Leçons de géologie (Delamétherie)/Tome I/Section troisième

DE LA NATURE DES PRINCIPES QUI COMPOSENT LE GLOBE TERRESTRE, ET DE LEUR CRISTALLISATION[1].


Tous les faits prouvent que le nombre des principes, ou substances dites élémentaires, dont est composé le globe terrestre, est assez considérable ; et certainement nous ne les connaissons pas tous, puisque la chimie en découvre chaque jour de nouveaux : tels que l’iode…

Ceux qui sont connus sont :

1. Le feu, ou fluide igné, dénommé aujourd’hui le calorique.

2. Le fluide lumineux.

3. Le fluide électrique. Il est, suivant toutes les analogies, le même que le fluide galvanique.

4. Le fluide magnétique.

5. Le fluide nébuleux.

6. Le fluide éthéré, ou gravifique. Peut-être est-ce le fluide électrique.

7. L’air pur, ou gaz oxigène.

8. L’air inflammable, ou gaz hydrogène.

9. L’air impur, ou gaz azote, ou nitrogène.

10. Le carbone.

11. Le soufre.

12. Le phosphore.

13. L’iode.

14. Le platine.

15. Le palladium.

16. Le rhodium.

17. L’osmium.

18. L’iridium.

19. L’or.

20. L’argent.

21. Le mercure.

22. Le cuivre.

23. Le fer.

24. Le plomb.

25. L’étain.

26. Le zinc.

27. L’antimoine.

28. Le bismuth.

29. L’arsenic.

30. Le cobalt.

31. Le nickel.

32. Le manganèse.

33. Le tungstone.

34. Le molybdène.

35. L’urane.

36. Le titane.

37. Le chrome.

38. Le tellure.

39. Le tantale.

40. Le cerium.

41. La silice.

42. L’alumine.

43. La magnésie.

44. La chaux.

45. La baryte.

46. La strontiane.

47. La zircone.

48. La glucine.

49. La gadoline.

50. La potasse.

51. La soude.

52. Le chlore, ou base de l’acide muriatique.

53. La fluorine, base de l’acide fluorique.

54. Le boracium, base de l’acide boracique.

Chacune de ces substances peut-elle être regardée comme un être simple ?

Ou peut-on la considérer comme composée ?

On sait que les opinions à cet égard sont partagées.

Mais il paraît certain qu’elles sont formées de premières parties de la matière, qui sont par conséquent beaucoup plus subtiles.

Peut-être le charbon, le soufre, le phosphore, l’iode, les, substances métalliques, les substances terreuses, les alkalis, le chlore, la fluorine, le boracium sont formées de fluides éthérés, et de gaz.

J’ai fait voir, dans différens mémoires, et particulièrement dans le Journal de Physique, tome 78, page 108, et tome 80, que, suivant les analogies, ces diverses substances étaient produites journellement dans ces végétaux, les animaux, les minéraux… comme les principes dits immédiats des animaux, des végétaux, la fibrine, l’albumine, la gélatine…

La chose ne paraît pas douteuse pour la formation de l’iode, qui ne se trouve ni dans les eaux des mers, ni dans les terres, ni dans l’air atmosphérique (Journal de Physique, tom 80, p. ).

La production de l’ammonium, en exposant à l’action de la pile voltaïque du mercure avec de l’ammoniac, peut donner des vues sur la production nouvelle de ces diverses substances ; car, l’ammoniac paraît composé d’hydrogène, d’azote… ces gaz concourent donc à la formation de l’ammonium ; ils peuvent donc également concourir à la formation des autres substances métalliques, des terres, des alkalis.

Il serait intéressant de savoir dans quel état de fluidité se trouvaient ces élémens à l’instant de leur formation.

On ne peut guère douter que les six fluides éthérés, et les trois gaz ne fussent à cet instant, comme aujourd’hui, à l’état aériforme.

Mais nous ignorons dans quel état se trouvaient le soufre, le phosphore, le carbone, les substances métalliques, les autres bases des acides, les terres, les alkalis ; ils n’auraient pu être à l’état aérifome que par un degré de chaleur plus ou moins considérable.

On ne peut concevoir les combinaisons premières de la matière, qu’autant que chacune de ses parties avait un mouvement propre, qui les portait les unes vers les autres pour s’unir et s’agréger. Ces agrégats ont formé les 54 substances dont nous venons de parler.

Chacune de ces 54 substances avait également une force propre, par laquelle elle s’unissait, et se combinait suivant les circonstances.

Ces substances se formaient successivement en molécules extrêmement tenues, dont chacune ne contenait qu’une partie du nouveau composé. Ces molécules qu’on peut appeler à l’état naissant, se combinaient promptement, ou entre elles, et formaient des masses du même composé, ou avec d’autres, et formaient de nouveaux composés.

Tous ces nouveaux composes formaient vraisemblablement des corps concrets et non liquides.

On peut donc supposer que :

1.o Les premières parties de matières, avant leurs combinaisons, formaient une espèce de fluide aériforme, dont les molécules étaient d’une ténuité que nous ne saurions concevoir : peut-être était-ce la matière nébuleuse, ou l’akasch.

2.o Ces molécules premières de matières se combinèrent, et formèrent différentes substances.

3.o Les six fluides éthérés, dont la fluidité est très-grande.

4.o Les trois gaz : l’oxigène, l’hydrogène, et l’azote.

5.o Quant aux autres substances dites élémentaires, le charbon, le soufre, le phosphore, les métaux, les alkalis, les terres, les… il est possible qu’elles aient été formées comme les neuf fluides dont nous venons de parler, par les combinaisons des premières parties de matières.

6.o Mais il me paraît plus probable qu’elles l’ont été par les combinaisons de ces neuf fluides. Les expériences qui, par l’action de la pile voltaïque font passer l’ammoniac composé d’hydrogène, d’azote… à l’état de substance métallique, donnent beaucoup de poids à cette opinion.

7.o Il faut concevoir que toutes ces substances, qui ont formé le globe, étaient réunies vers un centre commun d’attraction, et avaient déjà un mouvement de rotation sur un axe, en 23 h 56′ 4″, pour que le globe put acquérir la figure sphéroïdale, à mesure que les combinaisons se formaient, et passaient à l’état concret.

8.o Toutes ces combinaisons se sont opérées successivement, et le globe n’a été formé, et n’a acquis sa consistance et son volume, que dans un tems plus ou moins long.

Les substances minérales ont trois modes particuliers de cristalliser.

a. Les métaux purs réduits en fusion, peuvent cristalliser en se refroidissant, ainsi que le soufre, le phosphore, le carbone, l’iode…

b. Ces corps se combinent avec l’oxigène, et forment des oxides qui cristallisent également comme l’oxide d’étain…

c. Ces mêmes corps peuvent aussi se combiner avec des acides, et forment des sels neutres.

Mais examinons, d’après les faits connus, la manière dont la cristallisation des substances qui composent le globe terrestre a pu s’opérer.

Les cinquante-quatre substances, dont nous venons de parler, étant formées d’une manière quelconque, se sont combinées pour former le globe terrestre. Cette combinaison n’a pu avoir lieu, qu’autant qu’elles étaient libres d’obéir aux lois des affinités. Nous connaissons quelques faits auxquels on n’a peut-être pas donné assez d’attention, qui peuvent jeter beaucoup de jour sur cette question.

Les corps sont beaucoup plus susceptibles de se combiner, lorsqu’ils sont réduits en petites molécules, pour ainsi dire élémentaires, que lorsqu’ils sont en masses plus considérables.

Cette vérité n’a pas échappé à la sagacité de Priestley, lorsqu’il a parlé des gaz ; ils se combinent, dit-il, avec une grande facilité, lorsqu’ils sont à l’état naissant, c’est-à-dire au premier moment de leur dégagement, lorsqu’ils sont réduits à de très-petites molécules, à leurs molécules élémentaires.

Cette opinion de Priestley est confirmée par un grand nombre de faits, et elle est admise presque généralement.

1.o On suppose aujourd’hui que l’hydrogène à l’état naissant, même à une température très-basse, rencontrant de l’oxigène, il y a dégagement ou production d’eau.

Mais ce dégagement d’eau n’a pas lieu en mélangeant seulement ces deux gazs, lorsqu’il y a quelque tems qu’ils sont formés, à moins que la température ne soit assez élevée pour produire combustion.

2.o L’hydrogène et l’azote se rencontrant au moment de leur état naissant, forment de l’ammoniac, comme on le voit dans plusieurs occasions.

a. De la limaille de fer exposée sur du gaz nitreux, il y a production d’ammoniac ; l’hydrogène dégagé de la limaille se combine au moment de son état naissant, avec l’azote du gaz nitreux.

b. L’hydrogène et l’azote, qui se dégagent des matières animales en putréfaction, ou chauffées à une haute température, se combinent à leur état naissant, et forment de l’ammoniac.

Mais l’hydrogène et l’azote pris séparément, et mélangés quelque tems après leur formation, ne produisent point d’ammoniac.

3.o L’hydrogène et le carbone se rencontrant au moment de leur état naissant, se combinent et forment de l’huile.

a. Lorsqu’on dissout la fonte de fer dans l’acide muriatique, ou l’acide sulfurique, il y a constamment production d’huile, dit Proust (Journal de Physique, tome 49, page 155). C’est que l’hydrogène, dans l’état naissant, se combine avec une portion de charbon de la fonte également à l’état naissant.

Mais le charbon et l’hydrogène, mélangés long-tems après leur formation, ne produisent point d’huile.

4.o Le charbon qui, dans son état naissant, rencontre de l’oxigène, forme de l’acide carbonique. C’est ce qu’on voit dans la respiration des animaux…

Mais le charbon formé, et mélangé avec l’oxigène, ne forme d’acide carbonique qu’à la température de la chaleur rouge, lorsqu’il y a combustion.

5.o Le charbon et le fer, dans les fontes de fer en grand, sont volatilisés, et produisent du carbure de fer, ou plombagine, parce que leurs molécules, réduites à leur état élémentaire ou naissant, se combinent facilement.

Cette combinaison n’a pas lieu dans d’autres circonstances.

6.o Le gaz hydrogène sulfuré laisse dégager du soufre qui, se combinant à son état naissant avec l’oxygène, forme de l’acide sulfureux, lequel, en absorbant une plus grande quantité dioxygène, passe à l’état d’acide sulfurique.

Le soufre en masse ne se combine avec l’oxygène, pour former l’acide sulfureux, qu’à une haute température, celle de la combustion.

7.o Le phosphore présente les mêmes phénomènes. Lorsqu’il se dégage du gaz hydrogène phosphoré, il se combine à son état naissant avec l’oxygène, et forme de l’acide phosphorique.

8.o Les molécules des métaux, à leur état naissant, peuvent aussi se combiner avec l’oxigène, et former des oxides et des acides.

9.o Les molécules des métaux, à leur état naissant, peuvent aussi se combiner avec l’hydrogène, et forment des gaz particuliers.

a. L’arsenic chauffé avec l’hydrogène se combine avec lui, et forme un gaz hydrogène arseniuré, lequel contient une quantité, considérable d’arsenic métallique (à peu près un huitième, y suivant Stomeyer, Journal de Physique, tome 68, page 147).

Cependant l’arsenic réduit en limaille la plus fine, et exposé sur du gaz hydrogène, ne s’y combine point.

b. Le zinc, le fer… peuvent également se combiner avec l’hydrogène, et forment des gaz hydrogènes particuliers.

10.o La silice mêlangée avec la potasse, ou la soude, et exposée à une haute température, en est dissoute, et forme du verre. Lorsque l’alkali domine, c’est-à-dire, qu’il y en a deux ou trois parties contre une de silice, le verre devient déliquescent (c’est la liqueur des cailloux). En versant dans cette liqueur un acide, il se combine avec l’alkali, et la silice est précipitée ; Mais si on ajoute un excès d’acide, il se combine aussitôt avec cette silice précipitée à l’état naissant, et elle est dissoute par cet acide.

Cette dissolution n’a pas lieu si on n’ajoute cet excès d’acide que quelques instans après que la silice a été précipitée. Elle se réunit alors au fond du vase, et se présente sous forme d’une poussière terreuse, âpre au toucher : ce qui fait présumer que ses molécules ont déjà contracté entre elles une adhérence telle, qu’elles deviennent insolubles dans les acides.

L’alumine offre à peu près les mêmes phénomènes. Si dans le moment qu’on la précipite de l’alun par un alkali, on ajoute un excès d’acide, l’alumine est dissoute par cet acide, parce qu’elle se trouve à son état naissant.

Mais si on laisse reposer quelque tems cette alumine précipitée de l’alun, elle sera attaquée beaucoup plus difficilement par les acides.

La fusion des corps par la chaleur produit des phénomènes analogues à ceux que nous venons d’exposer ; leurs molécules sont, par l’action du calorique, séparées les unes des autres, et réduites comme à l’état naissant. La masse devient liquide, et chaque molécule, à son état naissant, se réunit à d’autres molécules dans le même état : elles forment des masses qui cristallisent, ou sous forme régulière, ou sous forme confuse.

On ne peut concevoir la fusion d’une substance métallique, d’une substance sulfureuse, par exemple, qu’autant que l’action du calorique en sépare les molécules. Autrement, ce ne serait qu’une masse frittée, qui ne fondrait pas, et ne cristalliserait pas.

Les terres, ou prises séparément, ou unies plusieurs ensemble, peuvent également être soumises à l’action du feu ; si la chaleur n’est pas assez considérable, on n’aura qu’une espèce de fritte qui ne s’agglutine pas. Mais si la chaleur a plus d’intensité, il y a fusion. Les molécules de ces substances sont séparées, et réduites à l’état naissant, elles se combinent et cristallisent. C’est ainsi que sont formées les pierres volcaniques qui ont été réduites en fusion, et le verre qui a cristallisé.

La SUBLIMATION des corps par la chaleur opère encore les mêmes effets par la même cause. Les molécules sublimées sont séparées les unes des autres par l’activité du calorique : elles se trouvent comme à leur état naissant. Alors, elles s’unissent, se combinent et cristallisent.

Les molécules de soufre, sublimées, cristallisent sous forme de fleur de soufre.

Les molécules de phosphore, également sublimées, cristallisent.

L’or, l’argent, sont sublimés au foyer du miroir ardent, et cristallisent.

Les sulfures de mercure, d’arsenic… sont également sublimées, et cristallisent.

Quelques terres, telle que la silice… peuvent être également sublimées, et cristalliser. Vauquelin a fait voir[2] que la silice ainsi sublimée cristallise en filets capillaires.

Quelques substances minérales sont produites par sublimation dans les volcans, telles que la rubine d’arsenic, le fer spéculaire volcanique…

Il serait inutile de multiplier les exemples pour prouver une vérité qu’on ne saurait plus révoquer en doute. Des substances qui ne sauraient se combiner à leur état ordinaire, se combinent facilement, lorsque leurs molécules sont réduites à l’état naissant par quelque cause que ce soit.

Mais ne pourrait-on pas supposer que plusieurs combinaisons primitives des parties premières de matières, n’ont pas produit ces substances dites élémentaires dans leur état de pureté, mais les ont produit déjà combinées entr’elles : ainsi, au lieu de produire du carbone pur, elles l’auront produit combiné, par exemple, avec l’oxigène sous forme d’acide carbonique : le soufre, le phosphore, le bore, les métaux… Au lieu d’avoir été produits purs, l’auraient été également combinés, par exemple, avec l’oxigène sous forme d’acides sulfurique, phosphorique, boracique, métallique…

La chose, sans doute, a été très-possible. Mais pour suivre la filiation des idées, il vaut mieux supposer que ces combinaisons ne se sont opérées que postérieurement, et que, dans le principe, il n’a été formé que ce qu’on nomme les substances simples. Leurs molécules étaient à l’état élémentaire, c’est-à-dire, que chaque molécule particulière ne contenait qu’une partie unique de la substance simple. Une partie de soufre ne contenait qu’une molécule de soufre, une partie de charbon ne contenait qu’une molécule de charbon… Mais suivons l’ordre de ces combinaisons.

Chacune des molécules de ces diverses substances élémentaires, rencontrant des molécules de substances semblables à leur état naissant, se combinèrent ensemble et formèrent des masses de substances homogènes : des molécules de soufre, par exemple, rencontrant d’autres molécules de soufre, s’unirent ensemble et formèrent des masses de soufre, c’est ce qu’on observe à la solfatare et dans la plupart des volcans : le soufre y est volatilisé par la chaleur en petites molécules, et on les voit se réunir et cristalliser sous ses yeux dans les fentes des fumaroles ; et former des masses plus ou moins considérables.

Les substances métalliques sont volatilisées de la même manière, et forment souvent des masses cristallisées.

Le fer, volcanique spéculaire est sublimé par les feux souterrains, et cristallise très régulièrement en cristaux assez gros.

L’or, l’argent… exposés au foyer du miroir ardent, sont sublimés.

La silice peut être également sublimée.

Chacune des molécules de ces substances élémentaires peut également se combiner avec des molécules d’autres substances, qui ont de l’affinité avec elles ; il en résultait de nouveaux composés.

Des molécules de soufre, par exemple, à leur état naissant, rencontrant des molécules d’oxigène, s’y combinaient et formaient des oxides de soufre, ou des acides soit sulfureux, soit sulfuriques.

Ces mêmes molécules de soufre, à leur état naissant, rencontrant des molécules de potasse, de soude, de baryte, de strontiane, de chaux, d’arsenic, de mercure… également à l’état naissant, se combinèrent avec elles et formèrent différentes sulfures alkalins, terreux, métalliques…

On en doit dire autant du phosphore, du charbon… si leurs molécules, à l’état naissant, rencontrent de l’oxigène, des alkalis, des terres, des métaux…, elles s’y combinent également, et forment des acides, des phosphores, des carbures…

Ces diverses combinaisons primitives et cristallisations, s’opéraient primitivement dans des espaces que nous appelons improprement vides, parce qu’il n’y avait que les premiers élémens de matières ; mais il n’y avait ni air, ni eau, puisque ces deux dernières substances n’existaient pas, ou n’étaient qu’en très-petite quantité : des faits certains nous prouvent qu’effectivement ces combinaisons peuvent avoir lieu dans des espaces où il n’y a que des fluides très-raréfiés ; car, lorsqu’on fait sublimer, par exemple, l’acide boracique, l’ammoniac, le cinabre…, on est obligé de chauffer les vases assez fortement, ils ne contiennent donc plus que des fluides extrêmement raréfiés.

Ces combinaisons et cristallisations peuvent également avoir lieu dans l’air atmosphérique : du gaz ammoniacal, par exemple, répandu dans l’air, rencontrant du gaz acide muriatique, se combine avec lui sous forme de nuage blanc, et cristallise.

Enfin, ces mêmes combinaisons et cristallisations s’opèrent encore, lorsque ces molécules sont tenues à l’état naissant dans l’eau, ou tout autre liquide qui leur laisse la liberté d’agir et d’obéir aux lois des affinités.

La baryte et la strontiane présentent des exemples bien frappans de la cristallisation des substances dites simples, dans l’eau ; chacune de ces terres étant à l’état de pureté, et leurs molécules à l’état naissant, mises dans un flacon plein d’eau bouillante, et bien fermé, se réunissent, se combinent par le refroidissement ; il se forme des cristaux de ces terres, au fond du vase.

Les alkalis fixes, la potasse et la soude, si solubles dans l’eau, n’y peuvent cristalliser, parce qu’ils ont une trop grande affinité avec elle ; mais si on ajoute de l’alcool dans cette dissolution, la cristallisation s’opère ; parce que l’eau, ayant plus d’affinité avec l’alkool qu’avec les alkalis, abandonne ceux-ci, et laisse la faculté de cristalliser à leurs molécules qui se trouvent à l’état naissant.

La silice est soluble en partie dans l’eau ; car, dans le verre déliquescent elle y fait une gelée transparente : un acide la dissout dans cet instant, mais quelques momens après elle ne peut plus s’y dissoudre.

Il est donc probable que cette terre, à son état naissant, n’a pas assez d’affinité avec l’eau pour pouvoir s’y dissoudre entièrement ; ses molécules, à cet état, sont solubles par les acides dans les premiers instans : mais aussitôt elles se combinent en partie et cessent d’être à leur état naissant, ce qui les empêche de pouvoir être attaquées par les acides.

Il en faut dire autant de l’alumine précipitée par un alkali d’une dissolution d’alun étendue d’eau : on voit l’alumine y nager comme une substance floccueuse et demi-transparente ; si on fait évaporer, cette eau, on obtient l’alumine desséchée et conservant sa demi-transparence ; elle est attaquée avec force par les acides, dans les premiers momens ; mais quelques tems après elle l’est avec beaucoup plus de difficulté : c’est que ses molécules sont réduites à l’état naissant dans les premiers momens.

La glutine et la zircone présentent à peu près les mêmes phénomènes que l’alumine.

La gadoline n’est pas assez connue.

La chaux et la magnésie se dissolvent entièrement dans l’eau ; mais on n’a pu les y faire cristalliser, sans doute parce qu’ainsi que les alkalis, elles ont trop d’affinité avec elle. On y pourra parvenir soit par l’alkool, soit par tout autre moyen analogue.

Les substances métalliques peuvent aussi, dans certaines circonstances, cristalliser dans l’eau.

Huit parties de bismuth, cinq de plomb et trois d’étain, font un alliage, découvert par Darcet. Il fond, et reste liquide à la température de l’eau bouillante : c’est-à-dire que cet alliage, formé par la fusion et mis dans l’eau bouillante, fond et coule au fond du vase[3] : il y cristallise par un refroidissement lent.

Or nous avons vu que les métaux fondus, ne peuvent cristalliser en se refroidissant, que parce que leurs molécules, réduites à leur état naissant par la fusion, peuvent se rapprocher et se combiner.

Le phosphore cristallise également dans l’eau bouillante.

Le soufre à l’état fluide, mis dans l’eau, n’a pas encore été amené à cristalliser. « Mais le soufre qui a été chauffé à un certain degré, devient épais, comme sirupeux, et conserve, après avoir été coulé, dans l’eau froide, une mollesse qui le rend précieux pour les empreintes de cachet[4]. »

Tous ces faits prouvent qu’il suffit, pour que les diverses substances dites élémentaires cristallisent dans l’eau, ainsi que dans l’air ou dans le vide, que leurs molécules soient réduites à l’état naissant, de manière qu’elles jouissent d’une assez grande liberté pour obéir aux lois des affinités.

Ces principes bien constatés, nous allons examiner la manière dont on peut supposer que les substances dites élémentaires se sont combinées, soit dans le vide, soit dans l’air, soit dans l’eau, pour former notre globe. Il ne faut pas oublier que les combinaisons se sont opérées à différentes époques, et que la masse entière du globe ne s’est formée et consolidée que successivement. Elle n’a acquis son volume et sa consistance que dans un espace de temps assez long, dont nous ignorons la durée.

Dans le principe, ces combinaisons se sont opérées dans une espèce de vide, et ensuite dans l’air, et ont formé la presque totalité de la masse du globe, par une cristallisation de substances à l’état aériforme. Postérieurement elles ont eu lieu dans l’eau. C’est dans leur sein que paraissent s’être formés les terrains primitifs de la croûte du globe et les terrains secondaires, par une cristallisation aqueuse, c’est-à-dire, des substances tenues en dissolution dans l’eau.

Des couches minérales déposées dans le sein des eaux, peuvent y avoir été formées de diverses manières.

1o. Les unes ont éprouvé une dissolution, et ont cristallisé plus ou moins régulièrement. Elles ont formé des masses compactes : telles sont les couches de marbre cristallin, les gypses…

2o. Les secondes ont cristallisé d’une manière grenue, comme la craie.

3o. Les autres couches n’ont point éprouvé de dissolution, mais une simple suspension. Les environs de Paris présentent deux couches très-régulières d’argile, qui n’ont pas été dans un état de dissolution. La première est située au-dessus de la craie, et se trouve mélangée avec des sables. On y trouve quelques cristaux réguliers de selenite, et du bois passant à l’état du jayet.

La seconde couche d’argile est au-dessus des plâtres. Elle contient aussi des cristaux réguliers de selenite, et des masses en rognons de strontiane sulfatée.

Ces couches argileuses n’ont été que suspendues dans les eaux ; mais leur état permettait à la selenite et au sulfate de strontiane de cristalliser.

Il y a également aux environs de Paris des couches de sable très-régulières, comme à Ménil-Montant et ailleurs : elles contiennent beaucoup de coquilles marines. Ces sables n’ont été tenus dans les eaux de la mer que dans un état de suspension, et n’ont point été dans un état de dissolution.

De pareils phénomènes se présentent sur toute la surface du globe ; et il n’est pas douteux qu’un grand nombre de ces couches n’ait été tenu dans les eaux que dans un état de suspension.


DES COMBINAISONS DES FLUIDES ÉTHÉRÉS.


Les divers fluides éthérés, le feu ou calorique, le fluide lumineux, le fluide électrique ou galvanique, le fluide magnétique, le fluide nebuleux… étaient primitivement, in principio rerum, à l’état élastique. Une partie s’est vraisemblablement combinée pour former les substances dont le globe terrestre est composé.

Tous les physiciens conviennent que le feu ou le calorique se combine, dans les différens corps.

Plusieurs faits paraissent ne laisser aucun doute que le fluide lumineux n’entre dans un certain nombre de combinaisons. Le gaz phosgène du John Davy le prouve.

Les expériences sur la décomposition des corps, par le moyen de la pile voltaïque, prouvent que le fluide électrique ou galvanique devient un des principes de ces corps, et qu’il s’y combine.

Le fluide magnétique paraît, suivant les analogies, devoir se trouver dans plusieurs corps, particulièrement dans le fer.

Il est probable que le fluide nébuleux se trouve dans les corps phosphorescent.

Ce sont les combinaisons de ces fluides, qui rendent aujourd’hui l’étude de la physique, et les analyses chimiques si difficiles, parce que l’aart n’a aucun moyen de saisir ces fluides.


DES COMBINAISONS DE L’OXIGÈNE, DE L’HYDROGÈNE, ET DE L’AZOTE.


Ces trois gaz entrent ou séparément, ou ensemble, dans un grand nombre de combinaisons ;

L’oxigène se trouve dans la plupart des acides, dans les alkalis, dans les oxides métalliques, dans les terres…

L’oxigène et l’azote, combinés par le moyen de l’étincelle électrique, entrent dans l’acide nitrique.

L’hydrogène et l’azote entrent dans l’ammoniac.

Ces différens gaz se réunirent en masses à mesure qu’ils se formaient, et formèrent l’atmosphère.

Tous les autres corps, le soufre, le phosphore, le charbon ; les métaux, les alkalis, les terres ont été formés, ou primitivement par les combinaisons premières des parties élémentaires de la matière, ou secondairement par les combinaisons des fluides éthérés et des fluides gazeux. Les expériences de Berzelius, qui pense que l’ammoniac composé d’hydrogène et d’azote ou nitrogène, peut se convertir en ammonium, ou substance métallique, donne beaucoup de poids à cette dernière opinion.


DES COMBINAISONS DE l’OXIGÈNE ET DE L’HYDROGÈNE, ET DE LA PRODUCTION DE L’EAU.


L’oxygène et l’hydrogène, se rencontrant à l’état naissant (ib principio reRUM), ont produit L’eau (soit qu’il y eût véritable formation, soit qu’il n’y eût que dégagement).

Mais cette eau ne fut, comme les autres élémens, produite que successivement et peu à peu. La grande légèreté de l’hydrogène relativement à L’oxigène, rendait difficile leur rencontre, et par conséquent leur combinaison.

Les premières portions d’eau demeurèrent suspendues dans l’atmosphère ; et ce ne fut que lorsque l’air atmosphérique ne put plus les soutenir, qu’il s’en précipita une partie vers le noyau principal, où s’accumulaient toutes les parties solides qui se formaient.

Enfin, la formation de l’eau augmentant, elle se réunit en masse autour du principal noyau d’attraction, qui attirait à un centre unique les substances élémentaires, et leurs combinaisons qui formaient le globe. Elle enveloppe toutes ces substances, et enfin couvrit, à des époques postérieures, toute la surface du globe, sous le nom de mer, ou d’Océan.

La lenteur des combinaisons de l’oxygène et de l’hydrogène doit faire présumer que les eaux ne furent assez abondantes pour prendre le nom de mer, que lorsque la plus grande partie des autres combinaisons fut achevée, et eût formé la presque totalité de la masse du globe.

On peut donc supposer que la plus grande partie de ces combinaisons primitives s’opéra dans le vide, c’est-à-dire, dans des espaces où il n’y avait que les premiers élémens de la matière, et ensuite dans l’air atmosphérique, et qu’un très-petit nombre des substances des terrains primitifs a été opéré dans l’eau, à des époques très-postérieures.

Nous allons faire l’exposé de la manière dont paraissent s’être opérées ces combinaisons.


DE LA COMPOSITION ET DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MINÉRALES, DONT SONT FORMÉS LES TERRAINS PRIMITIFS.


Les substances minérales dont sont formés les terrains primitifs, ont été composées, in principio rerum, par la combinaison des parties premières de matière, ou par celles des fluides éthérés ou gazeux. Ces combinaisons se sont opérées successivement et à diverses époques. Nous allons exposer sommairement les notions que nous avons de ces combinaisons, d’après l’état actuel de la science.


DE LA COMPOSITION ET DE LA CRISTALLISATION DU SOUFRE DES TERRAINS PRIMITIFS.


Les molécules du soufre, formées, in principio rerurm, soit par la combinaison des premières parties de matière, soit par celle des fluides éthérés et gazeux, se sont réunies à leur état naissant pas les lois des affinités, et ont formé des masses plus ou moins considérables de cette substance.

Cette réunion, qui s’était d’abord opérée dans un espace sans air, a eu lieu également dans l’air atmosphérique, après sa formation: elle y a produit les mêmes phénomènes ; savoir des masses plus ou moins considérables de soufre, comme on le voit à la solfatare et ailleurs.

Mais il est arrivé souvent que des molécules élémentaires de soufre, à l’état naissant, ont rencontré des molécules d’autres substances également à l’état naissant, avec lesquelles elles avaient de l’affinité; elles se sont alors combinées ensemble.

a. Des molécules de soufre, à leur état naissant, ayant rencontré, par exemple, des molécules d’oxygene, se seront combinées avec elles, et il y eut production d’oxide sulfureux, ou d’acides, soit sulfureux, soit sulfurique.

Ces acides rencontrant des substances terreuses, ou métalliques, produisirent des sulfites, ou des sulfates terreux ou métalliques. On trouve un grand nombre de ces sels dans les terrains primitifs.

b. Des molécules de soufre à l’état naissant, rencontrant également à l’état naissant des molécules d’autres substances, avec lesquelles elles ont de l’affinité, se combinèrent avec elles, et formèrent des sulfures:

Avec les alkalis des sulfures alkalins ;

Avec les terres des sulfures terreux;

Avec les substances métalliques, des sulfurés métalliques, tels que ceux d’argent, de cuivre, de fer, de plomb, de zinc, d’antimoine…

Avec le charbon, des sulfures charbonneux, tel est celui que Klaproth a trouvé dans un schiste bitumineux de Frienvaldï.

Mais le soufre et ses combinaisons ont pu être également produits dans le sein des eaux, à mesure qu’elles se sont accumulées à la surface du globe ; car on trouve, dans les terrains primitifs, de la croûte du globe formée dans les eaux, différentes sulfures, et même du soufre en nature comme à Moutiers. Recherchons comment se sont opérés ces phénomènes.

Je pense que les parties premières de matière, ou les molécules des fluides éthérés et des gazs, qui, dans les commencemens se sont combinées, soit dans le vide, soit dans l’air, pour former le soufre, peuvent également se combiner dans l’eau ; car, ces parties sont si subtiles, qu’elles pénètrent l’eau avec la plus grande facilité : rien ne saurait donc empêcher que leurs combinaisons s’y opèrent.

Mais ce soufre, qui se trouve dans les terrains primitifs de la croûte du globe formés dans les eaux, quelque soit son origine, a été tenu en suspension, ou en solution, par ces eaux, pour y cristalliser, et se combiner. Ses molécules, à l’état naissant étaient charriées par les eaux, se rapprochaient comme dans l’air, se combinaient et cristallisaient.

Dans quelques autres circonstances, elles ont pu être tenues dans les eaux sous forme de sulfures, ou de gaz hydrogène sulfuré.

Il se forme journellement du soufre dans des marais fangeux couverts d’eaux croupissantes, dans les cloaques… il y cristallise.

Chez les végétaux et chez les animaux, il y a également production de soufre.


DE LA FORMATION ET DE LA CRISTALLISATION DU PHOSPHORE DES TERRAINS PRIMITIFS.


On n’a pas encore trouvé le phosphore pur dans le règne minéral ; cependant il pourrait y être à l’état de combinaison ; mais l’acide phosphorique existe dans les terrains primitifs, dans l’appatit, par exemple, dans les métaux phosphates… ce qui prouve qu’il y a eu production de phosphore dans ces terrains.

Le phosphore a donc été formé primitivement comme les autres substances élémentaires, soit par la combinaison des parties premières de matière, soit par celle des fluides éthérés et gazeux ; sa formation s’est opérée successivement, et à différentes époques.

Ses molécules, à l’état naissant, se rencontrant entre elles, se sont unies, et ont formé d’abord dans le vide, et ensuite dans l’air, des masses plus ou moins considérables de phosphore.

Ces mêmes molécules, à leur état naissant, rencontrant des molécules d’autres substances avec lesquelles elles ont de l’affinité, également à l’état naissant, s’y sont combinées, et ont donné de nouveaux composés.

a. Avec l’hydrogène, elles ont formé le gaz hydrogène phosphoré.

b. Avec l’oxigène, elles ont formé l’acide phosphorique.

c. Avec les alkalis, les terres, les métaux, elles ont formé des phosphores.

d. L’acide phosphorique rencontrant des substances avec lesquelles il a de l’affinité, a formé des phosphates alkalins, ou terreux, tels que les appatits, ou métalliques, tels que les phosphates de plomb, de fer…

Le phosphore que nous pouvons supposer avoir été primitivement produit dans le vide, ensuite dans l’air, a pu également être formé dans l’eau comme le soufre ; lorsque dans la distillation du phosphore on le fait passer dans l’eau chaude, et qu’on le laisse refroidir lentement, on le trouve cristallisé en octaèdre.

Cette cristallisation suppose que ses molécules, à l’état naissant, ont pu obéir aux lois des affinités dans l’eau.


DE LA FORMATION ET DE LA CRISTALLISATION DU CHARBON, OU ANTRACITE DES TERRAINS PRIMITIFS.


Le charbon ou entracite, a été formé primitivement, in prinipio rerum, comme les autres substances élémentaires, soit par la combinaison des parties premières de matière, soit par celle des fluides éthérés et gazeux. Sa quantité a dû être très-considérable, comme on en peut juger par la quantité prodigieuse d’acide carbonique, qui existe dans ces terrains.

Ses molécules élémentaires se rencontrant à leur état naissant, se sont combinées entre elles, soit dans le vide, soit dans l’air, et ont formé des masses d’antracite, comme les molécules de soufre réunies ont formé des masses de soufre

Ces mêmes molécules, à leur état naissant, rencontrant, à l’état naissant, des molécules d’autres substances, avec lesquelles elles ont de l’affinité, se sont combinées avec elles, soit dans le vide, soit dans l’air, ce qui a donné de nouveaux composés.

a. Ainsi, les molécules de charbon, à leur état naissant, rencontrant de l’oxigène, ont formé de l’acide carbonique si abondant dans les terrains primitifs.

Cependant la chimie ne peut produire l’acide carbonique, qu’en combinant à la chaleur rouge le charbon avec l’oxigène.

Mais l’acide carbonique est produit journellement à une chaleur bien inférieure, et même souvent à une température très-basse ; car, l’oxigène inspiré par les animaux, est converti en acide carbonique à et cependant la température la plus élevée du corps des animaux, qui est celle des oiseaux, ne va pas à 40° elle est bien inférieure dans les autres espèces, particulièrement dans celle qu’on appelle à sang froid.

On doit donc supposer, que cette combinaison n’a lieu que parce que le charbon qui se dégage principalement du sang noir de la veine pulmonaire, et qui traverse la membrane des bronches, est alors dans un état de division prodigieuse, comme à son état naissant, et il se combine facilement avec l’oxigène.

b. Les molécules de charbon, à l’état naissant, ayant rencontré de l’hydrogène, ont formé du gaz hydrogène carburé.

c. Les molécules de charbon dans un grand état de division, comme à leur état naissant, peuvent se combiner avec les métaux, et former du carbure de fer, ou plombagine, comme on le voit dans les fontes de fer en grand.

d. Les molécules de charbon, dans un grand état de division, peuvent se combiner avec le fer d’une autre manière. Pour convertir le fer en acier, on met dans une petite caisse des barreaux de fer doux avec des substances animales, et on expose la caisse à un certain degré de chaleur ; les matières animales sont converties en charbon ; ses molécules, à l’état naissant, pénètrent les barreaux de fer incandescens, se combinent avec le fer et le convertissent en acier.

e. Le charbon peut encore se combiner avec le soufre, et former un sulfure charbonneux.

Le charbon et ses combinaisons ont pu être également produits dans le sein des eaux, à mesure qu’elles se sont accumulées à la surface du globe ; car, les parties qui dans les commencemens se sont combinées, soit dans le vide, soit dans l’air, pour former le charbon, peuvent également se combiner dans l’eau ; ces combinaisons se seront opérées comme celles du soufre et du phosphore.


DE LA FORMATION (ET DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MÉTALLIQUES DES TERRAINS PRIMITIFS.


Ces substances ont été formées primitivement in principio rerum, comme les autres substances élémentaires, par la combinaison des parties premières de la matière, ou celles des fluides éthérés et gazeux. Ces combinaisons se sont opérées successivement et à diverses époques.

Les molécules métalliques, à leur état naissant, étaient susceptibles de se combiner entr’elles comme celles du soufre, du Phosphore, de l’antracite… dans le vide et dans l’air.

a. Des molécules d’or sublimées par à la chaleur du miroir ardent, et réduites à l’état naissant, rencontrant d’autres molécules d’or, se réunissent et forment des masses d’or natif.

L’argent offre les mêmes phénomènes.

Le fer spéculaire volcanique, sublimé par la chaleur des volcans, forme des cristaux d’un assez gros volume ; ses molécules sont réduites à l’état naissant par l’activité de la chaleur, se combinent et cristallisent.

Toutes ces cristallisations s’opèrent dans un air très-raréfié ; les molécules de ces métaux réduits à leur état naissant, peuvent obéir aux lois des affinités.

Les métaux peuvent également cristalliser dans l’eau, comme nous l’avons vu dans l’alliage de Darcet.

Je pense donc, que les métaux ont pu être formés dans le sein des eaux, à mesure qu’elles se sont accumulées, comme elles l’ont été primitivement dans le vide et dans l’air ; plusieurs faits paraissent même prouver qu’il s’en forme encore journellement, principalement chez les végétaux et les animaux ; l’analyse en retire d’assez grandes quantités de fer, de manganèse.


DE LA FORMATION ET DE LA CRISTALLISATION DES MÉTAUX NATIFS.


Les métaux ont été formés à l’état natif ; il est donc vraisemblable qu’il en existe une grande partie sous cet état, dans l’intérieur du globe.

Les phénomènes du magnétisme indiquent que le fer, particulièrement, y doit être à l’état natif et en grande quantité.

Ces métaux natifs ont été produits primitivement dans le vide, et ensuite dans l’air.

Mais, postérieurement, il y en a eu de produit dans l’eau ; car, dans les terrains primitifs de la croute du globe, on trouve différens métaux à l’état natif, tels que l’or, l’argent, le platine, le mercure, le cuivre, l’antimoine, le bismuth, l’arsenic, le tellure… Ces métaux y sont en petites masses, lesquelles sont, le plus souvent mélangées avec des masses qui paraissent le produit d’une dissolution et d’une cristallisation dans les eaux.

L’or natif est le plus souvent cristallisé au milieu du quartz.

J’ai des morceaux d’argent natif du Pérou, cristallisés en barbes de plumes, au milieu d’un quartz gris, qui en a pris l’empreinte ; il faut donc supposer que la cristallisation de l’argent et celle du quartz, se sont opérées dans le même moment.

Le cuivre natif de Sibérie, cristallisé au milieu des calcaires.

Le tellure cristallise également combiné avec d’autres métaux…


La plupart de ces métaux natifs paraissent provenir de la décomposition des sulfures métalliques, comme nous allons le dire.


DE LA FORMATION ET DE LA CRISTALLISATION DES MÉTAUX NATIFS ALLIÉS.


Les métaux natifs sont rarement purs. Ils sont le plus souvent alliés plusieurs ensemble.

a. Les mines d’or natif, qui paraissent les plus pures, contiennent presque toujours une portion d’argent.

b. L’argent natif se trouve combiné ou allié avec l’or…

Avec l’arsenic…

Avec le mercure, dans l’amalgame d’argent natif

Avec le cuivre, l’arsenic, le ; plomb, l’antimoine, le fer… dans les différentes espèces de mines de cuivre gris, ou falhers.

Avec l’antimoine, dans les mines d’argent antimonial.

c. Le fer natif est allié à l’arsenic dans le mispikel, ou fer arsenical.

d. L’antimoine natif est allié à l’arsenic dans l’antimoine arsenical.

e. L’arsenic natif est allié avec un très-grand nombre de substances métalliques également à l’état natif.

f. Le tellure natif est allié avec l’or, le plomb, le fer…

Les molécules de ces divers métaux natifs se sont réunies à leur état naissant : elles se sont combinées, et ont formé, à différentes époques, ces masses de métaux natifs alliés, comme se sont formées les masses de soufre, d’antracite… Ces opérations ont d’abord eu lieu dans le vide, puis dans l’air, et troisièmement dans l’eau.


DE LA FORMATION ET DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MÉTALLIQUES À L’ÉTAT D’OXIDES.


Les molécules des substances métalliques à l’état naissant, rencontrant des molécules d’oxigène à l’état naissant, se sont combinées avec elles, et ont formé des oxides à différens degrés.

Ces premières combinaisons s’opèrent d’abord dans le sein de l’atmosphère, et en dernier lieu dans l’eau.

La chimie ne peut produire les oxides métalliques qu’à une température suffisante pour brûler les métaux.

Elle les oxide encore en les dissolvant dans les acides, ce qui les surcharge d’oxygène.

L’action galvanique que les métaux exercent les uns sur les autres, lorsqu’ils sont en contact, les oxides encore plus puissamment à une température très-basse.

Mais plusieurs métaux sont oxidés continuellement à la température ordinaire ; le cuivre, le fer, le plomb, l’étain, le zinc, l’antimoine… bien décapis, se ternissent promptement lorsqu’ils sont exposés à l’air atmosphérique, c’est-à-dire que l’air les oxide.

Ces oxidations peuvent également s’opérer dans l’eau.

De la limaille d’acier, ou de fer, mise dans de l’eau, s’y oxide, avec dégagement d’air inflammable.

Il est même quelques oxides métalliques, tels que ceux d’arsenic, de cuivre qui sont solubles dans l’eau.


DE LA FORMATION ET DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MÉTALLIQUES À L’ÉTAT D’ACIDES.


Mais ces mêmes substances métalliques peuvent passer à l’état d’acides métalliques, si elles absorbent une assez grande quantité d’oxygène ; l’arsenic, le molybdène, le tungstone, le chrome… se trouvent à l’état d’acide dans les arseniates de cuivre, de fer, de cobalt… dans les molybdates de plomb, dans les tungstates ferrugineux et calcaires, dans les chromates de plomb et de fer… Ces acides métalliques ont pu être formés par les mêmes moyens que l’ont été les acides sulfuriques, carboniques…

On peut donc supposer que les molécules des métaux susceptibles d’acification ont, à leur état naissant, rencontré des molécules d’oxygène à leur état naissant, et se sont combinées avec elles en assez grande quantité pour être converties en acides.

Ce phénomène a eu lieu d’abord dans le vide, ensuite dans l’air, et postérieurement dans l’eau.


DE LA FORMATION ET DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MÉTALLIQUES SULFURÉES, PHOSPHORÉES, CARBURÉES.


On rencontre dans les terrains primitifs un grand nombre de substances métalliques combinées avec le soufre, et formant des sulfures, tels que ceux d’argent, de cuivre, de fer, de plomb, de zinc, de mercure… On peut même dire, en général, qu’il est peu de métaux qui ne puissent être minéralisés par le soufre.

Le phosphore peut également minéraliser des métaux. L’art a opéré ces combinaisons.

Quelques métaux sont minéralisés par le charbon, comme le fer dans la plombagine.

Les molécules de ces métaux étant à leur état naissant, auront rencontré des molécules de soufre à leur état naissant : elles s’y sont combinées, et ont formé ces sulfures.

Les sulfures de mercure ou cinabre, faits par l’art, sont produits par la même cause. La chaleur volatilise les molécules de ces deux substances : elles sont réduites comme à leur état naissant, et se combinent avec facilité.

Il en faut dire autant des sulfures d’arsenic ou rubines, produits dans les volcans, comme au Vésuve.

Les phosphures métalliques, s’il en existe, auraient été produits par les mêmes causes.

Ce sont encore les mêmes moyens qui produisent les carbures métalliques. On voit journellement dans les fontes de fer en grand, se former de la plombagine. Ces carbures ne sont formées, que parce que les molécules de fer et de charbon, réduites par la chaleur à l’état aériforme, sont comme à leur état naissant, et se combinent facilement.

Ces combinaisons se sont faites d’abord dans le vide, et ensuite dans l’eau.

Les mêmes combinaisons, ou sulfures, phosphures et carbures, peuvent être produites dans l’eau. Nous en avons une preuve dans les sulfures de plomb, dans ceux de fer…, qui se font, dans les terrains secondaires.

Les sulfures de fer, humectés d’eau, se décomposent et s’enflamment ; comme le prouva Lemery. Il fit un mélange de fleur de soufre et de limaille de fer, qu’il humecta d’eau : ces substances réagirent les unes sur les autres, et finirent par s’enflammer (Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, an 1700).

D’autres sulfures métalliques peuvent également se décomposer ; les sulfures de plomb se décomposent très-souvent dans les mines.

Les sulfures d’argent se décomposent aussi ; mais l’argent, s’oxidant difficilement, demeure à l’état natif.

Il en est de même de plusieurs autres métaux qui paraissent à l’état natif, par la décomposition de leurs sulfures. J’ai prouvé (Journal de Physique, tom. 78, pag. 66), que la décomposition de ces sulfures provient de l’action galvanique, que le soufre et le métal exercent l’un sur l’autre.


DE LA FORMATION ET CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MÉTALLIQUES COMBINÉES AVEC DES ACIDES.


Des molécules métalliques, à l’état naissant, rencontrant dans le vide ou dans l’air des molécules d’acides également à l’état naissant, se combinent avec elles, et forment des sels neutres métalliques.

La minéralogie connaît un assez grand nombre de ces sels dans les terrains primitifs (Leçons de Minéralogie).

Les carbonates de plomb, de fer, de zinc.

Les sulfates de cuivre, de fer, de zinc.

Les phosphates de plomb, de fer.

Les muriates d’argent, de mercure, de plomb.

Les arseniates de cuivre, de fer, de cobalt.

Les molybdates de plomb.

Les tungstates de fer.

Les chromates de plomb de fer.

Ces mêmes combinaisons des substances métalliques avec les acides purent postérieurement s’opérer dans les eaux.


DE LA FORMATION ET DE LA CRISTALLISATION DES ALKALIS TERRAINS PRIMITIFS.


Les alkalis sont des substances métalloïdes, comme on l’a prouvé, en les soumettant à l’action de la pile voltaïque. On pense que ces substances métalloïdes passent à l’état d’alakalis en absorbant de l’oxygène ; c’est-à-dire que les alkalis sont des oxides.

On doit donc supposer que le potassium et le sodium ont été formés primitivement comme les autres substances métalliques élémentaires, par des combinaisons particulières des premières parties de matière, ou des fluides éthérés et gazeux.

Ces substances métalliques se sont combinées à leur état naissant, soit entr’elles, soit avec les autres substances élémentaires, dans le vide ou dans l’air, comme l’ont fait les autres substances métalliques.

Combinées avec l’oxygène, elles ont formé la potasse et la soude.

Ces alkalis ont pu être également formés dans l’eau, non à l’état de potassium ou de sodium, parce que ces substances métalloïdes s’enflamment au contact de l’eau, mais à l’état de potasse ou de soude.

Ils se forment journellement chez les végétaux, chez les animaux, et dans les nitrières.


DE LA FORMATION, ET DE LA CRISTALLISATION DES TERRES ET DES PIERRES DES TERRAINS PRIMITIFS.


Les substances pierreuses forment la majeure partie du globe. Leur formation et leur cristallisation intéressent donc plus le géologue, que celles d’aucune autre substance minérale.

Les pierres sont composées de différentes terres, soit pures, soit combinées entr’elles, soit combinées avec d’autres substances.

H. Davy a prouvé que les terres sont des substances métalloïdes, analogues à celles, des alkalis. On doit donc supposer que ces terres ont été formées à peu près de la même manière que les alkalis et les substances métalliques.

Ces terres furent donc formées primitivement, in principio rerum, comme toutes les autres substances dites élémentaires, ou par les combinaisons des parties premières de la matière, ou par les combinaisons des divers fluides éthérés et gazeux. Cette production s’opéra successivement, et à différentes époques : d’abord dans le vide, ensuite dans l’air, et postérieurement dans l’eau. Leurs molécules étant à l’état naissant, se combinent facilement.

Lorsque des molécules d’une terre à l’état naissant rencontrèrent d’autres molécules semblables, également à l’état naissant, elles s’unirent, et formèrent une pierre composée uniquement de cette terre.


DE LA FORMATION, ET DE LA CRISTALLISATION DES PIERRES QUI NE CONTIENNENT QU’UNE TERRE PURE.


Quelques pierres paraissent ne contenir qu’une terre pure.

Le quartz paraît composé de la silice pure, ou oxide de silicium.

Les saphirs paraissent composés d’alumine pure, ou oxide d’aluminium.

On doit donc supposer que des molécules de silice, à leur état naissant, se sont rencontrées, et se sont combinées pour former le quartz.

Des molécules d’alumine, à leur état naissant, se rencontrant, se sont combinées, et ont formé les saphirs.

Ces pierres, le quartz, le saphir sont analogues à d’autres oxides métalliques, aux cristaux d’oxide d’étain, aux oxides de fer.

Ces combinaisons se sont d’abord opérées dans le vide : postérieurement elles se sont opérées dans l’air, et ensuite dans l’eau.

Les mêmes phénomènes ont eu lieu dans la formation de toutes les pierres homogènes.


DE LA FORMATION, ET DE LA CRISTALLISATION DES PIERRES CONTENANT PLUSIEURS TERRES, ET QUELQUEFOIS DES ALKALIS, SANS AUCUN ACIDE.


Cette classe de pierres est très-nombreuse ; elle renferme les feldspaths, les grenats, les zéolites, les smectites, les circons, les éméraudes… (Leçons de Minéralogie).

Plusieurs terres se rencontrant à leurétat naissant, se sont combinées par les lois des affinités, de la même manière que nous avons vu que cela a eu lieu pour les métaux natifs alliés ; elles ont formé ces différentes pierres, les grenats, les émeraudes, les circons…

Quelquefois des molécules d’alkalis à leur état naissant, se sont combinées à quelques-unes de ces terres, et ont formé les feldspaths, les micas, les stilbites, les stéatites…

Ces combinaisons se sont opérées successivement d’abord dans le vide, dans l’air, et ensuite dans l’eau.


DE LA FORMATION, ET DE LA CRISTALLISATION DES PIERRES QUI NE CONTIENNENT QU’UNE TERRE ET UN ACIDE.


Ces pierres doivent être regardées comme de vrais sels neutres pierreux, tels sont le calcaire, le gypse, le fluor, l’appartit, la tungstone, les barytites, les srontianites.

Des molécules d’une terre à l’état naissant, et des molécules d’un acide également à l’état naissant, s’étant rencontrées, se sont combinées, et ont formé ces espèces de pierres ; la chaux, par exemple, combinée avec l’acide carbonique, a formé le calcaire,

Ces combinaisons ont pu s’opérer dans le vide, dans l’air, et dans l’eau.


DE LA FORMATION ET DE LA CRISTALLISATION DES PIERRES COMPOSÉES DE PLUSIEURS TERRES, ET D’UN OU PLUSIEURS ACIDES.


Quelques pierres telles que la topaze… sont composées de plusieurs terres, et d’un ou de plusieurs acides…

Plusieurs terres à leur état naissant, et des acides à leur état naissant, se sont combinées, et ont formé ces pierres.

Ces combinaisons ont pu s’opérer dans le vide, dans l’air, et dans l’eau.


DE LA FORMATION DE LA CRISTALLISATION DES PIERRES AGRÉGÉES, OU DES ROCHES, TELLES QUE LES GRANITS, PORPHYRES, GNEIS, SCHISTES MICACÉS…


Ces pierres sont formées de plusieurs pierres, ou cristallisées ensemble, ou noyées dans une pâte, ou agglutinées.

On doit concevoir que, leur formation et cristallisation, se sont opérées comme celles des autres pierres.

On a un exemple de la cristallisation aggrégée de plusieurs pierres, dans celles de plusieurs sels, tels que le nitre, le sel marin… qu’on fait cristalliser ensemble.

Ou chacun de ces sels cristallise à part distinctement.

Ou celui qui exige le plus d’eau de cristallisation, comme le sel marin, cristallisé distinctement, noie dans la masse du nitre, comme dans une pâte.

C’est ainsi qu’ont été formés les granits, et granitoïdes, les porphyres, et porphyroïdes…


DE LA FORMATION DE CRISTAUX RÉGULIERS DE DIVERSES SUBSTANCES, AU MILIEU DE MASSES DES TERRAINS PRIMITIFS CRISTALLISÉES CONFUSÉMENT.


On observe fréquemment des cristaux réguliers de diverses substances, au milieu des masses des terrains primitifs cristallisées confusément ; les schistes micacés, les schistes primitifs, les chlorites schisteuses… contiennent souvent des cristaux de diverses substances, telles que des grenats, des tourmalines, des hyacintes, du fer oxidé octaèdre… les dolomies contiennent des cristaux réguliers de trémolite ; des marbres primitifs tels que ceux de Carare, contiennent des cristaux de quartz, des pyrites…

Il faut supposer, que les parties élémentaires de ces cristaux, étaient, dans leur état naissant, disséminées dans ces masses ; elles se sont réunies et combinées, dans l’instant que ces masses étaient encore fluides.

Mais il faut observer, comme nous l’avons déjà dit, que plusieurs portions de ces grandes masses de terrains primitifs de la croûte du globe, paraissent n’avoir pas été tenues dans un état de dissolution au sein des eaux ; elles n’étaient que dans un état de suspension, tels que les schistes primitifs, les argiles primitives… néanmoins leur fluidité boueuse, était assez grande pour permettre aux lois des affinités d’agir, et d’y former des cristaux de diverses substances, grenats, crucites, tourmalines…


DE LA FORMATION ET DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MINÉRALES, QUI COMPOSENT LES TERRAINS SECONDAIRES.


Les terrains primitifs étant presqu’entièrement formés, la masse des eaux qui couvraient ces terrains, diminua, leur niveau s’abaissa : une partie de ces terrains se découvrit, et les continens parurent.

Des êtres organisés partirent sur ces continens.

Leurs débris furent entraînés dans le sein des mers par les eaux courantes : ils se mélangèrent avec les nouvelles couches minérales qui s’y formaient. Ce fut l’origine des terrains secondaires ; ils furent ordinairement déposés par couches.

Enfin, le niveau des eaux s’est abaissé, successivement, au point où nous le voyons, et ces nouveaux terrains sortirent du sein des eaux.

Ces terrains secondaires contiennent une partie des terres, des pierres, des métaux, et des autres substances que nous avons observés dans les terrains primitifs ; mais, la chaux ou la terre calcaire, combinée avec d’autres substances, y est en plus grande quantité.

Toutes ces substances des terrains secondaires, y sont-elles apportées des terrains primitifs, soit qu’elles soient des résidus des cristallisations primitives, soit qu’elles soient des produits de la décomposition des substances de ces terrains primitifs ?

Doit-on dire, au contraire, qu’elles ont été formées postérieurement en totalité, ou au moins en partie ; savoir : à l’époque de ces cristallisations secondaires, soit qu’elles aient été produites par les mêmes combinaisons des parties qui les ont formées dans les terrains primitifs, soit qu’elles aient été produites par d’autres moyens, comme dans les nitrières, soit qu’il y en ait eu de produites chez les êtres organisés par l’action des forces vitales ?…

Nous avons déjà dit que les opinions des savans sont partagées à cet égard.

Ceux qui regardent ces substances comme élémentaires, ne se formant plus, soutiennent qu’elles ont été toutes apportées des terrains primitifs, dans les terrains secondaires.

D’autres pensent, qu’une partie est de nouvelle formation, parce que, les mêmes causes qui les ont produites primitivement, peuvent encore les produire.

Les deux opinions me paraissent également fondées ; il ne me parait pas douteux qu’une certaine quantité de ces substances vient des terrains primitifs, soit qu’elles soient des résidus des cristallisations primitives demeurées dans les eaux-mères, soit qu’elles soient des détritus de ces terrains.

Mais il ne me parait pas moins probable, qu’une partie de ces substances des terrains secondaires est de nouvelle formation.

a. Les mêmes causes qui les ont produites primitivement, les ont produit à des époques postérieures.

b. Il y a beaucoup de probabilité, que, dans les nitrières de nouvelles substances sont formées, telles que la magnésie, la potasse, la soude, des acdies…

c. on trouve également chez les êtres organisés, un grand nombre de substances qui paraissent de nouvelle formation, telles que :

La potasse.

La soude.

Le charbon.

Le soufre.

Le phosphore.

Diverses substances métalliques, le fer, le manganèse…

Diverses terres, la chaux, la magnésie, l’alumine, la silice…

Divers acides, le fluorique, le muriatique, l’iodique, ou leurs bases, la fluorine, le chlore, l’iode…

Mais quelle qu’ait été l’origine de ces substances des terrains secondaires, les faits prouvent qu’elles ont été tenues en suspension, ou en dissolution dans les eaux, pour former ces terrains.

On ne saurait douter, que les marbres, les gypses…, n’aient été dissouts par les eaux ; nous voyons se former les stalactites, les alabastrites gypseux…

Mais, d’un autre côté, les couches argileuses, les schistes… ont seulement été tenues en suspension.

Cet état de suspension, de ces diverses substances, est absolument mécanique ; des eaux très agitées comme celles des fleuves dans leurs débordemens, gonflées par les pluies, charrient des argiles et autres terres qu’elles tiennent en suspension.

Mais lorsque ces mouvemens tumultueux cessent, elles laissent déposer ces terres, et ces dépôts se font par couches.

Mais, quant à celles de ces substances qui ont été tenues en solution, il faut supposer que leurs molécules étaient réduites à l’état naissant, et qu’alors elles se combinaient, soit entr’elles, soit avec d’autres substances, de la même manière que cela s’est opéré dans la formation des terrains primitifs.


DE LA FORMATION ET CRISTALLISATION DES COUCHES SULFUREUSES DES TERRAINS SECONDAIRES.


On trouve, dans des terrains secondaires, comme dans le duché d’Urbin, à Cesène, en Italie ; au val de Mazzara, en Sicile ; à Conilla, en Espagne…, quelques couches de soufre peu considérables ; elles offrent quelquefois des cristaux réguliers, mais elles sont, le plus souvent, cristallisées d’une manière confuse.

Ce soufre, des terrains secondaires, y a-t-il été apporté des terrains primitifs ? ou est-t-il un produit nouveau ?

Les chimistes, qui regardent le soufre comme un corps élèmentaire qui ne se forme plus, disent qu’il a été apporté les terrains primitifs.

Mais, ceux qui pensent qu’il se forme journellement du soufre, chez les végétaux, chez les animaux et ailleurs, conviennent qu’une partie de ce soufre, des terrains secondaires, parait être un produit nouveau et avoir été formé, à ces dernières époques, par les mêmes moyens qu’il l’a été primitivement.

J’adopte les deux opinions, et je crois qu’une partie du soufre des terrains secondaires y a été apportée des terrains primitifs, et que l’autre est d’une formation nouvelle.

Mais comment ce soufre, quelle que soit son origine, a-t-il pu former ces couches sulfureuses secondaires dans l’eau ? car elles se trouvent avec d’autres couches qui ont été entièrement dissoutes ou suspendues dans l’eau, telles que le gypse, le calcaire, le sulfate de strontiane…, les argiles…

Il me paraît vraisemblable, que les molécules de soufre étaient réduites à leur état élémentaire, à leur état naissant elles ont pu obéir aux lois des affinités, se combiner et former des masses de soufre, semblables à celles de première formation.

Il sera arrivé souvent, que ces molécules de soufre, à l’état naissant, auront rencontré de l’hydrogène, et auront formé du gaz hydrogène sulfuré, lequel est soluble dans les eaux.

D’autres fois, ces molécules de soufre, à l’état naissant, auront rencontré des terres, des substances métalliques… et auront formé des sulfures également solubles dans les eaux.

Ces gaz hydrogènes sulfurés et ces sulfures, se seront décomposés et auront souvent laissé déposer leur soufre au sein des eaux, et il se sera mélangé avec les autres couches ; c’est ce qu’on voit avoir lieu dans les fontaines d’eaux thermales, ou de gaz hydrogène sulfuré.


DE LA FORMATION DU PHOSPHORE, ET DE L’ACIDE PHOSPHORIQUES DES TERRAINS SECONDAIRES.


L’acide phosphorique est très-abondant dans les terrains secondaires ; on le trouve dans les fers limoneux, dans l’estramadurite…

Cet acide y parait provenir des matières animales et végétales…

Mais, le phosphore lui-même ne s’y trouve jamais en nature, il y est toujours en état de combinaison.


DE LA FORMATION DES TOURBES.


On trouve, dans les terrains secondaires, de grandes quantités de tourbes ; on les voit se former journellement de débris de végétaux, principalement de plantes aquatiques.

Ces plantes se décomposent…

Leurs débris se déposent mécaniquement…


DE LA FORMATION DES HOUILLES OU CHARBONS, DES TERRAINS SECONDAIRES.


Les houilles, ou charbons de terre, sont très-abondans dans les terrains secondaires ; ils y forment des couches immenses, qui s’étendent dans toute une contrée ; quelques-unes, telles que celles de Whithe-Haven, dans le duché de Cumberland, visitées par Francklin, sont à des profondeurs prodigieuses, à 8 ou 900 brasses au-dessous du niveau de l’océan ; d’autres sont à de grandes hauteurs au-dessus de ce niveau, telles que celles de Santa-Fe-de Bogota…

Ces houilles sont, en général, composées d’une partie considérable de charbon, d’une portion d’huile, de quelques portions de diverses terres, d’oxide de fer…

Une partie de ces substances, telles que le carbone, peut provenir de quelques mines d’antracite des terrains primitifs ; qui auraient été entraînées par les eaux dans les terrains secondaires ; mais la plus grande partie provient des débris des êtres organisés, principalement des végétaux, comme le prouve cette à quantité considérable d’huile, qui est contenue dans les houilles, tandis qu’on n’en retire jamais de l’antracite.

Mais, suivant plusieurs chimistes, ce charbon, ces terres n’ont pu être formés chez les êtres organisés ; ils auraient donc toujours été apportés des terrains primitifs.

D’autres chimistes, au contraire, prétendent que ce charbon, ces terres, ces fers oxidés… sont produits par les forces vitales, cher les êtres organisés.

J’admets les deux opinions, et je pense qu’une partie de ces substances provient effectivement des terrains primitifs ; mais je crois, que la plus grande partie est de nouvelle formation, puisqu’on retire de l’huile, de l’ammoniac de ces houilles, tandis qu’on n’en retire point de l’antracite.

D’ailleurs, toutes ces houilles, surtout leur toit et leur mur, sont remplis d’impressions de végétaux et d’animaux.

Mais, comment ces substances auront-elles pu former ces couches de houille si multipliées dans de certains cantons, si abondantes et si profondes ? dans la montagne de St.-Gilles, près Liége, on connaît déjà soixante-une couches de houille superposées ; la plus profonde est à 1000 pieds Liégeois, ou environ 1,100 mètres : ces couches alternent avec des couches calcaires, des couches argileuses… Nous exposerons ailleurs ce que les analogies nous disent de plus probable à cet égard.

Nous avons vu, dans la formation de l’antracite des terrains primitifs, que ses molécules réduites à leur état élémentaire, à leur état naissant, ont pu se réunir et se combiner, suivant les lois des affinités ; elles ont donc formé des masses plus ou moins considérables d’antracite, qu’on retrouve dans ces terrains.

Mais la formation de grandes couches de houille est différente ; elle a de l’analogie avec celles des couches calcaires, gypseuses ; on ne saurait les comparer avec des amas de bois fossiles… Il faut donc absolument reconnaître, que ces houilles ont été tenues en suspension, ou en dissolution, par les eaux ; c’est ce que prouvent les faits suivans :

a. On y observe plusieurs impressions de plantes, et même d’animaux parfaitement conservées, ainsi que des coquilles.

b. Elles forment des couches d’une grande étendue, et très-régulières, dont quelques-unes sont souvent très-minces.

c. Leur tissu est uniforme, et a presque une apparence résineuse…

Or, des amas de bois fossiles ne présentent aucun de ces caractères.

Il faut donc absolument reconnaître que, les substances végétales ou animales, dont sont composées ces houilles, ont été décomposées en partie, et tenues à un état pâteux ou liquide, dans le sein des eaux, pour y former ces couches de houille.

Nous rechercherons ailleurs les causes qui ont pu donner cet état pâteux ou fluide, aux substances animales ou végétales fossiles. Nous nous en tiendrons aux faits.

Or, il est constaté par les faits, que :

1°. Il existe des quantités considérables de tourbes.

2°. Les amas de bois fossiles, entassés irrégulièrement et ne formant point de couches, sont encore plus considérables.

3°. Ces bois deviennent noirs, et se décomposent plus ou moins dans l’intérieur de la terre.

4°. Quelques-uns passent à l’état de jayet, et sont assez altérés pour qu’on n’y aperçoive plus les fibres du bois ; ils ont une cassure résineuse ; et en brûlant, donnent l’odeur bitumineuse.

5°. De grandes quantités d’huiles minérales, de pissaphaltes, de poix, sont volatilisées en différens endroits, comme en Italie, à Gabian, en Auvergne, en Perse, en Judée.

6°. Les houilles sont par couches plus ou moins épaisses, quelquefois très-minces, et déposées suivant les affinités, alternativement avec des couches calcaires, argileuses…

7°. Des bois fossiles n’auraient pu former ces couches. 8°. Il faut donc supposer que ces couches ont été formées par des huiles minérales, des pissaphaltes…

9°. Ces huiles ; ces pissaphaltes, ont été mélangées avec des terres, des oxides de fer… et ont formé, dans le sein des eaux, les couches bitumineuses.

10°. Il n’est pas nécessaire de supposer que ces huiles, ces pissaphaltes… aient été tenues dans un état de dissolution dans les eaux : il suffit qu’elles y aient été dans un état de suspension, comme les couches argileuses.

Nous donnerons ailleurs, plus de développement à ces idées.


DE LA FORMATION ET CRISTALLISATION DES MÉTAUX MINÉRALISÉS DES TERRAINS SECONDAIRES.


Les substances métalliques, qui se trouvent dans les terrains secondaires, n’y sont jamais à l’état natif ; elles se présentent, le plus souvent, sous forme d’oxides, ou sous forme de sulfures ; il faut rechercher les moyens qui les ont formées, et les ont fait i cristalliser.

Les opinions des chimistes sont partagées sur la formation des substances métalliques des terrains secondaires, comme sur celles du soufre, du charbon…

Ceux qui regardent les métaux comme des substances simples, qui ne se forment plus, disent que les métaux des terrains secondaires, y ont été apportés des terrains primitifs.

D’autres, au contraire, pensent qu’il se forme journellement des substances métalliques, par le moyen des mêmes combinaisons qui les ont formées primitivement.

J’adopte les deux opinions ; il ne me paraît pas douteux, que des substances métalliques n’aient été apportées des terrains primitifs dans les terrains secondaires.

Mais il me paraît également probable, qu’il se forme journellement des substances métalliques, principalement chez les êtres organisés. La chimie en retire des quantités prodigieuse de fer, de manganèse…

Il faut maintenant rechercher comment ces substances métalliques ont pu être déposées dans les terrains secondaires.

On ne les trouve ordinairement que sous deux formes principales,

Ou oxidées ;
Ou sulfurées…

Celles de ces substances qui sont dans les terrains secondaires à l’état d’oxide, y ont été le plus souvent charriées par les eaux ; ce sont principalement les mines de fer : ce métal, soit qu’il soit apporté des terrains primitifs, soit qu’il vienne de la décomposition des substances des êtres organisés…, se combine avec l’oxigène, et passe à l’état d’oxide ; celui qui peut être apporté des terrains primitifs est également oxidé : ces oxides ferrugineux se mélangent avec les différentes terres, et sont charriés sous cette forme, pour former les fers limoneux, les fers ocreux…

Quant aux sulfures métalliques, on en rencontre, dans les terrains secondaires, principalement ceux de fer, de plomb. Les fers sulfurés ou pyrites, par exemple, sont extrêmement abondans dans les argiles, dans les tourbes, dans les houilles… les faits suivans peuvent nous donner quelques notions sur leur nouvelle formation.

Le fer est extrêmement abondant dans toutes ces substances

L’acide sulfurique s’y trouve également.

Cet acide a été primitivement du soufre ; les molécules de ce soufre, à l’état naissant, se sont combinées avec celles du fer, également à l’état naissant, et, ont formé ces sulfures de fer.

On trouve également des galènes, ou plombs sulfurés cristallisés, au milieu des calcaires secondaires coquillères[5] ; il faut supposer que

Ce soufre a été produit, ou apporté des terrains primitifs ses molécules étaient à l’état naissant.

Le plomb a été également apporté des terrains primitifs ; au moins aucun fait ne prouve qu’il y était de formation secondaires : ses molécules étaient aussi à l’état naissant.

Ces molécules de soufre et de plomb, se sont combinées, et ont formé ces sulfures.

Nous donnerons ailleurs plus de développement à ces idées.


DE LA FORMATION ET CRISTALLISATION DES PIERRES DES TERRAINS SECONDAIRES.


Les pierres forment la plus grande partie des terrains secondaires ; leur formation présente d’assez grandes difficultés.

Les chimistes, qui regardent les terres comme des substances élémentaires qui ne se forment plus, sont obligés de dire, que les terres des terrains secondaires ont été toutes apportées des terrains primitifs.

Ceux qui sont d’une opinion contraire, prétendent qu’il se forme journellement des terres, soit chez les êtres organisés, soit ailleurs.

J’adopte les deux opinions :

Il ne me paraît pas douteux que les détritus des terrains primitifs n’apportent une grande quantité de différentes terres, dans les terrains secondaires.

Les résidus des cristallisations des terrains primitifs, les eaux-mères, contiennent également des quantités de ces différentes terres.

Mais il me paraît également probable, qu’il se produit journellement beaucoup de ces diverses terres chez les êtres organisés. La chimie retire :

1°. La silice en grande quantité de plusieurs végétaux, principalement des graminées : elle cristallisé sous forme de petits cailloux nommés tabasher, dans les nœuds du bambou ; sous forme de toile dans les nœuds de l’arrundasativa, le roseau commun (Leçons de Minéralogie, tome 2, page 29).

Il se trouve aussi un peu de silice chez les animaux.

2°. L’alumine se trouve en petite quantité chez les animaux et les végétaux.

3°. La magnésie se trouve en petite quantité chez certains végétaux : elle est plus abondante chez quelques animaux.

4°. La chaux se trouve dans la plupart des végétaux, sous forme de malates, de citrates calcaires.

Mais elle est extrêmement abondante chez la plus grande partie des animaux : elle fait la base des os des animaux osseux. Les coquilles des mollusques, les coraux, les madrepores… où sont logés les polypes… sont entièrement formés de chaux combinée avec l’acide carbonnique, l’acide phosphorique : or, ces coraux, ces madrepores, ces coquilles… sont reproduits par ces animaux en une quantité immense dans le sein des mers.

5°. Le fer oxidé est aussi très-abondant chez les végétaux, et chez les animaux, surtout dans leur sang.

6°. On y trouve aussi du manganèse. Peut-être de l’or…

7°. La potasse et la soude y sont également en grande quantité.

8°. L’acide fluorîque paraît se former dans les dents, dans les os…

Il paraît, que dans les nitrières, dans les terres, dans les sables… il se produit également, a de la potasse, b de la soude, c de la magnésie… d de l’acide muriatique, e de l’acide nitrique… puisqu’on y trouve du nitre, du sel marin…

Tous ces faits ne permettent pas de douter qu’une partie de ces diverses substances, dont sont composés les terrains secondaires, sont des produits nouveaux.

Toutes ces terres, ces alkalis, ces acides… se mélangent, se combinent… et leurs produits se déposent de la manière dont nous l’exposerons.


DE LA FORMATION ET CRISTALLISATION DES SILEX, DES CALCÉDOINES, DES QUARTZ… DES TERRAINS SECONDAIRES.


Les silex, les calcédoines, les pissites, ou pechsteins, les menilites, les molarites, ou pierres meulières… sont en assez grande quantité dans les terrains secondaires.

On y trouve même des quartz cristallisés, comme à Neuilly, proche Paris.

Or, toutes ces substances sont composées de silice, en plus grande quantité, mélangées avec l’alumine…

On sait que la silice est en grande quantité dans tous les terrains secondaires, au milieu des craies, des marnes, des schistes, des argiles…

Je pense donc que cette silice y est dans son état de pureté : ses molécules sont réduites à l’état élémentaire, et comme à leur état naissant : elles peuvent se réunir et cristalliser, comme nous l’avons vu dans les terrains primitifs. Sa cristallisation s’est ici opérée dans l’eau, parce que cette silice a été charriée par les eaux qui traversent toutes ces masses ; l’eau les a seulement mises en contact. L’alumine… qui était mélangée, c’est combinée avec elles, elles se sont pour lors réunies par leurs forces d’affinité, et ont cristallisé, soit sous forme de silex, de calcédoines, de menilite… soit sous forme de quartz, lorsque l’alumine c’est séparée de la silice.

Il serait possible que la silice eût été dissoute quelquefois en partie dans l’eau, comme nous le voyons, lorsqu’elle est précipitée du verre deliquescent, par un acide. C’est ainsi que paraissent se former les dépôts siliceux de geyer.

Elle a été tenue en dissolution pour former le tabasher, dans le bambou.


DE LA FORMATION ET, CRISTALLISATION DES SCHISTES DES TERRAINS SECONDAIRES, ET DES ARGILES.


Une partie assez considérable des terrains secondaires est formée de schistes de différentes natures, d’ardoises, de couches argileuses…

Ces schistes sont composés de 50 à 60 de silice, de 20 à 30 d’alumine, de chaux, de magnésie, d’oxide de fer, de potasse, de charbon…

Nous avons vu que toutes ces substances se combinent dans les terrains primitifs, et y cristallisent : ce même phénomène a lieu dans les terrains secondaires.

Les molécules de la silice étant à leur état élémentaire, à leur état naissant, sont charriées par les eaux : elles se réunissent par les lois des affinités, et acquèrent une grande consistance, comme nous avons vu dans les quartz, dans les silex…

Mais si elles rencontrent d’autres terres également à leur état naissant, elles s’uniront, se combineront avec celles-ci.

Ce mélange d’autres substances telles que la chaux, la magnésie, l’alumine, le fer, la potasse, le charbon, empêche que la silice ne puisse acquérir la dureté qu’elle a dans les quartz, dans les silex… et qu’elle affecte une forme régulière.

Les couches argileuses, n’ont même point de consistance.

Toutes ces couches argileuses, et peut-être même une portion des couches schisteuses, n’ont été tenues, dans le sein des eaux, qu’en état de suspension, et non point dans un état de dissolution.


DE LA FORMATION ET CRISTALLISATION DES CALCAIRES, DES GYPSES, DES APPATITS, DES FLUORS… DES TERRAINS SECONDAIRES.


La chaux seule ne forme jamais de substances pierreuses ; parce que son affinité avec l’eau est trop considérable. C’est pour la même raison que les muriates et les nitrates calcaires ne cristallisent également pas dans les grandes masses d’eau, tandis que les sulfates calcaires y cristallisent.

Mais la chaux, en se combinant avec divers acides, cristallisé ; forme la presque totalité des pierres des terrains secondaires. Celle de ces combinaisons qui paraît la plus abondante, est, avec l’acide carbonique. Le calcaire (ou chaux carbonatée) forme la plus grande partie des pierres des terrains secondaires.

Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit sur l’origine de cette quantité immense de chaux. Une partie paraît provenir des terrains primitifs ; mais la plus grande partie paraît un produit nouveau. La chaux se trouve chez tous les végétaux et les animaux : les mollusques à coquilles, les polypes logés dans les coraux, les madrepores…, en produisent des quantités immenses.

Mais, quelle que soit l’origine de cette chaux, il faut supposer qu’elle était primitivement pure. Ses parties, réduites à l’état naissant, étaient très-solubles, dans l’eau. Cette chaux, pure, n’a pu y cristalliser, par sa trop grande affinité avec l’eau.

Mais lorsque cette eau, chargée de chaux, rencontrait difféens acides, elle se combinait avec eux, et formait des sels pierreux qui cristallisaient.

La chaux, combinée avec l’acide carbonique, forme le calcaire qui est si abondant dans ces terrains. Il se présente sous plusieurs formes :

a. Albâtre.

b. Marbre.

c. Calcaire compacte.

d. Calcaire poreux, tuf calcaire.

e. Craie…

La chaux, combinée avec l’acide sulfurique, forme les gypses.

Combinée avec l’acide phosphorique, elle forme les appatits, comme ceux de l’estramadure.

Combinée avec l’acide fluorique, elle forme les fluors : tels que ceux qu’on vient de trouver aux environs de Paris.

Combinée avec les acides muriatique et nitrique, elle forme des muriates et des nitrates calcaires, qui cristallisent difficilement, à cause de leur trop grande affinité avec l’eau.

Combinée avec l’acide boracique, elle forme les borates calcaires, qu’on trouve dans les lagonis.

Ces divers acides ont été formés par les causes dont nous venons de parler.

Ces diverses pierres, formées avec la chaux, contiennent, le plus souvent, une quantité plus ou moins considérable des autres terres, telles que la silice, l’alumine, la magnésie, le fer oxidé… aussi trouve-t-on rarement purs du calcaire, du gypse, de l’appatit.

Toutes ces cristallisations se sont opérées, le plus souvent, dans les grandes eau ; de l’océan agité ; c’est ce que prouvent les quantités considérables de sables, de coquilles, d’ossemens… qui sont souvent mélangées avec elles ; mais cette agitation des eaux n’était pas ordinairement assez considérable pour réduire en poussière, tous ces fossiles, comme cela a eu lieu dans les falhunières de la Touraine…

La plupart de ces substances paraissent avoir été tenues, par les eaux, dans un véritable état de dissolution, comme le prouve leur cristallisation.


DE LA FORMATION ET CRISTALLISATION DES STRONTIANITES DES TERRAINS SECONDAIRES.


On trouve, aux environs de Paris, dans la couche supérieure d’argile, une assez grande quantité de sulfates de strontiane, cristallisés en masses irrégulières, arrondies et mélangées le plus souvent de calcaire.

La strontiane sulfatée se trouve également au val de Mazzara, en Sicile, dans des terrains secondaires, cristallisée en beaux cristaux réguliers.

Mathieu l’a également trouvée en Lorraine (Journal de Physique, tome 46, page 200.).

L’origine de cette strontiane est assez difficile à assigner ; aucun fait ne prouve qu’elle soit de formation nouvelle. On ne la trouve, ni chez les végétaux, ni chez les animaux… elle pourrait cependant avoir été produite comme la chaux, la silice…

On peut encore supposer qu’elle a été apportée des terrains primitifs, dans lesquels elle est cependant assez rare.

Quant à l’acide sulfurique qui y est combiné, sa formation doit être attribuée à la même cause que celui qui se trouve dans des argiles.

Ce sulfate de strontiane, des environs de Paris, était dissout dans la masse argileuse qui avait une liquidité baveuse, s’il est permis de se servir de cette expression, et il s’est réuni par la loi des affinités, comme le gypse pur, ou sélénite, qu’on trouve cristallisé dans ces mêmes argiles.

Tous ces faits prouvent que les cristallisations des terrains secondaires, ont été opérées par une dissolution aqueuse, des eaux qui ne contenaient point de sels ; parce, qu’on n’en trouve point dans ces masses.

Mais on doit distinguer, dans ces cristallisations, trois modes particuliers :

1°. Cristallisations régulières, comme celles de quartz, de calcaires, de gypses…

2°. Cristallisations confuses, comme celles des marbres, de gypse en masse…

3°. Cristallisations grenues, comme celles de la craie, du gypse niviforme…


DE LA FORMATION ET DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MINÉRALES, QUI SONT DANS LES EAUX DOUCES.


La formation et la cristallisation des terrains, qui sont dans ces lacs, s’opèrent de la même manière, que celles qui se forment dans les eaux des mers ; les mêmes causes y produisent les mêmes effets.

Il serait d’autant plus inutile d’entrer dans des détails sur ces cristallisations opérées dans les eaux douces, qu’il paraît que les eaux de l’Océan, dans lesquelles se sont opérées les grandes cristallisations dont nous venons de parler, ne contenaient alors point de sel, puisqu’on n’y en trouve point, et qu’elles étaient alors réellement des eaux douces.


DE LA COMPOSITION ET DE LA CRISTALLISATION DES DES SUBSTANCES VOLCANIQUES.


Il est constant que la plus grande partie des substances volcaniques ont été réduites en fusion, par l’activité des feux souterrains ; on les voit couler comme des torrens enflammés, et en se refroidissant, elles acquièrent ordinairement la contexture pierreuse ; quelques-unes se présentent sous forme de frittes, de scories, de ponces…

On ne peut donc douter, que la formation de ces substances ne soit due à une liquidité ignée ; leurs molécules réduites à l’état élémentaire, à leur état naissant, se sont réunies et combinées ; leur refroidissement lent et la compression, leur ont fait effectuer la contexture pierreuse qu’elles ont, et elles ont cristallisé, soit d’une manière régulière, soit d’une manière confuse.

Hall, ayant fait fondre des substances minérales, et les ayant laissé refroidir lentement, en exerçant sur elles une compression plus ou moins forte, a obtenu des produits analogues aux minéraux ordinaires.

Quelquefois, on obtient par la fusion ignée des cristaux réguliers, comme dans la fusion des métaux, du soufre…, on observe même, dans le verre fondu et refroidi, des cristaux réguliers, comme l’ont fait voir Keir et Pajot-des-Charmes (Journal de Physique, tome 14, page 187).

Mais, nous exposerons ailleurs plus en détail la formation des diverses substances volcaniques.


DE LA COMPOSITION ET DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES PSEUDO-VOLCANIQUES.


On appelle substances pseudo-volcaniques, des substances qui ont été fondues et calcinées par l’action des houilles ou des charbons enflammés, telles que celles de la bouiche, en Auvergne… ; la formation de ces substances est donc la même que celle des substances volcaniques.


RÉSUMÉ.


Tout ce que nous venons de dire sur la formation et la cristallisation des diverses substances, dont le globe terrestre est composé, fait voir que ces grandes opérations ont été exécutées par deux moyens principaux, et à différentes époques.

1°. À la première époque, les parties premières de la matière à un état, pour ainsi dire, aériforme, se sont réunies dans une espèce de vide, et ont formé les substances dites élémentaires.

a. Les molécules de ces substances élémentaires se sont combinées et ont formé, dans ce vide, des masses plus ou moins considérables, qui ont été attirées vers le centre commun. C’est ainsi que nous pouvons concevoir qu’ont été formées des masses de soufre, de charbon, de divers métaux, de diverses pierres composées d’une seule terre, les gaz…

b. Des molécules à l’état naissant de chacune de ces diverses substances élémentaires, se sont réunies et ont formé, dans ce vide, des corps composés de deux, trois… de ces substances élémentaires, telles que des sulfures, des phosphures, des carbures, des acides sulfuriques, phosphoriques, carboniques…

2°. Les différens gaz formèrent autour du globe une atmosphère, dans laquelle s’opérèrent quelques-unes des combinaisons, dont plusieurs avaient été opérées auparavant dans cette espèce de vide.

3°. L’eau parut à cette époque, par les combinaisons de l’hydrogène et de l’oxigène, soit qu’elle en fût produite, soit qu’elle en fût seulement dégagée, ce qui supposerait qu’elle avait été produite antérieurement.

Une partie de cette eau demeura suspendue dans l’atmosphère.

Une autre partie se précipita vers le centre avec les autres parties solides.

Les cristallisations, qui d’abord s’étaient opérées dans cette espèce de vide, ensuite dans l’air atmosphérique, s’opérèrent alors dans un air chargé d’humidité.

Cette eau entra dans ces combinaisons.

À cette seconde époque, l’eau étant devenue plus abondante, se réunit en grande masse, qui enveloppa le noyau des parties solides accumulées. Ce fut le commencement de l’Océan, dont les eaux alors ne contenaient point de sel.

Les cristallisations des parties solides, qui continuaient de s’opérer dans l’atmosphère, se, précipitèrent à travers cette eau pour gagner le centre.

Tandis que la masse des eaux augmentait, la masse de l’atmosphère diminuait par la grande quantité des gaz qui se combinaient, et entraient comme principe dans les combinaisons secondaires, telles que les acides, les oxides… et l’eau.

On doit donc supposer, que, primitivement la masse de l’atmosphère avait été beaucoup plus considérable qu’elle n’est aujourd’hui.

Sa densité, dans les couches inférieures, était par conséquent très-grande, puisqu’elle est constamment proportionnelle à la hauteur des couches supérieures qui compriment les inférieures.

Les combinaisons continuèrent, et formèrent presque la masse entière du globe, par une dissolution aériforme.

Les eaux augmentaient également, elles couvraient tout le globe, et s’élevaient au-dessus de sa surface à une grande hauteur, que nous ne saurions évaluer, même par approximation.

On voit que la croute du globe est entièrement fermée dans les eaux à une profondeur considérable, qui nous est inconnue, et par une dissolution aqueuse.

On ne trouve point de sels dans ses cristallisations, d’où on doit conclure que ces eaux n’en contenaient point, et qu’elles étaient des eaux douces.

Enfin, quelques substances minérales, telles que les volcaniques ont cristallisé par une dissolution ignée.

Cette surface du globe n’était pas plane : les masses des cristaux s’amoncelaient ça et là, elles formaient les montagnes dont nous avons donné la description.

Ces montagnes, qui, dans ces tems étaient roides et escarpées, ont été dégradées, et leurs pentes sont devenues douces.

Les eaux de la surface du globe diminuèrent peu à peu ; les continens commencèrent à se découvrir ; les êtres organisés parurent…

Les cristallisations minérales continuèrent d’avoir lieu, les débris des êtres organisés se mélangèrent avec ces nouvelles substances, et les terrains secondaires furent formés…

On doit distinguer, dans ces cristallisations minérales, trois modes particuliers.

1°. Les cristallisations régulières, telles que celles du quartz ou cristal de roche, des grenats, tourmalines, topazes, rubis, diamans…, celles du fluor, des calcaires, des substances métalliques pures ou minéralisées…

2°. Les cristallisations confuses, telles que celles du quartz en masse, du pétrosilex, de la lydienne…, des marbres, des pierres calcaires compactes, du gypse en masse, des substances métalliques en masse, pures ou minéralisées.

3°. Les cristallisations grenues, j’appelle ainsi des cristallisations en grains, telles que celles de la craie, des sables quartzeux…

Les salpêtriers, aujourd’hui, font cristalliser le salpêtre en grains pour la fabrication de la poudre : pour y parvenir, ils agitent fortement la dissolution du salpêtre au moment où elle est prête à cristalliser, et alors, au lieu d’avoir de gros cristaux de nitre, qui contiennent beaucoup d’eau nuisible à la poudre, ils obtiennent le nitre cristallisé en petits grains. « Il ne doit être employé d’autre moyen de cristallisation du salpêtre, que l’agitation continuelle de la liqueur (de l’art de fabriquer la poudre. Riffant et Bottrée, pag. 98.)

On fait également cristalliser en grains ou en petits cristaux, le sel de glauber, ou sulfate de soude, qui se trouve dans les salines.

Ces cristallisations de substances minérales présentent un phénomène très-remarquable. Le plus grand nombre de ces substances, de la surface du globe, ont été tenues en dissolution dans l’eau, et y ont cristallisé. Néanmoins, après cette cristallisation, elles n’y sont plus solubles : c’est ce que confirment tous les faits.

a. Le quartz est cristallisé dans le marbre de carare ; dans les anhydres, sur le pissaphalte d’Auvergne… il a donc été dissout dans toutes ces circonstances… et cependant, il n’est plus soluble dans l’eau.

Il faut dire la même chose de toutes les substances des terrains primitifs de la croûte du globe, cristallisées : les grenats, les topazes, les émeraudes, les hyacinthes, les gadolinites, les lydiennes, les micas, les feldspaths… ont cristallisé dans l’eau, et y sont ensuite insolubles.

b. On voit chaque jour pareils phénomènes s’opérer sous nos yeux.

Les stalactites se forment sous l’œil de l’observateur par des eaux qui suintent à travers les plafonds des cavernes, des grottes ; et ces stalactites une fois formées, cessent d’être solubles dans l’eau.

Un grand nombre d’eaux de fontaines, telles que celles de Tivoli en Italie, celles de la fontaine Saint-Alyre, à Clermont en Auvergne, contiennent en dissolution du calcaire, et les déposent sous les yeux de l’observateur… une fois déposé, il est insoluble dans les eaux.

Les eaux ferrugineuses présentent le même phénomène : elles sont surchargées de fer carbonaté en sortant du sein de la terre : elles déposent une partie de ce fer aussitôt qu’elles sont à l’air et ce fer devient insolubles.

La chaux phosphatée est très-soluble dans certaines circonstances, comme dans les corps de divers animaux : elle forme la majeure partie de leurs os. Néanmoins, ces os cessent d’être solubles dans l’eau.

Les combinaisons métalliques nous offrent encore les mêmes phénomènes ; on observe, dans les terrains secondaires, plusieurs de ces combinaisons qui ont été primitivement tenues en solution dans les eaux, et qui ensuite y sont devenues insolubles.

a. Le fer carbonate et oxidé, qui se rencontre dans les eaux ferrugineuses, à leur sortie du sein de la terre, se dépose bientôt par l’évaporation d’une partie de l’acide carbonique, et devient insoluble.

b. Le fer suluré, ou les pyrites, qui se forment dans les argiles, dans les bitumes… y sont cristallisées, et par conséquent ont été tenues en dissolution… elles deviennent ensuite insolubles…

c. Le plomb sulfuré, ou galène, se trouve cristallisé au milieu des terrains secondaires, coquillers. Il a donc été tenu en dissolution dans les eaux ; et cependant il n’y est plus soluble.

La chimie nous dévoilera les causes de ces différens phénomènes : les faits suivans nous font voir ce qui a lieu dans différentes circonstances…

Des cristallisations minérales s’opèrent souvent par des procédés, dont les causes n’ont pas encore été assez déterminées.

L’aluminite de la tolfa est composée d’alumine de potasse, d’acide sulfurique, et d’une portion de silice, à peu près un quart : elle n’est pas soluble dans l’eau, quoique l’alun composé d’alumine de potasse et d’acide sulfurique s’y dissolve en grande quantité ; c’est donc la silice qui rend insoluble l’aluminite, parce que cette silice se combine et forme un sel à triple base.

La minéralogie nous présente plusieurs autres exemples d’un pareil phénomène : la cryolite, la topaze… sont également insolubles… par la même raison.

Les combinaisons de silice et de potasse, ou de natron, comme les verres, sont très-solubles dans l’eau : elles deviennent insolubles par l’addition d’autres terres ; ainsi le feldspath qui contient silice 64, alumine 20, chaux 2, potasse 14, est insoluble dans l’eau, parce que ces différentes terres se combinent, et forment des sels à triple base.

Curandeau, dans ses fabriques d’alun, a observé[6], qu’un mélange de 25 à 30 quintaux d’une partie d’acide sulfurique, et deux parties d’argile cuite réduite en poudre, qu’on fait bouillir dans l’eau, devient solide à l’instant que la matière vient à manquer d’eau ; c’est que l’argile contient une grande quantité de silice, et forme un sel à triple base, comme l’aluminite, qui alors se combine, et rend la masse concrète et insoluble dans l’eau.


DES CAUSES DES CRISTALLISATIONS DES SUBSTANCES MINÉRALES DISSOUTES DANS L’EAU.


Après avoir exposé la manière dont cristallisent les diverses substances minérales, dissoutes dans l’eau, il faut rechercher les causes qui ont opéré ces cristallisations ; je suis, je crois, le premier qui à traité cette question dans toute son étendue[7] ; pour l’éclaircir, autant qu’il est possible, il faut rappeler les différens procédés par lesquels l’art opère la cristallisation des substances salines dissoutes dans l’eau ; les phénomènes qu’ils nous présentent, rendront sensibles ceux des cristallisations minérales, et nous ne pourrons pas nous tromper, en ne nous écartant pas de l’analogie.

J’ai exposé, en détail, dans ma Théorie de la Terre (tome 4, page 185), ces diverses causes.

Il faut observer que :

1". Une dissolution saline prête à cristalliser, et tenue dans un vase bien fermé, ne cristallisé pas toujours ; mais si l’on ouvre le flacon, et qu’on agite doucement la liqueur, la cristallisation s’opère promptement.

2°. Une liqueur prête à cristalliser, cristallisera promptement, si on y a introduit un petit cristal de la même substance.

Journal de Physique, tom. 17, pag 258

3°. Une liqueur prête à cristalliser, et qui cristalliserait : en gros cristaux, si elle était tranquille, ne donne plus que de petits cristaux, lorsqu’on l’agite ; c’est la cristallisation que j’ai appelée grenue.

4°. Une cristallisation trop précipitée ne donne pas des cristaux réguliers, mais des masses cristallisées confusément.

5°. Enfin, différentes circonstances, qui ne sont pas assez connues, peuvent déterminer la cristallisation. Nous allons exposer les causes les plus employées.

6°. Il faut ne pas oublier qu’une grande masse de dissolvant peut être dans une partie chargée de substances dissoutes, et ne pas l’être, ou au moins l’être peu dans une autre partie ; c’est ce qu’on observe dans quelques grands lacs : les lacs de natron, par exemple, contiennent, dans quelques endroits de leur étendue, du natron ; dans d’autres, du sel marin…

L’air atmosphérique présente les mêmes phénomènes ; il est chargé de nuages plus ou moins épais dans quelques endroits ; et il est clair dans d’autres ; il n’en contient aucun…

La fumée qui, des corps brûlés s’élève dans l’air, ne s’y étend que lentement ; on l’aperçoit long-tems, d’une manière très-distincte, d’ans un seul endroit.

7°. Enfin, tous les faits indiquent que les eaux, à cette époque, ne contenaient point, comme les eaux actuelles de nos mers, de substances salines, puisqu’on n’en trouve aucunes mélangées avec ces cristallisations minérales.


DE L’ÉVAPORATION.


Dans nos laboratoires, la méthode la plus usitée pour faire cristalliser les différentes substances dissoutes dans un liquide, est de faire évaporer une partie de ce liquide. C’est encore la méthode dont on fait cristalliser le sel marin dans les marais y salans.

Mais l’évaporation a-t-elle pu contribuer à la cristallisation générale des substances dont le globe est composé ? Cela paraît difficile à supposer ; car il est impossible qu’une certaine quantité de l’eau, qui appartient à la terre, ait pu passer en d’autres globes.

Il pourrait seulement y avoir eu une plus grande quantité d’eau suspendue dans l’atmosphère qu’aujourd’hui ; mais cette quantité ne pouvait être bien considérable.

Nous pouvons conclure que l’évaporation n’a pu avoir qu’une influence bien légère dans la cristallisation générale des substances dont le globe terrestre est formé.

Mais l’évaporation a pu, à des époques postérieures, contribuer à des cristallisations particulières de quelques substances minérales. Il est certain, par exemple, que dans les lacs des pays chauds, qui contiennent du sel marin, du natron… Ces sels cristallisent lorsque les grandes chaleurs de l’été font évaporer les eaux. Les substances minérales, telles que les gypses, les calcaires, les boracites, les barytes, les strontianites, les substances bitumineuses, les substances métalliques… qui peuvent être dissoutes dans ces eaux des lacs, cristalliseront dans les mêmes circonstances, par l’évaporation des eaux.

Mais ces phénomènes particuliers dans des lacs, n’ont pu avoir lieu qu’après la retraite des eaux des mers, et la découverte des continens.

L’évaporation n’aura donc eu qu’une légère influence dans la cristallisation des substances minérales.


DU REFROIDISSEMENT.


Un des autres moyens que l’art emploie pour opérer la cristallisation, est le refroidissement du dissolvant ; car la chaleur favorise la dissolution. Une partie des matières dissoutes dans un dissolvant, qui a un certain degré de chaleur, se précipite donc aussitôt que cette chaleur diminue, et elle cristallise.

Les cristallisations des terrains primitifs, époque à laquelle il n’existait point d’êtres vivans, ont pu s’opérer en partie par un refroidissement ; car il paraît qu’alors la chaleur était beaucoup plus considérable qu’aujourd’hui, puisqu’il est bien prouvé que la masse du globe se refroidit continuellement.

Les jets d’eaux bouillantes d’Islande, surtout ceux de Ruikum, de Geyzer… tiennent en dissolution de la terre quartzeuse, combinée avec le natron : or, ces terres se déposent par le refroidissement de ces eaux, lorsqu’elles retombent sur les bords de leurs bassins.

Il paraît, ainsi que je l’ai supposé, que les eaux, dans le principe, tenaient en solution les terres et tous les autres principes qui ont formé les substances dont sont composés les terrains primitifs, avaient un assez grand degré de chaleur. Ces eaux se refroidissant, tous ces principes se sont rapprochés, combinés pour former les quartz, les feldspatbs, les hornblendes, les micas… et tout aura cristallisé suivant les lois des affinités.

Mais le refroidissement n’aura pu avoir une grande influence dans la cristallisation des terrains secondaires ; car à cette époque les eaux étaient remplies d’êtres vivans, de poissons, de mollusques, de vers, de plantes, de grands cétacés… dont nous retrouvons les débris dans ces couches. Or, ces êtres vivans ne peuvent supporter une chaleur plus forte que celle qui existe Aujourd’hui dans les mers. Nous devons donc supposer qu’à cette époque la chaleur des eaux n’était pas très-considérable, et que le refroidissement depuis ce tems n’a été que d’une assez petite quantité.


DE LA PROFONDEUR DU DISSOLVANT.


Il paraît certain que les eaux qui tiennent en solution ou en dissolution différentes substances, en sont plus chargées à leurs parties inférieures. Par conséquent, plus elles sont profondes, plus ces parties inférieures en sont surchargées. Il doit donc en cristalliser une partie lorsque ces eaux ont une certaine profondeur.

Darcet rapporte une observation qui confirme cette vérité (dans sa Dissertation sur les Pyrénées, page 131).

« Il y a, dit-il, une fontaine d’eau salée à Salins, ville de Béarn ; une petite rivière qui passe à côté se répand dans la fontaine lorsqu’elle déborde, et en remplit le bassin. Alors, pour séparer l’eau étrangère que le débordement y a mise, on donne le tems à celle du bassin de se reposer : ensuite, au jour indiqué par le magistrat, on y jette un œuf, qui plonge jusqu’à ce qu’il trouve la couche d’eau salée, d’une pesanteur supérieure à la sienne : en même tems on vide à force de un bras l’eau du bassin que l’on jette dans le canal voisin, jusqu’à ce qu’on aperçoive l’œuf flottant sur la surface de l’eau salée. »

On voit donc que l’eau qui n’est pas salée demeure au-dessus de celle qui est salée, parce que cette dernière est plus pesante.

La même chose doit avoir lieu dans les grandes, mers. Les eaux inférieures doivent être beaucoup plus salées que celles de sa surface ; et elles le sont effectivement.

Le capitaine Ellis, dans un voyage qu’il fit dans les mers, d’Afrique, plongea dans la mer un tonneau, dont chacun des deux fonds est percé d’un trou. Ces deux ouvertures sont fermées par des valvules jointes par une verge de fer qui traverse le tonneau, en sorte qu’elles s’ouvrent et se ferment en même tems. On plonge le baril de manière que le fond inférieur soit celui qui permet à la valvule de s’ouvrir en-dedans. L’eau qui presse contre cette valvule la fait ouvrir, et remplit le baril. Mais lorsqu’on le retire, les valvules se ferment, et le tonneau se trouve plein de l’eau qui était à la profondeur où on avait descendu le baril. Cet instrument est de l’invention de Hales.

Ellis fit ses observations proche de l’équateur : le résultat de ses expériences fut que ;

a. L’eau de la mer devenait plus salée et plus pesante à mesure qu’elle était prise à une plus grande profondeur.

b. La chaleur diminuait à mesure qu’on descendait. Cependant cette diminution s’arrêta à six cent cinquante brasses. La chaleur, à cette profondeur, était de 55° de Farenheit, ou 9° de Réaumur. À mille toises de profondeur elle fut la même. La chaleur, sur le continent, était 84° de Farenheit, ou de 23° de Réaumur. (Voyage d’Ellis en Afrique, Journal Économique, 1754 avril, page 186.)

De tous ces faits on peut conclure que dans les mers profondes la partie inférieure des eaux est plus chargée de sels que la partie supérieure.

La question qui se présente est de savoir,

1°. Si ces sels sont en assez grande abondance pour y pouvoir cristalliser.

2°. Les substances, qui sont en dissolution dans des mers profondes, y ont-elles pu cristalliser ?

Il est très-probable que la profondeur des mers a pu souvent favoriser la cristallisation des substances qui y étaient contenues.


DE L’AGITATION DU DISSOLVANT.


Un dissolvant qui est agité tient en dissolution une plus grande quantité de sels que lorsqu’il est en repos. Les eaux corurantes qui tiennent en dissolution du spath calcaire, du gypse… les déposent aussitôt qu’elles sont en repos. C’est ce qu’on observe dans la plupart des canaux qui conduisent ces eaux. On y trouve des dépôts de ces substances qui y ont cristallisé.

Les eaux de la fontaine Saint-Allyre, à Clermont, en Auvergne, sont extrêmement chargées de spath calcaire. Elles le tiennent en dissolution tant que leur cours n’est pas ralenti ; mais elles le déposent aussitôt qu’elles cessent d’être en mouvement. Si au milieu de leur cours on place un corps qui en ralentit la marche, elles forment un dépôt sur ce corps, qui, au bout de vingt-quatre heures, se trouve couvert d’une incrustation fort épaisse. C’est ainsi qu’elles ont formé un pont sur un petit ruisseau dans lequel elles se versent. Un arbre couché sur le ruisseau servit de base à cette incrustation, qui forme le pont d’une seule pièce.

Les eaux de Saint-Philippe, en Toscane, et beaucoup d’autres, présentent les mêmes phénomènes.

Des eaux qui, étant agitées, tiendraient en dissolution différentes substances pierreuses, métalliques ou bitumineuses… les déposeront donc dans des tems de repos, et les laisseront cristalliser. On peut donc supposer que cette cause a pu avoir une assez grande influence sur la cristallisation des substances minérales.


DE L’EXCÈS D’ACIDE.


De l’eau pure surchargée d’acide, et qui tient en dissolution quelques substances salines, les laisse cristalliser lorsque, cet excès d’acide lui est enlevé. C’est ce que prouvent d’une manière bien certaine les eaux minérales qui sont surchargées d’acide carbonique. En sortant de la terre, elles tiennent en dissolution diverses substances, et particulièrement du fer oxidé, du calcaire… Cet excès d’acide se dissipe aussitôt qu’elles sont exposées à l’air, et elles déposent les substances.

Les eaux de la fontaine de Saint-Allyre tiennent en dissolution une grande quantité de calcaire et de fer oxidé. Elles sont surchargées d’acide carbonique, qui se dissipe aussitôt qu’elles sortent de la terre. Dans le même instant elles déposent ces calcaires en si grande abondance, que les corps qu’on place dans son petit cours en sont incrustés en moins de vingt-quatre heures.

Les eaux de Saint-Philippe, en Italie, sont surchargées d’acide carbonique et d’hydrogène sulfuré : elles tiennent en dissolution du calcaire. Ces gaz se dissipent dès que les eaux sont sorties du sein de la terre, et le calcaire se précipite et cristallise.

Les mêmes phénomènes ont dû avoir lieu dans les grandes masses d’eau qui tenaient en dissolution les diverses substances minérales ; elles pouvaient contenir quelques acides en excès. Ces acides se sont dissipés par une cause quelconque ; et les substances dissoutes se sont précipitées : ç’aura été sans doute l’acide carbonique, parce qu’il était le plus abondant dans les eaux de ces premiers tems ; et il abandonne avec beaucoup de facilité son eau de dissolution, lorsqu’il s’y trouve en excès.

Le gaz hydrogène sulfure y devait être également en assez grande quantité, principalement comme minéralisateur des substances métalliques. Il abandonne aussi avec facilité son eau de dissolution.

Supposons que des fontaines, telles que celles dont nous parlons, surchargées d’acide carbonique, ou de gaz hydrogène sulfure, se rendissent directement dans le sein des mers, il est certain que le gaz acide carbonique et le gaz hydrogène sulfuré se dissiperaient en partie, et laisseraient cristalliser les substances que ces excédans de dissolvans tenaient en dissolution.

Peut-on supposer qu’avant la cristallisation générale de la croûte du globe, les eaux qui tenaient en dissolution toute cette masse fussent surchargées de dissolvans, quels qu’ils fussent, et que ces dissolvans, par leur évaporation, eussent facilité la cristallisation des granits, des calcaires… et de toutes les substances terreuses ou métalliques qui forment les terrains primitifs ?

Il est très-possible que cette cause ait influe sur les cristallisations minérales. Nous avons vu que l’acide carbonique est un des dissolvans de plusieurs des substances qui composent les terrains primitifs, tels que les marbres, les dolomies… Or, toutes les eaux qui sont surchargées de cet acide, en laissent échapper une partie dès qu’elles sont exposées à l’air.

L’hydrogène sulfuré et les sulfures paraissent être un des principaux dissolvans des substances métalliques… Or cet hydrogéne sulfuré se volatilise avec beaucoup de facilité.

Ces deux gaz, l’acide carbonique et le gai hydrogène sulfure, auront donc pu, par leur volatilisation, contribuer beaucoup à la cristallisation primitive des substances minérales.


DES NOUVELLES COMBINAISONS DES SUBSTANCES MINÉRALES TENUES EN DISSOLUTION DANS LES EAUX.


Deux quantités données d’eau, peuvent chacune tenir sa dissolution une certaine quantité de substances quelconques. Si ou mélange ces dissolutions, il peut se former de nouvelles combinaisons qui ne pourront plus être tenues en dissolution, et qui par conséquent cristalliseront.

Supposons une livre d’eau, par exemple, saturée d’acide sulfurique ;

Supposons une autre livre d’eau saturée de potasse caustique :

Si on mélange ces deux livres d’eau, il se formera un sulfate de potasse, dont la plus grande partie cristallisera.

Cette cause a dû avoir un grand effet dans les cristallisations minérales. Examinons d’abord son action dans les cristallisations des terrains primitifs.

Toutes les terres, la silice ou quartzeuse, l’alumineuse, la magnésienne, la chaux, la barytique, la strontiane…, étaient pures, et non combinées : elles n’exigeaient, pour être tenues à l’état de solution, qu’une quantité d’eau assez limitée. Si des eaux chargées de ces terres ont rencontré d’autres eaux contenant des acides, il se sera formé des sels neutres qui, exigeant une plus grande quantité d’eau pour être dissouts, auront cristallisé.

De l’eau tenant de la chaux en dissolution, et rencontrant de l’acide carbonique, aura formé les calcaires primitifs.

Il se sera formé du gypse, si cette eau a rencontré de l’acide sulfurique.

La même eau tenant en dissolution de la chaux, rencontrant d’autres eaux chargées d’acide fluorique, aura formé les fluors.

La même eau rencontrant l’acide phosphorique, aura formé l’appatit, ou phosphate calcaire primitif.

La même eau rencontrant l’acide tungstique, aura formé les trunstates calcaires.

De l’eau chargée de magnésie pure, rencontrant des eaux chargées d’acide carbonique, aura formé des spaths magnésiens.

Cette eau tenant en dissolution de la magnésie pure, et rencontrant l’acide sulfurique, aura formé du sulfate de magnésie.

De l’eau tenant en dissolution de la baryte pure, ou de la strontiane, et rencontrant de l’eau chargée diacide sulfurique, aura formé des sulfates de baryte ou de strontiane.

Les mêmes phénomènes ont eu lieu dans les terrains secoué

Des eux tenant en dissolution de la chaux pure, et rencontrant d’autres eaux chargées d’acide carbonique, d’acide sulfurique, d’acide phosphorique, d’acide boracique, auront formé

Des calcaires secondaires,
Des gypses,
Des appatits,
Des boracites.


Des eaux tenant en dissolution de la strontiane pure, et rencontrant d’autres eaux chargées d’acide carbonique, d’acide sulfurique, auront formé :

Des strontfianites,
Des célestines,

Mais ces nouvelles combinaisons auront-elles pu opérer des cristallisations dans les terrains primitifs ? Cela ne me paraît pas douteux.

La plus grande partie des pierres, par exemple, des terrains primitifs, est formée des quatre terres principales pures, et de quelques oxides métalliques ; savoir :

La terre siliceuse,
La terre alumineuse,
La chaux,
Le fer oxidé,
Le fer oxidé,

La chaux et la magnésie sont solubles dans l’eau.

L’alumine, à l’instant où elle vient d’être précipitée de l’alun par un alkali caustique, est également soluble dans l’eau.

La silice y est également soluble, au moment qu’elle est précipitée, par exemple, de ses combinaisons avec les alkalis.

Enfin, les fers oxidés sont solubles dans l’eau, par l’intermède de l’acide, carbonique.

Ces quatre terres et cet oxide de fer sont donc plus ou moins solubles dans l’eau, lorsqu’elles sont pures.

Mais aussitôt qu’elles viendront à se combiner, elles formeront de nouveaux composés qui seront peu solubles, ou ne le seront pas. Ces composés cristalliseront plus ou moins promptement. Ainsi, de l’eau chargée d’acide carbonique rencontrant une eau tenant de la chaux en dissolution, il y aura une combinaison, qui sera du calcaire. Ce composé n’étant presque pas soluble, cristallisera aussitôt.

Il serait inutile d’accumuler un plus grand nombre de faits.


DE LA DÉCOMPOSITION DES SUBSTANCES MINÉRALES COMBINÉES, ET TENUES EN DISSOLUTION DANS LES EAUX.


Deux quantités données d’eau peuvent, chacune, tenir en dissolution une certaine quantité de substances combinées, ou de sels neutres ; si on mélange ces dissolutions, ces substances peuvent se décomposer mutuellement, et il se forme de nouvelles combinaisons qui, ne pouvant plus être tenues en dissolution dans la même quantité d’eau, cristallisent.

Une quantité d’eau donnée, étant supposée saturée d’une dissolution de sulfate de plomb, et rencontrant une autre portion d’eau saturée de sel marin, ou natron muriaté ; il y a double décomposition : il se forme du muriate de plomb, qui, étant presqu’insoluble, se précipite et cristallisé ; et du natron sulfaté, qui, exigeant peu, d’eau pour être tenu en solution, pourra ne pas cristalliser, si la masse d’eau est un peu considérable.

De l’eau séléniteuse, c’est-à-dire, tenant sa dissolution du gypse, et rencontrant de l’eau tenant en dissolution du barytite carbonaté, il y aura double décomposition ; la terre barytite ayant plus d’affinité avec l’acide sulfurique, que la chaux, décomposera le gypse, il se formera du barytite sulfaté d’un côté, et du spath calcaire de l’autre.

De l’eau tenant en dissolution du calcaire ; telle que l’eau qui forme les stalactites, et rencontrant de l’acide sulfurique, de l’acide fluorique…, il y aura décomposition du calcaire ; ces acides, plus puissans que le carbonique, c’est-à-dire, ayant plus l’affinité avec la chaux, s’en empareront ; l’acide carbonique sera dégagé et il se formera du gypse, du fluor… La chimie connait un grand nombre de ces précipitations ou décompositions.


DE L’ADDITION ET COMBINAISON DES NOUVELLES SUBSTANCES.


La cristallisation s’opère quelquefois par l’addition et la combinaison des nouvelles substances : il se forme alors des sels à double base, à triple base…, qui cristallisent parce qu’ils exigent plus d’eau de cristallisation, tels que les différens prussiates.

Prenons pour exemple un sel terreux, l’alun qui a double base, l’alumine et la potasse.

Ce sel est composé : alumine 13, potasse 10, acide sulfurique 26, c’est un sel à double basé.

si on y ajoute une nouvelle base, par exemple, la silice, et h qu’elle se combine, on aura un sel à triple base, qui devient insoluble dans l’eau.

Curaudeau, dans ses fabriques d’alun, a observé qu’en mélangeant 25 à 30 quintaux de deux parties d’argile cuite pulvérisée, et d’une d’acide sulphurique, et, les faisant bouillir dans l’eau, ce mélange devenait solide et dur comme une pierre, à l’instant que l’eau venait à manquer ; c’est qu’alors la silice, qui se, trouve en grande quantité dans l’argile, entre en combinaison et forme un sel triple.

L’aluminite de la tolfa est une pareille combinaison, opérée naturellement, Cette aluminite est composée : silice 24, alumine 44, potasse 4, acide sulfurique 23. Cette combinaison, forme un sel triple qui est insoluble.

Je crois qu’avec ces principes, on concevra facilement comment se sont opérées les cristallisations des substances minérales dissoutes dans les eaux. Commençons d’abord par exposer la manière dont ont pu cristalliser les substances qui composent les terrains primitifs.

1°. La chaleur des eaux, dans les commencemens, était très-considérable ; elle a diminué peu à peu. Première cause de cristallisation.

2°. Les eaux étaient dans une grande agitation ; cette agitation a diminué successivement. Seconde cause de cristallisation.

3°. Ces eaux avaient une profondeur considérable que nous ne saurions estimer que par approximation. Elle devait être de plusieurs lieues. Les substances dissoutes ont dû gagner la partie inférieure de ces eaux. Troisième cause de cristallisation.

4°. La partie inférieure de ces eaux aura laissé cristalliser les parties dont elles étaient surchargées. Quatrième cause du cristallisation.

5°. La plus grande partie des terres et des oxidés métalliques, lorsqu’ils sont purs, est soluble dans l’eau ; mais dès que ces substances se combinent, elles forment des composés, qui exigent une immense quantité d’eau pour être tenus en dissolution ; tels sont le feldspatb, l’hornblende, le mica… les trapps, la cornééne, les petrosilex, les gemmes, les schorls, les smectites, les magnésilites… Cinquième cause de cristallisation.

6°. Les substances minéralisatrices se combinant avec les métaux, forment également des composés, qui exigent beaucoup d’eau pour être tenus en solution.

7°. Quelques-uns des dissolvans, tels que le gaz acide carbonique, le gaz hydrogène sulfuré, l’acide fluorique… auraient pu se volatiliser en tout ou en partie.

8°. Dans les mélanges des substances minérales, quelques-unes auront été décomposées, et il se sera formé de nouvelles combinaisons, qui seraient moins solubles que celles qui existaient auparavant. Nouvelle cause de cristallisation.

9° De nouvelles substances se, seront jointes et combinées, auront opéré la cristallisation, comme dans l’aluminite. Neuvième cause de cristallisation.

Telles sont les principales causes connues, qui me paraissent avoir pu opérer la cristallisation des substances des terrains primitifs ; et sans doute il en est encore d’autres, que la chimie découvrira.

Ces cristallisations auront suivi les lois des affinités, et les règles des cristallisations salines, comme nous l’avons exposé ci-dessus, en parlant des cristallisations de ces diverses substances.

Les cristallisations des substances qui composent les terrains secondaires auront été opérées par les mêmes causes.

La chaux, dissoute par l’acide carbonique, formera toutes les diverses espèces de pierres calcaires, marbre, albâtre, calcaire : solide, calcaire terreux, tel que la craie…

La chaux, dissoute par l’acide sulfurique, formera les gypses.

La chaux, dissoute par l’acide phosphorique, formera les appatits.

Mais différentes substances hétérogènes, soit des pierres, soit des débris d’êtres organisés, telles que les coquilles… s’y mélangeront ce qui formera de nouveaux composés.

Toutes les cristallisations secondaires s’opéreront par les mêmes causes que nous avons vu produire les cristallisations primitives.

1°. L’évaporation. Cette cause peut agir dans les lacs particuliers, comme dans les lacs de natron en Égypte, dans celui de Tozzer en Mauritanie… dans des mers méditerranées, comme dans la Caspienne, en supposant, comme on le croit, qu’elle diminue chaque jour…

2°. Le refroidissement. Les mers des pôles perdent journellement de leur chaleur. Les grands lacs septentrionaux, tels que eaux du nord de l’Europe, de l’Asie, et de l’Amérique, se refroidissent chaque jour. Les substances que leurs eaux tenaient en dissolution, lorsque leur température était plus élevée, cristalliseront donc aujourd’hui.

Les lagonis de Toscane, qui ont une température de cinquante à soixante degrés, peuvent perdre de leur chaleur, et en perdent réellement en hiver. Leurs eaux laisseront donc cristalliser les substances qu’elles tenaient auparavant en dissolution.

Il en faut dire autant des lagonis du Thibet, où on trouve le borax… leurs eaux sont chaudes. En se refroidissant, elles laissent cristalliser le borax.

3°. L’agitation du dissolvant. Les eaux des mers et des lacs ont dû être autrefois plus agitées qu’elles ne le sont auiourd’hui… Elles déposeront donc des substances qu’elles tenaient en dissolution,

4°. L’Excès d’acide. Il a dû souvent arriver que des mers méditarranées ou des lacs ont tenu un excès d’acide. Les lagonis de Toscane, ceux des champs phlégréens, ceux du Thibet… contiennent une grande quantité de divers acides, le sulfureux, le boracique, le carbonique… Ces acides, ou s’évaporeront, ou seront saturés par de nouvelles terres qui y seront apportées ; alors s’opérera la cristallisation des substances que cet excès d’acide tenait en dissolution, tels que les gypses, les boracites, les calcaires, les fiorites…

5°. L’addition des substances plus solubles. Si on ajoute des muriates calcaires, par exemple, qui sont très-solubles, à des eaux qui tiennent en dissolution des gypses, des calcaires, il arrivera que les muriates se dissolvant, ôteront à l’eau la faculté de pouvoir tenir en solution la même quantité de gypses, de calcaires… Ces derniers, par conséquent, cristalliseront.

6°. La profondeur des mers. Des calcaires, par exemple, étant tenus en dissolution dans des mers peu profondes, et étant ensuite transportés dans des mers plus profondes, s’y accumuleront. Dès-lors, ils ne pourront plus y être tenus en dissolution, et ils cristalliseront.

7°. La composition et la décomposition des sels. Différentes substances minérales salines tenues en dissolution dans les eaux des mers, et qui, en se mélangeant, se décomposent, et forment de nouveaux composés, pourront cristalliser, si ces composés sont moins solubles. Supposons des eaux chargées d’acide sulfurique, soit qu’il provienne de la décomposition des pyrites, de la combustion du soufre… Si ces eaux coulent sur des calcaires, elle les décomposeront, et il se formera de nouvelles cristallisations du gypse, par exemple, assez soluble ; mais si cette eau chargée d’acide sulfurique, rencontre une eau qui contienne en dissolution de la baryte, il se formera du sulfate de baryte absolument insoluble.

8°. L’addition et la combinaison de nouvelles substances, en se combinant, forment des sels à plusieurs bases, qui peuvent être plus ou moins insolubles. Telle est l’aluminite de la tolfa…

Il est encore des phénomènes dans les cristallisations minérales, qui méritent toute l’attention du géologue chimiste.

Toutes les substances minérales ont été tenues en solution par les eaux pour cristalliser, soit d’une manière régulière, soit d’une manière confuse ; et aussitôt qu’elles sont cristallisées, l’eau ne saurait plus les dissoudre.

Les stalactites elles-mêmes, que nous voyons se former sous nos yeux par une cristallisation aqueuse, ne sont plus solubles dans l’eau.

Les pierres que j’ai appelé quartzilites, les gemmes, les schorls, les smectites, les calcaires… une fois formées, ne sont plus attaquées par l’eau. On pourrait laisser pendant des siècles les plus petites parcelles de ces pierres dans les masses d’eau les plus considérables, qu’elles ne seraient nullement altérées.

Il n’y a tout au plus que les pierres gypseuses dont l’eau disont une légère portion.

Les pierres, qui contiennent beaucoup de fer à découvert, sont également un peu attaquées par les eaux.

La plus grande partie des mines métalliques, excepté les ferrugineuses, est pareillement inattaquable par les eaux, quoiquelles y aient été dissoutes lors de leur cristallisation.

Il en est de même des substances bitumineuses.

La cause de ce singulier phénomène n’est pas facile à apercevoir.

Tous les sels, que le chimiste fait cristalliser dans l’eau, et qu’il dit y être insolubles, s’y dissolvent néanmoins ordinairement dans une quantité d’eau plus ou moins considérable : au lieu que les substances minérales, dont nous parlons, y paraissent absolument insolubles ; les stalactites que nous voyons se former chaque jour par une cristallisation aqueuse, sont insolubles aussitôt qu’elles sont formées.

On ne saurait cependant douter que ces substances ne se dissolvent dans certaines circonstances. Car des amygdaloïdes, des toadstones… sont remplies de cavités, à peu près comme les laves scorifornes ; Les cavités étaient primitivement remplies de calcaires, ou autres substances qui ont été dissoutes, et ont laissé ces cavités vides.

On a des calamines, des quartz… cristallisés comme des calcaires. C’est que ces substances ont pris la place des calcaires, qui ont été dissous par une cause quelconque.

On trouve des cristaux de quartz qui sont vides et creux : cette portion de quartz a donc été dissoute.

Nous avons quelques faits qui peuvent jeter du jour sur ces à dissolutions.

Du fer qui se rouille sur du quartz, l’attaque, le corrode, le dissout. Or du fer rouillé n’est qu’un oxide du fer chargé d’acide carbonique. Cet acide peut donc attaquer le quartz et le dissoudre. L’acide carbonique qui s’échappe des fontaines des eaux de Vals, dissout le quartz qui sert de parois à la fontaine.

Sans doute les autres substances minérales, qui sont dissoutes, le sont également par des eaux chargées de quelques principes qui leur est étranger.

Je pense que la plupart des substances minérales de la croûte du globe, ont été tenues en solution par des eaux qui contenaient un excès d’acide ; et aussitôt que cet excès d’acide s’est dissipé, elles ont cristallisé.

De nouvelles eaux surchargées également d’un excès d’acide, pourront donc redissoudre de nouveau ces mêmes substances, ainsi que nous venons de le voir.


DES CAUSES DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MINÉRALES SUPPOSÉES DISSOUTES PAR LA VOIE IGNÉE.


Plusieurs philosophes anciens ont cru que le globe terrestre avait été exposé à l’action du feu, qui l’avait réduit en fusion, et que, par conséquent, toutes les substances minérales avaient été dissoutes par la voie ignée, comme l’ont été les matières volcaniques fondues.

Cette doctrine a été renouvelée, dans ces derniers tems, par des savans du plus grand mérite.

Descartes pensait que le globe terrestre avait été primitivement un soleil, dont les taches étaient devenues si abondantes, qu’elles l’avaient enveloppé entièrement, et encroûté.

Leibnitz soutient la même opinion.

Buffon avança que le globe terrestre, ainsi que les autres planètes et leurs satellites avaient été une masse fondue et vitrifiée, détachée de la masse du soleil par le choc d’une comète.

Hutton a également soutenu que le globe terrestre avait été exposé à un très-grand degré de chaleur, quelle qu’en ait été la cause.

Hall a soutenu la même opinion, et a fait voir, par de belles expériences, que des substances minérales exposées à une grande chaleur, et fondues, pouvaient, par un refroidissement lent, et une pression considérable, acquérir les mêmes facies que les substances minérales formées par une dissolution aqueuse.

Les laves coulantes par l’activité des feux volcaniques, et qui, dans certaines circonstances, acquièrent les facies des substances que nous regardons formées par une dissolution aqueuse, donnent beaucoup de poids à cette opinion. Quelquefois ces laves ne peuvent être distinguées des trapps, des cornéénes… Bergman convenait qu’on ne pouvait s’assurer de leur origine que par le local où on les trouvait, dans des courans de laves, ou dans des terrains primitifs.

Il en faut dire autant des substances pseudo-volcaniques.

Plusieurs géologues distingués croient également aujourd’hui que la liquidité du globe a pu être opérée par le feu, tels que Playfair, disciple de Hutton… Fleuriau-Bellevue, Breislack…

Nous allons examiner la manière dont les cristallisations minérales ont pu s’opérer dans cette hypothèse de leur liquidité ignée.


DE L’HYPOTHÈSE DE LA CRISTALLISATION DES PIERRES PAR UNE DISSOLUTION IGNÉE.


Les faits que nous venons de rapporter sur la cristallisation à des substances volcaniques et pseudo-volcaniques, font voir la manière dont on pourrait, dans le système huttonien, expliquer la formation et la cristallisation de toutes les pierres. Les partisans de ce système disent, et particulièrement Hall[8],

« La chaleur et la compression ont pu produire toutes les pierres que nous connaissons ; car de la craie exposée à une chaleur suffisante pour la fondre, et à une pression capable d’empêcher la dissipation du gaz acide carbonique, forme de la pierre calcaire, du marbre, et des cristaux calcaires.

Le sable, dans les mêmes circonstances, se convertira en grès ;

Les coquillages en pierres calcaires ;

Les substances animales et végétales en houille.

D’autres couches qui contiendraient du fer, du carbonate de chaux, des alkalis, avec différentes terres, entreraient, dans les mêmes circonstances, en fusion très-liquide, et formeraient, par leur refroidissement,

Des porphyres ;
Des greenstones ;
Des whinstones ;

Les sables encore plus chauffés formeraient

Des granits ;
Des sienites ;
Des gneis ;
Des granits stratifiés…

Dans d’autres cas où la chaleur aurait été plus intense, les lits de sable approchant de plus près vers l’état de fusion, acquerraient assez de ténacité et de consistance pour se laisser infléchir et contourner sans déchirement, ni fraction, par l’influence des causes locales du mouvement, et pourraient prendre la forme et le caractère de schiste primitif.

La pierre calcaire serait entièrement cristallisée, et deviendrait du marbre ; ou bien, en entrant en fusion plus liquide, elle pénétrerait dans les plus petites fissures, sous la forme de spath calcaire

En conséquence de l’action de la chaleur sur une quantité de matière aussi considérable, ainsi amenée à un état de liquidité complète ou partielle, et dans laquelle, nonobstant l’énorme pression, quelques substances seraient volatilisées, cette élastification devrait produire, dans la masse comprimante, des soulèvemens répétés qui amèneraient enfin les couches à l’état où nous les voyons actuellement. »

De grandes masses de verre fondu dans les verreries, et refroidies lentement, se dévitrifient au point qu’elles perdent tous les caractères de verre, pour acquérir ceux de vraies pierres.

Fleuriau de Bellevue nous en a rapporté un exemple bien remarquable (Journal de Physique, tom. 60, pag. 409). Dans une verrerie, auprès de la Rochelle, le verre était dans les creusets, prêt à être coulé. Des événemens militaires survinrent inopinément. Les ouvriers obligés de fuir, abandonnèrent leur atelier. Après plusieurs mois, ils revinrent, et furent fort étonnés de trouver, dans leurs creusets, des pierres, au lieu du verre qu’ils y avaient laissée.

Ces pierres étaient fibreuses, au point qu’on les aurait volontiers prises pour de la trémolite ; mais il y restait adhérentes encore quelques portions de verre. Leur couleur était blanchâtre.

Dans mes promenades lithologiques et géologiques aux environs de Paris, je vais avec mes élèves à la verrerie de Sèvres, et j’ai souvent pu leur faire observer ce phénomène dans le fond des creusets cassés et rejetés. On y voit, au lieu de verre, une matière pierreuse, qui a quelque ressemblance avec de la trémolite fibreuses. Elle est extrêmement dure, et on ne peut la casser qu’avec peine. Sa couleur est rougeâtre, couleur qui est due à de la manganèse qui se trouve dans les cendres, et la soude.

Tous ces faits indiquent la manière dont les substances pierreuses auraient pu cristalliser, dans l’hypothèse qu’elles eussent joui d’une liquidité ignée, analogue à celle des laves.


DE L’HYPOTHÈSE DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MÉTALLIQUES PAR LA VOIE IGNÉE.


Dans la doctrine huttonienne, la cristallisation des substances métalliques par une dissolution ignée, se conçoit facilement, et satisfait à tous les phénomènes. La chaleur, qu’a éprouvée la masse entière du globe, a été assez considérable pour la fondre toute entière : les substances métalliques ont été, par conséquent, fondues comme les autres. Elles ont ensuite cristallisé de la même manière que l’art les fait cristalliser dans les laboratoires.

Les lois des affinités ont présidé à ces cristallisations comme à toutes les autres cristallisations minérales.

Néanmoins, il serait difficile, dans cette hypothèse, d’expliquer la formation des filons, des couches et des stockwerdes métalliques.


DES CAUSES DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MINÉRALES SUPPOSÉES DISSOUTES PAR LA VOIE AÉRIFORME.


Quelques philosophes anciens ont soutenu cette opinion. Il, paraît que c’était celle d’Anaximènes, qui, sans doute, la tenait des anciens peuples.

Quelques faits paraissent pouvoir lui donner du poids. Les météorolites ont été vraisemblablement à l’état aériforme.

Des comètes, passant très-près du soleil, à leur périhélie, paraissent être réduites à l’état aériforme : car Herschel dit que, de seize comètes qu’il a aperçues, il a vu des étoiles au travers de la masse de quatorze d’elles. Il n’y en a que deux dont le noyau ait été assez opaque pour ne pas laisser passer la lumière.

Cependant, ces comètes, à leur aphélie, redeviennent des corps opaques et solides ou concrets. Il faut donc que leurs substances, à leur périhélie, aient été réduites à l’état aériforme ; elles ont été ensuite condensées de nouveau, et ont formé des corps solides.

Nous avons vu qu’il est probable que la matière nébuleuse a été la matière dont a été formé l’univers.

Le noyau du globe terrestre en a donc été également formé, ainsi que tous les corps dont il est composé.

Or, il paraît que cette matière nébuleuse était primitivement à l’état aériforme, à l’état diffus.

Elle a été ensuite condensée par la force condensante, ou attraction, pour former les grands globes, par conséquent, le terrestre, et les corps divers dont ils sont composés.

Cette formation du noyau du globe par la cristallisation de substances aériformes, me paraît la plus probable, comme je l’ai exposé.

Tandis que ses couches extérieures, la croûte aura été formée par une cristallisation de substances tenues dans une dissolution aqueuse.


DES CAUSES DES CRISTALLISATIONS DES SUBSTANCES PIERREUSES TENUES À UNE FLUIDITÉ AERIFORME.

Quelques faits paraissent indiquer que des pierres peuvent avoir été formées par une dissolution aériforme.

Lorsqu’on distille l’acide fluorique dans une cornue de verre, et qu’on reçoit cet acide sous une cloche qui repose sur l’eau, il se dépose sur cette eau une croûte siliceuse qui à l’apparence pierreuse. Cette croûte est composée de silice, qui a été volatilisée avec l’acide fluorique.

Vauquelin a observé que la silice peut être volatilisée, et ace quérir une forme concrète dans les fontes de fer en grand[9] elle est en filets flexibles comme de l’amianthe.

Les météorolites contiennent plusieurs terres avec des substances métalliques. Elles ont les caractères des pierres, et cependant il est très-probable qu’elles ont été à l’état aériforme.

Enfin les comètes, à leur périhélie, en passant auprès du soleil, paraissent réduites en partie, ou en totalité, en fluides aériformes. Ce sont ces fluides qui composent leurs queues et leurs chevelures.

Lorsqu’elles s’éloignent du soleil à leur aphélie, ces fluides se condensent, et paraissent former des corps solides analogues à nos pierres.

Ces faits prouvent que des substances pierreuses ont pu être volatilisées par la chaleur, et être formées par sublimation par une véritable dissolution aériforme.


DE L’HYPOTHÈSE DE LA CRISTALLISATION DES SUBSTANCES MÉTALLIQUES PAR UNE DISSOLUTION AÉRIFOBME.


Plusieurs minéralogistes distingués ont cru que la cristallisation des substances métalliques a pu s’opérer par une dissolution aériforme ; tous ceux qui ont pensé que le globe terrestre avait été premièrement enflammé, ont soutenu cette opinion.

Descartes croyait que la partie extérieure du globe avait été formée par des matières sublimées, et qui s’étaient consolidées par le refroidissement, elles avaient commencé à y former des taches comme celles du soleil, et enfin, l’avaient encroûtée.

Kirker, dans son ouvrage Mundus subterraneus, suppose une inflammation et conflagration dans l’intérieur du globe…, les substances métalliques ont été volatilisées…, et ont été portées vers sa croûte extérieure, où elles se sont déposées…

Beccher adopte la même opinion sur la formation des minéraux. « Dans le centre de la terre, dit-il, il y a un grand vide rempli d’un fluide ou d’une vase sulfureuse, ou bitumineuse, d’où s’échappent les vapeurs qui coopèrent à la formation des minéraux. »

Gensane admet également une grande chaleur centrale qui volatilise plusieurs substances minérales.

Nous avons quelques faits qui prouvent que les substances métalliques peuvent être réduites à l’état aériforme et cristalliser, tels sont :

a. Le fer spéculaire volcanique a été volatilisé par la chaleur des volcans, et a cristallisé.

b. La rubine d’arsenic, l’orpiment, ou les sulfures d’arsenic, ont été volatilisés par la chaleur, et ont cristallisé.

c. L’or, l’argent… peuvent être volatilisés par la chaleur du miroir ardent, ainsi que nous l’avons vu, et cristallisent.

d. La plombagine ou carbure de fer, se forme par sublimation.

e. Il ne serait donc pas impossible que de grandes masses métalliques eussent été formées par sublimation, par une dissolution aériforme.

En résumant les faits que nous venons de rapporter, ils prouvent qu’il est possible que les substances minérales aient été tenues en dissolution par la voie ignée. Elles ont pu être tenues en fusion par un degré de chaleur suffisant, et ensuite cristalliser ou d’une manière régulière, comme les métaux ; ou d’une manière confuse, comme les laves…, ou comme le verre dévitrifié.

Les faits prouvent aussi qu’il est possible que des substances minérales aient été tenues en dissolution par la voie aériforme, comme les météorolites, les comètes à leur périhélie.

Nous avons vu que la supposition à l’état aériforme des substances dont est composé le noyau du globe terrestre, fournit l’explication la plus satisfaisante de leur consolidation, et de leur cristallisation.

C’est donc l’hypothèse qui, d’après nos connaissances actuelles, me paraît la plus vraisemblable.

Je suppose, en conséquence, que les premiers principes, les élémens, qui ont formé la masse du globe, son noyau, étaient, IN PRINCIPIO RERUM, à l’état aériforme.

Mais les faits géologiques me paraissent indiquer que les substances qui forment la croûte de notre globe n’ont point été formées ni par fusion, ni par sublimation. Toutes les roches des terrains primitifs sont formées de quartz, de feldspath, de mica, de hornblende, de schistes, de lydiennes, de cornéennes…

Or ces substances paraissent avoir cristallisé dans les eaux. On trouve de l’eau dans des cristaux de quartz. Le feldspath, le mica… sont certainement des cristallisations aqueuses…

Enfin il me paraît probable qu’il n’y a que quelques substances minérales, telles que les laves, qui ont joui d’une fluidité ignée. Mais nous traiterons ailleurs ces questions plus en détail, et nous ferons voir qu’en supposant, comme il est vraisemblable, que les substances qui ont formé le noyau du globe aient été primitivement à l’état aériforme, la croûte extérieure de ce globe a, suivant les probabilités, été, à des époques postérieures, tenue dans un état de dissolution, ou de solution aqueuses : les huttoniens en conviennent eux-mêmes.

« Car, dit Hall lui-même, page 226, quelle que soit l’opinion qu’on adopte sur le mode de séparation de la terre et de l’eau, personne ne doute de l’ancienne situation sousmarine, des couches actuellement terrestres. »

Puisqu’il est certain que les couches actuellement terrestres ont été sous les eaux, nous ne pouvons donc juger des couches intérieures que par analogie. Or nous avons vu que, suivant les analogies, les substances qui ont formé ces couches intérieures étaient à l’état aériforme ; et nous avons exposé la manière dont il me paraît que ces cristallisations ont été opérées… Tandis que les couches extérieures du globe, qui composent sa croûte, ont été formées par une dissolution et une cristallisation aqueuses.



  1. Voir mon Mémoire sur les cristallisations géologiques. Journal de Physique, tom. 71, pag 172.
  2. Annales du Muséum, 7e année, cahier 74, pag 239.
  3. système des Connaissances chimiques, tom. 6, pag. 83.
  4. Système des Connaissances chimiques, tom. 1, pag. 198.
  5. Comme à Bleyberg en Corinthie, à Oye, et autres endroits du Charollais (Théorie de la Terre, tom. 5, pag. 50).
  6. Journ. de Phys., tom. 68, p. 409.
  7. Essai sur les principes de la Philosophie naturelle, en 1777 et en 1783.
  8. Description d’expériences qui montrent comment la compression peut modifier la chaleur, par Hall, traduction de Piétet, pag. 230 et suivantes.
  9. Journal de Physique, tom.70, pag. 96.