Le Batteur d'estrade (Duplessis)/I/XXII

A. Cadot (tome IIIp. 1-5).

LE BATTEUR D’ESTRADE
PAR PAUL DUPLESSIS
TROISIÈME SÉRIE
Séparateur


PREMIÈRE PARTIE

— suite —

XXII

UN DUEL AU REVOLVER.


L’enthousiasme et la joie des habitués de l’établissement de la Polka étaient à leur comble : en effet, ce duel improvisé et qui, selon toutes les probabilités, devait être un combat exceptionnel, promettait de saisissantes péripéties, et offrait un spectacle gratis.

Les regrets que causait au bon Sharp la pensée que son ami Wiseman n’assisterait pas à ce beau divertissement, lui donnèrent une idée. Il sortit du coin où il se tenait blotti, et s’élançant bravement entre les deux adversaires :

— Gentlemen, leur dit-il d’un air d’affabilité qui s’harmoniait parfaitement avec la bonté de son cœur, je vous demanderai la permission de présenter une motion.

La plupart des Américains recherchent avidement les occasions de se produire en public. Lorsqu’une semblable bonne fortune leur arrive, ils s’affublent tout aussitôt d’une gravité parlementaire, affectent des allures de sénateurs et se servent du langage politique.

Personne ne songea donc à s’étonner que master Sharp eût une motion à proposer.

— Parlez, Sharp, lui dit Jenkins.

M. de Hallay donna son consentement par une très-froide et très-faible inclination de tête.

— Honorables gentlemen, reprit le négociant d’une voix de stentor, je présume que votre mutuelle intention est que l’un de vous deux reste sur la place. Tous les deux vous comprenez trop bien l’importance du mandat que vous vous êtes imposé de vous-mêmes pour vouloir y manquer ; chacun de vous se doit à la gloire de sa nation. Gentlemen, il est maintenant sept heures et un quart, le moment du crépuscule ; or, je calcule que, par la demi-clarté qui règne dans le salon, votre combat ne pourrait être sérieux ; vous ne sauriez déployer vos rares qualités, dignement produire votre courage ; en un mot, vous laisseriez trop de chances au hasard… Je propose donc un ajournement.

De bruyantes et improbatives clameurs s’élevèrent de tous les côtés.

Master Sharp mit sa main gauche sur son cœur et étendit majestueusement son bras droit vers la foule. Cette pose était d’un grand effet ; le silence se rétablit.

— Gentlemen, reprit-il avec une imposante fermeté, je ne cèderai ni à l’intimidation, ni aux menaces ; je suis citoyen d’un pays libre ; rien ne m’empêchera d’exprimer librement ma pensée.

Ce mouvement oratoire et cette noble et courageuse déclaration impressionnèrent la foule et eurent du succès,

Quelques hourras timides s’élevèrent des diverses parties du salon ; une dizaine d’assistants se mirent à entonner le patriotique chant de Yankee doodle. Sharp, après avoir salué, reprit la parole.

— Très-honorables gentlemen, dit-il, mon amendement ne touche en rien au fond de la question. Je demande simplement que le combat soit remis à huit heures… Le courage éprouvé et reconnu des deux champions rend ce retard sans danger pour la curiosité, et, j’ose ajouter, pour l’intérêt que vous voulez bien leur témoigner. Je présume qu’aucun duel régulier aux flambeaux n’a encore eu lieu jusqu’à présent à San-Francisco… C’est un spectacle que les deux très-honorables gentlemen sont dignes de nous offrir, et auquel nous sommes, nous, dignes d’assister !…

Cette péroraison valut à l’éloquent négociant d’immenses bravos. Hurra for Sharp ! Sharp for ever ! Jenkins frappa du pied le parquet avec violence ; toutefois, un regard instinctif et significatif qu’il jeta du côté du bar ou buffet permettait de supposer que ce répit ne lui était pas aussi pénible qu’il voulait bien le faire croire. Quant au marquis de Hallay, il resta silencieux et impassible ; seulement, à la subite et fugitive rougeur qui passa, sur son front, il était aisé de deviner que cette façon d’être mis en scène, et la perspective de devenir un sujet d’exhibition, lui causaient une honte et une colère réelles.

Aussi modeste qu’éloquent, le bon Sharp, après son triomphe, était précipitamment sorti du salon : il avait été trouver le propriétaire de la Polka.

— Cher ami, lui dit-il, j’ai à vous proposer une affaire qui exige une prompte, très-prompte décision : voulez-vous me louer votre établissement pour une heure ?

— Comment ! vous louer mon établissement pour une heure !

— Eh bien ! oui, pendant une heure, je serai le maître ici, ce qui ne vous empêchera ni de recevoir ni de garder les prix et bénéfices de toutes les consommations…

— Je ne comprends pas…

— Je calcule que si vous compreniez, vous feriez l’affaire pour vous seul.

— Il y a donc une affaire ?

By God ! puisque je vous propose de l’argent !… Voulez-vous cinquante piastres ?

— Non.

— Cent piastres ?

— Non.

By God !… Bonsoir.

Sharp s’éloigna, le maître de l’établissement courut après lui, et le prenant par le bras :

— Master Sharp, un mot…

— Il est trop tard.

— J’ignore quelle est cette affaire, mais je l’accepte de compte à demi avec vous…

Sharp consulta sa montre, qu’il tenait à la main ; il vit qu’il n’avait pas le temps d’être digne et de se faire prier ; il fut concis et positif.

— Accepté, dit-il. Appelez vos garçons.

— Mes enfants, dit Sharp en s’adressant aux employés venus à la voix de leur chef, vous allez courir les rues de la ville en annonçant qu’un splendide duel aux flambeaux doit avoir lieu ce soir à huit heures précises à la Polka, entre le célèbre marquis de Hallay et master Jenkins, qui a déjà tué quatre hommes. L’entrée de la Polka est fixée à cinq piastres par personne. Vous aurez, vous autres, dix pour cent sur la recette totale… Allez… allez, ne perdez pas de temps, et criez bien fort… Vous m’avez entendu ? dix pour cent sur la recette !… Courez… criez… courez…

Les garçons étaient déjà partis.

Le maître de l’établissement était ébahi d’admiration, de joie et de surprise.

— Master Sharp, lui dit-il en le saluant humblement, je présume qu’il n’y a pas, dans toute la Californie, un homme qui vous arrive à la cheville. Quelle belle idée vous avez eue là, mon Dieu ! oui, en vérité, quelle belle idée !…

— J’en ai tous les jours de semblables ! murmura le négociant en baissant les yeux.

On ne saurait trop le répéter, l’excellent homme joignait à une intelligence hors ligne la plus charmante et la plus rare modestie.

— Je calcule, murmura-t-il en se plaçant, pour le surveiller, derrière le maître de l’établissement, qui se tenait déjà devant la porte, prêt à percevoir le prix des entrées, je calcule que je finirai, avant la fin de la soirée, par réparer l’imprudence de miss Mary, et par rentrer dans le prix de mes actions.

Les prévisions de master Sharp ne tardèrent pas à se réaliser ; à huit heures précises, la recette s’élevait à environ douze cent cinquante piastres ; près de deux cent cinquante personnes étaient accourues pour être témoins de ce duel aux flambeaux.

Pendant la longue demi-heure qui venait de s’écouler, une agitation extraordinaire, et que l’on s’expliquera sans peine, avait régné dans les salons de la Polka.

Jenkins, entouré d’Américains qui lui donnaient des conseils et qui exaltaient par leurs louanges son courage, avait stationné presque constamment auprès du bar ; ce qu’il avait consommé de liqueur était chose incroyable : ses compatriotes, craignant de le voir faiblir au dernier moment, avaient jugé prudent de le saturer de brandy ; la réputation du marquis méritait bien cette dépense et ces précautions.

M. de Hallay était resté à la même place où il avait été insulté par Jenkins ; quelques Français groupés autour de lui avaient voulu tout d’abord émettre leur opinion sur le combat qui allait avoir lieu ; mais le jeune homme les avait interrompus, en leur disant avec un sang-froid glacial :

— J’ai déjà eu l’honneur de vous déclarer, messieurs, que je tuerai ce Jenkins… Je ne permets pas que l’on mette ma parole en doute. Jenkins est mort ! Causons d’autre chose… Revenons à mon expédition en Sonora.

M. de Hallay, reprenant son thème favori, s’était mis alors à expliquer ses intentions futures, à développer ses plans.

Ce fut seulement cinq minutes avant que l’aiguille de la pendule marquât huit heures, qu’il s’arrêta.

— Il fait ici une chaleur étouffante, dit-il, j’ai soif !…

Cinquante invitations spontanées et simultanées lui arrivèrent de tous les côtés.

— Je vous remercie, messieurs, je prendrai un verre d’eau.

Ce verre d’eau, habilement exploité dans les groupes par master Sharp, qui fit observer que cette sobriété dénotait une grande prudence unie à une entière confiance de soi-même, donna une nouvelle impulsion aux actions ; elles remontèrent de dix pour cent. On commença à trouver que Jenkins avait trop absorbé d’alcool, et à le blâmer de son intempérance.

Le champion des États libres examinait en ce moment une collection de revolvers qui lui étaient offerts par ses compatriotes ; chacun lui présentait son arme, car personne n’ignore que les Américains, surtout ceux de la haute Californie, ne sortent jamais sans porter un arsenal avec eux ; les plus modestes se contentent du pistolet à cinq coups ; beaucoup y joignent un large couteau et une espèce d’assommoir écourté dont le manche flexible est garni à ses deux extrémités de pommes de plomb.

— Mon cher monsieur, dit le marquis de Hallay en s’adressant à un Français, n’avez-vous pas sur vous vos pistolets de tir ?

— Oui, marquis…

— Ce sont d’excellentes armes ?…

— Le fait est qu’entre vos mains je les ai vues accomplir des prodiges…

— Voulez-vous avoir la bonté de me prêter un de ces pistolets ?

— Les voici, marquis… Mais je croyais que l’arme choisie pour ce duel était le revolver…

M. de Hallay haussa les épaules d’un air de suprême mépris.

— L’homme assez peu sûr de soi-même pour garder dans ses mains quatre coups en réserve n’est pas digne de toucher une arme, répondit-il.

— Pourtant, quelque adroit que l’on soit, le hasard peut parfois…

— Le hasard est la ressource des faibles et l’excuse des maladroits ! interrompit le marquis. Puis-je compter sur votre pistolet, monsieur ? continua-t-il en s’adressant au Français.

— Parfaitement, marquis ! je les ai aujourd’hui même nettoyés, flambés et chargés…

— Combien de poudre ?

— La charge ordinaire, huit à neuf grains.

— Bien ! merci, monsieur.

L’horloge du salon de la Polka sonna huit heures : un grand silence se fit : les spectateurs se rangèrent le long des murs ou montèrent sur les tables de jeu.

Par un accord spontané et tacite, Français et Américains s’étaient séparés en deux bandes ; on ne savait pas ce qui pouvait arriver. De tous les côtés, on entendait craquer des ressorts de revolvers : le proverbe « La prudence est la mère de la sûreté, » n’est nulle part aussi vrai qu’en Californie ; chacun se tenait prêt.

Jenkins, le visage enluminé par le feu de la boisson, s’avança suivi de deux Kentuckiens, ses témoins. M. de Hallay était seul.

— Je suppose, monsieur, dit l’un des Kentuckiens en s’adressant au jeune homme, que vous avez choisi deux amis pour vous assister dans cette rencontre ?

— Non, monsieur. Je suis ici sous la seule sauvegarde de ma force, et cette garantie me suffit.

— Cependant l’usage…

— L’usage, dès l’instant que vous l’invoquez, n’admet pas qu’un duel soit un spectacle ! Ce spectacle, ou, si vous le préférez, cette exécution, sort des règles ordinaires.

— Une exécution ! répéta le Kentuckien… Qu’entendez-vous par ce mot ?

— Ce qu’il exprime ! Le Jenkins m’a insulté, et je l’ai en moi-même condamné à mort ; or, je vais devant vous tous accomplir ma sentence.

L’accent de sincérité et de Conviction avec lequel M. de Hallay prononça ces paroles leur ôtait en partie ce qu’elles pouvaient avoir d’outrecuidant et de présomptueux ; le Kentuckien sembla embarrassé.

— Qui nous assure, monsieur, reprit-il, que vous ne vous servirez que d’un seul revolver ?

— Je ferai mieux, je ne me servirai pas du tout de revolver. Je n’emploierai qu’un pistolet à un coup.

— Je calcule qu’il a été convenu…

— Permettez !… J’ajoute que je reconnais parfaitement au Jenkins le droit d’utiliser son revolver.

— Alors, c’est différent. Ainsi, vous ne ferez feu qu’une seule fois ? Cela vous regarde. N’importe, je présume que vous auriez plus sagement agi en prenant des témoins… Ils auraient mieux défendu vos intérêts. Un dernier mot ! Entendez-vous commencer le feu ? Je vous avertis que nous n’admettrons pas cette prétention. Nous avons décidé que vous tirerez tous les deux à volonté. Acceptez-vous cet arrangement ?

— Non-seulement, je l’accepte, mais j’en profiterai pour faire une concession au Jenkins !… J’accorde à ce malheureux l’avantage des trois premières balles : je lui donne le premier coup parce que je suis Français, le second parce qu’il est à moitié ivre, et le troisième parce que, soit dit sans aucune fatuité, je vaux plus qu’un homme ordinaire !… Je sais bien que cela n’égalisera pas encore la partie, mais, je vous le répète, j’ai condamné le Jenkins ; il faut que ma justice ait son cours !…

Ces mots, prononcés avec un calme merveilleux, produisirent une vive impression sur l’assemblée ; les actions remontèrent au pair. Jenkins était en proie à une rage sans nom, l’alcool lui montait au cerveau.

Rascal ! coquin ! s’écria-t-il, c’est moi qui vais vous tuer comme un chien !

M. de Hallay sourit.

— Vous me manquerez trois fois de suite, Jenkins, dit-il, et ma balle vous atteindra au milieu du front ! Mettez-vous en place et commencez !

Le grand salon de l’établissement de la Polka avait une longueur d’environ douze mètres, soit quinze pas ordinaires ; cette distance, surtout aux États-Unis, où les duels ont généralement lieu à petite portée, était très-convenable. Le chercheur d’or s’éloignait, lorsque M. de Hallay, qui, à cette heure suprême, songeait bien plus à son expédition en Sonora qu’au danger qu’il allait courir, eut une inspiration de génie.

— Master Jenkins, s’écria-t-il, un mot !

Cette interpellation, qui menaçait de retarder le combat, fut fort mal accueillie par les Américains, et ne plut que médiocrement aux Français ; les uns et les autres trouvaient que le marquis avait assez causé, et qu’il était temps d’arriver au dénoûment.

Les actions fléchirent d’un dollar.

Jenkins se retourna d’un air tout à la fois arrogant et joyeux ; il avait comme le vague pressentiment d’un arrangement tout à son avantage.

— Que me voulez-vous encore ? demanda-t-il d’un ton rogue.

— Je veux que vous déposiez entre des mains tierces le prix de la glace qui se trouve derrière moi, et que vous allez casser sans doute… Cette, glace vaut bien deux cents dollars… Ce serait me faire payer votre mort à un plus haut prix que je ne vous estime vivant.

Cette preuve, non pas seulement de sang-froid, mais surtout de présence d’esprit et d’à-propos dans les affaires, fut accueillie par les Américains avec une haute faveur !

— Je prends des actions de la compagnie Sonorienne à vingt-cinq pour cent de prime, hurla master Sharp de la table de jeu où il était juché.

Les actions étaient demandées à vingt-cinq, elles firent aussitôt cinquante !

Jenkins, malgré les vapeurs alcooliques qui lui montaient au cerveau, comprit que la prétention de M. de Hallay lui donnait un avantage, celui de choisir sa place.

La réverbération de la glace devait le gêner beaucoup pour chercher et fixer son point de mire.

— Je n’ai point deux cents dollars à offrir en garantie, répondit-il, changeons de position.

— Soit !…

— Et vous, ne déposerez-vous pas une caution ?

— C’est inutile… Vous me semblez avoir le crâne épais. Ma balle restera dans votre tête…

Quelques secondes plus tard, chacun des deux adversaires se trouvait à son poste.

M. de Hallay, les bras croisés, tenait le canon de son pistolet renversé, sans daigner se couvrir avec son arme ; toutefois, et quoique son maintien annonçât le laisser-aller et l’abandon, il s’effaçait avec soin ; il y avait dans sa pose la savante coquetterie du duelliste émérite.

Fire, gentleman ! cria l’un des deux Kentuckiens.

Jenkins tira ; sa balle dépassa d’un pied la tête de M. de Hallay.

— Vous vous pressez trop, Jenkins ! dit tranquillement le jeune homme ; prenez votre temps.

L’Américain n’entendit probablement pas cette recommandation, car, en voyant la non-réussite de son premier coup, il avait précipitamment armé de nouveau son revolver. M. de Hallay parlait encore, lorsque la seconde détonation retentit.

— C’est mieux ! dit-il froidement.

Le projectile avait éraflé sa redingote noire avant de s’enfoncer dans la muraille.

Jenkins hésita. Une pâleur livide remplaça l’épaisse couche de rouge que ses nombreuses libations avaient placée sur ses joues. La terreur venait de dissiper son ivresse. Il flairait la mort ! Sans l’invincible pression magnétique qu’exerçait sur lui la présence des trois cents spectateurs qui suivaient d’un œil avide ses moindres mouvements, il aurait présenté des excuses au marquis et demandé grâce.

L’amour-propre lui donna du courage ; le sentiment de la conservation, de la prudence. Profitant de l’impunité au moins momentanée que lui assurait l’immobilité de son adversaire, il l’ajusta avec un soin et une lenteur extrêmes ; son doigt, au lieu de frapper nerveusement la gâchette, s’abaissa progressivement, sans secousse ; le coup partit : le chapeau de M. de Hallay foula par terre…

Le marquis, par un geste magnifique, rejeta sa chevelure en arrière, et d’une voix métallique qui vibra comme une note de clairon :

— Au front, dit-il, et levant rapidement le bras, il fit feu !

Les Américains poussèrent des hurlements de joie et de triomphe : Jenkins n’avait pas été atteint… il ne bougeait pas !

Hurra for Jenkins ! Jenkins for ever !

Jenkins tomba lourdement sur le plancher. Un point rouge, à peine visible, se distinguait à un pouce de hauteur entre ses deux yeux, juste au milieu de son front.

Ce furent alors des clameurs indicibles, une confusion inouïe, puis enfin une ovation enthousiaste à laquelle M. de Hallay dut se résigner.

Une voix de stentor dominait ce tumulte sans nom, la voix de Sharp, qui demandait des actions de la société Sonorienne à cent pour cent de prime ; chacun se moquait des prétentions absurdes du bon négociant et lui tournait le dos, car ces actions valaient alors deux cents pour cent. Sharp se résigna à se défaire à ce taux des cinq cents qu’il possédait. C’était un léger bénéfice de dix mille dollars ou cinquante mille francs qu’il réalisait dans la soirée, mais l’excellent Sharp n’était pas ambitieux, et puis il avait réfléchi que le puff à la Jenkins ne pouvant se renouveler deux fois tout de suite, il valait mieux se liquider.

Au moment même où le corps de cet ivrogne de Jenkins, comme disait plus tard master Sharp, en parlant du chercheur d’or, roulait sur le plancher, Joaquin Dick et Lennox faisaient leur entrée dans les salons de la Polka. Le comte d’Ambron les suivait à quelques pas.