Le Centurion/17
XVII
CAMILLA
Je viens t’annoncer une nouvelle qui te réjouira peut-être : Le vieux sénateur Claudius, un grand ami de ta famille, est parti pour l’Orient avec sa fille Camilla.
Le noble vieillard s’apercevait depuis quelque temps qu’il était devenu suspect. Il était un des rares membres du Sénat qui résistaient quelquefois aux ordres venus de Caprée ; et les délateurs menaçaient d’inscrire son nom dans les listes de proscription qu’ils envoient journellement à Tibérius ; or il savait bien que sa parenté avec le Dieu, maître du monde, ne le sauverait pas.
Informées du danger, sa femme Flavia, et sa fille Camilla le pressaient de quitter Rome. Il y avait longtemps que son gendre Pontius Pilatus, procurateur de la Judée, et sa femme, Claudia Procla, l’invitaient à les visiter, à Jérusalem.
Enfin, il a cédé aux instances de ses meilleurs amis, il s’est embarqué pour l’Orient, à Ostie, avec sa fille Camilla. Il est entendu que si leur séjour en Palestine se prolonge, sa femme ira les rejoindre.
Ils feront escale à Pompéi, où ils seront les hôtes de leurs amis, les Holconius. Ils s’arrêteront aussi à Alexandrie, visiteront la Basse-Égypte, et feront ensuite voile pour Césarée, où Pilatus habite une partie de l’année.
Je les ai vus à leur départ, et j’ai conversé avec eux.
S’il t’arrive de les rencontrer à Jérusalem, ou ailleurs, tu trouveras Camilla à la fois grandie et embellie.
Elle n’a pas précisément cette beauté qui frappe au premier regard, et qui attire immédiatement les hommages. Mais ses traits, sans être absolument réguliers, sont fins, et empruntent une expression charmante à deux grands yeux pleins de lumière sereine et de douceur.
Quand elle se tait et baisse les regards, sa physionomie manque un peu de vie. Mais dès qu’elle prend la parole sa figure s’anime. Dans ses prunelles très ouvertes son brillant esprit allume une flamme qui répand sur son visage ce ton chaud et ce coloris qui distinguent les belles Romaines.
Une taille élégante complète sa distinction. Mais j’admire tout particulièrement son sourire qui la rend profondément sympathique. C’est comme un rayon de soleil filtrant entre les pétales d’une fleur.
Plus tu la connaîtras et plus il te sera facile d’oublier la belle Myriam. Le solitaire de Tibur te salue.
15 mars 782. — Tibur.