Leçons de géologie (Delamétherie)/Tome I/Section quatrième

DES EAUX MÈRES DE LA CRISTALLISATION PRIMITIVE DU GLOBE TERRESTRE, DE LA FORMATION DE L’OCÉAN, ET DES MOUVEMENS DE SES EAUX.


La cristallisation primitive de la masse générale du globe étant achevée, il demeura à sa surface une quantité considérable d’eau, qu’on peut regarder comme l’eau-mère de cette cristallisation : car cette eau n’était pas pure. Elle devait contenir différentes substances qui n’étaient pas entrées dans celles qui avaient cristallisé, ainsi qu’il arrive dans les eaux où se sont opérées de grandes cristallisations.

Mais il est probable que cette eau ne contenait point de substances salines, comme les eaux de nos mers actuelles.

Ces eaux surnageaient sur toutes les parties solides cristallisées, et les couvraient à une grande hauteur que nous ne connaissons pas. Elles formèrent l’Océan, ou les mers.

Ces eaux avaient leurs bassins dans les lieux les plus bas, dans les vallées formées entre les gorges des montagnes, où étaient leurs plus grande profondeurs. Les portions des eaux qui surnageaient les montagnes étaient moins profondes.

Les fentes qui durent se former postérieurement par le refroidissement de la surface du globe, purent alors servir de bassins quelques mers, comme à la mer Rouge, à l’Atlantique…


DE L’OCÉAN.


L’Océan, formé de la manière que nous venons d’exposer, couvrit la surface du globe.

Ses eaux contenaient encore en dissolution, ou en suspension, une certaine quantité des substances qui avaient formé les parties solides du globe.

Mais il ne paraît pas qu’elles contiennent une certaine quantité de sel marin, ou muriate de soude, puisque nous n’en voyons point, ou presque point, dans les terrains primitifs.

Enfin la masse des eaux diminua à la surface de la terre… Elles déposèrent, pour former les terrains secondaires, la presque totalité des substances qui n’étaient pas entrées dans la composition des terrains primitifs.

Les eaux se surchargèrent alors de sel marin, ou muriate de soude, de muriate de magnésie…


DES MOUVEMENS DES EAUX PRIMITIVES DE L’OCÉAN À LA SURFACE DU GLOBE.


Une masse d’eau aussi considérable que celle qui couvrait le globe dans les premiers momens où furent terminées les cristallisations primitives, devait avoir des mouvemens encore plus violens que ceux de nos mers actuelles. On ne pourrait estimer l’étendue de ces mouvemens, qu’en connaissant la masse et la profondeur de ces eaux. Mais on ne peut guères douter qu’elles ne s’élevassent de plusieurs milliers de toises au-dessus des plus hautes montagnes.

Cette masse immense des mers primitives était assujettie à divers mouvemens analogues à ceux qu’éprouvent nos mers actuelles.

Le soleil et la lune agissaient sur elles, et y produisaient des marées analogues à celles de l’atmosphère, que nous avons exposé ci-devant.

D’un autre côté, les mouvemens de la masse de l’atmosphère dont nous avons parlé, savoir son mouvement général d’orient en occident, et ceux des pôles à l’équateur, de l’équateur aux pôles, imprimèrent aux eaux des mers des mouvemens analogues, et y produisirent deux courans généraux, l’un de l’orient à l’occident, et l’autre des pôles à l’équateur, et de l’équateur aux pôles. Les eaux avaient donc quatre mouvemens généraux.

1°. Le premier analogue à celui des marées aériennes ;

2°. L’un de l’orient à l’occident ;

3°. L’autre de l’équateur aux pôles ;

4°. Et le quatrième des pôles à l’équateur.


DES MARÉES.


Le premier mouvement des eaux des mers, celui qui frappe davantage l’observateur, lest celui des marées, qui en élève les eaux deux fois en vingt-quatre heures, 48′ 45″. Il est bien reconnu qu’il est produit par l’action combinée de la lune et du soleil, puisqu’il est toujours proportionnel à leur rapprochement ou à leur éloignement de la terre, et à leur position respective par rapport à elle.

Le mouvement des marées est extrêmement faible dans les grandes mers. Cook et les astronomes Wales et Bayly, qui l’accompagnaient, ont reconnu que les marées sont très-faibles dans la grande mer du Sud, à Ulietea, à Otahiti, aux îles Sandwick, aux Marquises, à l’île de Pâques, à Ohitaho, à Ceylan, à la côte E. de Madagascar, aux Moluques, aux îles de la Sonde, à Formose, aux Philippines, à Sainte-Hélène, au cap de Bonne-Espérance, au cap Horn, à la terre des États, à l’extrémité de la Nouvelle Hollande… et en général autour des terres qui, par leur forme et leur isolement, ne doivent pas gêner les mouvemens imprimés aux eaux de la mer. Car dans tous ces lieux cités, les élévations ou les abaissemens du-niveau de l’eau excédent rarement trois pieds[1].

Mais il est des lieux où les marées sont très-grandes, par exemple, sur les côtes de Bretagne, en France. Les marées, à Saint-Malo, s’élèvent quelquefois jusqu’à quarante à cinquante pieds. Le mouvement des eaux est gêné par la côte avancée de la Bretagne, et par des courans… ce qui y produit cette grande élévation.

On a cherché à estimer l’action de la lune et du soleil sur les marées. On a calculé que l’action de la lune élevait les eaux à la hauteur environ de cinq pieds, et celle du soleil seulement à deux pieds.


DES COURANS DES EAUX DE L’ORIENT A L’OCCIDENT.


Les eaux des mers, éprouvent un second mouvement général, celui d’orient en occident, analogue au grand vent alizé. Il est surtout très-sensible sous la zône torride.

Les navigateurs ont tous reconnu ce courant. Pour aller d’Europe en Amérique, ils longent les côtes jusques aux Canaries, où ils rencontrent ce courant. Ils distinguent facilement sont action de celle du grand vent alizé.

Ce mouvement des eaux d’orient en occident est produit par le mouvement de rotation du globe, comme nous avons vu qu’est produit le grand vent d’alizé d’est. Les eaux, ainsi que l’atmosphère, ne se meuvent pas avec la même vitesse que la partie solide du globe ; mais ce même vent alizé d’Est agit lui-même sur les eaux des mers, et leur imprime un mouvement analogue au sien : il contribue ainsi à ce mouvement des eaux.


DES COURANS DES EAUX, DES RÉGIONS POLAIRES À L’ÉQUATEUR.


Les eaux des mers éprouvent un troisième mouvement général, qui les porte des régions polaires aux régions équinoxiales. Les navigateurs observent constamment ce mouvement. Ceux qui partent de France, d’Angleterre… pour l’Afrique, pour l’Inde… suivent ce courant qui les porte aux Canaries…

On sait que les glaces des zones glaciales sont constamment charriées vers l’équateur, dans l’un et l’autre hémisphère. C’est, dit Waitz, par l’action de ce courant.

Mais ces eaux polaires, arrivées à une certaine latitude, rencontrent des eaux moins froides ; elles se précipitent, et gagnent le fond des mers, parce qu’elles sont plus pesantes. Un sait que c’est ce qui arrive constamment, lorsque, dans un vase qui contient de l’eau chaude, on verse de l’eau froide. Celle-ci gagne toujours le fond du vase.

Ce sont ces courans inférieurs d’eaux polaires froides, dans le fond des mers des régions équinoxiales, qui produisent ces grands froids que les observations ont indiqué dans les profondeurs de ces mers, comme nous l’avons dit ci-devant, pag. 20. Car il est contraire à tous les faits de supposer que ce froid appartient à la partie solide du globe qui est sous ces mers. Cette portion du globe doit jouir, comme les autres, de la température générale de toute la masse, dix, ou quinze, ou vingt degrés… et on ne saurait supposer que sa température est à celle de la glace.

Ce courant reconnaît deux causes principales :

1°. Le mouvement diurne de la rotation de la terre qui accroît la force centrifuge des régions situées sous l’équateur.

2°. l’action des vents généraux des pôles à l’équateur.


DU COURANT DES EAUX DES RÉGIONS ÉQUINOXIALES VERS LES POLAIRES.


Mais, pour rétablir l’équilibre dans les eaux des mers, il faut qu’il y ait un autre courant qui reporte vers les pôles, les eaux venues des régions polaires. Ce courant va donc des régions équinoxiales aux régions polaires.

Ce quatrième courant paraît s’exécuter particulièrement dans les parties moyennes des eaux des mers.

a. Nous avons vu qu’à la surface des mers, les eaux sont portées vers les contrées équinoxiales, par les causes que nous avons assignées.

b. La pesanteur supérieure des eaux polaires, qui sont très-froides, les porte également vers les contrées équinoxiales.

c. Mais il doit se trouver, dans les eaux des mers, des courans moyens qui reporteront les eaux des contrées équinoxiales aux régions polaires. Ils sont analogues à ceux de l’atmosphère, qui reportent l’air atmosphérique des contrées équinoxiales vers les polaires.

d. Les eddys, ou contre-courans, contribueront également à transporter des eaux des contrées équinoxiales aux régions polaires.

Tous ces divers courans généraux. des eaux des mers sont les seuls qui paraissent exister. Ils sont ensuite modifiés par des causes locales.


DES EFFETS DES COURANS GÉNÉRAUX DES EAUX DES MERS, AVANT L’APPARITION DES CONTINENS.


Pour mieux entrevoir la nature et-les effets des courans des eaux à la surface du globe, il faut les considérer à des époques différentes[2].

Premièrement ; avant que les continens fussent découverts ; j’ai prouvé que les eaux s’élevaient alors à une grande hauteur au-dessus des montagnes les plus élevées.

Secondement : après que les continens ont été découverts, et cette époque doit être sous-divisée en plusieurs périodes.

Nous allons considérer d’abord ces courans, avant l’apparition des continens.

Le soleil et la lune agissaient sur la masse des eaux, d’une manière analogue à celle dont ils y agissent aujourd’hui.

Les eaux de l’Océan éprouvèrent donc, dans ces premiers momens, des mouvemens analogues à ceux qu’elles éprouvent actuellement. La principale différence qu’il y avait, dépendait :

1°. De la profondeur des mers, qui était beaucoup plus considérable qu’aujourd’hui, car les eaux surpassaient de plusieurs milliers de toises les montagnes les plus élevées.

2°. De la non-apparition des continens. D’Alembert a prouvé que ces deux circonstances devaient faire varier beaucoup la nature des courans. « Si la terre, dit-il, était entièrement inondée par les eaux de l’Océan, les eaux pourraient, aussi bien que l’air, former sous l’équateur un courant perpétuel. » Réflexions sur la cause des Vents, mémoire couronné par l’Académie de Berlin, en 1746, Introduction, pag. xxiii.

La chaleur de la masse solide du globe, celle des eaux, et celle de l’air atmosphérique, étaient plus considérables qu’elles ne sont actuellement, ainsi que nous l’avons vu précédemment. Cette chaleur était augmentée par l’action des rayons solaires. Mais cette augmentation, à cause de l’obliquité de l’axe, variait sur les divers points de la surface de la terre, à raison des latitudes, et suivant les saisons. Quand le soleil, par exemple, était à un des tropiques, l’hémisphère correspondant était très-échauffé, et l’autre l’était beaucoup moins : et réciproquement, lorsque cet astre passait à l’autre tropique, l’hémisphère échauffé se refroidissait, et l’autre s’échauffait.

Les régions équinoxiales étaient, comme aujourd’hui, celles qui éprouvaient les chaleurs les plus intenses.

Cette alternative d’augmentation et de diminution de chaleur, produisaient des dilatations et des condensations dans l’air atmosphérique : elles y causaient des courans, ou des vents, qui devaient être à peu près réglés, puisqu’il n’y avait point encore de continens découverts.

Ces vents avaient deux directions principales.

a. L’une de l’Orient à l’occident : c’était le vent alizé d’est.

b. L’autre, des pôles à l’équateur : c’étaient des vents de nord et de sud, ainsi que nous l’avons-exposé précédemment.

Il devait y avoir un troisième mouvement de l’équateur aux pôles, qui reportait l’air de l’équateur aux pôles.

Ces vents parcouraient sans obstacle la surface des eaux, dont tout le globe était couvert.

La masse des eaux en était agitée, et elle suivait la même direction que la masse de l’air.

L’action de la lune et du soleil agitait encore, par leurs forces attractives, les deux grands fluides, les masses des eaux et de l’air atmosphérique. Elle y produisait des marées, qui leur imprimaient également un mouvement d’orient en occident.

On doit donc supposer que la masse des eaux primitives acquit à cette époque divers mouvemens généraux.

a. Un mouvement d’orient en occident, ou d’est, qui est plutôt nord-est et sud-est, de manière que, comme dans le grand vent alizé d’est, le courant du sud-est s’étend souvent au-delà de l’équateur dans l’hémisphère boréal.

b. De seconds mouvemens qui portaient les eaux de chaque pôle vers les contrées équinoxiales ; ces seconds courans changeaient le grand courant d’est en courans du nord-est et de sud-est.

c. De troisièmes courans, qui rapportaient les eaux des contrés équinoxiales vers chaque pôle.

Une autre cause concourait avec celles dont nous venons de parler. Les eaux des contrées équinoxiales ont à leur surface une température plus élevée que celle des régions polaires.

La température des eaux des mers équinoxiales est, à leur surface, environ 20 degrés.

Celle des eaux polaires est, à leur surface, à peu près à zéro.

Dès-lors ces dernières ont une pesanteur spécifique supérieure à celle des premières. Or, si on met dans un syphon des eaux froides et des eaux chaudes, les eaux froides gagnent le fond du vase, et repoussent à la surface les eaux chaudes. Les eaux des régions polaires arrivées à une latitude où elles rencontrent des eaux moins froides, gagneront donc le fond des mers, et se rendront vers les régions équinoxiales par des courans ont lieu dans les parties inférieures des mers. Elles, repousseront les eaux des régions équinoxiales vers les pôles, par des courans supérieurs.

On a un exemple de ces divers mouvements des eaux dans les anses des grands fleuves. Les portions d’eau qui s’enfoncent dans l’anse ne peuvent être emportées avec la même vîtesse que celles du milieu du courant. Elles sont donc repoussées vers le fond de l’anse, dans une direction à peu près perpendiculaire celle du courant. Arrivées à un plus grand éloignement, elles acquièrent un mouvement opposé à celui du courant principal. Enfin, elles se rapprochent de ce courant, et s’y confondent. Tous ces divers mouvemens s’exécutent par une espèce de mouvement circulaire, ou de tournoiement.

L’action de ces courans dans des masses d’eau aussi considérables qu’elles l’étaient avant l’apparition des continens, devait être immense ; rien ne gênait leurs mouvemens à leur surface, puisqu’aucun continent n’était découvert. Ils étaient donc emportés d’un cours rapide et uniforme dans leurs différentes directions, comme l’était la masse de l’atmosphère.

Mais ces courans, dans leurs parties inférieures, éprouvaient différens obstacles à raison des terrains qu’ils rencontraient à une plus ou moins grande profondeur, et suivant que ces terrains formaient des plaines, des montagnes, ou des vallées plus ou moins éloignées de la surface des eaux.

a. Ils sillonnaient des plaines, et y creusaient des vallées.

b. Leur action se faisait sentir avec plus de force dans les vallées, parce que leur cours y était resserré ; ces vallées en étaient donc élargies.

Lorsque la direction de la vallée se contournait, elle pouvait changer celle du courant comme il arrive dans plusieurs détroits.

c. Mais l’action des courans était encore bien plus puissante contre les montagnes, dont les sommets étaient plus près de la surface de l’eau ; elles en furent plus au moins dégradées.

Les courans, dont l’impétuosité était fort grande, divisèrent les terrains et les couches qui les formaient ; des plaines, des coteaux, composés, par exemple, de gneis, de schistes micacés, du hornblende, de calcaires primitifs…, furent sillonnés plus ou moins profondément ; il s’y forma des vallées ; on retrouve sur les deux parois de cette vallée à-peu-près les mêmes couches : des angles rentrans sont égaux aux saillans.

C’est de cette manière qu’on peut concevoir que plusieurs vallées des terrains primitifs ont été creusées : on retrouve sur leurs côtes opposées et à la même hauteur, des terrains à peu-près de la même nature… Cependant, il y a un très-grand nombre d’exceptions à cette loi générale.

Une grande partie de ces substances détachées par l’action des courans, fut transportée à des distances plus ou moins considérables, sous forme de galets, de cailloux roulés, de sable, de matières terreuses…, ce qui forma des terrains d’alluvion dans les terrains primitifs.

Quelquefois, ces détritus furent agglutinés postérieurement par différens ciments : ils formèrent des brèches, des pouddings… qui varièrent, et à raison des pierres agglutinées, et à raison du ciment, tels sont ceux de la valorsine…

La cristallisation des terrains primitifs n’était pas achevée : les eaux contenaient encore en dissolution quelques-uns des principes dont ils étaient composés ; il se formait donc quelques nouvelles couches ; l’action des courans influa sur la manière dont elles se déposaient, ils purent y mélanger des galets, des sables, des pouddings…

Quelques-unes de ces couches, formées par des courans aussi rapides, furent plus ou moins inclinées et approchèrent presque de la verticale ; ce fut l’effet de la violence du courant. C’est ainsi qu’on peut expliquer l’origine de plusieurs couches inclinées, qu’on observe dans les terrains primitifs, comme dans les environs du Mont-Blanc, du col de Trient…, ces couches sont de schistes micacés, de schistes primitifs…

Saussure a observé au Buet de pareilles couches de galets, de grès…, alternant avec des couches d’une roche composée d’un mica rougeâtre et de grains ; de quartz transparent ; ces couches sont très-inclinées. (Voyage dans les alpes, 585 à 587) les courans ont certainement concouru à leur formation.

Les Pyrénées et toutes les grandes chaînes de montagnes, présentent également un grand nombre de ces couches inclinées, dont quelques-unes approchent plus ou moins de la verticale.

Quelques physiciens ont prétendu que l’action des courans ne s’étendait qu’à une très-petite profondeur ; mais les faits paraissent contraires à cette opinion.

Il est constant que tous les grands courans creusent le sol sur lequel ils coulent. Nous dirons, ci-après, que le courant du golfe du Mexique (Golfstrim) a creusé son lit au point que les sondes n’y trouvent plus de fond et s’y perdent, suivant le langage des marins.

Bremontier a constaté ; par des expériences exactes[3], que l’action des courans était assez puissante, à plus de quatre-vingts pieds de profondeur, pour déplacer des pierres pesant douze cents livres.

L’observation prouve que sur toutes les côtes, les eaux de la mer charrient des sables des galets : elles rongent les montagnes, y forment des falaises…

Il n’est donc pas douteux que ces eaux n’agissent sur le fond du sol, sur lequel elles reposent. Mais jusqu’à qu’elle profondeur cette action s’étend-elle ? C’est ce que les faits ne décident pas d’une manière précise.

Dicquemare pensait que l’action des eaux était assez puissante sur les côtes du Hâvre, et dans toute la Manche, pour changer le fond de la mer. Il distinguait, en conséquence, deux fonds dans cette mer : l’un qu’il appelait permanent, et qu’il regardait comme le véritable fond, et l’autre qu’il appelait changeant[4].

Daprés avait étendu cette observation à toutes les mers[5].

Pour prouver leur opinion, ils disent l’un et l’autre que les sondes, jetées à différentes époques dans les mêmes endroits, apportaient des terrains différens. Les marins, ajoutent-ils, en avaient été induits souvent en erreur. Ils croyaient n’être plus dans le même lieu, voyant que la sonde ne rapportait pas la même nature de terrain.

Daprés et Dicquemare prétendent, au contraire, s’être bien assurés que la sonde, jetée à différentes époques dans le même endroit, apportait souvent des terrains différens, ce qu’ils attribuent aux dépôts que les eaux charrient continuellement. Ces nouveaux dépôts forment un fond factice, qui change chaque fois que les eaux l’emportent pour y apporter de nouvelles substances ; et cet effet, ajoutent-ils, a lieu même dans des mers très-profondes.

Les observateurs doivent s’attacher à constater l’exactitude de ces faits.

Les effets des courans généraux ont dû être plus ou moins considérables sur les continens et sur les îles, à raison des circonstances locales. C’est ce que constatent les observations faites en différens lieux, surtout dans les détroits, comme au détroit de Bahama, aux détroits des îles de la Sonde, au détroit de Bass, à la pointe de la Nouvelle Hollande, à la terre de Diémen…

Mais cette action des courans paraît avoir été encore plus considérable dans l’hémisphère austral.


DE L’ACTION DES COURANS DANS L’HÉMISPHÈRE AUSTRAL.


Les continens de cet hémisphère austral ont paru à quelques physiciens, tels que Lambert, Forster… avoir été soumis à l’action de courans violens. Ils en supposent deux principaux qui ont existé avant l’apparition des continens.

L’amérique méridionale est terminée par une pointe, paraît avoir été déchirée par des courans impétueux ; il y a encore des violens courans au cap Horn et au détroit de Magellan. Il s’y trouve plusieurs îles, qui paraissent avoir été séparées du continent, telles que les îles de Feu…

Ces effets, dit-on, ont été produits par un premier courant.

Un autre courant a exercé une action semblable sur les extrémités méridionales de l’Afrique et de l’Asie.

La pointe du cap de Bonne-Espérance paraît également avoir été exposée à l’action de violens courans, qui y exercent encore toutes leurs forces. Il y a plusieurs îles…

Madagascar, Anjoram, et toutes les îles adjacentes, paraissent avoir été séparées du continents par l’action des eaux.

L’Asie méridionale offre les mêmes phénomènes. Le cap Gardafui, le cap d’Olmutz, le cap Comorin, le cap de la presqu’île de Malaca, le cap de Sumatra, et toutes les pointes méridionales des diverses iles de l’Archipel indien, celles des Philippines… paraissent être les effets de l’action des eaux, ainsi que les pointes des îles du Japon.

On peut regarder la mer Rouge, le golfe Persique, tous les détroits qui sont entre les Maldives, les Moluques, les Philippines… comme des invasions des mers.

La terre de Diémen, à l’extrémité méridionale de la Nouvelle-Hollande, le détroit de Bass… paraissent aussi avoir été produits par des courans violens. On trouve, dans ces cantons, un grand hombre d’îles, séparées par des détroits, dans lesquels on observe des courans violens.

Il en faut dire autant de la Nouvelle-Zélande…

Toutes les îles, si nombreuses sur la côte orientale d’Afrique, et dans les mers des Indes, depuis les Séchelles, les Maldives, les Moluques, les îles de la Sonde, la Nouvelle-Zélande, les Philippines ; jusqu’aux îles Marianes, paraissent avoir été formées par des invasions des mers.

Il en faut dire autant des îles du Japon, des Kourilles, et des nombreuses îles qu’on observé jusqu’au détroit d’Anian, entre l’Asie et l’Amérique… Elles semblent toutes attester des invasions des mers…

Mais suivons la marche supposée de ces courans.

On suppose un courant général des eaux du pôle austral vers l’équateur, et jusqu’au pôle boréal. Il a exercé son action sur les a pointes ou extrémités méridionales de l’Amérique, de l’Afrique, de l’Asie, de la Nouvelle Hollande, de la Zélande.

La partie de ce courant, qui a attaqué la pointe méridionale de l’Amérique, a coulé entre ce continent et les côtes occidentales de l’ancien continent. Il a creusé en partie la grande vallée, qui sert de bassin à la mer Atlantique.

Il a d’abord été détourné par les côtes du Brésil, et rejeté sur celles du Congo.

Les côtes de Guinée, au cap des Palmes, l’ont dévié de nouveau, et rejeté du côté de Panama.

Il a creusé le bassin du golfe du Mexique…

Arrêté par les côtes de la Louisiane, et celles de la Floride, il s’est porté vers les Bermudes, et a creusé le canal de Bahama De-là il est allé noyer le banc de Terre-Neuve.

Il s’est ensuite porté jusques vers les côtes du Groenland, en rongeant les côtes de l’Amérique septentrionale, et celles de la Norwège, de la Laponie… jusqu’au cap Nord.

La seconde partie du courant, après avoir rongé les côtes l’Afrique, d’Asie, et de la Nouvelle-Hollande, s’est également porté au Nord, le long des côtes du Japon, jusqu’au détroit d’Anian.

Les deux courans se sont alors réunis dans les mers du Nord. Ils se sont jetés dans la grande mer Pacifique, et sont revenus vers le pôle austral, pour y remplir le vide qu’ils avaient occasionné.

Et, alors, il ont repris leur première direction, du pôle austral vers les régions équinoxiales, par l’Atlantique et les mers ides Indes.

Il faudrait donc dire dans cette hypothèse, qu’à une époque quelconque il y a eu un courant parti du pôle austral, qui s’est porté avec une grande violence vers les régions équinoxiales et le pôle Boréal, pour déchirer toutes, les pointes de ces contrées, et y former cette quantité de caps et d’îles qu’on y observe…

Mais qu’est-ce qui aurait pu produire ce courant, et lui donner cette force prodigieuse ? On ne connaît aucune cause capable de pareils effets.

Aussi je regarde l’existence de ces courans comme hypothétique : elle n’est appuyée sur aucune preuve. Ce sont des hypothèses vagues, fondées sur la configuration des continens. Mais cette forme des continens me paraît avoir d’autres causes.

Nous avons vu que les grandes chaînes de montagnes des continens n’ont aucune direction déterminée. Les caps, les promontoires… sont des prolongemens des montagnes, et ne peuvent être regardes comme ayant été produits par des courans.

Le cap Horn, et les terrains adjacens, sont la terminaison méridionale de la grande chaîne des Andes.

Le cap de Bonne-Espérance, les montagnes de la Table… sont la terminaison des monts Leupata.

Le cap Comorin est la terminaison des montagnes des Gates.

Le cap de Malaga est la terminaison des montagnes qui forment le bassin des eaux des fleuves le Ménan et le Pégu.

La terre de Diémen est la terminaison de la chaîne des montagnes de la Nouvelle Hollande.

Il en faut dire autant de tous les autres Caps.

Or, tous ces caps, toutes ces pointes, ont été attaqués par les flots, comme toutes les côtes.

Il y a des caps, des pointes, dans d’autres directions que telle de ce courant, qui ont été également rongés par l’action des eaux. On en trouve dans la Méditerranée, sur les côtes de Barbarie…

Nous avons vu qu’il y a des courans généraux des eaux des mers des pôles à l’équateur (ci-devant, page 215), et nous en avons assigné les causes. Ce courant paraît plus considérable dans les régions australes, parce qu’il y a moins de terres…

Mais on ne saurait y supposer les courans extraordinaires. dont nous venons de parler.

Il est certain qu’il y a dans l’hémisphère austral une plus grande partie de sa surface sous les eaux que dans l’hémisphère boréal. On ne peut en assigner d’autre cause que la cristallisation, ou la formation générale du globe.

Les monts Altaï, les monts du Thibet, les monts Immaüs, les monts Taurus… sont extrêmement élevés, tandis que les plaines de l’Indostan étaient autrefois couvertes en partie par les eaux… L’Inde était probablement une île : suivant d’anciennes traditions de ces contrées, on l’appelait Yambou.

Puisque la surface de cet hémisphère austral est en partie sous les eaux, il faut que la densité des substances qui composent cet hémisphère soit plus considérable que celle de l’hémisphère boréal : autrement l’équilibre entre ces deux hémisphères ne pourrait subsister.

Ceci est confirmé par les faits. Nous avons vu que l’arc du méridien, au cap de Bonne-Espérance, est plus étendu que celui de l’hémisphère boréal à la même latitude (page 6), ce qui indique un applatissement de cet hémisphère plus considérable que celui de l’hémisphère boréal.

Cet hémisphère présente encore un autre phénomène particulier : il est plus froid que le boréal. Les glaces du pôle austral sont plus considérables et plus rapprochées de l’équateur… Cependant son niveau étant plus bas, et étant couvert en plus grande partie par les eaux, sa température devrait être plus élevée. L’Irlande, le Dannemarck… quoiqu’à une assez haute latitude, celle de cinquante-cinq degrés, jouissent d’une assez douce température, parce que ce sont des contrées presqu’au niveau de la mer…

On ne peut donner des explications satisfaisantes de ces faits par ceux que nous connaissons. Il faut en attendre de nouveaux.


DE LA NATURE ET DES EFFETS DES COURANS GÉNÉRAUX DES EAUX DES MERS APRÈS L’APPARITION DES CONTINENS.


L’apparition des continens modifia singulièrement les mouvemens des eaux. de l’Océan, sans néanmoins. les changer : les phénomènes, qui en furent la suite, varièrent dans les différentes époques de cet abaissement du niveau des eaux.

Les premiers pics qui sortirent du sein de l’Océan, tels que les sommités des Andes, celles de l’Altaï, de l’Immatis, du Taurus, des Gates, des Ourals, des Alpes, des Pyrénées, de l’Atlas, de Leupata…, formèrent des obstacles aux divers courans : quelquefois ils purent les arrêter, d’autres fois ils ne firent que les dévier.

Ces pics furent alors exposés à toutes les fureurs des vents, et à toute l’impétuosité des courans des eaux ; ils furent donc plus ou moins dégradés et leur hauteur diminua…, et elle continue de diminuer jusqu’à ce que leur pente soit douce, c’est-à-dire, soit arrivée à environ quarante degrés.

Ceux situés dans le grand courant Alizé d’est, furent attaqués particulièrement de ce côté ; ceux qui étaient situés dans les autres courans, à raison de leurs diverses latitudes, le furent également de chacun des côtés de ces courans, tandis que les parties qui n’étaient pas exposées aux courans, souffrirent moins.

Les courans, soit ceux de l’atmosphère, soit ceux des eaux, qui frappèrent contre ces pics, en furent ralentis ; quelquefois leur direction en fut déviée, pendant quelques instans, par les sinuosités des vallées.

Le grand vent alizé d’est, par exemple, qui vient de dessus l’atlantique, est arrêté par la chaîne des Cordilières, et il ne reparaît sur la mer du sud qu’à près de deux cents lieues des côtes du Pérou.

Toutes les grandes chaînes de montagnes produisent des effets analogues.

Les courans des eaux furent également déviés par les mêmes obstacles ; les grandes chaînes de. montagnes en changèrent le cours. C’est ainsi que le grand courant alizé de l’océan atlantique est arrêté par le continent de l’Amérique, et se dévie, soit au nord dans le golfe du Mexique…, soit au sud sur les côtes du Brésil, du Paraguai.


Les eaux, dans ces grands mouvemens, déplacèrent des portions plus ou moins considérables des terrains qu’elles attaquaient. Elles les réduisirent en galets, en sables… et furent les déposer dans les plaines, dans les vallées… et jusques sur les flancs des montagnes.

Lorsqu’un ciment quelconque agglutina ces galets, il se forma des pouddings, des brèches…

Ces courans purent également charrier des portions de différens terrains tenus en dissolution par les eaux ; ils les déposèrent pareillement, soit dans les plaines, soit dans la vallées, soit sur le flanc des montagnes, et y formèrent de nouvelles couches cristallisées ou non-cristallisées, qui varièrent suivant la nature des matières détachées, granits, porphyres, gneis, hornblendes, schistes, calcaires primitifs, argiles, terres smectites…

Mais les continens, se découvrant de plus en plus par l’abaissement des eaux, formèrent enfin de grandes chaînes qui arrêtèrent les courans sur une étendue plus ou moins longue. Ces courans frappèrent alors, avec toutes leurs forces, contre ces continens qui en furent plus ou moins dégradés.

Au milieu de ces chaînes de continens, il se trouva des parties moins élevées : les courans des eaux s’y précipitèrent, comme, par un pertuis. Elles en rongèrent les parois, et aggrandirent les échancrures plus ou moins, suivant les circonstances locales.

L’échancrure, par exemple, que présentent, à Panama, les chaînes de l’Amérique septentrionale et celles de l’Amérique méridionale, fournit un passage aux courans de l’Atlantique qui, en se précipitant, à cette époque, dans la mer du Sud, creusèrent de plus en plus cette gorge, et y formèrent des pics isolés.

La même observation peut se faire tout le long de la chaîne des Andes qui présentent plusieurs pertuis semblables.

Les autres grandes chaînes des montagnes du globe offrent les mêmes phénomènes. La grande chaîne des Gates, qui, depuis Ceylan, traverse l’Inde, et se propage jusqu’aux montagnes du Thibet, présente un grand nombre de ces pertuis. L’Inde paraît, avoir formé une île appelée Yambou, et avoir été séparée du continent au dessus de Radja-Mal.

L’île de Ceylan en est encore séparée.

Les îles Marianes, les Philippines, les Moluques, celles de la Sonde… sont séparées par des détroits assez étroits, et qui ont été certainement élargis par les courans.

« Aux Philippines, dit Romme, un courant vient de la mer. Pacifique et de la partie du N. E. Il traverse, comme un torrent, les canaux qui séparent ces îles nombreuses. Il s’avance de-là vers la Chine, et on l’a trouvé près de ces îles, portant au Nord, avec une vîtesse de 20 milles par jour[6] ».

Puisque le courant d’est traverse, comme un torrent, les détroits qui séparent les Philippines, il n’est pas douteux qu’il ne creuse beaucoup ces détroits et ces vallées : et si les mers venaient à s’abaisser, dans ces parages, on verrait tous les bords de ces vallées coupés, creusés… comme le sont les sommités des hautes chaînes de montagnes, par exemple, les chaînes du Monte-Blanc appelées aiguilles

« Dans le golfe de Tonkin, des courans font de 30 à 60 milles au sud, en vingt-quatre heures ». Romme, tom. 1, pag. 250.

« Le courant du golfe du Mexique, dit Valmy, s’est creusé, au fond de l’Océan, un lit très-profond, car les sondes y perdent terre, ou deviennent tout-à coup très-longues ». Tableau du climat et du sol des États-Unis, tom. 1, pag. 232.

De pareils courans ont donc pu creuser, ou au moins aggrandir le canal qui sépare les côtes de France de celles d’Angleterre, celui de Gibraltar, celui de Messine, le Sund…

C’est encore à cette cause que sont dues en partie ces hautes falaises qui bordent les côtes des mers, du côté où sont leurs principaux courans, comme je l’ai prouvé ailleurs. (Théorie de la Terre).

Tous ces pics isolés, décharnés, qui furent formés par ces courans, ont ensuite été dégradés par les frimats, les eaux courantes pluviales… et ont perdu beaucoup de leur élévation. Leur abaissement continuera, jusqu’à ce que leur pente soit réduite à moins de 45°.

Les terrains qui formaient les parois de ces pertuis et de ces vallées furent donc divisés, et on en aperçoit encore les débris des deux côtés des nouvelles vallées qui furent creusées à cette époque…

Les êtres organisés commencèrent à paraître sur la portion des continens qui était découverte. Leurs dépouilles, charriées dans le sein des mers, furent déposées au milieu des couches secondaires qui se formaient.

Les courans produisirent sur ces terrains les mêmes effets que sur les terrains primitifs. Ils en ravinèrent les plaines, y creusèrent des vallées, élargirent les vallées existantes, dégradèrent les montagnes, et formèrent de nouvelles couches plus ou moins inclinées.

Enfin les eaux continuant de s’abaisser, des continens formèrent des chaînes qui se trouvèrent entièrement au-dessus du niveau des mers ; les grands courans se trouvèrent donc arrêtés par ces espèces de chaussées, ou levées, et ils furent obligés de prendre de nouvelles directions.

Les courans alizés des eaux de l’Atlantique, par exemple, furent arrêtés par les chaînes des Andes. Ils ne purent plus arriver à la mer du Sud : ils furent donc obligés de refluer latéralement vers les deux pôles.

La portion de ce courant, qui était dans l’hémisphère austral, alla frapper, contre les côtes du Brésil, et coula vers le pôle austral, ce qui établit un nouveau courant dans cette direction, lequel se prolongea jusqu’au-détroit de Magellan.

Apson a observé ce courant depuis l’île Sainte-Catherine jusqu’à la terre des États. Il pense que ce courant se prolonge le long de la côte du Brésil avec une vîtesse de trente milles par jour. Par le travers de Rio de la Plata, sa vîtesse était encore de quatorze milles par jour. Ce courant, après avoir doublé le cap Horn, s’avance vers la terre des États, dans le nord-est : il élonge sa côte australe, et sa vîtesse devient si rapide, qu’il l’apparence d’un torrent.

Vankchlen dit aussi que sur ce-même espace, le courant se dirige au sud-sud-ouest en suivant la côte, et que dans le sud du détroit de Magellan sa direction devient sud-est et sud-sud-est[7].

L’autre portion du courant alizé de la. mer Atlantique, celui de l’hémisphère boréal, est arrêté par les côtes de la Guyane et celles de la Terre-Ferme ; il coule, au nord, dans le golfe du Mexique ; il y fait une espèce de mouvement demi-circulaire, et se porte vers les côtes de la Floride. Alors, il entre dans le canal du Bahama, et côtoyant, au nord, les rivages des États-Unis, il se porte vers le banc de Terre-Neuve, dont il paraît avoir formé, ou au moins augmenté les attérages par la quantité de sables et autres substances qu’il charrie.

Ce courant parcourt depuis deux jusqu’à cinq milles par heure.

Sa largeur, sur les côtes des États-Unis, est en général de quinze lieues.

Il laisse, entre lui et la côte des États-Unis, un eddy, ou contre courant, qui a environ vingt lieues de largeur.

Arrivé à la hauteur de Terre-Neuve, le courant change sa direction, et se porte d’Occident en Orient vers les Acores et les côtes d’Europe.

Il est souvent couvert des diverses plantes qu’il apporte jusques sur les côtes d’Europe, en Irlande…

Le courant, arrivé sur les côtes d’Europe, rencontre le courant qui vient du Nord ; il se confond avec lui, et se porte vers les contrées équinoxiales. Il y remplace le vide qu’y fait le courant alizé d’est, et se confond avec lui.

Tous les navigateurs qui partent d’Europe pour aller vers les contrées équinoxiales, rencontrent ce courant venant du Nord ; il les porte aux Canaries, et delà vers l’équateur.

Une petite portion du courant qui vient de Terre-Neuve en Europe, se porte au Nord, parce qu’il se confond avec les, courans des côtes.

Car c’est une observation générale, que les grands courans, soit ceux de l’atmosphère, soit ceux des eaux des mers, changent de direction proche des côtes, ce qui produit des eddys, ou contre courans ; c’est ce qu’on appelle vents des côtes, et courans des côtes. Sur toutes les côtes, en général, on rencontre des eddys contraires au courant principal. Les exceptions qui ont lieu quelquefois à cette loi générale, tiennent à des causes locales.

Une observation interressante qu’on a faite dans le courant du golfe du Mexique, c’est que ses eaux ont une chaleur assez considérable : elles la perdent peu à peu en se portant au Nord. Ce fait prouve que ce sont les eaux elles-mêmes très-chaudes des tropiques comme l’air qui sont transportées au Nord, et que ces courans ne sont pas seulement les effets de mouvemens particuliers, excités. dans les eaux par l’action des vents.

Les courans du golfe du Mexique sont si intéressans pour l’objet que je traite, que je vais rapporter ce qu’en ont dit des voyageurs instruits.

« La surabondance des eaux de ce courant, dit Volney[8], après avoir tournoyé sur les rivages du Mexique, de la Louisiane et de la Floride, s’échappe à. la pointe de la presqu’île, sous la protection et à l’abri de la terre de Cuba et des nombreux écueils et îles Lucayes, qui, de ce côté, rompent les efforts de l’Océan, et le cours du vent alizé. La rapidité du courant de ces eaux, dans le canal de Bahama, en même tems qu’elle est un fait trop connu pour y insister, devient une preuve de l’élévation de leur source dans le golfe. Au sortir du canal, elles conservent, dans l’Océan, un caractère très-distinct, non-seulement par la vîtesse de leur courant, qui est de quatre à cinq milles à l’heure, c’est-à-dire, plus vif que la Seine, mais encore par leur couleur et par leur température plus chaude de cinq à dix degrés (R.) que celle de l’Océan qu’elles traversent. Cette espèce singulière de fleuve prolonge ainsi toute la côte des États-Unis avec une largeur variable, que l’on estime, terme moyen, à quinze à seize lieues, et il ne perd sa force et ses caractères que vers le grand banc de Terre-Neuve, où il se dilate, comme dans son embouchure, alors dirigée vers le nord-est.

« Il paraît que l’habile navigateur françois DRAKE est le premier qui, dès la fin du seizième siècle, remarqua ses effets, et devina sa cause. Mais l’une des plus curieuses circonstances, celle de la température, lui échappa. Ce ne fut que vers 1776 que le docteur Blagden, faisant des expériences sur la température de l’Océan à diverses profondeurs, trouva que vers le 31° de latitude nord, à la hauteur du cap Féar, le thermomètre plongé dans l’eau, après avoir marqué 72° Farenh ( R.) vint tout-à-coup à marquer 78° F. ( R.), continua tel pendant plusieurs milles, et ensuite baissa graduellement à , puis à R., en s’approchant de la côte, quand la sonde prit fond, et que l’eau devint olivâtre. Ce phénomène, alors nouveau, fit sensation en Angleterre et Franklin, qui, la même année, venait en Europe, et faisait les mêmes observations, lui donna encore plus de célébrité. Son neveu et compagnon de voyage, M. Jonathan Williams, a continué et multiplié les recherches sur ce sujet, et maintenant l’on peut établir comme théorie complette les faits suivans.

1°. Le courant du golfe (ou golfe-strime) marque sa route depuis le canal de Bahama, jusqu’au banc de Terre-Neuve.

2°. Il côtoye les rivages des États-Unis à une distance que les vents rendent variable, mais qui, en terme moyen, s’estime à un degré ou vingt lieues.

3°. À mesure qu’il s’éloigne de son origine, il dilate son volume et diminue sa vîtesse.

4°. Il paraît qu’au fond de l’Océan il s’est creusé un lit particulier très-profond ; car les sondes y perdent terre, ou deviennent tout-à-coup très-longues.

5°. Il ronge la côte des États-Unis, malgré la résistance des écueils Hatteras, qui le détournent vers l’est d’une pointe et demie de compas[9] et il menace de les détruire eux-mêmes tôt ou tard. Les îles sableuses du Bahama, les attérissemens du même natron sur la côte du continent, les bas-fonds de Nantuket, paraissent n’être que des dépôts formés par lui, et je suis tenté de dire que les bancs de Terre-Neuve que sont que la barre de l’embouchure de cet énorme fleuve marin.

6. Sur chacun de ses côtés, il forme un eddy ou contre-courant, qui, aidé du côté de terre par les fleuves du continent, arrête les dépôts vaseux qu’on nomme les sondes.

7. De longs vents de sud-ouest les rendent moins sensibles, parce qu’ils poussent les flots dans son sens ; mais les vents de nord-est, en le heurtant de front, le rendent plus saillant, et comme disent les marins, creusent tellement sa vague, que les navires à un seul pont et à haut bordage, courent risque de sombrer sous les fortes lames qu’ils embarquent.

8. On entre sur son domaine, quand on voit la couleur de l’eau devenir bleue-indigo, au lieu de bleue-ciel qu’elle est en plein océan, et de verdâtre ou olivâtre qu’elle est du côté de terre, sur les sondes de la côte. Cette eau, vue dans un verre, est sans couleur comme sous les tropiques, et d’une salure plus forte que l’eau de l’Atlantique qu’elle traverse.

9. Beaucoup d’herbes sur l’eau n’assurent pas la présence du courant, elles en sont seulement l’indice.

10. L’on sent son atmosphère plus tiède que celle de l’Océan… En hiver, la gelée fond sur le pont du vaisseau qui y entre ; l’on se trouve assoupi et l’on étouffe de chaleur dans les entreponts.

Quelques expériences donneront des idées fixes de cette température.

Au mois de décembre 1789, M. Jonathan Williams, parti de la baie de Chesapeak, observe que le mercure marquait dans l’eau de l’océan.

Farenh Réaum.
1o. Sur les sondes ou bas-fonds de la côte 47°
2o. Un peu avant que d’entrer dans le courant 60
3o. Dans le courant 70
4o. Avant Terre-Neuve dans le courant 66
5o. Sur Terre-Neuve hors du courant 54
6o. Au-delà du banc, en pleine mer 60
7o. En approchant des côtes d’Angleterre il
Baissa graduellement à 48
En juin 1791, le Capitaine Billing, allant en Portugal, observa à son départ sur la côte d’Amérique et dans les eaux des sondes. 61 13
Puis dans le courant 77 20
Différence 7 R.

En hiver, M. Williams avait trouvé 47 et 70. Différence 23 Far. ou 10 R.

Ce que je viens d’exposer de la marche du courant du golfe mexicain, devient un moyen satisfaisant d’expliquer deux incidens d’histoire naturelle, dignes de remarque, sur la côte des États-Unis.

1°. Admettant, comme je l’ai avancé, que le courant est la cause des attérrissemens qui bordent son lit, par l’abandon que son remous y fait des matières charriées, l’on trouve une raison naturelle et simple de la présence des produits fossiles du tropique, à des latitudes très-avancées vers le nord. Il est très-probable que les bancs de coquilles pétrifiées, découvertes en fouillant et sondant les rivages de l’Irlande[10], et qui n’ont leurs analogues que vers les Antilles, doivent leur origine à cette cause, ou toute autre semblable.

En considérant la dilatation du courant, sur ce même banc de Terre-Neuve, comme l’embouchure de cette espèce de fleuve marin, l’on obtient une raison plausible de l’affluence des morues à cet endroit, parce qu’elles y trouvent plusieurs substances végétales et animales, charriées par les fleuves nombreux des États-Unis, et qui y sont apportés par le du courant. Au moment où cette feuille s’imprime, ajoute Volney, dans une note, pag. 239, je reçois, des États-Unis, le cinquième volume des Transactions de la Société de Philadelphie, et j’y trouve, pag. 90, un mémoire de M. Strickland, qui, par une série d’observations faites en 1794, allant et revenant d’Europe, confirme tout ce que j’ai exposé sur les indications du thermomètre. L’auteur ajoute qu’il a reconnu une branche du golf-strime, dans la direction de l’ile Jaquet, et il insiste sur la probabilité du transport des fossiles tropicaux de la côte d’Islande, par les eaux de ce même courant ».

Romme donne une histoire assez détaillée du courant du golfe du Mexique.

« Le long de la côte du large de l’île de Cuba, dit-il (tom. I, pag. 223), les courans portent à l’ouest, près du cap Saint-Antonio, et des Colorados, ils forment des tourbillons. Incertains dans ces parages, et au large, ils se portent à l’est, dans le voisinage de la côte, avec une vîtesse qui est quelquefois de deux milles et demi à l’heure ; mais, près de l’extrémité S.-O. des Colorados, il y a un eddy, qui, dans l’est de cette partie, porte dans l’ouest…

Courant de la Floride dans le canal de Bahama et au nord de ce canal. Les sources de ce courant sont les eaux que le vent alizé chasse devant lui, jusqu’au golfe du Mexique. Plusieurs courans partiels forment celui de la Floride. L’un, avec une vîtesse assez considérable, élonge la côte d’Amérique, depuis le cap Saint-Augustin du Brésil, jusques au cap Catoche, et suit une direction qui varie au N. O. O. et au O. N. O., pour se jeter dans le golfe de Mexico. Un autre courant, produit par la même cause, s’avance directement vers ce golfe, en parcourant les canaux qui séparent les Antilles, et en passant aussi entre l’île de Cuba et Yucatan. Enfin, il y a celui qui suit le vieux canal de Bahama. Ces courans, arrêtés successivement et par l’île de Cuba, et par le grand banc de Bahama, se portent d’abord dans l’est, pour se détourner bientôt vers le nord… Le mouvement circulaire des eaux arrivées de l’est sur le contour du golfe du Mexique, est démontré par l’observation…

« Le courant principal change de direction de l’E. N. E. au nord, suivant les lieux qu’il parcourt entre l’île de Cuba et la Floride, et dans le canal de Bahama. D’abord il s’avance à l’est, auprès des Tortugas, détourné par les îles et les bancs de Bahama, il se dirige vers le nord. Au-delà du cap de la Floride, sa direction est au N. E., et il tourne de plus en plus à l’est, à mesure que le courant se porte au-delà des bancs de Nantucket ; et près de l’île Marthas-Vinchard, il y a des tourbillons d’eau, dans les lieux où des bancs croisent des canaux. Là, le courant porte dans le sud de l’est, et, par degrés, il vient se perdre dans l’Océan Atlantique, près des îles Açores, (c’est-à-dire, par les 40 degrés de latitude.)

« Ce courant, en se jetant dans l’Océan, et dans sa course au milieu de cette mer, se fait remarquer, soit par un grand clapotis sur ses bords, soit par sa température plus élevée en général de 5 à 6 degrés Farenh, 2 à 2 Réaumur, que celui des eaux de l’Atlantique.

« Dans le canal de Bahama, ce courant est rapide de manière » à entraîner, hors du canal, les vaisseaux qui auraient vent debout. Sa plus grande vîtesse est remarquable au milieu de son lit, et elle varie de 4 milles à 2 milles par heures. Les vents contraires augmentent cette vîtesse, et poussent la mer de telle sorte, que les vaisseaux ne peuvent y résister.

» Le courant, en s’avançant dans l’Atlantique, perd progressivement de sa vîtesse et de sa chaleur.

Sur les sondes de la côte d’Amérique, comme au-dedans du canal de Bahama, il y a, entre le courant principal et la terre, un eddy, ou contre-courant, qui porte généralement au sud, à raison d’un mille ou demi-mille à l’heure, et celui-ci a un lit plus large que le courant principal dirigé au nord-est. ».

J’ai donné ces détails sur le golfe-strime, parce que-ce courant très-intéressant a été bien observé.

Les courans alizés des eaux des mers du Sud produisirent les mêmes effets que ceux des eaux de l’Atlantique. Ils furent arrêtés en partie par les îles Marianes, les Philippines, celles de l’Archipel indien, et par une portion du continent de l’Asie, savoir les côtes méridionales de la Chine, la presqu’île de Malaca… l’île de Sumatra, celle de Bornéo, la Nouvelle Guinée, la Nouvelle Hollande, la Nouvelle Zélande…

a. La partie de ce grand courant alizé, dans l’hémisphère boréal, reflua vers les régions polaires, sur les côtes du Japon… delà elle changea de direction, et fut poussée d’occident en orient par les latitudes de 40 à 50 degrés, où elle arriva sur les côtes de la Californie. Elle rencontra le courant du Nord, qui la porta vers les régions équinoxiales, à Acapulco.

Les navigateurs qui partent d’Acapulco pour aller aux Philippines, suivent les contrées équinoxiales ; mais pour revenir à Acapulco, ils sont obligés de remonter vers les 40 à 50 degrés de latitude, nord, où ils trouvent le courant d’Orient en Occident qui les ramène sur les côtes de la Californie ; le quatrième courant, celui du Nord, les porte ensuite à Acapulco.

L’autre partie du grand courant alizé de la mer-du-Sud, celui de l’hémisphère austral, est divisé par les côtes de la Nouvelle-Guinée, de la Nouvelle Hollande, et se porte vers le pôle austral.

Arrivé à la latitude de 40 à 50 degrés, il prend une nouvelle direction d’Orient en Occident, qui le porte sur les côtes du Chili ; il rencontre alors le courant qui vient du pôle sud, et le ramène vers les régions équinoxiales. Mais il paraît qu’une petite partie de ce courant continue à se porter au pôle sud, comme nous avons vu qu’une partie. du courant de l’Atlantique, qui vient de Terre-Neuve, continue à se porter au Nord, sur les côtes septentrionales de l’Europe.

Les navigateurs, pour revenir de Botany-Bay, font voile vers le pôle sud pendant quelques instans, jusqu’au delà de 40 degrés de latitude, ils rencontrent le courant qui les porte sur les côtes du Chili : ils doublent le cap Horn pour entrer dans l’Atlantique.

Mais en se rapprochant des côtes du Chili, on trouve un courant de côte très-large, qui porte vers les régions équinoxiales, jusques aux parages de Lima…

Les courans que nous venons de décrire dans l’Atlantique et dans la mer du Sud, s’observent également dans l’Océan indien mais avec des modifications particulières, qui dépendent des circonstances locales.

Les côtes, qui arrêtent et devient le grand courant alizé des eaux de la mer du Sud, ne forment pas une chaîne continue comme le continent de l’Amérique. Ce courant pénètre à travers les détroits de ces îles, et peut encore se faire sentir dans l’océan indien ; il se porte sur les côtes orientales d’Afrique, celles d’Ajan, du Zanguebar, du Monomotapa…

Les vents alizés d’est, de ce même Océan, indien, influent, comme dans les autres mers, sur, ce courant des eaux. Mais on sait que ce vent alizé de ces mers est singulièrement modifié par les vents particuliers appelés moussons, qui varient suivant les saisons : ils soufflent six mois, depuis. avril jusqu’en septembre, au sud-sud-ouest, et six autres mois au nord-nord-est ; les courans des eaux y éprouvent donc les mêmes modifications.

Tous ces faits résumés qui ont été bien constaté par les navigateurs, prouvent qu’actuellement les eaux éprouvent en général quatre courans principaux, analogues à ceux de l’atmosphère.

a. Le premier est le courant alizé d’est, qui porte les eaux d’Orient en Occident avec une vîtesse assez considérable… « Car les courans de Madère, aux îles du Vent, dit Romme, tom. I, page 214, sont estimés porter au nord-nord-est et nord-nord-ouest, et faire entre les tropiques environ quinze milles par jour. »

b. Le second courant, qui dévie du premier à une certaine distance des côtes, porte les eaux des régions équinoxiales vers les régions polaires, soit au nord, soit au sud.

Nous avons vu que le golfe-strime, ou courant du golfe du Mexique, parcoure depuis deux jusqu’à cinq milles par heure.

c. Le troisième, qui a lieu par 40 à 50 degrés de latitude, a une direction contraire à celle du premier, c’est-à-dire, qu’il porte les eaux d’Occident en Orient jusques par les 40 à 50 degrés de latitude.

d. Le quatrième courant vient des pôles, et à une direction contraire à celle du second ; il porte les eaux des régions polaires aux régions équinoxiales, jusques par les 60 à 50 degrés de latitude. Il charrie les glaces dans l’hémisphère boréal jusques au banc de Terre-Neuve, et delà elles sont portées jusques du côté du tropique.

Le même transport des glaces a lieu dans l’hémisphère austral. La masse des eaux des mers, avant l’apparition des continens, avait donc des mouvemens semblables à ceux de l’atmosphère ; car nous avons vu que celle-ci a également quatre mouvemens généraux analogues.

Les causes des courans, ou mouvemens des eaux des mers, sont les mêmes que celles des mouvemens de l’atmosphère. Un courant général les transportait d’Orient en Occident, sous les régions équinoxiales ; des courans latéraux du nord et du sud venaient se confondre avec celui-ci.

Ceci suppose un troisième mouvement pour remplacer les eaux qui venaient des pôles. C’était un courant inférieur, qui, à une certaine latitude, avait lieu au fond des mers, et reportait les eaux aux pôles. Les eaux des régions polaires étant plus froides que celles des régions équinoxiales[11], sont plus pesantes. Lorsque ces eaux polaires arrivent à un certaine latitude celle de 50 degrés environ, rencontrant des eaux moins froide et plus légères, elles se précipitent au fond des mers pour gagner les régions équinoxiales : elles y produisent le froid qu’on y observe.

Ce courant correspond à celui de l’atmosphère, qui, rasant la surface de la terre, apporte, des régions polaires, un air froid, qui remplace l’air chaud que sa légèreté a fait élever sous les régions équinoxiales.

Mais après l’apparition des continens, et dans l’état actuel, les courans des mers changèrent, parce qu’ils furent arrêtés par divers continens.

Celui des eaux de l’Atlantique est arrêté par le continent de l’Amérique. Il se porte, d’un côté, au nord, le long des côtes des États-Unis, et de l’autre, au sud, vers le détroit de Magellan, et reporte une partie des eaux vers les pôles.

Le grand courant alizé des eaux reparaît sur la mer Pacifique, à deux cents lieues des côtes de l’Amérique. Il est arrêté, en partie, par les Philippines, la Nouvelle Hollande… et se dévie au nord et au sud vers la Californie et le Chili…

Une autre partie de ce courant passe au travers des détroits des îles Moluques, de la Sonde… et se porte sur les côtes d’Afrique. Mais arrêté par ce continent, il en longe les côtes, et se porte, soit au nord, soit au sud.

Ce sont ces différens courans latéraux qui reportent vers les pôles les eaux qui étaient venues des régions polaires ; et c’est ainsi que se trouve rétabli l’équilibre dans la masse des eaux de l’Océan.

Les courans particuliers qu’on a supposés dans l’hémisphère austral, comme nous avons vu ci-devant (page 224), n’existent pas. Ce sont les courans qui viennent du pôle austral, et qui ont un peu plus de force que ceux qui viennent du pôle boréal.


DES COURANS DES COTES.


Il y a, le long de toutes les côtes, des courans des eaux entièrement opposés aux courans généraux des eaux des mers, ou des espaces de remous.

Ce sont les eddys, ou contre-courans, dont nous avons vu plusieurs exemples dans la description du golfe-strime et autres grands courans…

Ces eddys des eaux correspondent à des courrans analogues qu’on aperçoit dans l’atmosphère.

Car on observe que, dans les grands vents, il y a toujours des courans opposés, ou eddys. La masse d’air qui est emportée comme un courant, éprouve, à ses parties latérales, une espèce de remous, c’est l’eddy.

Ces eddys, ou contre-courans des eaux, sont produits par les mérites causes que les eddys de l’atmosphère. Ils sont également les effets de remous latéraux plus ou moins violens.

Les courans principaux des détruits sont situés ordinairement au milieu du détroit ; mais le plus souvent il y a des eddys aux parties latérales.


DES MOUVEMENS PARTICULIERS DES EAUX DES MERS, ET DE LEURS EFFETS DANS L’ÉTAT ACTUEL.


Ces quatre mouvemens généraux de la masse des eaux sont ensuite modifiés par la nature des côtes, des détroits, des caps, des promontoires, des anses, des baies… comme nous l’avons vu en parlant des marées. Ces courans particuliers sont encore produits par plusieurs autres causes, dont quelques-unes même ne sont pas connues.

a. Des caps, des détroits… changent la direction des grands courans. Un détroit, par exemple, à son ouverture à l’Occident, et il se détourne ensuite vers le Nord ; le courant alizé qui entrera dans ce détroit y sera donc réfléchi au nord.

Tous les détroits nombreux, qui se trouvent entre les différentes îles, présentent continuellement ces accidens.

Les navigateurs savent que les caps changent toujours la direction des courans. Ils ne doublent jamais un cap, tel que celui de Bonne-Espérance, le cap Horn… sans éprouver de ces changemens de courans, qui rendent leur navigation plus ou moins périlleuse, et les obligent à prendre des pilotes côtiers.

b. Des vents particuliers, tels que des brises de mer, de côtes… et enfin les différens vents variables dont nous avons parlé, tels que les moussons des mers des Indes… produisent des courans particuliers dans les eaux des mers. On en voit des exemples continuels dans les recueils des observations des navigateurs.

c. L’embouchure des grands fleuves, dans les mers et dans les lacs, y produisent également des courrans particuliers plus ou moins violens.

d. Des fleuves souterrains qui aboutissent dans les mers, peuvent également en troubler l’équilibre, et y exciter des courans par les mêmes causes, que nous venons d’exposer.

e. On avait encore assigné, pour causes des cpurans des mers, des gouffres, dans lesquels on supposait que les eaux se précipitaient pour gagner l’intérieur du globe. On citait particulièrement le fameux Maëstron, sur les côtes de Norwège ; mais aujourd’hui que ce courant est bien connu, il se réduit peu de chose.

Il est assez vraisemblable qu’il existe, dans l’étendue des mers, des lieux par lesquels l’eau gagne l’intérieur du globe ; mais, jusqu’ici, on n’en connaît aucun qu’on puisse assurer servir à cet usage. Le Maëstron est un espace où les eaux éprouvent une espèce de tournoiement. Ce mouvement peut être occasionné effectivement par une absorption des eaux qui s’engloutiraient dans des cavernes intérieures. Mais il peut également être produit par des courans opposés, ainsi qu’on l’observe chaque jour dans le cours des fleuves, en certaines, circonstances.

f. Des trombes, sur la surface de la terre, produisent de ces tournoiemens, et élèvent, à une plus ou moins grande hauteur, de la poussière, du sable…

Des trombes qui arrivent sur mer, y produisent les mêmes phénomènes, élèvent les eaux, et troublent l’équilibre…

g. Les tempêtes, les tornades… si communes dans les mers de l’Archipel indien et celles de la Chine… en troublent l’équilibre, et y causent des çourans momentanés plus ou, moins considérables.

h. Les éruptions des volcans, qui sont situés proche des mers, troublent également l’équilibre de leurs eaux ; elles y produisent ordinairement un double mouvement. Les eaux, par une première impulsion, sont repoussées loin de la côte ; mais un second mouvement les ramène et les élève souvent à une hauteur considérable, Dans l’éruption, des volcans, d’Avatcha en 1737, les eaux furent d’abord éloignées du rivage ; mais elle revinrent sur elles-mêmes avec une telle violence, qu’elles s’élevèrent à plus de deux cents pieds au-dessus de leur niveau ordinaire.

La même chose a eu lieu sur les côtes de la Calabre, en 1783 : Les eaux furent d’abord éloignées du rivage par les secousses souterraines ; elles revinrent ensuite avec violence, inondèrent la côte, et noyèrent plus de douze cents personnes, qui s’étaient retirées sous le rocher qu’on appelle Sylla.

i. Les feux sous-marins produisent des courans encore plus considérables, puisque toute leur action s’exerce dans le sein des eaux. On les a vus soulever des îles plus ou moins étendues, comme celles de Délos, de Santorin…

Les eaux des mers, proche des Açores, lors du tremblement de terre de Lisbonne, en 1755, furent repoussées si loin du rivage, qu’on découvrit, au fond de la mer, des rochers étaient inconnus aux navigateurs…

En 1782, les flots furent soulevés à une telle hauteur, sur les côtes de l’île Formose, qu’elle en fut toute inondée.

Dans l’éruption du volcan de Avatcha, au Kamtchatka, en 1737, les eaux parurent se retirer de dessus le continent, de plusieurs pieds ; mais elles revinrent bientôt sur elles-mêmes, avec une telle violence qu’elles s’élevèrent, sur la côte, de plus de deux cents pieds, et inondèrent toute cette plage.

k. Les eaux des mers présentent un autre phénomène, qui mérite toute l’attention du physicien. Du côté de Cette, d’Aiguemorte… ou il y a beaucoup de marais salans, on aperçoit, dans certains tems de l’année, que les eaux semblent se retirer. C’est surtout dans les années très sèches, au mois d’août, qu’on observe que les eaux de la mer ne sauraient remplir les marais salans, comme elle le fait ordinairement.

Un ne saurait cependant dire que la sécheresse diminue les de la mer ; d’une quantité sensible. Cet effet tient donc à une autre cause. Dans cette saison, à l’époque des sécheresses, il règne constamment un vent du nord. Ce Vent pousse les eaux en haute mer, et les éloigne, par conséquent, des côtes de Cette, d’Aiguemorte…

Dans le golfe de Venise, on observe, dans les saisons sèches, une retraite semblable des eaux. Elles paraissent s’abaisser de deux pieds dans les lagunes. Cet effet est également produit par des vents de terre, qui soufflent constamment, et repoussent les eaux en haute mer.

Nous avons déjà rapporté plusieurs faits, qui paraissent prouver que les eaux des mers, poussées par un vent de longue durée, peuvent se soutenir long-tems au-dessus de leur niveau ordinaire.

l. Il y a, dans les eaux, des courans dont on ignore les causes ; tels sont ceux du lac de Genève, qu’on appelle Sèche[12].

m. Les ras de marée sont des courans très-extraordinaires. Les mascarets, surtout ceux qu’on observe dans les eaux de la Garonne, sont bien connus…

n. Des courans inférieurs sont souvent opposés aux courans supérieurs. À Gibraltar, par exemple, il y a un courant supérieur qui porte de l’Océan dans la Méditerranée ; et un courant inférieur qui porte de la Méditerranée dans l’Océan.

Nous avons vu que les courans des pôles, arrivés par les 60 à 50 degrés de latitude, se précipitent, et gagnent le fond des mers, pour se porter vers les contrées équinoxiales.

Dans le golfe du Mexique, les eaux des régions équatoriales, qui ont une température de plus de vingt degrés, se portent au nord.


DES COURANS PRODUITS PAR LES DÉBACLES DES LACS, ET DE LEUR ACTION.


Sulzer a fait voir[13] que les débâcles simultanées de plusieurs lacs placés les uns au-dessus des autres, produiraient de grandes vallées:leurs eaux, dans leur course rapide, sillonneraient les terrains qu’elles traverseraient, en entraîneraient les terres, et formeraient ainsi d’immenses vallées ; la profondeur de ces vallées paraîtrait augmenter la hauteur des montagnes dont elles seraient entourrées.

Il est assez vraisemblable, par exemple, qu’à une époque plus ou moins éloignée, le lac de Genève s’élevait à une assez grande hauteur sur le Jura, et que la vallée par laquelle il s’écoule au fort l’Écluse n’existait pas ; il s’est frayé subitement un passage par cette vallée… On sent quels effets une aussi grande masse d’eau, qui s’écoulait avec une vîtesse prodigieuse, à du produire ; elle a excavé cette vallée profonde et étroite dans son cours impétueux ; tout ce qui s’opposait à son passage fut entraîné ; le courant a pu se diriger vers un côté plutôt que vers un autre. Il put gagner, par exemple, du côté du mont Saleve, qu’il rongea, dégrada et coupa à la hauteur de plusieurs centaines de toises; quelques collines, quelques montagnes, auront pu même être entièrement renversées. Tous ces débris, sous forme de dales, de pierres roulées… furent charriés au loin, et peut-être jusqu’aux limites de la Méditerranée, dans ces tems-là : ils purent y former des collines.

Car, les galets nombreux dont sont composées les collines des environs de Lyon, et les plaines adjacentes du Dauphiné, y ont sans doute été apportés par la débacle du lac de Genève,

que nous venons de supposer, ou par celle d’autres lacs de ces cantons, par exemple, de celui de la Maurienne ; car on ne saurait dire qu’ils y ont été apportés par la débacle de quelques lacs du Jura, puisque ces montagnes du Jura sont toutes calcaires, et que ces galets des environs de Lyon, et de cette partie du Dauphiné, sont presque tous composés de des terrains primitifs, quartz, serpentines, talcs, granits…

On a des preuves convaincantes, que plusieurs des nombreux lacs de l’Amérique septentrionale, ont éprouvé de pareilles débacles ; ils ont donc du élargir les vallées par où ces débacles se sont faites, et même en creuser de nouvelles.

J’ai rapporté ailleurs[14] des preuves nombreuses de pareilles irruptions, qu’ont faites des lacs, et même des mers Méditerranées…

On doit donc regarder comme certain, que toutes ces débacles de lacs ont singulièrement altéré les terrains par où elles se sont écoulées ; elles ont creusé de grandes échancrures dans les lieux où étaient leurs chaussées ; elles ont silloné les lieux situés au-dessous, et ont entraîné tous ces débris jusques dans les plaines voisines et éloignées, et même jusques dans le sein des mers qui étaient, à cette époque, les plus proches.


DES COURANS PRODUITS PAR LE COURS DES FLEUVES, ET DE LEUR ACTION.


Les eaux courantes, à la surface des continens, creusent continuellement leurs lits dans les hautes montagnes, en suivant les pentes des grandes vallées ; la profondeur de ces vallées en est augmentée d’un côté, tandis que la hauteur des montagnes qui les bordent, doit paraître plus considérable, et les plaines sont exhaussées.

Les eaux des pluies, dans ces mêmes montagnes élevées, les fontes des neiges…, produisent souvent des cascades plus ou moins profondes ; quelques-unes ont plus de cent pieds de chute, telle que celle de Niagara… ; des torrens passagers qui les sillonent profondément, y creusent des ravins et en altèrent assez sensiblement la forme primitive. Lorsqu’on voyage dans les hautes montagnes dont les pics sont élevés, on reconnaît toute l’énergie de cette cause, dont les effets ne sont jamais interrompus. Les eaux des fleuves n’agissent que dans la direction des grandes vallées ; les eaux pluviales et la fonte des neiges agissent dans tous les sens, en retombant sur les flancs des montagnes, de tous les côtés. Rencontrent-elles des bancs d’une pierre dure ? elles n’y exercent qu’une action faible ; mais si elles tombent sur des pierres tendres, dans des couches argileuses, schisteuses, craieuses, marneuses…, elles les détériorent singulièrement, et en charrient les débris dans les vallées les plus prochaines, où elles forment des attérissemens.

Ces débris, entraînés par les eaux des pluies, des neiges, des fleuves…, sont ensuite remariés par celles des mers et des lacs ; ils forment quelquefois de nouvelles couches pierreuses, parce que ces eaux tiennent en solution des terres quartzeuses, magnésiennes, argileuses calcaires…, lesquelles servent de ciment ou de gluten. Ces eaux, venant à couler à travers ces attérissemens, y déposent ces cimens, elles en forment des pouddings ou des brèches…, qui varient suivant la naturelle ces cimens et celles des pierres qui en sont agglutinées ; nous en avons plusieurs exemples dans les grandes montagnes, les Alpes, les Pyrénées…

Mais, le plus souvent, les débris des montagnes charriés par les fleuves, forment de simples attérissemens terreux, tel que le Delta, en Égypte, et tous les dépôts que font les grands fleuves à leur embouchure dans la mer, tels sont les immenses amas de sable que le Rhin, la Moselle… forment sur les côtes de Hollande ; ceux que le Rhône, le Pô, le Danube, les fleuves des Amazones, de l’Orenoque, de la Plata, le Mississipi, le Saint-Laurent…, forment à leurs embouchures dans les mers.


DE LA QUANTITÉ D’EAU QUI TOMBE À LA SURFACE DE LA TERRE.


Pour estimer la quantité moyenne d’eau qui tombe, dans l’année, à la surface de la terre, il faut tâcher d’évaluer celle qui tombe dans les diverses contrées, pour avoir ensuite un résultat général : car l’observation fait voir que cette quantité varie prodigieusement.

La physique moderne a inventé un instrument, qu’on nomme udomètre, pour mesurer la quantité d’eau qui tombe chaque année.

Cette quantité varie prodigieusement dans les différentes contrées. Il ne pleut presque jamais en Égypte.

Ulloa dit qu’il ne pleut jamais dans la vallée. du Pérou : mais les vapeurs se résolvent en une bruine fort menue, comme une espèce de rosée qu’on appelle garua.

Casan a essayé d’estimer la quantité de cette rosée qui tombe à Sainte-Lucie[15] : il la porte à six pouces quelques lignes.

Dans les autres contrées on a tenu des états de l’eau qui y tombe. On suppose, par estimation moyenne, que cette quantité est :

À Paris 20 pouces 2 lignes
À Londres 21 1
À Bristol 21 pouces 4 lignes.
À Lancastre 42
À Padoue 33 5
À Rome 28 6
À Naples 35
À Vicence 42 3
À Tolmézo, dans le Frioul 82 8
À Udinc, dans le Frioul 71 1
À Guefugnana, dans le Frioul. 92 2
À Bologne 24
À Alger 27 6
À Berne 39 10
À Utrecht 27 2
À Fruncker, en Frise 28 6
À la Grenade 105
À Tivoli, Saint-Domingue 100
À Léogane, Saint-Domingue 150
Au Cap, Saint-Domingue 132
À Sainte-Lucie 42
À Upsal 14
À Abo 24

Toutes ces données manquent sans doute d’une exactitude nécessaire ; mais des approximations suffisent, La quantité moyenne des pluies qui tombent dans les hautes montagnes, qui fournissent aux inondations des grands fleuves, n’est point connue : telles sont les pluies qui tombent sur les montagnes de l’Abyssinie, et fournissent aux inondations du Nil, du Niger…

Celles qui tombent sur les Gates, et fournissent aux inondations du Menan.

Celles qui tombent sur les Cordelières, et fournissent aux inondations de l’Amazone, de l’Orénoque.

On ne connaît également pas la quantité moyenne d’eau qui tombe sur la surface des mers ou des lacs.

Cet exposé des faits prouve que nous n’avons pas assez de données pour estimer, même par approximation, la quantité moyenne d’eau qui tombe chaque année sur toute la surface de la terre.

Dans ma Théorie de la Terre (tom. 4, pag. 474), j’ai supposé, par approximation, qu’on pouvait l’estimer de 24 à 26 pouces.

Cette eau est fournie, 1°. par l’évaporation ; 2°. par celle qui est habituellement contenue dans l’air atmosphérique.

Car, soit qu’on suppose, avec tous les physiciens, que l’air atmosphérique contient une grande quantité d’eau, ou qu’on admette, avec moi, que tout le poids de l’air atmosphérique est dû à l’eau, comme celui des vapeurs aqueuses, il faut toujours convenir que cet air tient beaucoup d’eau en suspension, ou en dissolution. Si on dit que tout le poids de l’air atmosphérique est dû à l’eau, une colonne d’air atmosphérique soutenant une colonne d’eau de trente-deux pieds, il y en aura donc trente-deux pieds.

Cette eau est contenue dans l’air par sa grande affinité : elle sien dégage en petite quantité dans les rosées, les petites pluies… mais elle s’en dégage en grande quantité dans les ouragans, comme on l’observe à Saint-Domingue, à Léogane…


DE LA QUANTITÉ D’EAU QUI S’ÉVAPORE.


Cette quantité varie prodigieusement, suivant les différens climats, et suivant les différens terrains. Elle est beaucoup plus considérable dans les contrées équinoxiales, que dans les régions polaires ; dans les sables brûlans de l’Afrique, que sur les monts Atlas.

Les observations qu’on a tentées pour avoir une quantité. moyenne de cette évaporation, sont très-incomplètes. Les physiciens ont construit des vases qu’ils ont tenus pleins d’eau, et ils en ont observé la quantité qui s’est évaporée.

Mais on a reconnu que cette évaporation variait, en raison de la surface du vase, de sa profondeur, du lieu de son exposition.

Des observations ont donné, pour l’évaporation moyenne à :

À Paris 30 pouces 17 lignes
À Londres 48 pouces
À Liverpool 21

Hales n’a porté la quantité moyenne de l’évaporation, sur toute la surface du globe, qu’à neuf pouces.

D’autres physiciens ont supposé que cette évaporation moyenne était de soixante pouces.

L’évaporation sur la surface des mers, des lacs…, dans les différentes contrées, n’a point encore été soumise à des expériences exactes. Il faut donc attendre de nouvelles expériences.

J’ai supposé, par approximation, (Théorie de la Terre, t. 4, pag. 478) que la quantité moyenne de l’eau qui s’évapore, chaque année, de dessus les continens, de la surface des eaux, et de la transpiration des plantes, est d’environ les trois quarts de celles que fournissent les pluies et les rosées, c’est-à-dire, de dix-huit à vingt pouces. Le reste est charrié par les fleuves, et transporté dans le sein des mers.

Mais, la quantité moyenne de l’eau qui s’évapore de dessus la surface des eaux des mers et des grands lacs, est encore moins facile à évaluer. Elle est vraisemblablement plus considérable que celle qui s’évapore de dessus les continens.


DE LA QUANTITÉ D’EAU QUE LES FLEUVES VERSENT DANS LES MERS.


On a fait beaucoup de recherches sur la quantité d’eau que les fleuves versent dans les mers ; mais les travaux, que les physiciens ont entrepris sur cet objet, sont bien éloignés de la précision qu’on exige aujourd’hui.

L’origine de toutes les eaux courantes à la surface du globe, vient, ou des fontaines, ou des grands glaciers.

Effectivement, les plus grands fleuves connus ont leurs sources dans les glaciers. Le Danube, le Rhin, le Pô, le Rhône…, en Europe, sortent des glaciers des Alpes, particulièrement des chaînes du mont Saint-Gothard.

La même chose a lieu dans toutes les autres chaînes. Les grands fleuves, qui sortent des monts Altaï, tels que l’Ob, la Lena, l’Irtish, le Yénisey… sortent d’immenses glaciers.

L’Orénoque, l’Amazone, la Plata… ont également leurs sources dans des glaciers.

Il est cependant des fleuves qui ne sortent point des glaciers, tels que la Somme, la Seine, la Loire, la Garonne… Ils sont fournis par les fontaines.

On a supposé que des fleuves peuvent sortir immédiatement de certains lacs. Le Niger sort du lac Bournou ; le Nil sort du lac Gambea ; la rivière des Amazones sort du lac Lauricocha.

Mais tous ces lacs sont entretenus eux-mêmes par des eaux courantes, qui y arrivent par divers ruisseaux, diverses rivières. Ce sont ces eaux qui doivent être regardées plutôt comme l’origine de ces grands fleuves. On ne pourrait pas dire que l’origine du Rhône est le lac Léman, ou de Genève. Son origine est le courant qui vient des glaciers du Saint-Gothard, et coule dans la vallée de Sion…

Toutes les-eaux courantes se rendent dans le bassin des mers ou des grands lacs.

Il est cependant quelques eaux courantes, qui se perdent dans les terres, comme le Loiret dans l’Orléanais…

D’autres disparaissent pendant un certain espace, et reparaissent ensuite. Strabon dit que le fleuve Mysus, qui arrose la Myssie, s’engloutit, et reparaît, à une assez grande distance, sous le nom de Caïque.

Le fleuve Erasin, qui coule dans l’Arcadie, se perd sous terre, et reparaît dans le pays d’Argos.

Le Rhône s’engloutit sous le pont de Lucey, et reparaît bientôt.

La Meuse, aux-dessus de Neufchâteau ; se perd pendant une lieue et demie, et reparaît aussi volumineuse qu’auparavant.

Les physiciens ont fait beaucoup de travaux pour déterminer la quantité d’eau que tous les fleuves versent dans les mers, ou les lacs ; mais ils sont bien éloignés de la précision qu’on exige aujourd’hui.

Mariotte a calculé la quantité d’eau de la Seine qui passe au pont Royal, à Paris.

Son lit, dit-il, dans cet endroit, a quatre cents pieds de largeur. Sa profondeur ordinaire est de cinq pieds. Sa vîtesse moyenne, par minute, est de cent pieds : à la surface elle est de cent cinquante pieds ; mais elle n’est pas si considérable au-dessous de cette surface ; elle est encore plus rallentie vers son fond et vers ses bords, à cause des frottemens.

Multipliant 400 par 5 de profondeur, on à 2,000 pieds cubes, qui, multipliés par 100 de vîtesse ; donnent 200,000 pieds cubes qui passent par minute au pont Royal, et 12,000,000 par heure ; et en vingt-quatre heures 288,000,000 et en trois cent soixante-cinq jours, ou un an, 105,120,000,000 pieds cubes, qui, divisés par 216 nombre de pieds cubes que contient la toise cube, donnent 486,666,666 toises cubes.

Il calcule ensuite la quantité d’eau de pluie qui tombe sur la surface du terrain, dont les eaux se versent dans la Seine jusqu’à Paris. Il suppose que ce terrain a 60 lieues de longueur et 50 lieues de largeur, ce qui fait 3,000 lieues carrées.

Mais il est évident qu’il se trompe dans cette estimation ; Quelques-uns des terrains dont les eaux se versent dans la Seine, peuvent être distans de Paris de 60 lieues ; mais on ne saurait dire que la distance moyenne de ces terrains soit de 60 lieues, ni leur largeur moyenne soit de 50 lieues.

J’ai prouvé (Théorie de la Terre, tome 4, page 481) que la Seine, au Havre, verse dans la mer à peu près un milliard de toises cubes d’eau.

En supposant que toutes les rivière de France fournissent, proportionnellement la même quantité, elles porteraient à la mer environ neuf milliards de toises cubes d’eau chaque année.

La surface de la terre est de 25,772,000 lieues carrées.

La surface de la France est environ de 27,000 lieues carrées.

C’est la neuf cent cinquantième partie de toute la terre.

Mais la surface des mers est plus étendue que celle des continens.

Supposons donc que la surface du continent ne fût que de 12,000,000 lieues carrées, la surface de la France en serait un quatre cent quarante-quatrième.

Supposons que tous les fleuves des continens portent à la mer les mêmes quantités d’eau proportionnellement que ceux de France, la totalité de ces eaux serait 444 fois neuf milliards de toises cubes, ou 3,996 milliards ; c’est-à-dire, environ 3,358 lieues cubiques d’eau par an.

Et en supposant la profondeur moyenne des eaux des mers être de 250 toises, la totalité des eaux des mers serait 1,530,320 lieues cubiques.

Il faudrait, par conséquent, 4,557 ans pour que tous les fleuves portassent dans les mers une quantité égale d’eau.

D’autres physiciens ont eu des résultats différens.

Mais toute l’eau qui tombe sur la surface de la terre ne se rend pas dans les fleuves : une partie est employée à la végétation, une autre partie s’évapore.

J’ai supposé que sur vingt-quatre pouces cubes d’eau, qui tombent annuellement dans le bassin de la Seine, il n’y en a que six pouces qui se rendent dans la mer, par conséquent le quart on peut faire la même supposition pour toute la surface de la terre.

Les autres parties des eaux s’évaporeraient, seraient employées à la végétation, et entretiendraient l’humidité de la terre.

Ces calculs, par approximation, nous font voir que dans cette circonstance, comme dans tous les autres faits de la nature, nous sommes bien éloignés de pouvoir obtenir une certaine précision.

1°. On ignore la quantité d’eau contenue dans l’air atmosphérique ; peut-être égale-t-elle le poids de cet air, par conséquent trente-deux pieds d’eau.

2°. On ignore la quantité d’eau qui tombe en rosée ou en pluie, neige.

3°. On ignore la quantité d’eau qui s’évapore.

4°. Enfin on ignore la quantité d’eau que les fleuves versent dans les bassins des mers et des lacs.


DE L’ORIGINE DES FONTAINES.


Les fontaines naissent toujours des flancs des montagnes, et coulent en suivant les pentes des terrains. Les montagnes, les collines, les côteaux, condensent les vapeurs. Les nuages s’arrêtent sur les sommets, en humectent la surface. Les brouillards et les pluies pénètrent plus ou moins ces terres ; et ces eaux condensées se réunissent en petits filets, qui coulent à l’extérieur : telle est l’origine des fontaines[16] ;

On rapporte que la masse de terre employée pour élever un bastion considérable fut suffisante pour condenser les vapeurs, et fournir au pied du bastion une fontaine qui ne tarrissait point.

La nature des terres influe beaucoup sur les fontaines que peut fournir une espèce de terrain.

Les terres calcaires sont perméables à l’eau, et ne la sauraient retenir.

Il en faut dire autant de la terre siliceuse, de la terre magnésienne… Les sables quartreux, les marnes… sont très-perméables à l’eau.

Il n’en est pas de même de la terre argileuse. Elle a une grande affinité avec l’eau : elle en est pénétrée, gonflée… et ne la laissé point passer.

Les collines de Mont-Martre, de Mesnil-Montant… fournissent des preuves convaincantes de ces vérités. Les eaux pluviales pénètrent facilement les couches supérieures qui sont de sable, de marnes, mais elles sont arrêtées par la couche argileuse.

Elles coulent, sur cette couche, en suivant les pentes, et vont sortir au-dessous, où elles forment différentes fontaines…

Quand on veut avoir des puits dans ces cantons, il faut creuser jusqu’à ce qu’on arrive à la couche d’argile.

Dans les terrains primitifs, les eaux imprègnent l’humus, et pénètrent jusqu’aux granits, porphyres… qu’elles ne sauraient traverser… Elles sortent donc de tout côtés, et on a partout des fontaines.

Dans les terrains secondaires, les couches sont le plus souvent fendillées : les eaux se perdent dans ces fentes, et les fontaines y sont assez rares, mais plus considérables.

Il se présente ici souvent un fait très-remarquable : les eaux paraissent s’arrêter et séjourner entre deux couches d’argile, qui sont coudées vers la surface de la terre. Dans les environs d’Aire on creuse des puits jusqu’à ce qu’on rencontre une première couche d’argile. On construit sur cette couche la maçonnerie du puits, et on l’élève en pratiquant au haut un canal d’écoulement. Un ouvrier intelligent descend pour lors au fond du puits, perce avec une tarière ce fond argileux, et remonte promptement. L’eau sort du trou à gros bouillons, s’élève jusqu’au canal de dégorgement, et fournit une source qui ne tarit plus.

Ces phénomènes se présentent en plusieurs contrées. Shaw rapporte que dans des plaines du royaume d’Alger, on se procure de l’eau par de semblables procédés.

On ne peut expliquer ces phénomènes qu’en supposant une double couche recourbée argileuse, faisant siphon, séparée par des terrains intermédiaires. L’eau des pluies… se ramasse dans cette couche intermédiaire, et se trouve contenue par la double couche argileuse comme dans un siphon.


DES EAUX MINÉRALES.


Quoiqu’il n’y ait point d’eaux pures dans la nature, ou les regarde cependant comme telles, lorsqu’elles ne sont chargées que d’une très-petite portion de principes étrangers. Si ces principes sont en une certaine quantité, les eaux qui les contiennent prennent le nom d’eaux minérales.

Ces eaux se distinguent en deux espèces générales,

Les eaux froides ;

Les eaux chaudes ou thermales.


DES EAUX MINÉRALES FROIDES.


Ces eaux sont chargées de différens gaz, surtout du gaz acide carbonique, et de différens sels. Les plus communes sont les eaux ferrugineuses, gazeuses, c’est-à-dire, chargées d’acide carbonique qui tiennent du fer en dissolution. Cette espèce d’eau se trouve fréquemment dans les terrains secondaires, et il est peu de contrées qui n’en contiennent. Les différences principales qu’on observe dans ces eaux, viennent des proportions de fer et d’acide carbonique.

Cependant il s’y trouve encore souvent d’autres principes ; surtout des sels, tels que le natron, le sulfate de natron, ou sel de glauber, le sulfate de magnésie ou sel d’epsom, la sélénite, le calcaire… quelquefois de la silice…


DES EAUX MINÉRALES CHAUDES OU THERMALES.


Les eaux chaudes gazeuses, ou thermales, contiennent également différens gaz et ditférens sels. On peut les distinguer en trois classes générales,

1°. Les eaux gazeuses aérées martiales, qui contiennent de l’acide carbonique, du fer, et différens sels, telles sont les eaux de Vichy… Elles sont chaudes.

2°. Les eaux thermales sulfureuses, ou hépatiques, qui contiennent du gaz hydrogène sulfuré avec différens sels, telles sont les eaux d’Aix-la-Chapelle, celles de Barrège,

3°. Les eaux brûlantes, à la surface desquelles on aperçoit de, la flamme, telles sont les eaux de Piétra-Mola

La cause ordinaire de la chaleur des eaux thermales est assez difficile à indiquer. Comment ces fontaines conservent-elles à peu près le même degré de chaleur, pendant un grand nombre de siècles ? La fontaine de César, ou Mont-d’Or, en Auvergne, avait, il y a deux mille ans, le même degré de chaleur qu’aujourd’hui. Il en faut dire autant des eaux de Barrège…

Et vraisemblablement la chaleur de ces fontaines était la même bien des années auparavant.

On ne saurait attribuer cette chaleur à des volcans.

1°. Ces eaux contiennent des gaz hydrogènes sulfurés ; 2°. Les volcans n’ont pas toujours la même intensitée de chaleur ; 3°. Un grand nombre de ces fontaines, telles que celles d’Aix-la-Chapelle, d’Aix en Savoie, de Barrège… ne sont pas dans des contrées volcaniques.

Cette chaleur ne peut pas également être due à des substances bitumineuses en combustion ; car ces eaux ou en contracteraient de l’odeur, ou même charrieraient des matières bitumineuses, comme le font celles de Gabian, d’Amiano…

On ne peut donc rechercher la cause de cette chaleur que dans la décomposition des pyrites. On sait que dans cet état elles contractent un grand degré de chaleur, qui les fait souvent enflammer. Il s’en dégage,

1°. De l’acide carbonique ;

2°. Du gaz hydrogène sulfuré ;

3°. De l’acide sulfurique ;

4°. Du fer oxidé.

Ces acides, le sulfurique, le gaz hydrogène sulfuré, de gaz, carbonique, dissoudront le fer, le natron, et les différentes terres qu’ils rencontreront, pour en former des sels, le sulfate de natron, celui de magnésie, la sélénite, le calcaire…

L’acide sulfurique, en dissolvant le natron, le calcaire, le carbonatte de magnésie… en dégagera l’acide carbonique qui sera aussitôt dissous par ces eaux. Elles s’en surchargeront au point d’en abandonner une partie, dès qu’elles seront au contact de l’air extérieur.

Il faut supposer que ces eaux ne passent pas dans le centre du foyer de ces pyrites en décomposition, puisque ces eaux seraient réduites en vapeur, et produiraient des espèces de volcans ; elles passent seulement dans le voisinage de ces masses de pyrites ; celles-ci conservent alors le même degré de chaleur pendant une longue suite de siècles, et peuvent le communiquer aux eaux qui coulent dans leur voisinage.

Cette explication suppose qu’il existe dans le sein de la terre de grands amas de pyrites, tels qu’on en voit sur les bords de la mer, entre Calais et Boulogne ; car, il ne paraît pas possible d’expliquer autrement la cause de la chaleur des eaux thermales.

Ces eaux thermales se rencontrent rarement dans les montagnes granitiques et porphyriques, elles sont ordinairement dans les terrains de grieis, de schistes, et même dans les calcaires ; or, on sait que c’est dans ces terrains, principalement dans les gneis, que se trouvent la plus grande quantité de filons métalliques et sur-tout les pyrites ferrugineuses.

« Un grand nombre d’observations, dit Lomet,[17] faites sur les lieux, démontrent que dans cette partie des Pyrénées (du côté de Barrèges), la génération des eaux thermales hépatique (hydrogènes sulfurées.) est due a certaines roches, dont la pierre de corne (la cornéene) fait communément la base, et qui sont fréquemment teintes en vert, tant par l’état du fer qu’elles contiennent que par un mélange de stéatites. Dans ces roches on rencontre en outre, des nœuds et des veines ludiformes de quartz blanc opaque, des nids de terre verte, matrice de cristaux, des ondes et des lames de terre calcaires souvent rougeâtres et un peu bitumineuses, du au mica, et de petites pyrites ferrugineuses.

« La composition hétérogène de ces roches y laisse beaucoup de vide, elles sont très-caverneuses et très-perméables à l’eau ; elles ont en outre toutes les réquisitions requises pour en décomposer une partie, et communiquer à la source des sels et du gaz hydrogène sulfuré accompagné de chaleur.

« Ces roches une fois reconnues, il n’a pas été difficile de trouver la situation qu’elles affectent, dans l’ordre de celles qui constituent les montagnes du canton de Barrèges. Elles sont placées dans les lieux où s’opère la transition du genre calcaire au genre argileux, et de celui-ci au genre siliceux : dans la première position, elles abondent en matières calcaires ; dans la seconde, elles en sont moins mélangées, la pierre de corne, y est plus ordinairement bleu d’ardoise que verte. Dans toutes deux elles sont en masses, figurées seulement par les bandes régulières qui les encadrent et dont elles fléchissent souvent la direction en les écartant : ce sont de vrais filons, placés aux lieux où les divers genres de roches primitives s’approchent, se touchent, se confondent, et c’est à l’égard de la source minérale une sorte de gangue formée du mélange des matières pierreuses qu’elle séparent, aussi facile à trouver par sa situation, que facile à reconnaître à par sa composition.

« En transportant ces observations sur le pic dEyré, d’où sortent les eaux de Barrèges, il est facile de retrouver ces roches.

Ces faits, observés par Lomet, nous font entrevoir les causes des phénomènes que présentent les eaux thermales et confirment les explications qu’on en a donné.

Les eaux gazeuses minérales froides, sont également produites par des masses de pyrites en décomposition, qui n’ont qu’un faible degré de chaleur, ou dont le foyer est assez éloigné de l’issue de la fontaine, pour que ces eaux aient le tems de se refroidir.

Il est encore des eaux minérales qui tiennent en dissolution différens sels métalliques, telles sont celles qui passent au travers des mines de cuivre, de zinc, d’arsenic…, elles contiennent des sulfates de cuivre, de zinc, des oxides d’arsenic…

Quant aux fontaines dites brûlantes, c’est-à-dire, sur la surface desquelles on aperçoit un gaz enflammé, on ignore encore la cause de cette enflammation spontannée ; j’ai supposé que ce gaz était un air hydrogène phosphuré, mais je n’ai aucune expérience directe pour le prouver.

Le gaz de plusieurs de ces fontaines ne s’enflamme que lorsqu’on en approche un corps allumé ; pour lors, c’est un gaz hydrogène pur ou carburé, qui se dégage de terrains marécageux.

Il y a encore d’autres eaux qu’on doit rapporter aux eaux minérales, telles sont ;

1°. Les eaux bitumineuses qui contiennent des huilles bitumineuses, telles sont celles de Gabian, d’Amapalla, d’Amiano…

2°. Les fontaines d’eaux qui contiennent du sel gemme, du sel d’epsom, de Sedlitz… et autres sels…

3°. Les fontaines de Ruikum, de Geyzer…, en Islande…, elles sont bouillantes, et tiennent en dissolution du verre déliquescent, c’est-à-dire, de la terre siliceuse dissoute par le natron. Elles sont produites par les feux souterrains si abondans dans ces contrées. Du natron, rencontrant des matières siliceuses ans le foyer du volcan, forme un vrai verre qui est ensuite dissout par les eaux.

Peut-être ce verre déliquescent est-il fait par la voie humide ; il est possible que l’eau, à ce degré de chaleur, et chargée de natron, puisse attaquer les matières siliceuses, et en dissoudre une portion.



  1. Tableaux des vents, des marées et des courans, par Romme, tom 2, pag. 2.
  2. Voir mon Mémoire sur l’action des courans, Journal de Physique, tom 67, pag 81.
  3. Journal de Physigue, tom. 79, pag. 73.
  4. Journal de Physique de décembre 1775, pag. 438, et novembre 1781, pag. 395.
  5. Neptune oriental, par M. Daprès, imprimé en 1775.
  6. Romme, Tableau des vents, des marées et des courns, t. I, p. 250 C’est un recueil précieux de faits extraits des voyageurs, qu’il faut consulter.
  7. Romme, Tableau des vents, des marées et des courans, tome I.
  8. Tableau du climat et du sol des États-Unis, tome I, pag. 230 et suivantes.
  9. Les marins disent : « Quand on est hors des écueil en mer, fond de quinze brasses, et que, du haut du mât du sloop, l’on voit juste le cap Hatteras, l’on va entrer dans le golfe Strime, et de suite l’on perd les sondes. »
  10. Transactions philosophiques, tom. 10 et 19.
  11. La température des eaux de la mer à la surface, est de 20 degrés sous l’équateur, et de zéro aux régions polaires.
  12. Voyages de Saussure, §. 20
  13. Mémoires de l’Académie de Berlin, 1762.
  14. Théorie de la Terre
  15. Journal de Physique, tom. 36, pag. 332.
  16. On ne peut plus soutenir l’opinion, qui va chercher l’origine des fontaines dans des vapeurs aqueuses, élevées de l’intérieur du globe par la chaleur souterraine.
  17. Mémoire sur les Eaux minérales des Pyrénées, par Lomet, page 43.