Lausanne à travers les âges/Aperçu/09

Collectif
Librairie Rouge (p. 40-42).


IX

Fondation de l’Académie. — Organisation des pouvoirs publics.


Une académie fut fondée à Lausanne en 1537 en vue de former des pasteurs. En 1540, un collège y fut adjoint. D’écoles populaires il n’était pas question alors : un siècle encore devait s’écouler avant qu’elles fussent organisées d’une manière générale et régulière, et encore quelles écoles[1] ! Viret, Conrad Gessner, Théodore de Bèze, Mathurin Cordier, Hotman et Henri Estienne jetèrent quelque éclat sur ces institutions où se pressaient des étudiants venus en foule de France.

L’Académie de Lausanne est la plus ancienne école de théologie de langue française. Elle fut une pépinière de jeunes pasteurs, dont plusieurs eurent à souffrir pour leur foi ; quelques-uns même furent martyrisés. En 1552, cinq jeunes gens qui venaient d’y terminer leurs études, Martial Alba (de Montauban), Pierre Escrivain (de Boulogne), Bernard Seguin (de la Reôle), Charles Faure (de Blanzac), et Pierre Navihères (de Limoges), quittaient Lausanne avec l’intention de se vouer à l’évangélisation. Ils furent arrêtés à Lyon sous l’inculpation d’hérésie ; malgré tous les efforts faits auprès de l’archevêque de Lyon, le cardinal de Tournon, et du roi Henri II, par leurs coreligionnaires de France et de Suisse, ils furent brûlés vifs le 16 mai 1552.

Si les Lausannois avaient des raisons de se plaindre des atteintes portées par leurs alliés à leur autonomie, il faut reconnaître, d’autre part, que l’austère régime bernois eut d’heureux effets sur leurs mœurs, et que des deux « Largitions » date une ère de prospérité pour les finances municipales.

Sous la domination bernoise, l’organisation des pouvoirs publics ne différa pas beaucoup de ce qu’elle avait été sous les évêques : la magistrature se composait :

1o Du Conseil des Deux-Cents.
2o Du Conseil des Soixante.
3o Du Petit conseil.
4o De la Chambre économique.
5o De la Chambre des orphelins.
6o De la Chambre des pauvres.
7o De la Chambre des auditeurs des comptes.
8o De la Chambre des fabriques.
9o De la Chambre des déviances.
10o De la Chambre des vins.
11o De la Chambre des bois.

Les organes exécutifs étaient le Bourgmestre, le Boursier, qui était le suppléant du bourgmestre, les cinq Bannerets, le Contrôleur Général, le Secrétaire, le Haut Forestier, le Grand Sautier et le Métral.

L’ordre judiciaire était également très nombreux. Il y avait, en commençant par le haut de l’échelle :

1o La Cour ballivale.
2o La Cour féodale.
3o La Cour d’examen des criminels.
4o La Justice du jadis Chapitre.
5o La Justice inférieure de la ville.
6o La Chambre des vingt-quatre.
7o La Chambre des soixante.
8o La Cour criminelle.
9o La Cour des fiefs.
10o Les deux Consistoires ou tribunaux des mœurs.

Les propriétaires de la rue de Bourg siégeaient dans la Cour d’examen des criminels et dans la Cour criminelle.

Enfin, sous le nom de « Suprême chambre des appellations romandes », un tribunal suprême fut établi à Berne.

Les Lausannois se rallièrent très franchement au régime qui leur était imposé. Ils donnèrent la preuve de leur loyalisme en 1588, en déjouant le complot ourdi par le Bourgmestre Isbrand d’Aux pour rétablir à Lausanne la domination savoyarde et le catholicisme (17 décembre) ; en 1653, en aidant LL. EE. à réprimer la révolte des paysans de l’Emmenthal et de la Haute-Argovie ; en 1712, en contribuant pour une large part au triomphe des armes bernoises dans la campagne de Villmergen ; en 1723, en faisant arrêter le major Davel.

LL. EE. s’entendaient à ménager l’amour-propre de leurs sujets : c’est ainsi que chaque Bailli, à son entrée en charge, jurait, comme autrefois les évêques, de maintenir, garder et observer les droits, franchises et coutumes, tant écrits que non écrits, des nobles, citoyens et bourgeois de la commune de Lausanne. Ce serment se prêtait solennellement, devant la porte Saint-Étienne, qui naguère marquait la limite entre la cité épiscopale et la ville, en présence des autorités de la ville et de la suite du bailli, puis la chaîne tendue au travers de la porte était enlevée, et le cortège montait au Château, où étaient rangées les autorités baillivales en costume à la livrée de LL. EE., qui remettaient au Bailli les clefs de sa résidence, après un compliment d’honneur présenté par l’Académie en corps.

Le lendemain, nouvelle cérémonie, cette fois à la cathédrale, où le Bailli était présenté aux autorités par le Trésorier du pays de Vaud et recevait les serments des magistrats du bailliage.

  1. Voir A. Gindroz, Histoire de l’instruction publique dans le pays de Vaud, Lausanne, Georges Bridel, 1863.