CHAPITRE VII

LES CHARBONS


Les charbons sont formés d’un corps simple, le carbone, mélangé à des matières diverses. On en connaît des variétés qui sont du carbone presque pur ; ce sont le diamant, carbone cristallisé, et le graphite ou mine de plomb.

Fig. 26. — Creuset.
Fig. 26. — Creuset.

On peut obtenir du carbone pur en chauffant très fortement du sucre dans un creuset (fig. 26) fermé (calcination). Le sucre fond, puis il noircit, en se transformant en caramel ; ensuite il se décompose. Il est formé de carbone, hydrogène et oxygène. Des produits gazeux se dégagent et brûlent avec une flamme blanche, ce sont des carbures d’hydrogène formés aux dépens d’une petite quantité du carbone et de l’hydrogène. La plus grande partie de l’hydrogène, combinée à l’oxygène, brûle en donnant de la vapeur d’eau et il reste presque tout le carbone qui se présente en une masse volumineuse, friable, d’un noir brillant.

25. Caractère du carbone pur.

Le carbone pur brûle dans l’oxygène en produisant du gaz carbonique, sans autres gaz, ni cendres.

26. Principaux charbons.

On divise les charbons en deux catégories :

1° Les charbons naturels :

Diamant. Houille.
Graphite. Lignite.
Anthracite. Tourbe.

2° Les charbons artificiels :

Charbon de sucre. Braise.
Coke. Noir de fumée.
Charbon des cornues. Noir animal.
Charbon de bois.

27. Charbons naturels.

I. DIAMANT.

Fig. 27. — Combustion du diamant. — A, diamant ; B, lentille.
Fig. 27. — Combustion du diamant. — A, diamant ; B, lentille.

C’est la seule variété de carbone cristallisé. On le trouve dans des sables, au Brésil, au cap de Bonne-Espérance, en Sibérie ; on lave les sables dans un courant d’eau qui entraîne les matières terreuses, plus légères, et laisse les diamants.

On connaît la nature du diamant depuis Lavoisier. Il fixa un diamant à un fil métallique et l’introduisit au milieu d’un ballon plein d’oxygène et retourné sur une cuve à mercure (fig. 27). Il le chauffa en concentrant sur lui les rayons solaires à l’aide d’une lentille. Le diamant disparut en se combinant à l’oxygène qui fut remplacé par du gaz carbonique.

Fig. 28. — Diamant brut.
Fig. 28. — Diamant brut.

Le diamant est le plus dur des corps connus. Il les raye tous et n’est rayé par aucun d’eux ; on ne peut l’user qu’avec sa propre poussière. Un corps dur n’est pas nécessairement un corps qui résiste au choc ; ainsi on peut casser le diamant d’un coup de marteau.

Fig. 29. — Diamant taillé en rose.
Fig. 29. — Diamant taillé en rose.

Le diamant (fig. 28) ne peut être employé comme pierre précieuse qu’après avoir été taillé. La taille y détermine des arêtes vives et des facettes planes ; il agit alors sur la lumière et produit ces effets que tout le monde connaît. On l’use et on le polit avec sa poussière ou égrisée, appliquée, avec un peu d’huile sur une meule en acier. La taille se fait en rose ou en brillant. Dans la rose (fig. 29), le diamant est plat par-dessous, et la partie supérieure, qui est bombée, présente une grande quantité de facettes ; on enchâsse la base plane dans une monture métallique. Le brillant (fig. 30) est retenu par des griffes qui le saisissent sur son pourtour ; au-dessous des griffes, les facettes sont réunies pour former une pointe, et la partie supérieure, plane au-dessus, porte aussi des facettes sur les côtés.

Fig. 30. — Diamant taillé en brillant.
Fig. 30. — Diamant taillé en brillant.

La valeur du diamant dépend de sa limpidité et de sa grosseur, une fois qu’il est taillé. On évalue son poids au moyen d’une unité spéciale qui vaut environ un cinquième de gramme, le carat (0gr,212). Le Régent, par exemple, pèse 136 carats et vaut aujourd’hui plus de sept millions de francs.

Les usages du diamant sont fondés sur sa dureté. Il sert à tailler les pierres fines, à couper le verre ; on en fait des pivots d’horlogerie ; on l’emploie quelquefois à percer ou à scier les roches dures, c’est ce qui est arrivé pour le percement du tunnel du mont Cenis.

II. GRAPHITE

Le graphite est un charbon gris d’acier, brillant, facilement rayé, qui laisse, comme le plomb, une trace grise sur les doigts et le papier, d’où son nom de plombagine ou mine de plomb. On le trouve en Sibérie.

On l’utilise pour faire des crayons, en calcinant un mélange de plombagine finement pulvérisée et d’argile. On l’emploie aussi pour préserver de la rouille les objets de fonte, les fourneaux par exemple ; et, mélangé à des matières grasses, il donne le cambouis, qui sert à adoucir les frottements des roues de voitures.

III. ANTHRACITE ET HOUILLE

L’anthracite et la houille sont des charbons noirs à reflets brillants ; ils proviennent de la transformation lente, à l’abri de l’air, de débris de végétaux ; ces végétaux existaient à une époque très ancienne, et leurs débris entraînés par les eaux courantes, puis déposés dans les lacs ou les embouchures des fleuves, ont été recouverts par des alluvions qui les ont préservés du contact de l’air, ce qui a permis leur carbonisation. L’anthracite, très riche en carbone, est un bon combustible, difficile à allumer, mais ne laissant que peu de cendres. Chauffée à l’air, la houille dégage une fumée épaisse et jaune due en majeure partie à des goudrons, puis elle brûle en produisant du gaz carbonique, et laisse un résidu considérable de cendres. Mais, si on la chauffe à l’abri de l’air, elle laisse dégager de nombreux produits gazeux, plus ou moins volatils, dont quelques-uns constituent, par leur mélange, le gaz d’éclairage.

Fig. 31. — Fabrication du gaz d éclairage. — A, cornue ; B, cylindre horizontal retenant les goudrons ; C, D, E, appareils épurateurs ; F, gazomètre.
Fig. 31. — Fabrication du gaz d éclairage. — A, cornue ; B, cylindre horizontal retenant les goudrons ; C, D, E, appareils épurateurs ; F, gazomètre.

Fabrication du gaz d’éclairage. — On emploie, pour chauffer la houille, des vases en terre réfractaire ayant la forme de demi-cylindres et appelés cornues ; on ne les remplit qu’à moitié à cause du boursouflement du charbon (fig. 31). Un tube de dégagement conduit les gaz dans un grand cylindre horizontal contenant de l’eau, où les produits les moins volatils se condensent et forment les goudrons. On extrait des goudrons la benzine, le phénol, et des produits variés avec lesquels on fabrique des matières colorantes, par exemple les couleurs d’aniline. D’autres appareils permettent de purifier le gaz d’éclairage et de lui enlever en particulier un gaz, l’ammoniaque, dont la dissolution dans l’eau est connue sous le nom d’alcali volatil. Le gaz arrive alors dans de grandes cloches renversées sur des réservoirs à eau, les gazomètres, qu’il soulève. Ces cloches sont maintenues par des contrepoids ; et, si on ouvre les conduites de dégagement, elles s’abaissent au-dessus du gaz en le pressant. Dans la cornue, il reste du coke, et sur les parois s’est déposé un charbon compact, grisâtre, le charbon des cornues.

IV. LIGNITE

Le lignite a une origine végétale analogue à celle de la houille ; mais la transformation a été moins complète ; il ne contient que peu de carbone. Une variété de lignite peut être facilement polie et s’emploie en bijouterie sous le nom de jais ou jayet.

V. TOURBE

La tourbe se forme à la surface du sol, par la décomposition de plantes marécageuses en partie submergées.

On l’exploite en particulier dans le département de la Somme. C’est un mauvais combustible, il donne peu de chaleur et laisse beaucoup de cendres, mais son prix est très peu élevé.

28. Charbons artificiels.

I. CHARBON DE SUCRE

C’est le charbon qu’on prépare dans les laboratoires pour avoir du carbone pur.

II. COKE

Le coke est le résidu de la décomposition de la houille en vase clos. Il est gris, poreux, léger, sans éclat. Il est très utilisé comme combustible ; il brûle très vite à cause de sa texture poreuse qui permet l’accès de l’air en un grand nombre de points.

III. CHARBON DES CORNUES

Le charbon des cornues est très bon conducteur de la chaleur et par conséquent difficilement inflammable. En effet, quand un corps combustible est bon conducteur, la chaleur appliquée en un point se répand dans toute la masse, et il lui faut longtemps pour arriver à sa température de combustion. Le charbon des cornues est aussi très bon conducteur de l’électricité ; on l’emploie dans la construction des piles et des lampes électriques. Le charbon des cornues est produit à haute température, et c’est un fait général qu’un charbon artificiel conduit d’autant mieux la chaleur et l’électricité que la température à laquelle il a été obtenu est plus élevée.

IV. CHARBON DE BOIS

Le charbon de bois est le produit de la combustion incomplète du bois. Sa propriété la plus importante est d’absorber les gaz, l’ammoniaque par exemple ; on le constate en introduisant un morceau de charbon de bois dans une éprouvette remplie d’ammoniaque et retournée sur une cuve à mercure. Il faut avoir soin de chauffer le charbon pour lui faire perdre l’air qu’il contient dans ses pores. On voit le mercure monter rapidement dans l’éprouvette, le gaz étant absorbé par le charbon. On peut, en se servant de charbon de bois, purifier l’eau des mares. On introduit dans l’eau un tonneau dont le fond est percé de petits trous. On y dispose des couches alternatives de charbon et de sable ; le charbon absorbe les gaz provenant de la putréfaction, et le sable retient les débris solides en suspension. L’eau qui arrive à la partie supérieure du tonneau est à peu près potable. On construit des filtres à charbon de bois pour enlever à l’eau les gaz qui la rendent infecte, mais ce mode de filtration ne débarrasse pas l’eau des germes de maladies contagieuses. On peut désinfecter les fosses d’aisances en y projetant du poussier de charbon de bois qui absorbe les gaz nuisibles.

Fig. 32. — Absorption de l’ammoniaque par le charbon de bois.
Fig. 32. — Absorption de l’ammoniaque par le charbon de bois.

Le charbon de bois entre dans la composition de la poudre ; on fabrique pour cet usage un charbon très facilement inflammable obtenu au moyen de bois légers, tels que ceux du saule, du peuplier, etc.

Fabrication du charbon de bois. — On fabrique le charbon de bois par deux procédés.

Procédé des meules. — Il s’emploie dans les forêts afin d’éviter le transport du bois. On range sur une aire plane des morceaux de bois serrés tout autour d’une sorte de cheminée formée par des bûches verticales. On couvre la meule (fig. 33) de mousse et de terre, pour empêcher l’accès de l’air. On jette dans la cheminée des branchages allumés. Le bois brûle incomplètement, la combustion gagne de l’intérieur à l’extérieur. La fumée, d’abord épaisse et noire, devient claire et bleuâtre, quand la transformation du bois en charbon est terminée au centre. À ce moment, on bouche la cheminée et on débouche les évents, ouvertures qu’on avait ménagées à la partie inférieure de la meule. On arrête encore l’opération quand la fumée qui sort des évents est bleuâtre ; on bouche ces derniers et on laisse refroidir. Ce procédé est peu coûteux, mais il ne donne que 17 à 18 p. 100 de charbon. De plus, on perd des produits volatils tels que les goudrons, l’esprit de bois, le vinaigre de bois.

Fig. 33. — Meule pour fabriquer le charbon de bois.
Fig. 33. — Meule pour fabriquer le charbon de bois.

Procédé des cornues. — Dans le procédé des cornues, on recueille, au contraire, tous les produits volatils et le rendement en charbon est d’environ 27 p. 100. Malgré ces avantages, ce procédé est moins économique que le précédent. Le bois est chauffé dans une cornue fermée ; les gaz dégagés sont amenés par un tube dans un récipient refroidi où ils se condensent en partie.

V. BRAISE

La braise est une variété de charbon de bois qui provient des branchages employés pour chauffer les fours des boulangers. Comme elle a été produite à haute température, elle conduit bien l’électricité, et on l’emploie pour mettre les tiges des paratonnerres en communication avec le sol.

VI. NOIR DE FUMÉE

On appelle noir de fumée les particules de charbon que les flammes tiennent en suspension et auxquelles elles doivent leur pouvoir éclairant. Ce charbon se dépose, en une poudre très fine, sur les verres de lampe, les fumivores, etc., qu’il noircit ; il forme la suie des cheminées. On l’obtient toutes les fois que des substances combustibles, riches en carbone, telles que les huiles, les résines, les essences, brûlent incomplètement. Écrasons avec une soucoupe ou un papier fort la flamme d’une bougie, il se fait un dépôt abondant de noir de fumée.

Dans l’industrie (fig. 34), on prépare le noir de fumée en brûlant des résines dans un espace restreint. La fumée épaisse qui se dégage passe dans une vaste chambre cylindrique tendue de toile, et dont le toit, de forme conique, présente une ouverture pour la sortie des gaz dus à la combustion. Le noir de fumée se dépose sur les toiles et on le fait tomber au moyen d’un cône mobile engagé dans la toiture et dont le bord inférieur s’applique exactement contre la paroi de la chambre.

Fig. 34. — Fabrication du noir de fumée.
Fig. 34. — Fabrication du noir de fumée.

Le noir de fumée est employé pour la fabrication de l’encre d’imprimerie, de l’encre dite de Chine, du cirage, des crayons à dessin et de certaines couleurs noires.

VII. NOIR ANIMAL

C’est le charbon obtenu par la calcination des os dans un creuset fermé pour empêcher l’accès de l’air. Les os sont formés d’une matière organique incrustée de matières minérales, surtout de carbonate et de phosphate de calcium. Quand on chauffe fortement un os à l’air, la matière organique composée de carbone, hydrogène, oxygène et azote, est détruite ; le carbone devient du gaz carbonique, l’hydrogène et l’oxygène, de la vapeur d’eau, et l’azote se dégage ; on retrouve un corps blanc, poreux, léger, friable, ayant même forme que l’os primitif et composé seulement des sels minéraux. Au contraire, en opérant à l’abri de l’air, la combustion est incomplète, le carbone ne brûle pas et il imprègne les matières minérales. Le corps obtenu est poreux, il a toujours la forme de l’os, mais il est noir. On le concasse en fragments qui constituent le noir animal ; il ne renferme guère que 10 p. 100 de son poids de carbone.

Fig. 35. — Décoloration par le noir animal.
Fig. 35. — Décoloration par le noir animal.

Les applications du noir animal sont dues au carbone qu’il contient. Il est surtout employé pour décolorer les jus sucrés de betterave et de canne à sucre. On peut mettre en évidence ce pouvoir décolorant en agitant avec du noir animal du vin ou de la teinture de tournesol ; la bouillie obtenue est jetée sur un filtre (fig. 35) qui laisse passer un liquide incolore. La matière colorante est absorbée mais elle n’est pas détruite ; ainsi décolorons la teinture alcoolique de fuchsine (couleur préparée avec les goudrons de houille), qui est d’un beau rouge, puis versons de l’alcool sur le noir animal qui a servi à la décolorer. L’alcool se colore en rouge en dissolvant de nouveau la fuchsine.