Le Bouclier d’Arès (poème)
L’Orbe du monde, aux jours des Héros et des Dieux
Était un Bouclier ciselé de batailles,
Disque d’or qu’enserrait de ses glauques écailles
L’hydre océane, fleuve aux replis furieux.
Ombilic de la Terre où le trépied pythique
S’environnait de monts par la foudre sacrés,
Dont nul impie en vain n’eût tenté les degrés,
L’Autel central fumait dans l’horreur prophétique.
Autour du Roc vénérable, trois arcs d’airain
Splendide étreignaient l’Ile antique des Pélasges,
La grève étincelante aux conques des rivages,
Les promontoires clairs sur l’horizon marin,
Le tumulte de l’homme, et, dans les cités vastes,
La Demeure où les Chefs siégeaient, chargés de jours,
Les sommets couronnés d’akropoles, les tours
Et les tombeaux cyclopéens des vieux dynastes.
Et, par delà la courbe écumeuse des mers,
De nouveaux horizons cernant d’étranges villes.
Heptanomides aux cités hécatompyles,
Surgissaient, et leur cercle enfermait l’univers.
Et partout, clair sonnante et par l’éclair forgée,
La mêlée aux lueurs de carreaux, et le choc
Des assauts secouant les portes dans le bloc
Crénelé des remparts sous la pourpre égorgée.
Partout le heurt des chars de fer, martellement
De combats orfévrés de pavois et d’armures,
Et de cimiers vermeils haussant des envergures
Que l’âme des buccins soulevait par moment.
Et des Rois imbriqués de bronze, sagittaires
Bardés de métal fauve et rouges de sang pur,
Qui passaient, lourds de proie et d’orgueil, sous l’azur,
Et poussaient les captifs aux seuils héréditaires.
L’orbe du monde, aux jours des Héros et des Dieux,
Était le Bouclier d’Arès, et, dans l’or sombre
Des soirs, élargissait son disque d’or et d’ombre
Parmi la panoplie éclatante des cieux.