Librairie universelle (p. 171--).

L’ÉGALE

Par « l’Égale » j’entends ici la femme, encore extrêmement rare dans la bourgeoisie, qui a une profession analogue à celle de son mari, dont les intérêts sont séparés, régis par elle ; ou qui, tout au moins, garde un contrôle actif sur la gestion de son mari ou la partage avec lui.

Dans le commerce, il n’est pas rare qu’une femme prenne ainsi à côté de son mari une place égale ou même prépondérante. Peut-être, dans l’avenir, les femmes pourvues de professions, égales de l’homme dans la vie et leur ménage se multiplieront-elles ; alors, les relations conjugales, l’amour affecteront certainement une forme différente, appropriée à ces nouvelles conditions d’existence.

En ce moment-ci, nous devons constater que la situation d’égale, de femme virilisée par ses occupations est peu favorable pour le développement de l’amour tel que le conçoivent la plupart des hommes.

J’ai raconté autre part l’histoire d’une jeune fille qui s’était trouvée obligée, par suite des circonstances, d’assumer des responsabilités, de prendre une situation d’homme dans une grande maison d’édition dont elle était l’héritière. Belle, le cœur exquis, elle avait aimé et inspiré à un jeune homme un amour d’abord très vif, mais qui s’enfuit vite, chassé par tout ce que des fonctions sérieuses, un côté d’existence tout pratique apportent de dépoétisant dans une femme, lui enlèvent de charme, de coquetterie, de frivolité séduisante.

Je me suis trouvée aussi dans l’intimité d’un docteur et d’une doctoresse, époux qui s’entendaient à merveille. Mais le secret de cette union solide tenait à ce que leurs intérêts seuls et une simple amitié les liaient. D’un commun accord, n’éprouvant aucun amour l’un pour l’autre, ils avaient renoncé aux relations conjugales, auxquelles leur camaraderie professionnelle et spirituelle ôtait tout charme, de leur propre aveu.