Le Cadran de la volupté ou les Aventures de Chérubin/13

◄  Le Souper
Orgie nocturne



ORGIE NOCTURNE.


C’en fut une véritable. Le jus de la treille circulait dans nos veines et allumait notre sang ; la duchesse de P… douée d’un tempérament lubrique n’y pouvait tenir ; assise à côté de moi, elle s’empare avec ardeur de l’objet de ses plus chères affections ; sa belle bouche se colle sur la mienne ; la commotion électrique n’est pas plus prompte, je riposte à l’attaque avec ivresse, je m’empare de sa gorge, qui étant toujours blanche comme un lys, je la couvre de baisers ; et mon autre main se dirigeant bientôt sur la partie la plus sensible de son être, j’en introduisis le doigt dans son étroite ouverture, et les mouvemens redoublés irritans toutes les fibres du plaisir, j’en vis bientôt briller dans ses yeux les ravissans transports. Cher amour, s’écrie-t-elle, tu me combles de délices. Fais âme de ma vie, fais bien ! très-bien. Encore mieux… Et vîte, vîte !… arrête, arrête, petit fripon… tu vas me faire mourir. Allons, Lisette, imites-nous, va foutre dans ce cabinet avec le chevalier, car alors ivre de plaisir, elle ne se connaissait plus, va Lisette, et toi Chérubin, vient me mettre cet aimable vit, ton vit copieux dans mon con brûlant ; rafraîchis-le de ton divin nectar. En disant ces mots, elle s’asseoit sur le pied de mon lit, je lui plonge à corps perdu dans le vase d’amour, elle redouble ses savantes secousses ; nous ne formons plus qu’un corps, dans nos embrassemens, nos âmes, nos soupirs sont confondus, et dans l’extâse la plus grande, elle s’écrie : Ah ! Chérubin, cher fouteur, je me meurs !… Je ne répondis que par ces mots ; et mon âme s’envole avec la tienne !…

Un instant de repos suivit cette charmante opération, nous ne voyions, nous n’entendions plus rien, nous revînmes à nous, attachés bouche contre bouche, étroitement serrés l’un contre l’autre, et nous ranimant tous deux par nos soupirs enflammés.

Toujours, toujours le même, me dit la duchesse. Que les hommes ne sont ils doués de ta force, les femmes se prosterneraient à leurs pieds et deviendraient P… — Ah ! chère duchesse, si elles étaient toutes aussi belles, aussi aimables que vous, tous les hommes deviendraient des Hercules, et pour parler sans figures, on ne voudrait mourir qu’en foutant… — Mais voyons le chevalier, dit-elle, en s’arrachant de mes bras, il me tarde de savoir s’il s’est aussi bien acquitté auprès de Lisette de ses fonctions que toi, je serais fâchée que l’on ait fait venir l’eau à la bouche, sans humecter la partie qui en a besoin.

Nous entendîmes à l’instant le chevalier qui parlait avec ravissement à sa Lisette ; il lui faisait compliment sur ses talens dans les sciences occultes, et sur son art à ranimer, par les mouvemens subtils des doigts, les facultés masculines. — Tu es, dit-il, Lisette, impayable, j’ai bien foutu des femmes, mais jamais je n’en ai trouvé qui eût des mouvemens aussi élastiques et sentimentaux que les tiens, je voudrais avoir cent vits, je les consacrerais à ton service, et je suis sûr que tu es capable de les mettre tous à la raison. Lisette était radieuse de joye de la satisfaction du chevalier ; sans doute qu’elle y avait elle-même trouvé son compte. Nous nous présentons à leur porte qui était entr’ouverte, nous la vîmes se proposer d’opérer un nouveau miracle sur le chevalier B… dont elle manipulait légèrement les testicules, lui dardait sa langue dans la bouche, et lui massait tout le corps de ses délicates mains.

La duchesse surprise de la trouver si savante, ne pût s’empêcher de s’écrier : Très-bien, Lisette, je ne vous croyais pas si instruite. — Ah ! madame, répond celle-ci, que n’apprend-t-on pas avec une aussi bonne maîtresse ? Ce sarcasme ferma la bouche à la duchesse, qui finit par en rire.

La nuit était fort avancée ; la reflexion vint un moment suspendre l’yvresse de mes sens. Je communiquai aux joyeux compagnons de mes plaisirs la crainte où j’étais, qu’en poussant trop loin notre banquet nocturne et les jouissances qui l’avaient rendu si délicieux, nous ne fournissions matière à la médisance. On sonna donc les domestiques et on feignit de se retirer chacun dans son appartement. Impatient de finir de nous enivrer à la coupe de la volupté, nous fûmes bientôt joindre à petit bruit, nos maîtresses.

Nouvelles scènes, nouveaux ébats où nous épuisâmes avec la duchesse tous les canaux du plaisir. Les liqueurs spiritueuses que nous avions avalé à longs traits, avaient quintuplé la vigueur de mon robuste priape, et pourtant mon insatiable divinité par ses caresses enflammées, ses regards et ses baisers dévorans, sollicitait encore une nouvelle libation. Eh bien ! gloutonne lui dis-je, sois enfin rassassiée. Que le fout… inonde toutes les parties de ton brûlant vagin ; puisse-t-il jaillir par tous tes pores, et te forcer de dire : c’est assez. Et en même tems frappant d’estoc et de taille, je poussai si vivement ma pointe que j’entendis ma vorace duchesse s’écrier : ah finis, finis tes coups, je rends les armes… reçois le glorieux titre de mon vainqueur et de Fouteur par Excellence.

A 7 heures du matin, je vis le chevalier B… sa satisfaction égalait la mienne, Lisette avait su le remonter au ton du plaisir ; et c’était une victoire qui ne lui faisait pas moins d’honneur que la mienne. Enfin contens l’un de l’autre nous arrêtâmes unanimement de mettre au nombre des heures de bonheur, celles que nous venions de passer, et de nous séparer.


Le Cadran de la volupté, vignette fin de chapitre
Le Cadran de la volupté, vignette fin de chapitre