Le Chemin de Fer du Mont-Cenis

LE CHEMIN DE FER DU MONT CENIS

Chemin de fer du mont Cenis. — La montée.

Depuis les Romains qui avaient établi une route de voitures par la vallée d’Aoste entre l’Italie et la Gaule, route détruite par les barbares, jusqu’à ce siècle, on n’a pu franchir les Alpes qu’à pied, à dos de mulet ou en chaise à porteur. Napoléon Ier fit exécuter, de 1801 à 1807, la route du Simplon et de 1803 à 1810 celle du mont Cenis. Quand les chemins de fer furent inventés ce ne fut qu’avec bien des hésitations que l’on se décida à les tracer au travers des montagnes.

La descente.

Ce fut en 1841 qu’un humble géomètre-arpenteur de Bardonnèche, Joseph Médail, proposa, le premier, de creuser sous les Alpes un tunnel aboutissant au village de Bardonnèche, où il était né. Le roi Charles-Albert, frappé de cette proposition, chargea MM. Mauss et de Sismonda d’étudier le projet de M. Médail, et ces deux savants éminents ne purent que confirmer l’exactitude des données recueillies par l’arpenteur et adopter le tracé qu’il avait choisi. Mais ce tunnel ne pouvait se construire par les procédés ordinaires, et cette difficulté technique retarda de beaucoup son exécution. Enfin, les inventions successives de l’ingénieur suisse Colladon, de l’ingénieur anglais Bartlett et de l’ingénieur italien (savoisien) Sommeiller, donnèrent le moyen de procéder à cette grande œuvre, et le tunnel du mont Cenis fut commencé le 31 Août 1857. Pendant qu’il se creusait, l’ingénieur anglais Fell, obtenait la concession d’un chemin de fer provisoire, sur la route du mont Cenis, à construire dans le système à trois rails préconisé depuis longtemps par l’académicien français le baron Séguier. Ce chemin de fer expérimenté en 1864 et autorisé le 4 Novembre 1865 a été exploité du 15 Juin 1868 au 16 Octobre 1871, jour de l’inauguration du tunnel et du chemin de fer du mont Cenis, après quatorze ans d’un incessant labeur.

Nous arrivons un peu tard pour parler du tunnel du mont Cenis, et les détails sur le percement des longs souterrains à travers les hautes montagnes trouveront plus naturellement leur place à propos du tunnel du Saint-Gothard, en cours d’exécution.

Mais si l’on s’est beaucoup occupé du souterrain du mont Cenis, on s’est fort peu étendu généralement sur les sections, d’une exécution très-difficile, qui le relient aux chemins de fer de Paris, à Saint-Michel, et de Bussolino, à Turin.

La section française a une longueur de 28 kilomètres (dont 6 kilomètres pour la demi-traversée du tunnel) et la section italienne 50 kilomètres (comprenant l’autre moitié de la galerie) ; mais la compagnie de Lyon n’exploite sa ligne que jusqu’à Modane et celle de la Haute-Italie est chargée de l’exploitation à partir de cette gare, à 12 kilomètres de la frontière italienne. La ligne est à deux voies sur 36 kilomètres entre Saint-Michel et Bardonnèche et à voie unique sur les 42 kilomètres complétant le parcours, entre Bardonnèche et Bussolino.

Le railway remonte la vallée de l’Arc par des rampes de plus en plus roides, contourne et enveloppe Modane par une courbe qui décrit les trois quarts d’une circonférence, revient parallèlement a lui-même jusque vis à-vis de la station de Modane et là aboutit enfin au tunnel, mais à 150 mètres au-dessus de la gare après avoir franchi cette énorme différence de niveau par une rampe continue de 30 millimètres par mètre et avec des courbes descendant jusqu’à 300 mètres de rayon. Dans le tunnel, la rampe est de 23 millimètres sur 6 273 mètres du côté de la France et, après un palier de 360m 50, elle se change en une pente de un demi à un millimètre du côté de l’Italie, sur 5 000 mètres. En dehors du tunnel, le railway descend jusqu’à Bardonnèche par une pente rapide de 30 millimètres.

À partir de cette station la voie descend la vallée du Rochemolle jusqu’au confluent de ce torrent avec la Dora-Riparia dont la ligne de fer continue à suivre le cours. Dans toute cette section italienne où le tracé de la voie s’écarte beaucoup de l’ancienne route du mont Cenis, le paysage alpestre est de la plus incomparable grandeur, plus magnifique encore que celui de l’ancienne route de terre.

Chemin de fer du mont Cenis. — Le pont de Combe.

Le passage à travers cette région accidentée a nécessité l’exécution d’ouvrages d’art extrêmement hardis et faisant le plus grand honneur aux ingénieurs, mais d’une exécution coûteuse et difficile.

L’un des plus remarquables est le pont en fer sur la Combe[1] dont une de nos gravures reproduit le pittoresque aspect. Le pont en treillis de 56 mètres de portée, est soutenu par deux poutres de 5m 50 de hauteur ; il réunit les bords de l’étroite vallée, à 120 mètres au-dessus du torrent[2].

Charles Boissay.


  1. Vallée étroite et profonde, véritable fissure de roches, au fond de laquelle coule un torrent.
  2. Le journal anglais Engineering a donné des détails curieux sur ce beau travail et sur le chemin de fer du mont Cenis, nous lui avons emprunté quelques-uns de ses documents.