Le Chant des nations

Le Chant des nations
La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 247-248).


LE CHANT DES NATIONS

1847


Tous les captifs qui sur la terre
Courbaient leur front, l’ont relevé
Pour commencer la grande guerre,
Par qui leur droit sera sauvé.
Ils ont fait ranger à leur tête
Les hommes libres, leurs aînés,
Qui s’en vont calmes à la fête
Devant ces lions déchaînés.

Le jour des grands destins se lève
Au son du cuivre et du tambour.
Ô guerre ! c’est ton dernier jour !
Le glaive brisera le glaive
Et du combat naîtra l’amour.

Chaque patrie envoie un nombre
De combattants pris au hasard
Parmi ceux qui souffraient dans l’ombre :
Ah ! ils se sont levés trop tard !
Mais leur colère amoncelée
Fera d’un coup rompre leurs fers,
Et l’on verra dans la mêlée
Quels maux leurs grands cœurs ont soufferts.

Le jour des grands destins, etc.

Les couleurs de mille bannières
Flottant au front des légions,
Rappellent aux yeux les frontières
Qui séparaient les nations ;
Mais l’espérance étant commune,
Ces bannières vont se mêlant,

Ces nations n’en font plus qu’une
Sous le drapeau bleu, rouge et blanc.

Le jour, etc.

Faut-il que la foule avilie
D’un seul orgueil soit l’instrument,
Et que son échine assouplie
Redoute un brutal châtiment !
Ce n’est point ainsi qu’on nous mène,
On n’emprisonne pas le feu,
Et l’immortelle race humaine
Porte en ses flancs l’âme de Dieu.

Le jour, etc.

Sur son beau cheval de bataille
Le despote accourt furieux :
La fusillade et la mitraille
Pleuvront au signe de ses yeux.
Marchons en colonne serrée
Sur son armée au sombre abord,
Lentement, comme la marée,
Entre les écueils de son bord.

Le jour, etc.

Il voudrait encor nous voir vivre
Enchaînés comme des démons.
Nos ossements, comme le givre,
Blanchiront la plaine et les monts
Avant cette honte suprême
De subir son joug détesté.
Dieu seul est grand, il veut qu’on l’aime
Et qu’on le serve en liberté.

Pierre Dupont.