LEÇON NEUVIÈME.
De la manière d’avoir les limites du développement d’une fonction, lorsqu’on n’a égard qu’a un nombre déterminé de termes. Cas dans lesquels les principes du calcul différentiel sont en défaut. Théorème fondamental. Limites de plusieurs séries. Manière rigoureuse d’introduire les fonctions dérivées dans la théorie des courbes et dans celle des mouvements variés.
Toute fonction
se développe, ainsi qu’on l’a vu, dans la série

laquelle va naturellement à l’infini, à moins que les fonctions dérivées de
ne deviennent nulles, ce qui a lieu lorsque
est une fonction rationnelle et entière de 
Tant que ce développement ne sert qu’à la génération des fonctions dérivées, il est indifférent que la série aille à l’infini ou non ; il l’est aussi lorsqu’on ne considère le développement que comme une simple transformation analytique de la fonction ; mais, si on veut l’employer pour avoir la valeur de la fonction dans les cas particuliers, comme offrant une expression d’une forme plus simple à raison de la quantité
qui se trouve dégagée de dessous la fonction, alors, ne pouvant tenir compte que d’un certain nombre plus ou moins grand de termes, il est important d’avoir un moyen d’évaluer le reste de la série qu’on néglige, ou du moins de trouver des limites de l’erreur qu’on commet en négligeant ce reste.
La détermination de ces limites est surtout d’une grande importance dans l’application de la Théorie des fonctions à l’Analyse des courbes et à la Mécanique, pour pouvoir donner à cette application la rigueur de l’ancienne Géométrie, comme on le voit dans la seconde Partie de la Théorie des fonctions analytiques.
Dans la solution que j’ai donnée de ce problème dans l’Ouvrage cité, j’ai commencé par chercher l’expression exacte du reste de la série, ensuite j’ai déterminé les limites de cette expression. Mais on peut trouver immédiatement ces limites d’une manière plus élémentaire, et également rigoureuse.
Nous allons, pour cela, établir ce principe général, qui peut être utile dans plusieurs occasions :
Une fonction qui est nulle lorsque la variable est nulle aura nécessairement, pendant que la variable croîtra positivement, des valeurs finies et de même signe que celles de sa fonction dérivée, ou de signe opposé si la variable croît négativement, tant que les valeurs de la fonction dérivée conserveront le même signe et ne deviendront pas infinies.
Ce principe est très important dans la théorie des fonctions, parce qu’il établit une relation générale entre l’état des fonctions primitives et celui des fonctions dérivées, et qu’il sert à déterminer les limites des fonctions dont on ne connaît que les dérivées.
Nous allons le démontrer d’une manière rigoureuse.
Considérons la fonction
dont le développementgénéral est

Nous avons vu, dans la Leçon précédente, que la forme du développement peut être différente pour des valeurs particulières de
mais que, tant que
ne sera pas infinie, les deux premiers termes de ce développement seront exacts, et que les autres contiendront par conséquent des puissances de
plus hautes que la première, de manière qu’on aura
![{\displaystyle f(x+i)=f(x)+i[f'(x)+\mathrm {V} ],}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/c8d54a6167b87ab86697828230f951992c1e0e5b)

étant une fonction de

et

telle qu’elle devienne nulle lorsque
Donc, puisque
devient nul lorsque
devient nul, il est clair que, en faisant croître
par degrés insensibles depuis zéro, la valeur de
croîtra aussi insensiblement depuis zéro, soit en plus ou en moins, jusqu’à un certain point, après quoi elle pourra diminuer ; que par conséquent on pourra toujours donner à
une valeur telle que la valeur correspondante de
abstraction faite du signe, soit moindre qu’une quantité donnée, et que pour les valeurs moindres de
la valeur de
soit aussi moindre.
Soit
une quantité donnée qu’on pourra prendre aussi petite qu’on voudra ; on pourra donc toujours donner à
une valeur assez petite pour que la valeur de
soit renfermée entre les limites
et
donc, puisqu’on a
![{\displaystyle f(x+i)-f(x)=i[f'(x)+\mathrm {V} ],}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/8d5ffb3e68cf62f9583a6598b90747e7fb8c0485)
il s’ensuit que la quantité
sera renfermée entre ces deux-ci
![{\displaystyle i\left[f'(x)\pm \mathrm {D} \right].}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/3750e14046b4ad6b29c23e75545f2dc6211d1fae)
Comme cette conclusion a lieu quelle que soit la valeur de
pourvu que
ne soit pas infinie, elle subsistera aussi en mettant successivement

à la place de
de sorte qu’on pourra toujours prendre
positif et assez petit pour que les valeurs des quantités
![{\displaystyle {\begin{aligned}&f(x+i)-f(x),\\&f(x+2i)-f(x+i),\\&f(x+3i)-f(x+2i),\\&\ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots ,\\&f(x+ni)-f\left[x+(n-1)i\right]\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/98f8050e32f196c1ac7419871cd77bdae481cdc7)
soient renfermées respectivement entre les limites
![{\displaystyle {\begin{aligned}&i\left[f'(x)\pm \mathrm {D} \right],\\&i\left[f'(x+i)\pm \mathrm {D} \right],\\&i\left[f'(x+2i)\pm \mathrm {D} \right],\\&\ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots ,\\&i\left[f'\left[x+(n-1)i\right]\pm \mathrm {D} \right],\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/cabdd2aac4e15ff1d05541ddbd4136ebdbf37110)
en prenant pour
la même quantité dans chacune de ces limites, ce qui est permis, pourvu qu’aucune des quantités
![{\displaystyle f'(x),\ \ f'(x+i),\ \ f'(x+2i),\ \ f'\left[x+(n-1)i\right]}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/19186c53c578e229e39559ad37a8617d992c0eb5)
ne soit infinie.
Donc, si toutes ces dernières quantités sont de même signe, c’est-à-dire, toutes positives ou toutes négatives, il est facile d’en conclure que la somme des quantités précédentes, laquelle se réduit à

aura pour limite la somme des limites, c’est-à-dire les quantités
![{\displaystyle if'(x)+if'(x+i)+if'(x+2i)+\ldots +if'\left[x+(n-1)i\right]\pm ni\mathrm {D} .}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/67b1edd4387a7be363149b34e59aa00e75634cf4)
Si donc on prend la quantité arbitraire
moindre que la somme
![{\displaystyle f'(x)+f'(x+i)+f'(x+2i)+\ldots +f'\left[x+(n-1)i\right]}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/5341c1824750fb52537265c8e5eb9464fe8a9f92)
divisée par
abstraction faite du signe de cette somme, la quantité
sera nécessairement renfermée entre zéro et la somme
![{\displaystyle 2i{\bigl [}f'(x)+f'(x+i)+f'(x+2i)+\ldots +f'\left[x+(n-1)i\right]{\bigr ]}.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/238a3c9770caaeef817f64315210f24fe58b7820)
Donc, si
est la plus grande valeur positive ou négative des quantités
![{\displaystyle f'(x),\ \ f'(x+i),\ \ \ldots ,\ \ f'\left[x+(n-1)i\right],}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/7ae8b66c146b9723dab55ad0eba314477e21a179)
la quantité
sera, à plus forte raison, renfermée entre zéro et 
Or, comme, en prenant
aussi petit qu’on voudra, on peut en même temps prendre
aussi grand qu’on voudra, on pourra supposer
égale à une quantité quelconque
positive ou négative, puisque la quantité
peut être prise positivement ou négativement.
La quantité
deviendra ainsi
et pourra représenter une fonction quelconque de
qui s’évanouit lorsque
la quantité
pouvant maintenant être regardée comme une constante arbitraire. De même, la quantité
deviendra
et représentera la fonction dérivée de la même fonction de
puisque
est également la fonction dérivée de
soit par rapport à
soit par rapport à
On peut donc conclure en général que, si
a constamment des valeurs finies et de même signe, depuis
et que
soit la plus grande de ces valeurs, abstraction faite du signe, la fonction primitive dont il s’agit sera renfermée entre
et
par conséquent elle aura toujours aussi des valeurs finies, et de même signe que la fonction dérivée si
est positive, ou de signe différent si
est négative.
Dans le Calcul différentiel, la conclusion précédente est une suite immédiate et nécessaire de la manière dont ce Calcul est envisagé, et elle se présente même sans aucune limitation relativement aux valeurs infinies ; mais nous allons voir qu’elle est souvent en défaut à cet égard, ce qui servira à montrer la nécessité d’une analyse plus rigoureuse que celle qui sert de base au Calcul différentiel.
En effet, si
est une fonction de
sa fonction dérivée, suivant la notation de ce Calcul, sera représentée par
et
intégrale de
est regardée, par les principes mêmes du Calcul, comme la somme de tous les éléments infiniment petits
ou
par conséquent, si
lorsque
sera la somme de tous les éléments
qui répondent à tous les éléments de
D’où l’on est en droit de conclure que, si
a toujours des valeurs positives, depuis
jusqu’à une valeur quelconque positive de
tous les éléments
étant positifs, la valeur de
répondant à cette valeur de
sera nécessairement positive.
Cependant, si l’on a, par exemple,

étant une constante quelconque positive, on aura
lorsque
et la valeur de
sera, par les règles connues de la différentiation,
Cette valeur est constamment positive, quelle que soit la valeur de
il faudrait donc que la valeur de
fût toujours positive, ce qui n’est pas ; car, en prenant
plus grand que
devient négative. Ainsi les principes du Calcul différentiel sont en défaut dans ce cas.
Suivant le principe que nous venons d’établir, la valeur de
ne sera nécessairement positive qu’autant que la fonction dérivée
ne sera pas infinie dans l’étendue de la valeur de
Or,
étant égale à
elle devient infinie lorsque
Donc les valeurs de
seront nécessairement positives depuis
jusqu’à
mais elles pourront ne pas l’être lorsque
quoique les fonctions dérivées
soient toujours positives.
Voici maintenant comment le principe dont il s’agit s’applique à la détermination des limites du développement de
Soient d’abord
et
les valeurs de
qui rendent la fonction dérivée
la plus petite et la plus grande, en regardant
comme donné, et faisant varier
depuis zéro jusqu’à une valeur quelconque donnée de
Donc
sera la plus petite valeur de
et
en sera la plus grande ; par conséquent,
et
seront toujours des quantités positives.
Regardant ces deux quantités comme des fonctions dérivées, relatives à la variable
leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles lorsque
seront, à cause de
et
supposées constantes,

Ainsi, pourvu que
ne soit jamais infinie depuis
jusqu’à la valeur donnée de
ce qui aura lieu si
et
ne sont point des quantités infinies, on aura par le principe précédent, si
est positif,

d’où l’on tire

Supposons ensuite que
et
soient les valeurs de
qui rendent la fonction dérivée du second ordre
la plus petite et la plus grande, en faisant varier
depuis zéro jusqu’à une valeur donnée ; on aura
et
pour la plus petite et la plus grande valeur de
par conséquent,
et
seront toujours des quantités positives.
Regardant ces quantités comme des fonctions dérivées relatives à la variable
leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles, lorsque
seront


Donc, pourvu que
ne soit jamais infinie dans toute l’étendue de
ce qui revient à ce que
et
ne soient point infinies, ces deux quantités seront, par le même principe, toujours positives et finies,
étant supposé positif ; et en les regardant comme des fonctions dérivées relatives à
leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles lorsque
seront, à cause de
et
supposées constantes,


Ces nouvelles quantités seront donc aussi, par le même principe, toujours positives ; on aura ainsi

d’où l’on tire

Si l’on suppose, en troisième lieu, que
et
soient les valeurs de
qui rendent la fonction tierce
la plus petite et la plus grande,
jusqu’à une valeur donnée de
on aura les deux quantités depuis
et
qui seront nécessairement positives dans toute l’étendue de
Donc, en les regardant comme des fonctions dérivées relatives à la variable
leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles lorsque
seront


et ces quantités seront, par le même principe, toujours positives et finies, pourvu que
ne soit jamais infinie dans toute l’étendue de
c’est-à-dire, pourvu que
et
ne soient point infinies.
Donc, en regardant de nouveau ces dernières quantités comme des fonctions dérivées relatives à
leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles lorsque
seront


lesquelles seront par conséquent aussi toujours positives et finies, en vertu du même principe.
Enfin, regardant encore ces nouvelles quantités comme des fonctions dérivées relatives à
leurs fonctions primitives, prises de manière qu’elles soient nulles lorsque
seront


Ces quantités seront donc encore positives par le même principe ; ainsi on aura

d’où l’on tire

et ainsi de suite.
Nous avons supposé dans ces développements
positif ; si
était négatif, ou bien si l’on changeait
en
alors on trouverait pour premières limites de

On trouverait ensuite pour secondes limites

et ainsi des autres.
Donc, en général, la quantité
soit que
soit positif ou négatif, sera toujours renfermée entre ces deux-ci :

en prenant pour
et
les valeurs de
qui répondent à la plus petite et à la plus grande des valeurs de
dans toute l’étendue de
depuis
pourvu que les deux quantités
et
ne soient pas infinies.
Au reste, il est facile de voir, par l’analyse précédente, qu’on n’est pas astreint à prendre pour
et
la plus petite et la plus grande valeur de
mais qu’on peut prendre à leur place des valeurs quelconques plus petites que la plus petite, et plus grandes que la plus grande ; ce qui peut servir, dans nombre de cas, à faciliter beaucoup la détermination des limites.
J’observerai ici, quoique cela ne soit presque pas nécessaire, que j’entends toujours par quantités plus grandes ou plus petites absolument celles qui sont plus avancées vers l’infini positif ou vers l’infini négatif ; ainsi, si
on aura
etc.
L’analyse précédente redonne, comme l’on voit, successivement les termes du développement de
mais elle a l’avantage de ne développer cette fonction qu’autant que l’on veut, et d’offrir des limites du reste.
En effet, si dans le développement de
on veut s’arrêter au terme
pour avoir les limites du reste du développement, il n’y a qu’à considérer le terme suivant, qui serait de la forme

et y mettre à la place de
la plus grande et la plus petite valeur de
en faisant varier
depuis zéro, ou bien des quantités quelconques plus grandes ou plus petites que la plus grande et la plus petite valeur de
Si ces deux valeurs, ou l’une d’entre elles, étaient infinies, il n’y aurait point alors de limites ; c’est aussi le cas où le développement deviendrait fautif, parce que la valeur de
serait infinie dans quelque point.
En général, on peut avoir de la même manière les limites des valeurs de toute fonction dont on ne connaîtra que la fonction dérivée d’un ordre quelconque. On examinera la marche de la fonction dérivée depuis l’origine de la variable, et, si elle ne devient jamais infinie, on y appliquera immédiatement les formules précédentes, où est la variable, et
peut être une constante quelconque. Si, au contraire, la fonction dérivée devient infinie pour certaines valeurs de la variable, on partagera cette variable en autant de parties séparées par les termes auxquels répondent les valeurs infinies de la fonction, et l’on appliquera séparément les mêmes formules à chacune de ces parties.
Supposons, pour donner quelques exemples,

on aura

et de là

et en général

où

comme on l’a vu dans la Leçon II. On aura donc

où l’on voit que cette fonction ne peut jamais devenir infinie tant que
n’est pas
et que
n’est pas
On voit aussi que la plus petite et la plus grande valeur de
répondent, l’une à
et l’autre à
de sorte queles valeurs
et
seront
et
ou
et 
Donc, en général, le développement de
sera compris entre ces deux limites

Par le moyen de ces limites, on est à couvert des difficultés qui peuvent résulter de la non-convergence de la série ; car, comme un terme quelconque
ième est au suivant dans le rapport de
à
pour que la série soit convergente, il faut que la quantité
abstraction faite du signe qu’elle doit avoir, soit moindre que l’unité. Si
il est clair que la série finira toujours par être convergente, puisque la dernière valeur de</math> 1
est
Mais elle sera toujours divergente à son extrémité, si
quoiqu’elle puisse être convergente dans ses premiers termes. Ainsi elle ne pourra alors être employée avec sûreté, quelque loin qu’elle soit portée, qu’en ayant égard aux limites que vous venons de donner.
Supposons, en second lieu,

on aura

et de là

Donc, en général,

où l’on voit que la plus petite et la plus grande valeur répondent aussi à
et à
Ainsi on aura, en faisant 

pour les limites de la valeur de
où l’on pourra prendre dans le dernier terme, au lieu de
une quantité quelconque plus grande.
Soit, en troisième lieu,

on aura

donc

le signe supérieur étant pour le cas de
impair, et l’inférieur pour le cas de
pair.
Il est clair que, pourvu que
ne soit pas égal à zéro, la quantité
ne sera jamais infinie, et que sa plus grande valeur et sa plus petite, relativement à
répondront à
et à
On aura donc, par la formule générale, ces deux limites, pour la valeur de

où l’on pourra mettre à la place de

une valeur quelconque plus grande dans le dénominateur
Soit, en quatrième lieu,

on aura

donc, en général,

suivant que
sera de l’une de ces formes,
étant un nombre entier quelconque ; ce qu’on peut renfermer dans cette expression générale

étant l’angle droit.
Or, quelles que soient les valeurs de
et
il est visible que la plus grande et la plus petite valeur de
seront
et
ainsi on aura, pour le développement de
ces limites

Si l’on fait
on aura

et, si l’on fait
on aura

pour les limites de
et
où il faudra prendre pour
le nombre immédiatement plus grand d’une unité que l’exposant de
dans le terme auquel on voudra s’arrêter.
Nous avons donné, à la fin de la Leçon VII, la série du développement de
en supposant
et
et nous avons trouvé en général

Donc, on aura aussi

en faisant
c’est-à-dire

Or, quels que soient
et
il est visible que la plus petite et la plus grande valeur de
ou
seront
et
d’où l’on peut d’abord conclure que la série est vraie pour des valeurs quelconques de
et
et que, si l’on veut arrêter la série au terme \muième, le reste de la série sera nécessairement renfermé entre les limites
Ainsi, en faisant
on aura ces limites

où
est l’exposant du terme auquel on veut s’arrêter.
Nous finirons par remarquer que les mêmes formules peuvent servir à développer une fonction quelconque, suivant les puissances de sa variable ; car en faisant
devient simplement
et peut représenter une fonction quelconque d’une variable
Or il est visible que les valeurs de
lorsque
doivent coïncider avec celles de
lorsque
Donc, si l’on dénote simplement par
les valeurs de
lorsque
on aura en général

et si l’on veut s’arrêter au terme

alors, comme le terme suivant serait

il n’y aura qu’à substituer à la place de
la plus grande et la plus petite valeur de
ou des valeurs plus grandes ou plus petites que celles-ci, et l’on aura les limites du reste du développement.
Ainsi le développement sera exact tant que ces limites auront des valeurs finies. Si l’une d’elles devenait infinie, le reste de la série pourrait aussi devenir infini, et le développement deviendrait fautif. Il faudra donc alors, ou s’arrêter à un terme précédent, ou n’attribuer à
que des valeurs telles, que
ne devienne pas infinie depuis
jusqu’à cette valeur.
Puisque ces limites répondent à la plus grande et à la plus petite valeur de
en prenant
depuis zéro jusqu’à la valeur donnée, il est clair que la valeur exacte du reste du développement de la fonction
répondra à une valeur intermédiaire de
qui pourra être représentée par
en prenant pour
une quantité entre zéro et
Il suit de là qu’on pourra toujours représenter d’une manière finie le développement d’une fonction quelconque
en y introduisant une quantité inconnue
moindre que
Ainsi on a ce théorème analytique, remarquable par sa simplicité,

où
sont les valeurs de
en y faisant
l’exposant
étant quelconque.
On a par là une démonstration rigoureuse de cette proposition qu’on s’était contenté de supposer jusqu’ici savoir que, dans le développement d’une fonction, on peut donner à la variable, suivant laquelle est ordonné le développement, une valeur assez petite pour qu’un terme quelconque de la série soit plus grand que la somme de tous ceux qui le suivent ; car il est clair qu’il suffit pour cela de faire voir qu’on peut toujours prendre
assez petit pour que l’on ait

condition qui se réduit à celle-ci

à laquelle il est visible qu’on peut toujours satisfaire en diminuant la valeur de
pourvu qu’on n’ait pas 
On peut démontrer de la même manière cette autre proposition, que, si l’on a deux fonctions différentes
et
qui soient telles que les
premiers termes du développement de
soient respectivement égaux aux
premiers termes du développement de
on peut, en diminuant la quantité
rapprocher assez près les valeurs de ces deux fonctions, pour que la valeur d’aucune autre fonction, comme
ne puisse jamais tomber entre ces valeurs, si les
premiers termes du développement
ne coïncident pas aussi avec ceux du développement de
et de
car la différence
se réduira, par l’hypothèse, à
![{\displaystyle {\frac {i^{\mu }}{2.3\ldots \mu }}\left[\operatorname {F} ^{\mu }(j)-f^{\mu }(j)\right],}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/40da4d9b94c437950582587aa1f60f7f0609188f)
où la quantité
pourra être différente dans les deux fonctions, mais toujours
au lieu que la différence
sera de la forme
![{\displaystyle {\frac {i^{\lambda }}{2.3\ldots \lambda }}\left(\varphi ^{\lambda }-f^{\lambda }\right)+\ldots +{\frac {i^{\mu }}{2.3\ldots \mu }}\left[\varphi ^{\mu }(j)-f^{\mu }(j)\right],}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/dba07517f76d2ef30ee6e08aaac77d606340983b)
étant
d’où l’on voit qu’en diminuant la valeur de
le rapport de cette différence à la première deviendra toujours plus grand, à moins que l’on n’ait aussi
etc.
C’est sur ces principes qu’est fondée l’application rigoureuse de la théorie des fonctions dérivées aux parties de la Géométrie et de la Mécanique, pour lesquelles on emploie le Calcul différentiel. Soit
l’ordonnée d’une courbe dont
est l’abscisse ; prenons une nouvelle abscisse
qui commence où finit l’abscisse
que nous regarderons maintenant comme constante ; l’ordonnée correspondante sera

Arrêtons-nous aux premiers termes, et supposons l’équation

entre l’abscisse
et l’ordonnée
cette équation sera une ligne droite qui passe par le point de la courbe qui répond à l’abscisse
et qui est inclinée à l’axe d’un angle dont
est la tangente.
Comme les deux termes de l’ordonnée de cette droite coïncident avec les deux premiers termes de celle de la courbe, il sera impossible qu’aucune autre droite passant par le même point de la courbe puisse passer aussi entre elle et la droite dont il s’agit ; celle-ci sera donc la tangente de la courbe au même point, de manière qu’en appelant
la sous-tangente, on aura en général
et de là
Prenons maintenant les trois premiers termes du même développement, et considérons la courbe dont l’équation entre l’ordonnée
et l’abscisse
serait

on aura une parabole dont l’axe est parallèle aux ordonnées, et dont le paramètre est 
Cette parabole passera par le point de la courbe proposée qui répond à l’abscisse
et aura la même tangente qu’elle, parce que les deux premiers termes de son équation coïncident avec ceux de l’équation de la courbe ; et, comme les troisièmes termes coïncident aussi ; il s’ensuit qu’aucune autre parabole ne pourra passer entre celle-ci et la même courbe.: ce sera, par conséquent, la parabole qu’on nomme osculatrice, et qui aura
ou
pour paramètre.
Comme c’est ordinairement au cercle qu’on rapporte la courbure des courbes, pour avoir le rayon de courbure, on supposera que la courbe proposée est un cercle dont l’équation générale est, comme l’on sait,

ainsi on aura

d’où l’on déduit, en prenant les fonctions dérivées,
![{\displaystyle {\begin{aligned}y'\ =&-{\frac {x-a}{\sqrt {r^{2}-(x-a)^{2}}}}=f'(x),\\y''=&-{\frac {r^{2}}{\left[r^{2}-(x-a)^{2}\right]^{\frac {3}{2}}}}=f''(x).\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/539a7c917d4e4bea94f2b0b06df1c894821df834)
Si l’on détermine, par ces trois équations, les valeurs de
en
on aura non seulement le rayon
du cercle osculateur, mais aussi la position du centre de ce cercle par les deux coordonnées
qui seront en même temps celles de la développée ; car alors les trois premiers termes du développement de
dans le cercle coïncideront avec les trois premiers termes du développement de
dans la courbe proposée.
On aura aussi, pour une courbe quelconque,

On peut pousser plus loin cette théorie des osculations, comme nous l’avons fait dans les nos 117 et suivants de la Théorie des Fonctions analytiques.
Si l’on considère l’espace décrit par un mobile comme fonction du temps employé à le parcourir, et qu’on nomme
le temps et
l’espace, l’équation
exprimera la nature du mouvement. Soit
l’espace décrit dans le temps
qui commence au bout du temps
on aura

et par le développement

ne prenons dans cette expression de
que le premier terme, et considérons un autre mobile dont le mouvement serait représenté par l’équation

entre l’espace
et le même temps
ce mouvement sera uniforme avec la vitesse
Comme la valeur de
est exprimée par un terme qui est le même que le premier terme de la valeur de
il suit de ce que nous avons démontré, en général, que, dans les premiers instants du temps
ce mouvement uniforme approchera plus du mouvement dont il s’agit qu’aucun autre mouvement uniforme ; car on pourra toujours prendre le temps
assez court pour que, entre les espaces parcourus en vertu de ces deux mouvements, il ne puisse être parcouru uniformément, dans le même temps, aucun espace moyen avec une autre vitesse que
Donc on pourra regarder
comme l’expression de la vitesse de tout mouvement représenté par l’équation
au bout du temps 
Si l’on prend les deux premiers termes de l’expression de
pour l’espace décrit par un autre mobile dans le même temps
la formule

représentera un mouvement composé d’un mouvement uniforme avec la vitesse
et d’un mouvement uniformément accéléré produit par une pression ou force accélératrice constante
comme l’expérience le prouve dans le mouvement des graves.
Les termes de la valeur de
étant les mêmes que les deux premiers termes de l’expression générale de
on conclura des mêmes principes établis ci-dessus, et par un raisonnement semblable au précédent, que, dans les premiers instants du temps
ce nouveau mouvement approchera du mouvement représenté par l’équation

plus qu’aucun autre mouvement semblable, de manière qu’on pourra prendre
pour la vitesse, et
pour la force accélératrice au commencement du temps
c’est-à-dire au bout du temps
Donc, en général,
étant l’espace décrit et exprimé en fonction du temps,
sera la vitesse, et
la force accélératrice nécessaire pour ce mouvement.
Ceci a lieu naturellement dans les mouvements rectilignes ; mais, en considérant les mouvements curvilignes comme composés de rectilignes, on en déduit les lois des vitesses et des forces dans toutes sortes de mouvements.
Nous nous contenterons ici d’avoir fait voir, en deux mots, l’usage de notre théorème sur les limites du développement des fonctions, dans l’application des fonctions dérivées à la Géométrie et à la lécanique et nous renverrons ceux qui désireront un plus grand détail à la seconde Partie de notre Théorie des Fonctions analytiques.