Juven (p. 174-178).

CHAPITRE XXVI

Où l’on verra les nuages à grêle n’en mener pas large devant le système du Captain Cap. — La théorie du Captain sur la formation de la houille.


La grêle, — Émile Gautier vous le dira comme moi, — la grêle est une sorte de conglomérat formé d’eau gelée.

Précipité d’une notable hauteur, abusant lâchement de la loi de la chute des corps, chaque grêlon constitue à lui seul une sorte de petit Attila, des seuls vitriers béni, mettant à sac les promesses de moissons et de vendanges et même — car le bougre devant rien ne recule — les moissons et vendanges en personne.

« Grela campagnardibus detestata !  »

L’humanité demeura longtemps désarmée devant cette agression stupide.

Puis vinrent les compagnies d’assurance contre la grêle.

Mais ça, c’était tourner la difficulté, et, j’irai plus loin, la mal tourner.

Exiger cent sous, n’est-il pas vrai, des gens quand la récolte est bonne, pour leur remettre cinquante centimes le jour où elle est fâcheuse, si vous appelez cela du progrès, vous n’êtes pas dur !

Non, vous n’êtes pas dur !

Vous êtes si peu dur que mieux vaut jeter un voile sur de tels agissements, pour entrer résolument dans la voie de l’artillerie, quitte à en sortir au plus tôt.

Émile Gautier, que je citais plus haut, s’étendait, voici quelques jours, sur le pour ou contre du système d’explosifs à déchaîner contre la grêle.

Finalement, et, d’ailleurs, en conformité avec les résultats depuis longtemps recordés, Gautier concluait pour le canon efficace.

Dès lors, aussitôt que nous voyons quelque nue prendre l’attitude louche d’une qui va se geler, tirons-lui z’à mitraille, et la pluie remplacera par avance le grêlon dévastateur.

La théorie tient donc dans ces trois mots (Edgard) : « Perturbons les nuages en leur tirant dessus des coups de canon ! »

Le seul défaut de ce séduisant système, c’est l’exigence qu’il implique de pièces, de poudre, d’artilleurs spéciaux, tout le tonnerre de Dieu, en un mot, ou plutôt de l’Homme !

Que de dépenses pour le budget d’humbles bourgades, et que de soucis !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Sollicité par maint syndicat agricole, vinicole et autre exploitation en « cole », d’avoir à simplifier la question et d’obtenir à moindre « aria » résultat supérieur, le Captain Cap sentit d’elles-mêmes se hausser ses épaules à l’aisance de la tâche.

Ne serait-il pas, il vous en fait juge, plus simple, tant qu’à perturber le nuage, de le perturber en son propre sein, grâce à de rustiques mongolfières en papier, chargées d’une simple livre de poudre de chasse qu’enflammerait une pâle mèche, analogue à celle dont se servent nos braves artificiers pour, à distance, allumer de prestigieuses pyrotechnies, le soir du 14 juillet, aux cris mille fois répétés de « Vive la République ! »

Très simple, en vérité, mais — ne nous fatiguons pas à le redire — fallait-il y songer !


Comme le faisait hier, et fort judicieusement, observer, la charmante comtesse Nimportka, le charbon devient hors de prix.

Soyons des hommes et ne cherchons pas à nous dissimuler l’atroce vérité : une crise industrielle se prépare.

La question du charbon, mesdames et messieurs… Mais, avant d’entrer dans le vif du problème, rectifions, d’après les beaux travaux du Captain Cap, les fausses idées que nos lecteurs pourraient concevoir sur la formation du charbon.

Finissons-en une bonne fois avec la sotte légende qui voudrait que les mines de charbon proviennent d’immenses forêts englouties et consumées au cœur du sol, voilà quelques milliers d’années, alors que la surface de notre globe consistait en un marécage universel.

Comment concevoir, en effet, le bien-fondé de cette hypothèse, que la terre étant, à cette époque antédiluvienne, si prodigieusement détrempée, des forêts entières aient pu s’enflammer et se comburer jusqu’au bout, sans que tous les autres êtres ou objets peuplant ce monde n’aient pas suivi ce brûlant exemple ?

Cette vieille théorie ne tient pas debout.

Celle du capitaine Cap nous semble autrement idoine à séduire les natures éprises de vraisemblance et de sens commun, c’est-à-dire la masse profonde de nos clairvoyants lecteurs.

On sait que, si nous devons édifier certaines constructions, nous nous voyons forcés, par suite du mauvais état du terrain marécageux ou sablonneux, de nous livrer à cette opération désignée par les spécialistes sous le nom de « battage de pieux ».

Il nous apparaît comme hors de doute que tous les édifices remontant à cette époque furent construits sur pilotis.

(Ajoutons, que, pour enfoncer ces innombrables pieux, les hommes primitifs, en leur ignorance de nos actuels engins mécaniques, nos joyeux anciens avaient dressé les castors à cet usage, et que l’aptitude, encore aujourd’hui constatable chez nos rares contemporains castors, à battre de chimériques pilotis, n’est qu’héréditaire acquisition.)

Pourquoi donc, dès lors, ne pas admettre que toute la houille que nous découvrons maintenant dans nos sous-sols, provienne de cette formidable et souterraine ligneuse réserve ?

Pourquoi pas, en effet ?