Le Catéchisme libertin/07

Aux dépens de la veuve Gourdan, J. Gay (p. 43-58).
Poésies libres et nouvelles

POÉSIES LIBRES

ET NOUVELLES

Pour faire suite au Catéchisme libertin




L’OUTIL DÉSIRÉ


              Ha ! qu’un bon vit
Me serait ici nécessaire,
              Ha ! qu’un bon vit,
Me guérirait de tout souci.
Il m’en faut un, malgré ma mère ;
Car, ma foi, l’on ne peut rien faire
              Sans un bon vit.

              Mon pauvre con
Le jour et la nuit me démange.
              Mon pauvre con
Soupire après un bon luron.
J’ai beau frotter, rien ne l’arrange,
Il n’a pas la vertu d’un ange,
              Mon pauvre con.

              Saint Garcelin,
Daignez exaucer ma prière ;
              Saint Garcelin,
Donnez-moi bientôt un engin.
En votre honneur, sur la fougère,
Je veux remuer la croupière,
              Saint Garcelin.




LA FOUTEUSE INFATIGABLE


Je fouterai sans cesse,
En dépit de maman.
Non, rien ne m’intéresse
Que le vit d’un amant.
Quand je sens ses deux couilles,
Je pâme de plaisir.
Et bientôt je m’embrouille,
Son vit me fait mourir.

Maman, dans son jeune âge,
Foutait sans doute aussi ;
Et mon père, je gage,
Dut avoir un bon vit.
Il n’est plus de ce monde ;
Mais je vois que maman,
Dans sa douleur profonde,
Le voudrait voir vivant.

Je n’ai point de richesse ;
Mais mon con, n’est-ce rien ?

Mes tétons et mes fesses
M’en procureront bien.
Une pine nerveuse,
Et deux couillons dodus,
Sont pour une fouteuse
Les trésors de Crésus.

Je veux, quoiqu’on en dise,
Foutre jusqu’au tombeau.
Mourir dans cette crise,
Est-il un sort plus beau !
Que sur ma tombe on grave,
Pour toute inscription :
Ici gît le plus brave
Et déterminé con.




GAILLARDISE


Le gros Lucas allant au bois.
S’amusait à cueillir des noix
Quand sa bergère il rencontra ;
              Alleluia.

Philis sur un lit de gazon
Reposait d’un sommeil profond,
Lucas aussitôt s’écria :
              Alleluia.

La friponne était sans mouchoir,
Son cotillon laissait tout voir :

Palsangué comme la voilà ;
              Alleluia.

Sa bouche respirait l’amour,
Et Zéphir soufflait alentour ;
Et vite, et toc, boutons-nous là :
              Alleluia.

Sur son sein un globe incarnat,
De la rose imitait l’éclat :
Ouf ! quels jolis boutons voilà ;
              Alleluia.

Son petit cœur faisait tic-tac ;
Il redoublait ce doux mic-mac :
Voyez donc comme son cœur bat ;
              Alleluia.

Le paillard d’aise bondissait,
Son cœur tout bas se trémoussait ;
Je n’en puis plus, embrassons-la ;
              Alleluia.

Il se penche amoureusement.
Et baise Philis tendrement ;
Mordienne ! on ne s’en tient pas là ;
              Alleluia.

Déjà Lucas est en devoir ;
Il franchit l’amoureux boudoir,
Quand la bergère s’éveilla :
              Alleluia.

Philis qui se plaisait au jeu
Voudrait se fâcher, mais ne peut ;
Car le berger disait tout bas :
              Alleluia.

Mon Dieu ! Lucas, laisse-moi donc,
Car tu chiffonnes mon japon,
Et puis que viens-tu chanter là ?
              Alleluia.

Bon : laisse faire, ma Philis,
Ce beau jeu l’Amour me l’apprit :
À ton tour tu répéteras :
              Alleluia.




JOUISSANCE


Mon mat presque abattu du coup de la tempête,
Baisse languissamment sa rubiconde tête.
Tandis que ma paillarde au sein de la langueur.
Goûte d’un calme heureux la tranquille douceur :
C’en est fait, foutu gueux, tu triomphes, dit-elle ;
Tu triomphes à l’instant que mon honneur chancelle.
Je le sens, tu le vois, et je résiste en vain ;
Où la couille paraît, la vertu va grand train.
À ces mots, dans l’ardeur du transport qui m’enchante,
Je donne cent baisers à sa bouche brûlante ;
Et pressant tendrement sa langue entre mes dents.
Je m’enivre à longs traits du plaisir de mes sens.
D’un charme plein d’appas, la séduisante atteinte,

Dans mon cœur enflammé, se forme sans contrainte ;
Et je puis promener et mes mains et mes yeux
Sur son corps, où l’Amour folâtre avec les Jeux.
Climène cependant, par un soin charitable,
Flatte légèrement mon engin effroyable :
L’approche avec un doigt, qui l’enfle sous sa peau
Du brasier où l’amour allume son flambeau.
Alors plein d’un beau feu, je prends au corps la belle,
La jette sur un lit, et me jette sur elle.
Mes efforts triomphant découvrent à mes yeux
Le séjour enchanté du plus puissant des Dieux.
En cet instant heureux, dans l’antre de Cyprine,
Je darde avec fureur ma turbulente pine.
Tout craque, tout s’étend, mon vit pour s’ébaudir,
Bourre ce con battu, qui craint de s’entr’ouvrir.
De ce choc foudroyant, la Vestale éperdue,
S’écrie tout en feu, foutu chien, tu me tue !
Arrête ! dans tes bras tu me verras mourir :
Mais moi, sourd à la voix qui voulait m’attendrir,
De mon membre nerveux ranimant le courage,
Je le presse, l’excite et l’enflamme de rage,
Et par un dernier bond, ce bougre furieux,
Se précipite entier dans l’antre ténébreux.
La belle en cet instant voit la fin de ses peines ;
Les plaisirs renaissants se glissent dans ses veines :
Ses sens sont obsédés d’une tendre langueur,
Déjà mille soupirs s’exhalent de son cœur.
Déjà ses yeux éteints se couvrent de nuages,
Ses sons entrecoupés s’arrêtent au passage.
Ce doux ravissement qu’enfante le plaisir,
Ne paraît l’animer que de brûlants désirs ;
Et poussant au travers d’une joie naissante,

Les restes soupirants d’une vertu mourante,
Du foutre, me dit-elle, ah ! ah ! cher greluchon,
Précipite tes coups, enfonce tes couillons.
Arrête… quel plaisir chatouille l’orifice !
Inonde, si tu peux, ma brûlante matrice.
Ah ! quelle volupté s’empare de mon cœur…
Je décharge… je fous… décharge donc… je meurs…
À ces mots inspirés d’une amoureuse rage,
Les traits d’un doux trépas sont peints sur son visage,
Je la vois succomber, et j’admire interdit,
L’effort prodigieux de la force d’un vit.
Cependant de mon vit je branle la machine,
Je bande avec effort les ressorts de ma pine.
Mille élans redoublés font gémir le chalit,
Où le foutre du con raidement s’ébaudit ;
La belle de retour du pays de foutaise,
Se sentant harceler d’un vit chaud comme braise,
Bougraille en vrai lutin, et mille sacredieux
Composent de sa voix les sons harmonieux.
Elle empoigne à deux mains mes fesses bondissantes,
Puis presse entre ses doigts mes couilles palpitantes ;
L’on dirait à la voir agiter le croupion,
Qu’elle veut m’engloutir tout vivant dans son con.
Le foutre en cet instant, en haut de mon échine,
Ramasse sans efforts sa moussante ravine :
Je le sens voiturer ses grumeleux bouillons,
Et prendre son logis au fond de mes couillons.
À ce renfort charmant j’anime mon audace,
Je barre en conquérant les dehors de la place ;
Climène, cher amour ! m’écriai-je, il est temps,
Ranime ton ardeur, règle tes mouvements :
Un désir tout de feu s’empare de mon âme,

Mon cœur est absorbé… doux objet de ma flamme,
Serre-moi dans tes bras… je jure par les Cieux,
Que de tous les mortels je suis le plus heureux…
Tu ne me réponds point… attends… quoi donc, cruelle,
Tu veux me prévenir… que cette gorge est belle !…
Que ne suis-je tout vit dans ton amoureux con…
Là je foutrais mille ans à triple carillon…
Donne-moi pour garant de ton amour extrême
De ces baisers de choix… Ah ! volupté suprême…
Ah ! foutre, poursuis donc… que je sens de douceur…
Je n’en puis plus… je cède… mes délices… mon cœur…
Unissons nos plaisirs… la force m’abandonne…
Le jour s’évanouit, et la nuit m’environne…
Pousse, achève… grands dieux… quel ravissant retour…
Qu’attends-tu ? je décharge… ah !… j’expire d’amour…




LA PREMIÈRE FOIS


L’amour me prête encor ses armes :
Mais ce Dieu m’a fait éprouver.
Qu’un premier triomphe a des charmes
Qui ne peuvent se retrouver.

La première fois que Lisette
Vint frapper mes yeux innocents,
Mon cœur sortit de sa cachette.
Et je sentis naître mes sens.

La première fois que Lisette
Me laissa toucher deux tétons,

Dont une ardeur douce et secrète
Agitait les petits boutons,
Je m’écriai dans mon ivresse :
« Heureux corset de ma maîtresse,
Arrête ce sein qui veut fuir,
Il est vrai que ma main le presse,
Mais elle voudrait le couvrir. »

La première fois que Lisette,
Me dit d’être plus hasardeux,
Mes mains dessous sa chemisette,
Regrettaient de n’être que deux ;
Et lorsque la plus vagabonde
Eut trouvé deux globes par là,
Je n’aurais pas lâché cela
Pour découvrir le nouveau monde.

En un mot, la première fois
Que Lisette combla ma flamme,
Je sentis jusqu’au bout des doigts
Son âme s’unir à mon âme…
Ici mon pinceau reste court.
Tous les auteurs jusqu’à ce jour
Ont parlé du prix de Cythère :
Le moyen de peindre l’amour !
On ne saurait plus que le faire.




ÉPIGRAMME


Certain marinier malotru,
Contre un con à son vit rebelle,
Dieu jurait et se plaignait dru,
Que la mariée était trop belle.
La fillette disait : Hélas !
L’amant criait : Saint Nicolas !
Vainqueur n’en pourrai-je point être ?
Bougresse, lâche-moi du con,
Je te quitte de la façon ;
Mon vit n’est point vit petit-maître.





RECETTE

POUR RESTER SAGE



CONTE

DÉDIÉ AUX DAMES

Séparateur


Oh ! mes amis, pourquoi faut-il sans cesse
Que le plaisir soit contraire au devoir ?
— Pour s’en défendre, on n’a qu’à le vouloir,
Disent les gens auxquels on s’en confesse.
— Propos menteur, et ridicule espoir.
La liberté que cet attrait nous laisse,
N’est qu’un vain mot qu’on ne peut concevoir.
De résister avons-nous le pouvoir ?

Quand le désir à chaque instant nous presse ;
Sexe adoré, vous qu’un tendre penchant
Porte à l’amour dès votre plus jeune âge,
Je m’en rapporte à votre sentiment :
Comment jamais pouvez-vous être sage ?
En vous flattant, on sait vous décevoir,

Et tour à tour, séduit avec adresse,
Par votre amant et par votre faiblesse,
Par vos désirs et par votre miroir,
À chaque instant forcé de vous défendre,
Du piège adroit d’un heureux séducteur,
Il vous faudrait, pour ne jamais vous rendre,
Ou plus de force, ou n’avoir pas un cœur.

Il est pourtant quelques femmes prudentes
Qui, nous dit-on, échappent à ces lois.
Boileau, cherchant ces vertus étonnantes,
Dans Paris même, en compta jusqu’à trois.
C’était beaucoup, et maintenant je pense
Que, pour aider leur fragile innocence,
Elles avaient quelque secret moyen
Qui les faisait persister dans le bien.

Ces ruses-là, ces heureuses recettes
Ne doivent point, amis, rester secrètes
Quand on les fait, il faut les indiquer.
J’en connais une, et je croirais manquer
À mes devoirs, à la vertu des dames,
Si mon secret, facile à pratiquer,
Restait toujours un secret pour nos femmes.
L’exemple seul peut le bien expliquer.
C’est pour cela qu’en historien fidèle,
Sans plus longtemps du sujet m’écarter,
Discrètement je vais le raconter.

Alix était aussi jeune que belle,
Ses yeux charmants promettaient le plaisir ;
Partant, Alix inspirait le désir.
Dire qu’elle eut mille amants d’importance,

Ce serait prendre un inutile soin.
Un d’eux bientôt obtint la préférence ;
Et pour sauver sa trop faible innocence,
D’un prompt hymen Alix eut grand besoin.
Son père était homme d’expérience,
Il se disait en voyant leurs amours :
— Son cœur est pris, le reste est sans défense,
Il faut voler bien vite à son secours.

Si cet amant me donne l’espérance
De voir ma fille heureuse pour toujours,
N’hésitons pas, et de ma vigilance,
De mes frayeurs n’allongeons pas le cours.
L’examen fait avec soin et prudence,
Sur chaque point a comblé tous ses vœux,
L’amant aimé promet une constance,
Gage certain du bonheur de tous deux ;
Il est bien fait, aimable et généreux,
Riche de plus et de haute naissance ;
Pour nos enfants trouvant tels amoureux,
Ce serait bien de quoi nous satisfaire.
Mais ce fut trop pour notre digne père,
Il voulut voir, voir de ses propres yeux,
Si pour forcer sa fille à rester sage,
Son gendre avait ces talents merveilleux
Qui, selon lui, fixaient une volage,
Ces dons brillants, dont le fréquent usage,
De deux époux fait des amants heureux.
Il voulut voir… et ne vit que miracles.
Bien sûr alors de la vertu d’Alix,
À leur hymen il ne mit point d’obstacles ;
Et des époux lui donna le Phénix.

Pendant longtemps la troupe rebutée
Ne troubla point les plaisirs du vainqueur ;
Mais à la fin, d’un doux espoir flattée,
Elle revint à l’attaque d’un cœur,
Qu’elle croyait aussi facile à prendre
Que tous les cœurs de nos femmes de bien.
On ignorait l’invincible moyen
Que notre Alix avait pour se défendre.
On fit venir près d’elle tour à tour
Ces gens charmants qui ne mettent leur gloire
Qu’à vaincre un jour, puis chanter leur victoire.
Soins superflus ! rebelle à leur amour,
L’or même, l’or ne put obtenir d’elle
Ce que toujours il obtient d’une belle.

Lasse à la fin de sa nombreuse cour,
Elle voulut mettre un terme à son zèle,
Et repousser d’une façon nouvelle
Ce peuple amant qui venait chaque jour
La tourmenter et la nommer cruelle.
Elle voulut donner une raison
Pour excuser sa longue résistance,
Mais raison telle, et de telle évidence,
Que s’en tenant à si bonne leçon,
On ne vînt plus lui faire violence,
Ni déranger la paix de sa maison.

Elle fit faire en grandeur naturelle,
Par un artiste habile complaisant,
De son époux une image fidèle.
Ce beau portrait était intéressant.
Ce n’étaient point les traits de sa figure,

Qui sur la toile étaient représentés.
On sait assez que la bonne nature
Nous a donné de plus grandes beautés.
La sage Alix ne veut dans cette image
Que… le garant de sa fidélité,
Ce doux lien du plus heureux ménage,
Ce trait brûlant, qui de la volupté,
Porte le trouble en son sein agité.
Il était peint, vermeil comme l’aurore,
Et couronné de myrte et de laurier,
Sa tête haute, et son maintien altier,
Le vif carmin dont son teint se colore,
Sa riche taille, un embonpoint flatteur,
Deux arsenaux où l’amour créateur
Vient préparer ses foudres en silence,
Foudres charmants que la volupté lance,
Tout annonçait un superbe vainqueur,
Sûr à jamais de maîtriser un cœur.

Alix, alors contente de l’ouvrage,
À ses amants découvrit son secret.
— Je cesserai, dit-elle, d’être sage,
Quand vous aurez plus beau que ce portrait.
À cet aspect la trop faible cohorte
Honteusement alla gagner la porte.

Alix plaça l’image à son chevet,
Et quand parfois, quelque amant se trouvait
Qui, ne sachant l’innocente malice,
Voulait encor tourmenter notre Alix,
Il suffisait de montrer le phénix,
Sans répliquer, il se rendait justice.

Par cette ruse, avec cet heureux soin,
Alix toujours fut et sage et discrète.
Sexe enchanteur, très bonne est ma recette.
D’autres moyens vous n’avez pas besoin.
Quand vous aurez chez vous telle merveille,
Faites-en vite un bel épouvantail…
Si ne l’avez… votre ami vous conseille
De la chercher, pour le moins en détail.


FIN DES POÉSIES