CHAPITRE XVII

LES BASES USUELLES


67. Caractère des bases.

Nous savons reconnaître les bases : elles ramènent au bleu la teinture de tournesol rougie par les acides.

Les bases usuelles sont :

La potasse, KOH.
La soude, NaOH.
L’ammoniaque, AzH3OH.
La chaux éteinte, CaO2H2.
I. POTASSE ET SOUDE

La potasse et la soude sont des corps solides, blancs, qu’on appelle souvent bases alcalines, ou alcalis.

68. Propriétés de la potasse et de la soude.

Elles sont solubles dans l’eau. Abandonnées à l’air, elles absorbent de la vapeur d’eau et se dissolvent.

Elles brûlent les étoffes et la chair ; on emploie la potasse pour cautériser les plaies (pierre à cautère) ; dans ce cas, on se sert de bâtons obtenus en coulant dans des moules la potasse fondue.

69. Usages de la potasse et de la soude.

Les principaux usages des bases alcalines sont la fabrication des verres et des savons. Le verre est un composé de silicate de potassium ou de sodium, et d’autres silicates, tels que ceux de calcium ou de plomb. On le fabrique en chauffant à haute température du sable blanc et de la potasse ou de la soude, avec du calcaire fournissant la chaux, ou du minium (oxyde de plomb) fournissant le plomb.

On obtient les savons en faisant agir les alcalis sur les corps gras ; au contact de l’eau, les savons perdent une partie de leur alcali qui forme avec les corps gras de nouveaux savons solubles. Ainsi s’explique l’emploi du savon dans le lessivage ; on obtiendrait un effet plus énergique en se servant directement des bases, mais le linge serait rongé.

70. Potasse et soude du commerce.

Habituellement, on emploie, au lieu de la potasse et de la soude, les carbonates de potassium et de sodium, qu’on vend sous les noms impropres de potasse et soude du commerce. Ces carbonates existent dans les cendres de végétaux, végétaux terrestres pour le carbonate de potassium, végétaux marins pour le carbonate de sodium ; on peut, dans le lessivage, employer les cendres aussi bien que les bases alcalines.

Pour obtenir la potasse et la soude du commerce, on brûle des végétaux, puis on lave les cendres ; les carbonates sont solubles et se dissolvent ; mais d’autres sels qui sont aussi dans les cendres se dissolvent en même temps, et, quand on évapore la dissolution, ces sels se déposent en même temps que les carbonates. Ceux-ci sont donc impurs ; mais, en général, les impuretés ne nuisent pas dans les applications des carbonates de potassium et de sodium.

II. GAZ AMMONIAC, AzH3
BASE AMMONIAQUE, AzH4OH

71. Caractère du gaz ammoniac.

1° L’ammoniaque est un gaz reconnaissable à son odeur piquante, il provoque les larmes.

2° Si on introduit dans une éprouvette de ce gaz un papier humide, imprégné de teinture de tournesol rougie par un acide, le papier bleuit.

72. Propriétés du gaz ammoniac.

I. SOLUBILITÉ DANS L’EAU.

Ce gaz est très soluble dans l’eau, 1 litre d’eau en dissout environ 1000 litres ; la dissolution a les propriétés des dissolutions de potasse et de soude. Elle contient la base ammoniaque, résultat de la combinaison du gaz ammoniac et de l’eau :

AzH3 + H2O = AzH4OH.
Fig. 60. — Solubilité du gaz ammoniac.
Fig. 60. — Solubilité du gaz ammoniac.

C’est aussi un alcali ; on l’appelle alcali volatil, parce que le gaz ammoniac s’en dégage très facilement.

Pour montrer la grande solubilit de l’ammoniaque, répétons les deux expériences que nous avons faites avec le gaz chlorhydrique (fig. 60 et 61). Seulement colorons en rose, avec de la teinture de tournesol rougie par un acide, l’eau qui doit monter dans le flacon ; elle bleuit en dissolvant le gaz.

Fig. 61. — L’eau monte dans le flacon en dissolvant le gaz et jaillit par le tube effilé.
Fig. 61. — L’eau monte dans le flacon en dissolvant le gaz et jaillit par le tube effilé.

II. ABSORPTION PAR LE CHARBON

L’ammoniaque est un des gaz que le charbon absorbe en plus grande quantité, ce qui nous a permis de montrer le pouvoir absorbant du charbon de bois pour les gaz (fig. 32).

III. ACTION DU CHLORE

Nous avons vu aussi que le chlore détruit le gaz ammoniac, et que cette propriété est utilisée pour désinfecter.

73. Préparation du gaz ammoniac.

Fig. 62. — Manière de remplir un flacon d’ammoniaque par déplacement d’air.
Fig. 62. — Manière de remplir un flacon d’ammoniaque par déplacement d’air.

On retire le gaz ammoniac de sa dissolution qu’on trouve dans le commerce ; il suffit de la faire bouillir pour qu’elle dégage tout le gaz ammoniac qu’elle contient. On recueille le gaz sur la cuve à mercure ou par déplacement d’air (fig. 62) ; dans ce cas, comme il est plus léger que l’air, le tube abducteur peut être un simple tube droit effilé à son extrémité, et au-dessus duquel on place les éprouvettes.

74. Usages de la base ammoniaque.

La base ammoniaque sert pour cautériser les piqûres d’insectes, pour combattre les effets de l’ivresse et la météorisation des herbivores. Cette maladie se produit au printemps, quand les bêtes ont mangé beaucoup de fourrages humides. Leur appareil digestif est gonflé de gaz, tels que le gaz carbonique, l’acide sulfhydrique, avec lesquels l’ammoniaque forme des composés solubles. Comme la potasse et la soude, l’alcali volatil agit sur les corps gras ; on l’emploie pour dégraisser les vêtements.

III. CHAUX VIVE, CaO
CHAUX ÉTEINTE, CaO2H2

La chaux vive est un corps solide, blanc.

75. Transformation de la chaux vive en chaux éteinte.

Versons de l’eau sur un morceau de chaux vive ; la chaux l’absorbe en s’y combinant et devient la chaux éteinte. Le phénomène est accompagné d’un grand dégagement de chaleur et d’un boursouflement de la masse qui s’émiette ; on dit qu’elle foisonne ; la chaleur est suffisante pour vaporiser une partie de l’eau, une fumée blanche s’élève au-dessus de la chaux.

Si on délaye la chaux éteinte dans une grande quantité d’eau, elle se dissout en partie ; le liquide, filtré, est limpide ; il constitue l’eau de chaux, qui nous a permis de caractériser le gaz carbonique.

76. Usages de la chaux éteinte.

La chaux éteinte, mélangée à du sable, constitue le mortier, qu’on emploie pour souder entre elles les pierres des constructions. Le mortier durcit parce que la chaux, sous l’action du gaz carbonique de l’air, se transforme en carbonate de calcium,

CaO2H2 + CO2 = CO3Ca + H2O.

Le mortier durcit d’abord à la surface, puis très lentement à l’intérieur ; on mêle du sable à la chaux pour faciliter l’accès de l’air et pour diminuer la contraction qui se produit pendant la solidification.

Certaines variétés de chaux, contenant de l’argile, durcissent sous l’eau : ce sont les chaux hydrauliques et les ciments qui servent pour le mortier des citernes, des digues, des piles de ponts, etc. En mélangeant des cailloux à la chaux hydraulique, on a le béton, qui remplace le carrelage dans certains cas. Le béton versé dans des moules se solidifie et on fabrique ainsi de grosses pierres dont la taille et la forme sont déterminées, et qu’on emploie dans les constructions sous-marines.

77. Préparation de la chaux vive.

La chaux vive s’extrait des carbonates de calcium ou pierres calcaires (craie, marbre, calcaire grossier, pierre lithographique). On emploie de préférence la craie qui a peu de valeur. Il suffit de la chauffera haute température pour que le gaz carbonique s’en dégage et laisse la chaux vive,

CO3Ca = CO2 + CaO.
On chauffe les pierres calcaires dans un four spécial, dit

four à chaux ; ce four est en briques réfractaires, il a trois ou quatre mètres de hauteur (fig. 63). On le remplit de pierres calcaires et on allume des foyers placés latéralement à la base. La chaux cuite s’écoule par une ouverture ménagée à la partie inférieure, tandis que l’on introduit de nouvelles pierres calcaires à la partie supérieure. On conserve la chaux dans un endroit sec.

Fig. 63. — Four à chaux.
Fig. 63. — Four à chaux.