Scudery et Claueret, avec vne remontrance par laquelle on les prie amiablement de n’exposer ainsi leur renommée à la risée publique[83]. Mais nous n’avons de cet écrit que le titre et la description, qui nous ont été conservés par Van Praet dans le Catalogue des pièces pour et contre le Cid que nous avons déjà cité[84]. Aucun autre bibliographe, aucun éditeur n’a parlé de cette pièce, que nous n’avons pu trouver.

Un mot maintenant sur une réponse tardive à l’Excuse de Corneille. Elle est intitulée : Lettre àsous le nom d’Ariste[85], et commence ainsi : « Ce n’est donc pas assez, Ariste, que votre humeur remuante aye jadis troublé le repos de votre solitude et le silence de votre maison en s’attaquant aux œuvres et à l’éloquence de M. de Balzac… Il faut encore qu’après dix ans de silence, au mépris de votre habit et au scandale de votre profession vous importuniez votre ami de vous donner des chansons (sans dire si c’est à boire ou à danser), à l’heure même que vous le savez occupé à ce grand mariage, et qu’il fait accepter à une fille pour mari celui qui le jour même a tué son père. » Ce passage fait évidemment allusion aux Lettres de Phyllarque à Ariste, dirigées contre Balzac, et dont la premièire partie parut en 1627, c’est-à-dire dix ans juste avant le pamphlet que nous venons de citer. Phyllarque, comme il se nomme lui-même, ou le Prince des feuilles, comme quelques-uns l’ont appelé, n’est autre que Jean Goulu, alors général des Feuillants, ce qui explique et le pseudonyme qu’il a pris et le surnom qu’on lui a donné. Ces lettres de Phyllarque firent grand bruit, et Corneille en parle d’une manière fort élogieuse dans l’épitaphe latine qu’il a composée pour Jean Goulu, et qu’on trouvera pour la première fois, dans notre édition, en tête des Œuvres diverses en prose. Par malheur, si les renseignements abondent sur Phyllarque, on n’en rencontre aucun qui concerne Ariste. L’Avertissement du libraire au lecteur fait de lui un gentilhomme de la cour, mais le ton général prouve que cet Avertissement est plutôt destiné à dérouter les soupçons qu’à confirmer les conjectures. En tête de chaque volume se trouve une ode d’Ariste qui nous prouve qu’il était fort mauvais poète, ce qui, en aucun temps, ne peut tenir lieu d’une désignation précise. Il est bien certain du moins qu’il s’agit d’un personnage réel, connu de toute la société littéraire du temps, et qui, contrairement à l’assertion du libraire du P. Goulu, était religieux et non homme de cour. L’extrait d’un pamphlet de Mairet, qu’on trouvera analysé plus loin à sa date, achèvera d’établir ces divers points[86].

Si maintenant nous remontons à l’origine de la querelle du P. Goulu et de Balzac, nous trouvons que ce dernier fut d’abord attaqué par André de Saint-Denis, jeune feuillant, auteur d’un livre intitulé : la Conformité de l’éloquence de M. de Balzac auec celle des plus grands personnages du temps passé et du présent, dans lequel il lui reproche vivement ses trop nombreuses réminiscences. Ogier répliqua par une Apologie de Balzac, dans laquelle le P. André, comme on l’appelait d’ordinaire, n’était point ménagé. « L’apologie étant imprimée, dit Sorel[87], un exemplaire en fut porté au supérieur de ce religieux (c’est-à-dire au P. Goulu), qui s’offensa de le voir attaqué de cette sorte, principalement en des endroits où la lecture des livres profanes lui était reprochée. Pource qu’il se piquait aussi d’éloquence, il voulut prendre le fait et cause pour son novice, et il fit les deux volumes de Lettres de Phyllarque à Ariste, où il critiqua horriblement toutes les lettres de M. de Balzac, lui donnant le nom de Narcisse, pour l’accuser d’un trop grand amour de soi-même. »

Tout ceci n’autoriserait-il pas à regarder André de Saint-Denis comme cet Ariste à qui le P. Goulu adressait ses Lettres et Corneille son Excuse ? Ce n’est certes là qu’une conjecture, qui aurait grand besoin de se trouver confirmée par quelque renseignement plus positif ; mais telle qu’elle est, elle présente du moins une certaine vraisemblance.

« J’avoue, dit en parlant de Corneille l’auteur de la Lettre à ⁂, que les sentiments de ses amis pour ce poëme avoient préoccupé mon esprit devant que j’en eusse fait la lecture : je donnois quelque chose à l’approbation du peuple, encore que je le connusse mauvais juge ; mais je m’aperçus bientôt après que c’étoit l’ignorance, et non pas sa beauté, qui causoit son admiration. Je fis donc résolution de guérir ces idolâtres de leur aveuglement, et le dessein que j’avois de les désabuser me faisoit prendre la plume quand un autre plus digne observateur m’a prévenu[88]… » Ce passage servit de texte à la réponse qui parut sous ce titre :

Lettre pour Monsieur de Corneille, contre les mots de la Lettre sous le nom d’Ariste : « Ie fis donc résolution de guerir ces Idolatres[89]. »

Cette pièce est du nombre de celles que Niceron attribue à Corneille, et que nous avons cru devoir réimprimer à la suite de cette notice. Nous nous contenterons de remarquer ici que l’auteur, quel qu’il soit, parait connaître au mieux la personne qui a écrit la Lettre sous le nom d’Ariste. Il en parle comme d’un homme jeune, moins pauvre que Claveret, mais d’une origine fort contestable, commensal habituel de Scudéry, et très-assidu aux conférences qui se tenaient chez lui. Il est vrai que dans la Responce de *** à *** sous le nom d’Ariste[90], attribuée également par Niceron à Corneille et reproduite ci-après, ce n’est plus le même personnage, mais bien Mairet, qui est considéré comme l’auteur de la Lettre sous le nom d’Ariste.

Pendant que cette guerre de libelles continuait chaque matin, Scudéry, voyant que le public s’obstinait à admirer le Cid, s’efforça d’obtenir contre le nouvel ouvrage un jugement en forme, et adressa à cet effet au seul tribunal compétent une requête qui fut imprimée plus tard sous le titre de Lettre de Mr de Scudery à l’illustre Académie[91].

« Il est bien certain, dit Pellisson, qu’en ce différend qui partagea toute la cour, le Cardinal sembla pencher du côté de M. de Scudéry, et fut bien aise qu’il écrivît, comme il fit, à l’Académie françoise, pour s’en remettre à son jugement. On voyoit assez le désir du Cardinal, qui étoit qu’elle prononçât sur cette matière ; mais les plus judicieux de ce corps témoignoient beaucoup de répugnance pour ce dessein. Ils disoient que l’Académie, qui ne faisoit que de naître, ne devoit point se rendre odieuse par un jugement qui peut-être déplairoit aux deux partis, et qui ne pouvoit manquer d’en désobliger pour le moins un, c’est-à-dire une grande partie de la France ; qu’à peine la pouvoit-on souffrir sur la simple imagination qu’on avoit qu’elle prétendoit quelque empire à notre langue : que seroit-ce si elle témoignoit de l’affecter, et si elle entreprenoit de l’exercer sur un ouvrage qui avoit contenté le grand nombre et gagné l’approbation du peuple ? que ce seroit d’ailleurs un retardement à son principal dessein, dont l’exécution ne devoit être que trop longue d’elle-même ; qu’enfin M. Corneille ne demandoit point ce jugement, et que par les statuts de l’Académie, et par les lettres de son érection, elle ne pouvoit juger d’un ouvrage que du consentement et à la prière de l’auteur. Mais le Cardinal avoit ce dessein en tête, et ces raisons lui paroissoient peu importantes, si vous en exceptez la dernière, qu’on pouvoit détruire en obtenant le consentement de M. Corneille[92]. »

Boisrobert fut chargé de cette négociation. Il entama à ce sujet avec Corneille, alors à Rouen, une longue correspondance, qui ne nous est point parvenue. Pellisson a seulement rapporté de trop courts fragments des réponses de notre poëte, que nous avons classés à leur date parmi ses lettres.

Dans une de ces réponses, tout en énumérant les inconvénients qu’il y avait pour la Compagnie à s’occuper de cette querelle, il lui échappa de dire : « Messieurs de l’Académie peuvent faire ce qu’il leur plaira. »

« Il n’en falloit pas davantage, au moins suivant l’opinion du Cardinal, dit Pellisson, pour fonder la jurisdiction de l’Académie, qui pourtant se défendoit toujours d’entreprendre ce travail ; mais enfin il s’en expliqua ouvertement, disant à un de ses domestiques : « Faites savoir à ces Messieurs que je le désire, et que je les aimerai comme ils m’aimeront. »

« Alors on crut qu’il n’y avoit plus moyen de reculer, et l’Académie s’étant assemblée le 16 juin 1637, après qu’on eut lu la lettre de M. de Scudéry pour la Compagnie, celles qu’il avoit écrites sur le même sujet à M. Chapelain, et celles que M. de Boisrobert avoit reçues de M. Corneille ; après aussi que le même M. de Boisrobert eut assuré l’assemblée que Monsieur le Cardinal avoit agréable ce dessein, il fut ordonné que trois commissaires seroient nommés pour examiner le Cid et les Observations contre le Cid ; que cette nomination se feroit à la pluralité des voix par billets qui ne seroient vus que du secrétaire. Cela se fit ainsi, et les trois commissaires furent M. de Bourzey[93], M. Chapelain et M. des Marests. La tâche de ces trois messieurs n’étoit que pour l’examen du corps de l’ouvrage en gros ; car pour celui des vers, il fut résolu qu’on le feroit dans la Compagnie[94]. MM. de Cerisy, de Gombauld, Baro et l’Estoile furent seulement chargés de les voir en particulier et de rapporter leurs observations, sur lesquelles l’Académie ayant délibéré en diverses conférences, ordinaires et extraordinaires, M. des Marests eut ordre d’y mettre la dernière main. Mais pour l’examen de l’ouvrage en gros, la chose fut un peu plus difficile. M. Chapelain présenta premièrement ses mémoires ; il fut ordonné que MM. de Bourzey et des Marests y joindroient les leurs ; et soit que cela fût exécuté ou non, de quoi je ne vois rien dans les registres, tant y a que M. Chapelain fit un corps, qui fut présenté au Cardinal écrit à la main. J’ai vu avec beaucoup de plaisir ce manuscrit apostillé par le Cardinal, en sept endroits, de la main de M. Citois, son premier médecin. Il y a même une de ces apostilles dont le premier mot est de sa main propre[95] ; il y en a une aussi qui marque assez quelle opinion il avoit du Cid. C’est en un endroit où il est dit que la poésie seroit aujourd’hui bien moins parfaite qu’elle n’est, sans les contestations qui se sont formées sur les ouvrages des plus célèbres auteurs du dernier temps, la Jérusalem, le Pastor fido. En cet endroit, il mit en marge : « L’applaudissement et le blâme du Cid n’est qu’entre les doctes et les ignorants, au lieu que les contestations sur les autres deux pièces ont été a entre les gens d’esprit[96] ; » ce qui témoigne qu’il étoit persuadé de ce qu’on reprochoit à M. Corneille, que son ouvrage péchoit contre les règles. Le reste de ces apostilles n’est pas considérable ; car ce ne sont que de petites notes, comme celle-ci, où le premier mot est de sa main : « Bon, mais se pourroit mieux a exprimer[97] ; » et cette autre : « Faut adoucir cet exemple[98]. » D’où on recueille pourtant qu’il examina cet écrit avec beaucoup de soin et d’attention. Son jugement fut enfin que la substance en étoit bonne, « mais qu’il falloit, » car il s’exprima en ces termes, « y jeter quelques poignées de fleurs. » Aussi n’étoit-ce que comme un premier crayon qu’on avoit voulu lui présenter, pour savoir en gros s’il en approuveroit les sentiments. L’ouvrage fut donc donné à polir, suivant son intention et par délibération de l’Académie, à MM. de Serizay, de Cerisy, de Gombauld et Sirmond[99]. M. de Cerisy, comme j’ai appris, le coucha par écrit, et M. de Gombauld fut nommé par les trois autres et confirmé par l’Académie pour la dernière révision du style. Tout fut lu et examine par l’Académie en diverses assemblées, ordinaires et extraordinaires, et donné enfin à l’imprimeur[100]. Le Cardinal étoit alors à Charonne, où on lui envoya les premières feuilles, mais elles ne le contentèrent nullement ; et soit qu’il en jugeât bien, soit qu’on le prît en mauvaise humeur, soit qu’il fût préoccupé contre M. de Cerisy, il trouva qu’on avoit passé d’une extrémité à l’autre, qu’on y avoit apporté trop d’ornements et de fleurs, et renvoya à l’heure même en diligence dire qu’on arrêtât l’impression. Il voulut enfin que MM. de Serizay, Chapelain et Sirmond le vinssent trouver, afin qu’il pût leur expliquer mieux son intention. M. de Serizay s’en excusa, sur ce qu’il étoit prêt à monter à cheval pour s’en aller en Poitou. Les deux autres y furent. Pour les écouter, il voulut être seul dans sa chambre, excepté MM. de Bautru et de Boistrobert, qu’il appela comme étant de l’Académie. Il leur parla fort longtemps, très-civilement, debout et sans chapeau.

« M. Chapelain voulut, à ce qu’il m’a dit, excuser M. de Cerisy, le plus doucement qu’il put ; mais il reconnut d’abord que cet homme ne vouloit pas être contredit : car il le vit s’échauffer et se mettre en action, jusque-là que s’adressant à lui, il le prit et le retint tout un temps par ses glands, comme on fait sans y penser quand on veut parler fortement à quelqu’un et le convaincre de quelque chose. La conclusion fut, qu’après leur avoir expliqué de quelle façon il croyoit qu’il falloit écrire cet ouvrage, il en donna la charge à M. Sirmond, qui avoit en effet le style fort bon et fort éloigné de toute affectation. Mais M. Sirmond ne le satisfit point encore ; il fallut enfin que M. Chapelain reprît tout ce qui avoit été fait, tant par lui que par les autres, de quoi il composa l’ouvrage tel qu’il est aujourd’hui, qui, ayant plu à la Compagnie et au Cardinal, fut publié bientôt après, fort peu différent de ce qu’il étoit la première fois qu’il lui avoit été présenté écrit à la main, sinon que la matière y est un peu plus étendue, et qu’il y a quelques ornements ajoutés.

« Ainsi furent mis au jour, après environ cinq mois de travail[101], les Sentiments de l’Académie françoise sur le Cid[102], sans que, durant ce temps-là, ce ministre qui avoit toutes les affaires du royaume sur les bras, et toutes celles de l’Europe dans la tête, se lassât de ce dessein, et relâchât rien de ses soins pour cet ouvrage[103]. »

On serait tenté de croire que pendant ces cinq mois le nombre des libelles diminua. Il n’en fut rien. Dans la lettre par laquelle Scudéry réclamait le jugement de l’Académie sur le Cid, il repoussait en ces termes le reproche que lui avait fait Corneille de citer inexactement les autorités qu’il avait invoquées dans ses Observations : « Dans peu de jours la quatrième édition de mon ouvrage me donnera lieu de le faire rougir de la fausseté qu’il m’impose, en marquant en marge tous les auteurs et tous les passages que j’ai allégués. » Nous ne pensons pas qu’il ait donné suite à ce projet, mais il publia isolément :

La Preuve des passages alléguez dans les obseruations sur le Cid. À Messieurs de l’Académie[104].

L’Epistre aux poetes du temps sur leur querelle du Cid[105] parut sans doute presque au même moment, car son début fait allusion à la Lettre à l’illustre Académie. « Vous avez fait trop de bruit par toutes les provinces de France (messieurs les rimeurs) pour croire que vos différends puissent à présent être terminés par une Académie que l’un de vous honore d’un titre qui est seulement l’apennage des princes et des sacrées assemblées. » Rien n’est plus détestable que cette pièce, qui se termine par une froide allusion au nom de Corneille : « Si néanmoins vous ne voulez cesser qui l’un de clabauder et l’autre de croasser, que ce soit pour le moins perché sur un noyer, siège ordinaire de tels oiseaux. »

Pour le sieur Corneille contre les ennemis du Cid[106], est le titre d’une brochure qui ne se compose que d’un sonnet dont voici la chute :

Corneille sait porter son vol si près des cieux,
Que s’il ne s’abaissoit pour vous combattre mieux,
Vos coups injurieux ne pourroient pas l’atteindre ;


et de la petite pièce qui suit :

Au seigneur de Scudery sur sa victoire.
quatrain.


Toi dont la folle jalousie
Du Cid te veut rendre vainqueur,
Sois satisfait, ta frénésie

Te fait passer pour un vain cœur.

C’est aussi à la même époque qu’il faut rapporter l’ouvrage intitulé : Examen de ce qui s’est fait pour et contre le Cid : avec un traité de la Disposition du Poëme Dramatique, et de la prétendue Règle de vingt-quatre heures[107]. L’auteur, il est vrai, prétend d’abord que son traité était sous presse même avant la Lettre apologétique de Corneille, mais il ajoute : « Il semble que je serois obligé de signer cet écrit si je voulois prendre la qualité d’intervenant au procès qui s’instruit en l’illustre Académie sur la requête du Sr de Scudéry. Mais plutôt que de plaider (qui est un métier que je m’empêche de faire tant que je puis), j’aime mieux que ce petit ouvrage s’en aille avec les vagabonds et gens sans aveu, ou qu’il soit mis aux Enfermés[108], comme un enfant trouvé. » L’auteur affecte une grande impartialité et loue presque également Corneille et Scudéry. « Toutes les fois, dit-il, que la pièce du Cid a paru sur le théâtre, j’avoue qu’elle a donné dans la vue à tout le monde. » « Je n’en connois l’auteur que de nom, ajoute-t-il un peu plus loin, et par les affiches des comédiens ; or à cause que je fais quelquefois des vers, et que je favorise ceux qui s’en mêlent, j’ai inclination pour lui. » Du reste il ne prend aucune part réelle à la querelle et ne s’en occupe que parce qu’il trouve l’occasion de publier et surtout de faire lire un traité de la règle des vingt-quatre heures, écrit depuis cinq ou six ans et dont il était embarrassé.

C’est vers ce moment que dut paraître le Iugement du Cid composé par un Bourgeois de Paris, marguillier de sa Paroisse[109]. Le passage suivant nous indique le but de l’auteur et nous montre qu’il connaissait bien le défenseur habituel de Corneille, mais par malheur il le désigne d’une façon fort obscure pour nous. « Quand j’ai vu, dit-il en parlant de notre poëte, que l’on ne cessoit d’écrire pour et contre, qu’il ne paroissoit que de la passion et de l’excès, soit à le blâmer ou à le défendre, et que le pédant qui a pris sa cause, sembloit avoir eu plus de soin de défendre son affiche de la morale de la cour, et de paroître grand logicien, que de rien faire à l’avantage de Corneille, je me suis enfin résolu, attendant le jugement de l’Académie, de faire voir le mien, qui est, ce me semble, le sentiment des honnêtes gens d’entre le peuple ; et sans avoir égard ni à la colère des poëtes qui l’ont voulu mettre aussi bas qu’il s’étoit mis haut, ni aux louanges excessives que lui donnent ses adorateurs, j’ai voulu le défendre contre ce qu’il y avoit d’injustice dans les Observations de Scudéry, et montrer aussi que l’on sait la portée de son mérite, et que le sens commun n’est pas entièrement banni de la tête de ceux qui ne sont ni savants, ni auteurs. » Il ne faut pas oublier toutefois que ce critique, en apparence si équitable à l’égard de Corneille, n’hésite pas à dire avec ses ennemis qu’« il ne devoit point faire imprimer le Cid. »

Nous voici arrivés à l’Epistre familière du Sr Mayret au Sr Corneille sur la tragi-comedie du Cid[110]. Ce pamphlet est le seul qui porte une date de jour ; il est du 4 juillet 1637. On trouve p. 30, après la pièce principale, la Responce à l’Amy du Cid sur ses inuectives contre le Sr Claueret, où est cité le Jugement du marguillier, ce qui justifie la place que nous avons donnée à cet écrit.

« Monsieur, dit Mairet au commencement de son Épître, si je croyois le bruit commun qui vous déclare déjà l’auteur de ces mauvais papiers volants qu’on voit tous les jours paroître à la défense de votre ouvrage, je me plaindrois de vous à vous-même, de l’injustice que l’on me fait en un libelle de votre style et peut-être de votre façon ; mais comme l’action est trop indigne d’un honnête homme, je suspendrai pour quelque temps ma créance en votre faveur, et me contenterai (puisque la querelle de votre Cid vous a rendu chef de parti) de vous demander seulement raison de l’impertinence d’un de vos lanciers qui m’est venu rompre dans la visière mal à propos ; mais d’autant que je n’ai pas l’honneur de connoître le galant homme et qu’il ne seroit pas raisonnable que je me commisse avec un masque, je vous adresserai, s’il vous plaît, ce petit discours, comme si vous étiez lui-même.

« Premièrement il en veut à mes ouvrages qu’il attaque tous… puis par une ruse de guerre, qui n’est pas difficile à découvrir, il me veut attribuer la lettre qui commence par les railleries passives d’Ariste, continue par le mépris en particulier de votre chef-d’œuvre, et finit par celui de toutes vos autres pièces en général. Pour la lettre qu’il me veut donner, il me pardonnera si je la refuse… et je n’ai mis principalement la main à la plume que pour faire une publique déclaration de ce désaveu. Je proteste hautement que je suis très-humble serviteur d’Ariste, pour les bonnes qualités dont je le crois doué sur le rapport de M. de Scudéry qui le connoît ; et votre ami n’y procède pas comme il faut : il devroit se contenter d’égratigner mes ouvrages, sans essayer malicieusement de me brouiller avec des personnes dont la profession m’a toujours imprimé la révérence et le respect… Il faut savoir que cet ami, qui vous ressemble si fort, a fait imprimer deux réponses subsécutives à la lettre que je désavoue en cette-ci. Dans la première, qui porte pour titre : Lettre pour M. de Corneille… il témoigne en connoître l’auteur par la mauvaise peinture qu’il en a faite, et par la seconde, qu’il intitule : la Réponse de *** à *** sous le nom d’Ariste, il semble qu’il ait dessein de faire accroire que c’est de moi qu’il entendoit parler dans la première ; si c’est pour se mettre à couvert de l’orage qu’il appréhende (car enfin celui qu’il y désigne et qu’il offense est de telle qualité qu’il a des domestiques d’aussi bonne condition que vous, je ne veux pas dire meilleure quoiqu’on m’en ait assuré, et le rang qu’il tient dans la province où vous demeurez est si haut que si vous étiez bien avisé, vous iriez lui demander pardon du zèle indiscret de votre ami, qui vous peut être injurieux) : digressions à part, si c’est, comme j’ai dit, qu’il se veuille mettre à couvert de l’orage qu’il appréhende, je suis tout prêt en votre considération de lui rendre ce bon office, en recevant chez moi le paquet qu’il adresse ailleurs. »

Comment le portrait fait par les partisans de Corneille d’un commensal de Scudéry assez peu fortuné et d’origine obscure, s’applique-t-il, suivant Mairet, à quelqu’un qui occupe un haut rang en Normandie ? Il est assez difficile de le deviner, à cause des termes obscurs dont est enveloppée toute cette polémique ; mais n’est-on pas autorisé à supposer avec quelque vraisemblance que Mairet fait allusion à ce personnage de haute condition dont Corneille a parlé dans la Lettre apologétique, et que Voltaire a pris avec si peu d’apparence pour le Cardinal lui-même[111] ?

Corneille, ou plutôt quelqu’un de ses amis, répondit au libelle que nous venons d’analyser par la Lettre du des-interessé au sieur Mairet[112] et par l’Avertissement au besançonnois Mairet[113]. On trouvera ces deux pièces à la suite de notre notice.

L’adversaire de notre poëte ne se tint pas pour battu. Il répliqua par une Apologie pour M. Mairet contre les calomnies du Sr Corneille de Rouen[114]; apologie qui renferme une lettre de Mairet à Scudéry, datée du 30 septembre 1637. Ce libelle fut le dernier. La lettre suivante[115], adressée par Boisrobert à Mairet, qui habitait alors chez le comte de Belin[116], mit enfin

un terme à cette regrettable dispute.

À Charonne, ce 5 octobre 1637.
« Monsieur,

« Puisque vous êtes extrêmement raisonnable, et que vous savez bien que la sujétion illustre à laquelle je suis attaché ne me laisse pas assez de liberté pour rendre mes devoirs à tous mes amis, je ne vous ferai point d’excuses de m’être autrefois reposé sur les soins de M. Chapelain, qui m’a promis de répondre pour moi aux lettres que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Il n’aura pas oublié, je m’assure, à vous témoigner la continuation de mon zèle, et je me promets bien que vous connoîtrez vous-même à votre retour que si je vous ai paru muet, je ne me suis pas tu devant ceux auprès desquels vous croyez que je puis vous servir, et que je vous ai gardé une inviolable fidélité pendant votre absence. Ces six lignes que je vous écris de mon chef satisferont, s’il vous plaît, Monsieur, à ce que je dois à notre amitié, et vous lirez le reste de ma lettre comme un ordre que je vous envoie par le commandement de Son Éminence. Je ne vous cèlerai pas qu’elle s’est fait lire avec un plaisir extrême tout ce qui s’est fait sur le sujet du Cid, et que particulièrement une lettre qu’elle a vue de vous, lui a plu jusques à tel point qu’elle lui a fait naître l’envie de voir tout le reste. Tant qu’elle n’a connu dans les écrits des uns et des autres que des contestations d’esprit agréables, et des railleries innocentes, je vous avoue qu’elle a pris bonne part au divertissement ; mais quand elle a reconnu que de ces contestations naissoient enfin des injures, des outrages et des menaces, elle a pris aussitôt résolution d’en arrêter le cours. Pour cet effet, quoiqu’elle n’ait point vu le libelle que vous attribuez à M. Corneille, présupposant par votre réponse, que je lui lus hier au soir, qu’il devoit être l’agresseur, elle m’a commandé de lui remontrer le tort qu’il se faisoit, et de lui défendre de sa part de ne plus faire de réponse, s’il ne lui vouloit déplaire ; mais d’ailleurs craignant que des tacites menaces que vous lui faites, vous ou quelques-uns de vos amis n’en viennent aux effets, qui tireroient des suites ruineuses à l’un et à l’autre, elle m’a commandé de vous écrire que si vous voulez avoir la continuation de ses bonnes grâces, vous mettiez toutes vos injures sous le pied, et ne vous souveniez plus que de votre ancienne amitié, que j’ai charge de renouveler sur la table de ma chambre à Paris, quand vous serez tous rassemblés. Jusqu’ici j’ai parlé par la bouche de Son Éminence ; mais pour vous dire ingénument ce que je pense de toutes vos procédures, j’estime que vous avez suffisamment puni le pauvre M. Corneille de ses vanités et que ses foibles défenses ne demandoient pas des armes si fortes et si pénétrantes que les vôtres. Vous verrez un de ces jours son Cid assez malmené par les sentiments de l’Académie ; l’impression en est déjà bien avancée, et si vous ne venez à Paris dans ce mois, je vous l’envoirai. Cependant conservez-moi, s’il vous plaît, quelque place dans le souvenir de M. de Belin ; faites-moi de plus l’honneur de lui témoigner que je prends grande part à son affliction, et que je suis autant touché que pas un de ses serviteurs, de la perte qu’il a fait[117]. Si j’avois l’esprit assez libre, je la lui témoignerois à lui-même ; mais je me console quand je pense que ma douleur sera plus éloquente en votre bouche qu’en la mienne, et que vous n’oublierez rien pour témoigner les véritables sentiments de celui qui est avec passion,

« Monsieur,
« Votre très-humble et très-fidèle serviteur
« Boisrobert. »


Depuis le jour où le Cardinal eut ainsi fait connaître ses intentions, on ne publia plus rien que les remercîments adressés par Scudéry à l’Académie. Ils parurent dans un petit recueil portant le titre suivant : Lettre de Mr de Balzac à Mr de Scudery, sur ses Obseruations du Cid. Et la response de Mr de Scudery à Mr de Balzac. Auec la lettre de Mr de Scudery à Messieurs de l’Académie françoise, sur le iugement qu’ils ont fait du Cid et de ses Obseruations[118].

La lettre de Balzac est charmante. Espérant l’attirer dans son parti, Scudéry lui avait adressé ce qu’il avait écrit contre le Cid ; mais Balzac, tout en approuvant les principes qui avaient guidé son jeune ami, atténue ses critiques par de si nombreuses et de si importantes restrictions, que Scudéry dut se trouver assez mal satisfait d’avoir provoqué un semblable jugement.

« Considérez néanmoins, Monsieur, que toute la France entre en cause avec lui, et que peut-être il n’y a pas un des juges dont vous êtes convenus ensemble[119] qui n’ait loué ce que vous désirez qu’il condamne : de sorte que, quand vos arguments seroient invincibles et que votre adversaire y acquiesceroit, il auroit toujours de quoi se consoler glorieusement de la perte de son procès, et vous dire que c’est quelque chose de plus d’avoir satisfait tout un royaume que d’avoir fait une pièce régulière. Il n’y a point d’architecte d’Italie qui ne trouve des défauts en la structure de Fontainebleau et qui ne l’appelle un monstre de pierre : ce monstre néanmoins est la belle demeure des rois, et la cour y loge commodément.

« Il y a des beautés parfaites qui sont effacées par d’autres qui ont plus d’agrément et moins de perfection ; et parce que l’acquis n’est pas si noble que le naturel, ni le travail des hommes que les dons du ciel, on vous pourroit encore dire que savoir l’art de plaire ne vaut pas tant que savoir plaire sans art. Aristote blâme la Fleur d’Agathon, quoiqu’il die qu’elle fut agréable[120], et l’Œdipe peut-être n’agréoit pas, quoique Aristote l’approuve. Or, s’il est vrai que la satisfaction des spectateurs soit la fin que se proposent les spectacles, et que les maîtres mêmes du métier ayent quelquefois appelé de César au peuple, le Cid du poëte françois ayant plu aussi bien que la Fleur du poëte grec, ne seroit-il point vrai qu’il a obtenu la fin de la représentation, et qu’il est arrivé à son but, encore que ce ne soit pas par le chemin d’Aristote ni par les adresses de sa poétique ? Mais vous dites, Monsieur, qu’il a ébloui les yeux du monde, et vous l’accusez de charme et d’enchantement : je connois beaucoup de gens qui feroient vanité d’une telle accusation ; et vous me confesserez vous-même que, si la magie étoit une chose permise, ce seroit une chose excellente : ce seroit, à vrai dire, une belle chose de pouvoir faire des prodiges innocemment, de faire voir le soleil quand il est nuit, d’apprêter des festins sans viandes ni officiers, de changer en pistoles les feuilles de chêne et le verre en diamants ; c’est ce que vous reprochez à l’auteur du Cid, qui vous avouant qu’il a violé les règles de l’art, vous oblige de lui avouer qu’il a un secret, qu’il a mieux réussi que l’art même ; et ne vous niant pas qu’il a trompé toute la cour et tout le peuple, ne vous laisse conclure de là sinon qu’il est plus fin que toute la cour et tout le peuple, et que la tromperie qui s’étend à un si grand nombre de personnes est moins une fraude qu’une conquête. Cela étant. Monsieur, je ne doute pas que Messieurs de l’Académie ne se trouvent bien empêchés dans le jugement de votre procès, et que d’un côté vos raisons ne les ébranlent, et de l’autre l’approbation publique ne les retienne. Je serois en la même peine, si j’étois en la même délibération, et si de bonne fortune je ne venois de trouver votre arrêt dans les registres de l’antiquité. Il a été prononcé, il y a plus de quinze cents ans, par un philosophe de la famille stoïque, mais un philosophe dont la dureté n’étoit pas impénétrable à la joie, de qui il nous reste des jeux et des tragédies, qui vivoit sous le règne d’un empereur poëte et comédien, au siècle des vers et de la musique. Voici les termes de cet authentique arrêt, et je vous le laisse interpréter à vos dames, pour lesquelles vous avez bien entrepris une plus longue et plus difficile traduction[121]. Illud multum est primo aspecta oculos occupasse, etiam si contemplatio diligens inventura est quod arguat. Si me interrogas, major ille est qui judicium abstulit quam qui meruit[122]. Votre adversaire y trouve son compte par ce favorable mot de major est ; et vous avez aussi ce que vous pouvez désirer, ne désirant rien, à mon avis, que de prouver que judicium abstulit. Ainsi vous l’emportez dans le cabinet, et il a gagné au théâtre. Si le Cid est coupable, c’est d’un crime qui a eu récompense ; s’il est puni, ce sera après avoir triomphé ; s’il faut que Platon le bannisse de sa république, il faut qu’il le couronne de fleurs en le bannissant, et ne le traite pas plus mal qu’il a traité autrefois Homère. »

Trop attachée à la sévérité des règles, trop soucieuse surtout de complaire aux moindres fantaisies du Cardinal, l’Académie rendit un jugement plus sévère à l’égard de Corneille, et partant plus agréable à Scudéry, qui l’en remercia avec effusion. L’Académie s’empressa de lui faire répondre en ces termes, par l’organe de Chapelain, son secrétaire : « Monsieur, moins la Compagnie que vous avez prise pour arbitre de votre différend a affecté la qualité de juge, plus se doit-elle sentir obligée de la déférence que vous témoignez pour ses Sentiments. Je sais qu’en les donnant au public pour vous satisfaire, sa principale intention a été de tenir la balance droite et de ne faire pas d’une chose sérieuse un compliment ni une civilité ; mais je sais aussi qu’après cette intention, elle n’a essayé de faire rien avec plus de soin que de s’exprimer avec modération et de dire ses raisons sans blesser personne. Je souhaite que vous soyez bien persuadé de cela, ou plutôt je me réjouis de ce que vous l’êtes, et qu’ayant reçu d’elle, en cette rencontre, le moins favorable traitement que vous en puissiez jamais attendre, vous ne laissez pas de lui faire justice en reconnoissant qu’elle est juste. À l’avenir j’espère qu’elle se revanchera de votre équité, et qu’aux occasions où il lui sera permis d’être obligeante, vous n’aurez rien à désirer d’elle et reconnoîtrez qu’elle sait estimer votre mérite et votre vertu. De moi je ne vous dis rien pour ce que je crois vous dire tout en vous assurant que je suis, Monsieur, votre, etc. De Paris, ce 19 décembre 1637[123]. »

En somme les Sentiments de l’Académie sur le Cid, si impatiemment attendus, n’eurent aucun des résultats qu’on en espérait : ils ne satisfirent entièrement ni la jalousie de Richelieu, ni la basse envie de Scudéry ; ils ne diminuèrent en rien le légitime orgueil de Corneille, ni l’admiration générale, et Boileau put résumer plus tard la discussion par ces excellents vers :

En vain contre le Cid un ministre se ligue :
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue,
L’Académie en corps a beau le censurer :
Le public révolté s’obstine à l’admirer[124].

Lorsque cette grande querelle littéraire fut calmée, Corneille, après avoir pardonné à ceux qui s’étaient déclarés contre lui, conserva néanmoins le désir de constater en toute occasion qu’il n’avait pas accepté de plein gré le jugement de l’Académie. En 1640, ayant appris que Balzac préparait un recueil de ses lettres, il s’efforça de lui faire supprimer le passage que contient sur ce point celle que nous avons citée.

« Corneille m’est venu voir, écrit Chapelain à Balzac le 17 novembre 1640, et m’a demandé en grâce que j’obtinsse de vous d’ôter dans votre lettre à Scudéry ces termes : les juges dont vous êtes convenus, pour ce qu’il nie d’être jamais convenu de notre compétence sur l’affaire du Cid. Cependant vous ne lui pouvez complaire en cela sans choquer Scudéry, qui en garde l’original comme une relique, qui croiroit que vous eussiez changé d’inclination pour lui. Mon sens seroit que vous m’écrivissiez que vous n’imprimeriez plutôt pas la lettre que de leur déplaire à l’un et à l’autre. Voyez toutefois si, por bien de paz[125], vous voulez vous abaisser jusque-là et priver votre volume d’un si grand ornement[126]. »

Nous n’avons pas la réponse de Balzac, mais une autre lettre de Chapelain, du 8 décembre suivant, nous en fait connaître le contenu : « Le tempérament que vous avez trouvé pour satisfaire l’esprit bourru de Corneille le doit tellement contenter que, s’il ne le reçoit pas avec mille joies, je suis d’avis que vous laissiez l’endroit comme il étoit. Je lui dirai que vous avez eu la bonté de vouloir imprimer ce lieu de la sorte : les juges dont on m’a dit que vous êtes convenus, car des deux c’est celle qui me semble la meilleure[127]… »

Balzac préféra une rédaction encore moins explicite ; on lit dans le recueil de ses lettres : « Il n’y a pas un des juges dont le bruit est que vous êtes convenus ensemble[128]. »

Cela n’empêcha pas Corneille de protester très-vivement contre ce bruit dans son avertissement de 1648, où il se montre d’ailleurs pénétré de reconnaissance envers Balzac.

À Paris l’attention publique ne reste pas fort longtemps fixée sur les mêmes choses, si belles qu’elles puissent être. Au bruit qu’avait causé le Cid pendant plus d’une année, succéda peu à peu le silence, et, si l’on s’en rapportait aux vers suivants, on croirait qu’en 1644 il n’était plus du bel air d’oser encore admirer cet ouvrage :

J’en voyois là[129] beaucoup passer pour gens d’esprit,
Et faire encore état de Chimène et du Cid,

Estimer de tous deux la vertu sans seconde,
Qui passeroient ici pour gens de l’autre monde,
Et se feroient siffler si dans un entretien
Ils étoient si grossiers que d’en dire du bien[130].


Mais ces vers sont de Corneille, qui souffrait sans doute de ce que le Cid, quoique vivement admiré, avait cessé d’être le constant sujet de toutes les conversations. Il est évident d’ailleurs que le poëte ne tenait pas à être pris au mot, et en 1660 il eut le bon goût de supprimer cette allusion un peu trop personnelle.

Quoique tout le monde ait donné tort aux adversaires du Cid, leurs critiques ont exercé sur cet ouvrage une fâcheuse influence qui n’est pas encore dissipée. D’abord ils ont arraché à Corneille quelques vers malencontreux, qui, bien qu’inférieurs à ceux qu’ils étaient destinés à remplacer, ont dû nécessairement prendre place dans son texte définitif. Ensuite ils ont enhardi par leurs attaques les reviseurs, les correcteurs, gens qui n’ont pas besoin d’être encouragés.

En effet, aucun produit de l’intelligence humaine n’est d’une perfection absolue ; est-ce une raison pour porter une main audacieuse sur tous les chefs-d’œuvre de notre littérature ? Le cinquième acte d’Horace a été regardé avec assez de raison comme contenant une action nouvelle, différente de celle qui fait le sujet des quatre premiers ; a-t-on cru pour cela devoir le supprimer ? Quelques délicats ont blâmé les dénoûments des Femmes savantes et de Tartufe, mais ils ne se sont pas avisés d’en imaginer d’autres. Par quelle fatalité en a-t-il été différemment à l’égard du Cid, qui méritait à double titre d’être respecté, d’abord comme un poëme incomparable, puis comme un des plus précieux monuments de l’histoire de notre théâtre ?

Cela ne peut tenir qu’à deux causes : à l’habitude dès longtemps contractée par le public de considérer le Cid, malgré toutes ses beautés, comme une pièce remplie d’imperfections, et peut-être aussi à la supériorité même des principales scènes, qui fait paraître le reste froid et languissant. On voulut rendre à Corneille le fâcheux service de supprimer de son ouvrage tout ce qui n’atteignait pas au sublime. En 1734 parut un petit volume de format in-12, intitulé : Pièces dramatiques choisies et restituées par Monsieur ***, et portant pour adresse : À Amsterdam, chez F. Changuion. Ce recueil, composé d’une manière assez bizarre, renferme le Cid, le don Japhet de Scarron, la Mariane de Tristan et le Florentin de la Fontaine. Rien de plus curieux que la façon dont l’éditeur, qui passe pour n’être autre que Jean-Baptiste Rousseau, restitue les pièces qu’il publie. Pour Mariane, il annonce que son travail n’a consisté ce que dans le retranchement, la correction ou le supplément de cent cinquante ou cent soixante vers tout au plus. »

Il ne respecte pas plus Corneille que Tristan. Dans le Cid, il fait disparaître sans scrupule trois personnages, l’Infante, Léonor et le Page, et supprime par conséquent les nombreux passages du rôle de Chimène où celle-ci s’adresse à l’Infante. « Ce n’est point, dit-il, faire tort à un beau visage que d’en enlever une tache, et plus un ouvrage est digne d’estime, plus il mérite qu’on prenne soin d’en ôter ce qui le défigure. C’est ce qu’on a essayé de faire ici, et il n’en a coûté pour cela que le supplément de deux vers de liaison au second acte et de deux autres au cinquième, qu’il a fallu nécessairement y ajouter, et que, par respect pour le grand Corneille, on a pris soin de distinguer par ces virgules à qui les imprimeurs donnent le nom de guillemets, et qui se trouvent dans les éditions de Molière aux endroits de ses pièces, que les comédiens ont coutume de couper dans les représentations. »

Au deuxième acte, c’est en tête de la scène entre don Fernand, don Arias et don Sanche que se place, assez gauchement, la liaison ajoutée par l’éditeur :

« Quoi me braver encor après ce qu’il a fait !
Par la rébellion couronner son forfait ! »

Enfin, au commencement de la dernière scène de l’ouvrage, ces deux vers dits par l’Infante :

Sèche tes pleurs, Chimène, et reçois sans tristesse
Ce généreux vainqueur des mains de ta princesse,


sont remplacés par ceux-ci, que prononce don Fernand :

« Approche-toi, Rodrigue, et toi reçois, ma fille,
De la main de ton roi, l’appui de la Castille. »

Il est difficile d’imaginer des changements plus malheureux, et une telle poésie est bien indigne, non-seulement de Corneille, mais aussi de Jean-Baptiste Rousseau.

Toutefois ce texte fut généralement adopté pour la scène, et le public s’y accoutuma si bien, que le retour à la rédaction authentique parut toujours une innovation des plus hardies. Elle fut tentée, mais vainement, en 1737 et en 1741 ; enfin, le Ier juin 1806, l’Empereur voulut entendre à Saint-Cloud la pièce complète. Monvel joua don Diègue ; Talma, Rodrigue ; Mlle Duchesnois, Chimène ; Lafou, le Roi ; Mlle Georges, l’Infante. Malgré cette admirable composition de troupe, l’épreuve ne fut pas favorable, et l’Infante ne parut pas au Théâtre-Français.

La suppression si considérable que nous venons de rappeler ne fut pas la seule qui eut lieu dans le Cid. On avait pris l’habitude de retrancher la première scène entre Elvire et Chimène, et de commencer brusquement la pièce par ces vers que le Comte adresse à don Diègue.

Enfin vous l’emportez, et la faveur du Roi
Vous élève en un rang qui n’étoit dû qu’à moi[131].


Dans son commentaire, Voltaire déplore cette coutume des comédiens, qui, de son temps, passaient aussi le couplet célèbre :

Paroissez, Navarrois[132]


Toutefois il faut remarquer que, contrairement à l’assertion de M. Aimé Martin, la scène d’Elvire n’a pas été retranchée par Jean-Baptiste Rousseau ; en effet, elle figure tout au long dans le recueil de 1734 ; mais depuis le moment où Voltaire nous signale sa suppression, jusqu’au 22 janvier 1842, jour où Mlle Rachel joua pour la première fois Chimène, elle n’a pas été remise au théâtre. En rendant compte de cette représentation dans la Revue des Deux Mondes, M. Charles Magnin félicite la Comédie-Française du rétablissement de la première scène de l’ouvrage. Une autre innovation importante signala encore cette reprise : Corneille dit dans l’Examen du Cid : « Tout s’y passe… dans Séville, et garde ainsi quelque espèce d’unité de lieu en général ; mais le lieu particulier change de scène en scène, et tantôt c’est le palais du Roi, tantôt l’appartement de l’Infante, tantôt la maison de Chimène et tantôt une rue ou place publique[133]. » Sur quoi Voltaire fait remarquer que « l’unité de lieu serait observée aux yeux des spectateurs si on avait eu des théâtres dignes de Corneille, semblables à celui de Vicence, qui représente une ville, un palais, des rues, une place, etc. » La Comédie-Française, qui ne dispose pas d’une scène aussi majestueuse, voulut du moins marquer le lieu précis de chaque partie de l’action, à l’aide de changements de décors. Malgré ce qu’avait d’abord d’un peu étrange la division des actes d’une tragédie de Corneille en tableaux, cet essai, qui, après tout, semble assez conforme aux intentions de l’auteur, réussit fort bien, et depuis lors ce mode de représentation fut définitivement adopté[134]. Il est regrettable qu’au moment où l’on changeait ainsi les habitudes du public, on n’ait pas rétabli dans toute son intégrité le texte du Cid, et remis au théâtre les trois rôles supprimés. Ne serait-ce pas là un bon essai à faire pour un anniversaire de naissance de Corneille, et M. Édouard Thierry, qui a fait preuve en plusieurs circonstances d’une intelligente initiative et d’un goût littéraire des plus exercés, ne sera-t-il pas disposé à attacher son nom à une restitution de ce genre, bien différente de celle qu’on attribue à Jean-Baptiste Rousseau ?



  1. Tome II, p. 157.
  2. Voyez la Notice de l’Illusion, tome II, p. 428 et 424.
  3. La jeunesse (littéralement les jeunesses, les actes de jeunesse) du Cid.
  4. Vie de M. Corneille. Œuvres de Fontenelle… édition de 1742, tome III, p. 96.
  5. L’article de la Gazette littéraire est reproduit dans les Œuvres de Voltaire publiées par M. Beuchot, tome XLI, p. 490 et 491.
  6. Dans le volume intitulé Chefs-d’œuvre du théâtre espagnol. Paris, Ladvocat, p. 169 et 170.
  7. Histoire du Théâtre françois, tome VI, p. 92.
  8. Épître familière, p. 17 et 18.
  9. Vers i des variantes : voyez plus loin, p. 103.
  10. Mondory.
  11. La date de ces réflexions de Balzac ne permet pas de les appliquer au Cid : elles se trouvent dans une lettre à Boisrobert du 3 avril 1635 (livre VIII, lettre xlvi, tome I, p. 395 et 396 de l’édition in-folio de 1665). Du reste, elles ne peuvent pas davantage concerner quelque autre pièce de Corneille, car un passage qui précède immédiatement celui-ci, et que Mairet a pris soin de supprimer, met tout à fait notre poëte hors de cause, et lui est même très-favorable. Voyez la Notice sur Médée, tome II, p. 330 et 331.
  12. C’est-à-dire si le Cid n’eût pas été imprimé et exposé dans la Galerie du Palais, où se vendaient alors les livres nouveaux. Voyez la Notice sur la Galerie du Palais, tome II, p. 3-9.
  13. Réponse à l’Ami du Cid… p. 41 et 42.
  14. Voyez Lettres de Balzac, tome I, p. 420, livre IX, lettre xxii, à M. de Mondory, 15 décembre 1636. Le passage suivant de cette lettre nous montre quelle haute opinion Balzac avait de Mondory : « J’ai plusieurs raisons de vous estimer, et pense le pouvoir faire du consentement de nos plus sévères écoles, puisqu’ayant nettoyé votre scène de toutes sortes d’ordures, vous pouvez vous glorifier d’avoir réconcilié la comédie avec les ***, et la volupté avec la vertu. Pour moi, qui ai besoin de plaisir, et n’en désire pas prendre néanmoins qui ne soit bien purifié et que l’honnêteté ne permette, je vous remercie avec le public du soin que vous avez de préparer de si agréables remèdes à la tristesse et aux autres fâcheuses passions. » Il est permis de penser que les trois étoiles qui se trouvent ici remplacent le mot ecclésiastiques ou le mot prédicateurs. En effet, Chapuzeau, moins réservé que Balzac, nous dit dans son Théâtre françois (p. 141) : « Pourquoi me tairois-je de l’avantage que les orateurs sacrés tirent des comédiens, auprès de qui, et en public, et en particulier, ils se vont former à un beau ton de voix et à un beau geste, aides nécessaires au prédicateur pour toucher les cœurs ? »
  15. Le Comédien Mondory, par Auguste Soulié. Revue de Paris, du 30 décembre 1838.
  16. On appelait Chambre dorée la grand’chambre du Parlement, à cause de son plafond doré. — Être assis sur les fleurs de lis se disait de ceux qui exerçaient quelque charge de judicature royale et surtout dans une cour supérieure, parce que leurs sièges étaient couverts de fleurs de lis.
  17. Les Sosies, comédie de Rotrou, représentée en 1636, un peu avant le Cid.
  18. Recueil autographe des Lettres de Chapelain, appartenant à M. Sainte-Beuve : lettre adressée à M. Belin, au Mans. Voyez Histoire de la vie et des ouvrages de P. Corneille, par M. J. Taschereau, 2e édition, p. 56.
  19. Le Jugement du Cid, p. 8.
  20. Relation contenant l’histoire de l’Académie françoise, 1653, in-8o, p. 186 et 187.
  21. Le Virgile trauesty en vers burlesques de Monsieur Scarron… À Paris, chez Guillaume de Luyne, 1653, in-4o, livre I, p. 11 et 12.
  22. Lettre… À l’illustre Académie, p. 5. Mme de Sévigné a emprunté à Scudéry cet argument pour s’en servir contre Racine ; elle dit presque dans les mêmes termes : « À propos de comédie, voilà Bajazet. Si je pouvois vous envoyer la Champmeslé, vous trouveriez cette comédie belle ; mais sans elle, elle perd la moitié de ses attraits. » (9 mars 1672, tome II, p. 529.) — En 1682, c’était cette actrice qui jouait Chimène. Voyez la Notice de la Galerie du Palais, tome II, p. 9.
  23. Voici le passage textuel de la Galerie historique des acteurs du théâtre françois… par P. D. Lemazurier… 1810, tome I, p. 424 et 425. Le rôle rempli par Montfleury suivant l’auteur n’y est pas désigné mais il est bien probable qu’il entend parler de celui de Rodrigue : « Il joua d’original dans le Cid et dans les Horaces ; Chapuzeau, qui nous indique ces faits, le cite comme un comédien parfait dès ce temps-là. Voici ses propres termes, livre III de son Théâtre françois, p. 177 et 178. » Cet extrait que nous reproduisons en le prolongeant jusqu’à la p. 179, où il est encore question de Corneille, n’a nullement, comme on va le voir, le sens que lui donne Lemazurier. De plus, Chapuzeau lui-même se trompe lorsqu’il prétend que Corneille n’a pas donné ses premières pièces à Mondory. « Cet établissement des comédiens (à l’hôtel de Bourgogne) se fit il y a plus d’un siècle sur la fin du règne de François Ier, mais ils ne commencèrent à entrer en réputation que sous celui de Louis XIII, lorsque le grand cardinal de Richelieu, protecteur des Muses, témoigna qu’il aimoit la comédie, et qu’un Pierre Corneille mit ses vers pompeux et tendres dans la bouche d’un Montfleury et d’un Bellerose, qui étoient des comédiens achevés. Le Cid, dont le mérite s’attira de si nobles ennemis, et les Horaces, que le même Cid eut plus à craindre, parce que leur gloire alla plus loin que la sienne, furent les deux premiers ouvrages de ce grand homme qui firent grand bruit ; et il a soutenu le théâtre jusques à cette heure de la même force. La troupe royale, prenant cœur aux grands applaudissements qui accompagnoient la représentation de ces admirables pièces, se fortifioit de jour en jour ; d’autant plus qu’une autre troupe du Roi, qui residoit au Marais, et où un Mondory, excellent comédien, attiroit le monde, faisoit tous ses efforts pour acquérir de la réputation, et il arriva que Corneille, quelque temps après, lui donna de ses ouvrages. »
  24. Voyez tome I, p. 49, note 2.
  25. Voyez la Muse historique de Loret du 9 octobre 1655.
  26. Historiettes, tome VII, p. 175.
  27. Lettre à Mylord *** sur Baron, p. 19.
  28. Vers 405 et 406.
  29. Voyez Lemazurier, tome I, p. 97 et 98.
  30. P. 19 de l’édition en 43 pages et p. 40 de l’édition en 96 pages.
  31. Dans leur Histoire du Théâtre françois (tome V, p. 24, et tome IX, p. 408), les frères Parfait ont conclu de certains passages de la Comédie des comédiens, tragi-comédie de Gougenot, représentée en 1633, qu’à partir de cette époque Beauchâteau et sa femme étaient entrés à l’hôtel de Bourgogne pour ne le plus quitter ; mais le témoignage de Scudéry établit formellement qu’à la fin de 1636 une actrice du nom de Beauchâteau jouait au théâtre du Marais.
  32. Tome I, p. 48.
  33. Lettre apologétique. Voyez aux Œuvres diverses.
  34. Voyez notre Notice biographique sur Corneille.
  35. Le Souhait du Cid, p. 35.
  36. Épître familière du Sr Mairet, p. 18.
  37. Œuvres de Fontenelle, tome III, p. 100.
  38. Historiettes, tome II, p. 52.
  39. Relation contenant l’histoire de l’Académie françoise, p. 187.
  40. Tome II, p. 395. Ce sont ces belles scènes du Ier acte qui ont été le plus souvent parodiées. La plus connue et la moins mauvaise de ces plaisanteries est le Chapelain décoiffé, de Gilles Boileau ou de Furetière, qu’on trouve dans le Ménagiana, tome I, p. 145.
  41. Acte II, scène i. Il résulte de la Lettre à Mylord et de l’Avertissement de Jolly que c’était seulement par tradition qu’on avait conservé ces vers, et que l’on connaissait bien la scène à laquelle ils appartenaient, mais non l’endroit précis où ils se plaçaient. — Voltaire, dans son Théâtre de Corneille (1764, in-8o, tome I, p. 204), dit qu’ils venaient après le vers 368 : « Pour le faire abolir, etc., » et citant probablement de mémoire, il les donne avec quelques variantes : les pour ces, au premier vers ; à tort pour n’a rien, au deuxième ; déshonorer pour perdre d’honneur (voyez le vers 1466), au quatrième. Un argument décisif en faveur du texte de 1730 et 1738, tout au
    moins pour le second vers, c’est que n’a rien répond bien mieux au passage de Castro imité par Corneille : Y el otro ne cobra nada.
  42. Page 7.
  43. Voici la description bibliographique de la première édition : Le Cid, tragi-comedie. À Paris, chez Augustin Courbé… M.DC.XXXVII. Auec priuilege du Roy. 4 feuillets non chiffrés et 128 pages in-4o. Le privilège porte : « Il est permis à Augustin Courbé, Marchand Libraire à Paris, d’imprimer ou faire imprimer, et exposer en vente, vn Liure intitulé, Le Cid. Tragi-Comedie, par Mr Corneille… Et ledit Courbé a associé auec luy audit Priuilege François Targa.
  44. Lettres de Guy Patin, édition de M. Reveillé-Parise, tome I, p. 493 et 494, et Historiettes de Tallemant des Réaux, tome II, p. 163.
  45. On ne sait sous quelle forme cette pièce parut pour la première fois. Elle circula peut-être d’abord manuscrite. La seule édition que nous connaissions forme 4 pages in-8o, sans date, et l’épître y est suivie du Rondeau dont nous aurons à parler tout à l’heure. Pour le texte de l’Excuse, voyez dans la présente édition les Poésies diverses.
  46. L’Auteur du vrai Cid espagnol. Voyez p. 20.
  47. Les Observations sur le Cid. Voyez p. 23, note i.
  48. Épître familière du Sr Mairet, p. 19 et 20.
  49. Réponse à l’Ami du Cid, p. 33.
  50. Voyez la Notice de la Suivante, tome II, p. 115.
  51. Nous connaissons de cette pièce deux éditions, toutes deux in-8o. L’une forme 2 feuillets non chiffrés, l’autre 3 pages.
  52. Avertissement au besançonnois Mairet. Voyez ci-après, p. 67.
  53. Lettre du Sr Claveret au Sr Corneille, p. 5.
  54. La première édition de ce rondeau est fort rare ; elle forme i feuillet in-4o. Un recueil de la Bibliothèque de l’Arsenal, catalogué dans les Belles-Lettres sous le numéro 9809 et qui contient la plupart des libelles publiés à l’occasion du Cid, en renferme un exemplaire. Ce rondeau a été plus tard imprimé à la suite de l’Excuse à Ariste. Voyez ci-dessus, p. 19, note i. Le texte se trouve dans notre édition parmi les Poésies diverses.
  55. Épitre familière du Sr Mairet, p. 21 et 22.
  56. Avertissement au besançonnois Mairet. Voyez ci-après, p. 67.
  57. Lettre du Sr Claveret, p. 6.
  58. Relation contenant l’histoire de l’Académie françoise, p. 188.
  59. L’une a pour titre : Les Fautes remarquées en la Tragicomedie du Cid. À Paris. Aux despens de l’Autheur. M.DC.XXXVII. Le titre de départ porte : Obseruations sur le Cid. Le tout forme un petit volume in-8o, contenant 43 pages. — Une autre édition est intitulée : Obseruations sur le Cid. À Paris. Aux despens de l’Autheur. M.DC.XXXVII, in-8o. Elle se compose de i feuillet de titre et de 96 pages. — Enfin une troisième porte exactement le même titre que la précédente, avec cette addition : ensemble l’Excuse à Ariste et le Rondeau ; cette dernière édition, également in-8o, se compose de i feuillet de titre, de 3 feuillets non chiffrés et de 96 pages. Dans sa Lettre à l’Académie, Scudéry parle de la quatrième comme devant être prochainement publiée, mais tout porte à croire qu’il n’a pas donné suite à ce dessein.
  60. Voyez l’Avertissement, tome I, p. xi, et les Poésies diverses.
  61. L’incognu et véritable amy de Messieurs Scudéry et Corneille, p. 5 et 6.
  62. M.DC.XXXVII, in-8o, 8 pages. Une autre édition, sur le titre de laquelle on lit : Lettre apologitique (sic)… forme 14 pages et i feuillet ; elle est suivie du sixain traduit de Martial qu’on trouvera imprimé plus loin, p. 58, après la Lettre pour M. de Corneille
  63. Je dirai seulement, pour ne rien omettre, que dans un petit paquet de notes bibliographiques manuscrites sur les libelles relatifs au Cid, notes émanant de diverses personnes, mais réunies par Van Praet sous le titre de Catalogue des pièces pour et contre le Cid, et généralement fort exactes, je trouve la mention suivante qu’il ne m’a pas été donné de contrôler : La Deffense du Cid. Paris, 1637, in-4o, 32 pages. Dans les Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres, tome XX, p. 88, Niceron désigne cette même pièce comme étant de format in-8o, mais sans indiquer la pagination et sans entrer dans aucun détail.
  64. Cette façon de s’exprimer à l’endroit du Cardinal paraissait un peu servile à plusieurs contemporains. Tallemant des Réaux dit à ce sujet : « Charrost, en parlant du cardinal de Richelieu, l’appelle toujours mon maître ; cela est bien valet. » (Historiettes, tome V, p. 39, note). Comme le fait observer M. Paulin Paris, la même remarque est faite presque dans les mêmes termes dans le Ménagiana (tome IV, p. 114) : « M. le comte de Charrost, qui devoit toute sa fortune au cardinal de Richelieu, en parlant de lui l’appelle toujours son maître. M. du Puy ne pouvoit souffrir cela. Il disoit qu’un bon François ne devoit point avoir d’autre maître que le Roi. » Il est vrai que Charrost était comte, et Corneille simple bourgeois de Rouen. Tallemant conteste même à Richelieu le titre qu’il recevait généralement : « Le Cardinal, dit-il, a affecté de se faire appeler Monseigneur. » (Historiettes, tome II, p. 21, note 2.) Du reste, quand il arrivait qu’on ne lui donnât point ce titre, cela choquait plus ses flatteurs que lui-même. Voyez Historiettes, tome II, p. 60.
  65. Relation contenant l’histoire de l’Académie françoise, p. 218.
  66. À Paris. M.DC.XXXVII, in-8o, 7 pages.
  67. M.DC.XXXVII, in-8o, 7 pages.
  68. Voyez ci-dessus, p. 23 et 24.
  69. Tome XX, p. 90.
  70. Article Rotrou.
  71. M.DC.XXXVII, in-8o, 36 pages.
  72. Voyez ci-dessus, p. 16.
  73. À Paris. M.DC.XXXVII, in-8o de 15 pages. Le titre de départ, p. 3, est ainsi conçu : Lettre contre une inuective du Sr Corneille, soy disant Autheur du Cid.
  74. Page 4.
  75. Page 13.
  76. Page 9.
  77. Examen de ce qui s’est fait pour et contre le Cid, p. 103.
  78. Voyez tome I, p. 130, et tome II, p. 218 et 219.
  79. In-8° de 13 pages, sans indication de lieu d’impression et sans date.
  80. Deuxième édition, p. 305, note 13.
  81. Voyez tome II, p. 442, note 3.
  82. Paris, M.DC.XXXVII, in-8o, 8 pages.
  83. Paris, M.DC.XXXVII, in-8o, 7 pages.
  84. Voyez plus haut, p. 24, note 3.
  85. In-8°, 8 pages.
  86. Voyez ci-après, p. 39 et 40.
  87. Bibliothèque française, 2e édition, p. 130 et 131.
  88. Page 5.
  89. Sans lieu ni date. In-8° de 5 pages et i feuillet blanc.
  90. À Paris, M.DC.XXXVII, in-8o, 8 pages.
  91. À Paris, chez Anthoine de Sommaville, au Palais, à l’Escu de France. M.DC.XXXVII, in-8o de 11 pages.
  92. Relation contenant l’histoire de l’Académie françoise, 1653, p. 189-191.
  93. Ce nom est imprimé ainsi dans le texte de Pellisson ; toutefois, dans son Catalogue des Messieurs de l’Académie françoise, p. 523 de la Relation, il écrit l’abbé de Bourzeyz ; Bourzeis est la forme adoptée le plus généralement.
  94. Registres du 30 juin 1637. (Note de Pellisson.)
  95. Ce manuscrit appartient depuis longtemps à la Bibliothèque impériale ; Il figure sous le n° Y 5666, à la page 549 du tome I des Belles-Lettres du Catalogue des livres imprimez de la Bibliothèque du Roy, publié en 1750. L’année dernière (1861) il a passé du Département des imprimés au Département des manuscrits, où il porte actuellement le no 5541 du Supplément français. C’est un petit in-4o de 63 pages. Il était intitulé d’abord : Les Sentimens de l’Académie françoise touchant les observations faites sur la tragicomedie du Cid. Ce titre a été ainsi modifié : Les Sentimens de l’Académie françoise sur la question de la tragicomedie du Cid. On lit en tête du premier feuillet cette note de l’abbé Sallier, garde des manuscrits de la Bibliothèque du Roi : « De la main de Mr Chapelain, avec des apostilles de M. le cardinal de Richelieu. Témoignage de Mr l’abbé d’Olivet. 7bre 1737. » Dans le catalogue imprimé de 1760, cette note est reproduite ; mais d’Olivet n’est pas nommé. Nous pensons, contrairement à l’opinion de Pellisson, que quatre des sept apostilles sont entièrement de la main du Cardinal ; nous les passerons en revue une à une dans les notes suivantes.
  96. Cette apostille qui se trouve à la page 5 est d’une écriture menue, irrégulière, difficile à lire : c’est probablement celle de Citois. À la page 13, ces deux apostilles : « il faut un exemple », « il faut un tempérament », sont d’une grosse et belle écriture, qui présente avec celle des lettres autographes de Richelieu la conformité la plus frappante. À la page 29, à l’occasion du reproche fait à Rodrigue d’avoir formé le dessein de tuer le Comte, dont la mort n’était pas nécessaire pour sa satisfaction, on lit en marge cette note assez étrange, de l’écriture que nous attribuons à Citois : « Faut voir si la pièce le dit ; car si cela n’est point ou auroit tort de faire à croire à Rodrigue qu’il voulût tuer le Comte, puisqu’on fait souvent en telles occasions ce qu’on ne veut pas faire. »
  97. Note de l’écriture qui parait être celle de Citois ; le mot bon est tracé avec un peu plus de hardiesse que le reste ; toutefois il est impossible d’affirmer qu’il soit d’une autre main. À la page 37, apostille de la grosse écriture que nous attribuons à Richelieu : « Il ne faut point dire cela si absolument. »
  98. Ici la transcription est inexacte. Il y a dans le manuscrit (p. 58) : « Il faut adoucir cette expression. » Cette dernière apostille est, suivant nous, de la main de Richelieu.
  99. Registres, 17 juillet 1637. (Note de Pellisson.)
  100. Registres, dernier juillet 1637. (Note du même.)
  101. Registres, 23 novembre 1637. (Note de Pellisson.)
  102. À Paris, chez Jean Camusat, 1638, in-8o.
  103. Relation contenant l’histoire de l’Académie françoise, p. 193-204.
  104. À Paris, chez Antoine de Sommaville. Au Palais, à l’Escu de France. M.DC.XXXVII, in-8o de 14 pages et i feuillet blanc.
  105. À Paris, M.DC.XXXVII, in-8o de 14 pages.
  106. À Paris, M.DC.XXXVII, in-8o de 7 pages.
  107. À Paris, imprimé aux despens de l’Autheur, in-8o de 103 pages.
  108. « L’Hôpital des pauvres enfermés est un membre de l’Hôpital général, où on a mis plusieurs pauvres pour les empêcher d’être fainéants et vagabonds. » (Dictionnaire universel de Furetière.)
  109. In-8° de 16 pages, sans lieu ni date. Une autre édition en plus gros caractères et formant 24 pages se trouve mentionnée dans les notes recueillies par Van Praet (voyez ci-dessus, note i de la p. 25). Cette pièce a été réimprimée dans le Recueil de dissertations sur plusieurs tragédies de Corneille et de Racine… publié par Granet en 1740, tome I, p. 99 ; et dans le Tableau historiquede la poésie françaiseau seizième siècle, par M. Sainte-Beuve, 1828, 2 vol. in-8o, tome I, p. 386.
  110. À Paris, chez Anthoine de Sommaville. Au Palais, dans la petite Sale, à l’Escu de France. M.DC.XXXVII, in-8o de 38 pages.
  111. Voyez ci-dessus, p. 25.
  112. In-8° de 7 pages.
  113. 1637, in-8o de 12 pages.
  114. 1637, in-4o de 32 pages. Nous n’avons pu voir cet ouvrage ; la description que nous en donnons est tirée de l’Histoire du Théâtre françois des frères Parfait (tome V, p. 270). Les notes recueillies par Van Praet nous font seules connaître le nombre de pages de l’ouvrage. Ce sont aussi ces notes qui nous apprennent qu’on trouve, p. 11, une lettre de M. Mairet à M. Scudéry contenant sa généalogie, datée de Belin du 30 septembre 1637. M. Taschereau indique cette pièce comme étant du format in-8o et lui donne le titre suivant : Apologie pour Mairet contre les calomnies du Sr Corneille en réponse à la pièce intitulée : Advertissement au besançonnois Mairet, titre qu’il a pris sans doute sur une édition différente de celle dont nous venons de parler.
  115. Cette lettre a été imprimée pour la première fois par Granet, en 1740, dans son Recueil de dissertations sur plusieurs tragédies de Corneille et de Racine, tome I, p. 114.
  116. François de Faudoas, dit d’Averton, comte de Belin ; il avait été gouverneur de Paris pendant la Ligue. Il fut assassiné par le marquis de Bonnivet le 7 décembre 1642. Dans l’Historiette de Mondory (tome VII, p. 172), Tallemant, parlant de la Lenoir, actrice du théâtre du Marais, termine ainsi : « Le comte de Belin, qui avoit Mairet à son commandement, faisoit faire des pièces à condition qu’elle eût le principal personnage ; car il en étoit amoureux, et la troupe s’en trouvoit bien. »
  117. Il y a fait, et non faite, dans l’édition originale. Voyez des exemples analogues dans la prose de Malherbe, tome II de l’édition de M. Lalanne, p. 436, 442, 576, etc.
  118. À Paris, chez Anthoine de Sommaville. Au Palais, dans la petite Sale, à l’Escu de France. M.CD.XXXVIII (sic, 1638), in-8o de 34 pages. Ce recueil a paru dès le commencement de l’année ou même, malgré son millésime, à la fin de 1637. Chapelain écrit le 25 janvier 1638 à Balzac, en lui parlant de sa lettre sur le Cid : « On l’a imprimée en papier volant, avec la mauvaise réponse de… (Scudéry) et le remercîment du même à l’Académie. » (Histoire de la vie et des ouvrages de Corneille, par M. J. Taschereau, 2e édition, p. 312.)
  119. Une édition, publiée à part, de la Lettre de Monsieur de Balzac à Monsieur de Scudéry, touchant ses Obseruations sur le Cid (in-8° de 8 pages), offre ici une variante ; on y lit : « des juges devant qui vous l’avez appelé. » — Au sujet du passage auquel s’applique cette variante, voyez plus loin, p. 47 et 48.
  120. Voyez tome I, p. 14, note 6.
  121. Les Harangues ou discours académiques de Jean-Baptiste Mangini. Paris, Augustin Courbé, 1642, in-8o.
  122. « C’est beaucoup de s’être emparé des yeux de prime abord, quoique ensuite un examen attentif trouve des critiques à faire. Si tu me demandes mon sentiment, l’homme qui enlève les suffrages est plus grand que celui qui les mérite. » (Épitre c, § 3.)
  123. Cette lettre a été ainsi reproduite, d’après le recueil manuscrit de lettres de Chapelain appartenant à M. Sainte-Beuve, dans l’Histoire de la vie et des ouvrages de P. Corneille, par M. J. Taschereau, 2e édition (p. 308 et 309, note 17). Pellisson l’avait donnée, mais en abrégé et sous forme indirecte, dans sa Relation contenant l’histoire de l’Académie françoise, p. 205 et 206.
  124. Satire IX, vers 231-234.
  125. Mots espagnols signifiant : « pour le bien de la paix. »
  126. Recueil manuscrit de lettres de Chapelain appartenant à M. Sainte-Beuve, cité par M. Taschereau, Histoire de la vie et des ouvrages de P. Corneille, 2e édition, p. 104 et 105.
  127. Même recueil, cité par M. Taschereau, p. 105.
  128. Lettres choisies du sieur Balzac, Paris, 1647, in-8o, Ire partie, p. 398. Œuvres de Balzac, in-fol., tome I, p. 542.
  129. À Poitiers.
  130. Le Menteur, acte I, scène i. Variante des éditions de 1644-1656.
  131. Acte I, scène iii, vers 151 et 152.
  132. Vers 1559 et suivants.
  133. Voyez plus loin, p. 98.
  134. Je dois une partie de ces renseignements, et beaucoup d’autres dont je compte faire usage dans les notices suivantes, aux obligeantes communications de M. Léon Gaillard, bibliothécaire et archiviste de la Comédie-Française.