Le Cadran de la volupté ou les Aventures de Chérubin/10

Le Sérail



LE SÉRAIL.


Nous arrivâmes au sérail de la Dupré. On nous introduisit dans un salon magnifiquement décoré ; la lumière des lustres qui se réfléchissait dans les glaces, formait un coup d’œil enchanteur. La Dupré avait, par une sage précaution, orné ce salon des portraits des femmes de son sérail, de sorte que l’on pouvait sauver à celles à qui il restait de la pudeur, la honte de paraître devant un homme sans lui être agréable.

Le chevalier B… était tout puissant dans cette maison, on le redoutait, la Dupré consentit facilement à s’écarter, par considération pour lui, des règles qu’elle y avait établies.

Le chevalier B… s’était livré dès sa tendre jeunesse à la débauche la plus rafinée, ce qui avait presque anéanti sa puissance virile, il ne pouvait la retrouver que par des images obscènes et luxurieuses. C’est pourquoi il fit venir toutes les femmes de la Dupré, elles étaient vingt, toutes jolies, il exigea qu’elles se missent toutes nues, nous en fîmes autant, et alors commença la cérémonie qu’on mettait en usage pour faire croître la lame d’amour au chevalier B…

Les femmes formèrent à l’entour de nous un cercle, et défilèrent l’une après l’autre, en nous présentant à baiser le sanctuaire de l’amour, ensuite elles vinrent à leur tour rendre hommage au dieu priape ; la cérémonie se termina par un branle général, le chevalier B… et moi étions entourés de nos prêtresses, la Dupré commandait par le son d’un tambourin les mouvement des acteurs, il augmentait de vîtesse, à fur et mesure que le plaisir se manifestait dans les yeux, les femmes se branlaient avec fureur, et lorsque la Dupré fit le roulement, toutes les femmes se pâmèrent, et alors le chevalier B… fut en état de grâce.

Qu’on s’imagine l’effet que dût produire sur un cœur aussi facile que le mien à s’enflammer, la scène qui venait de se passer devant mes yeux. J’étais tout en feu, le chevalier B… s’empara d’une des femmes, et la douceur de celle que j’avais ramené de l’Opéra me détermina à en faire ma sultane favorite.

Elle se livra aux plaisirs de la jouissance avec fureur, et dans trois assauts qu’elle eut à soutenir avec moi, elle répéta à chaque fois avec un saint entousiasme ces beaux vers.


Pour ce vit, mes amours, que ne suis-je tout con !
Dieu ! qu’il fournit bien sa carrière !
J’en suis folle ! tant mieux, foutre de la raison,
Au plus grand des plaisirs livre toi toute entière,
Caressons nous de plus d’une manière,
Donne, reçois, et rends, que ton corps et le mien,
N’en formant qu’un, ne se dérobent rien !
Foutons du haut en bas, et devant et derrière.


Nous n’en serions pas resté là mais le chevalier B… qui avait déjà perdu sa vigueur, vint nous interrompre dans nos ébats amoureux, c’était bien dommage, Rosalie (c’était le nom de ma déesse) était bien capable de résister aux coups vigoureux que je lui portais, quel tour de reins ! Vénus n’était pas plus savante à inventer de nouvelles situations. Que de plaisirs je pris dans les bras de cette aimable créature. Il est vrai que le morceau était friand ; figurez vous une taille au-dessus de la moyenne, de beaux cheveux bruns, une peau douce comme le satin, un son de voix aussi agréable que la flûte, une haleine aussi douce que le zéphir, une gorge ferme et bien arrondie, de grands yeux bleus où se peignaient la volupté, une croupe aussi belle que la Vénus de Médicis, une jambe faite au tour, pied mignon symbole de l’étroite grotte qui décorait son beau corps ; voilà l’esquisse du portrait de Rosalie ; voilà l’aimable courtisanne qui eût les prémices de ma convalescence.

Le Cadran de la volupté, Figure page 81
Le Cadran de la volupté, Figure page 81

Il était minuit lorsque nous quittâmes le sérail de la Dupré, et que nous retournâmes chacun dans nos foyers, prendre un repos dont nous avions besoin.


Le Cadran de la volupté, vignette fin de chapitre
Le Cadran de la volupté, vignette fin de chapitre