Anonyme
s. n. (p. 10).


No. 6. QUOI ! TOUS DEUX ! — OUI.

Deux beaux fils, intimes amis, ont ramené du ſpectacle une ſuperbe étrangere, et ont pris l’un et l’autre pour elle un caprice, qu’avec plus de bizarrerie encore, elle incline fortement à favoriſer. Après un excellent ſouper, il étoit tems enfin d’en venir aux éclairciſſemens ; mais il faut que quelqu’un ſoit ſacrifié par elle, ou ſe ſacrifie lui-même. — Point du tout. Aucun des deux amis ne veut être heureux au préjudice de l’autre. Ce combat de généroſité ne convient nullement à la Belle, qui a très bien compté ſur une paſſade piquante. Enfin, à force d’argumenter, l’un des amis aviſe que l’objet charmant de leur commun deſir peut faire à la fois le bonheur de tous deux. Le mezzo terminé eſt auſſitôt ſenti et ſaiſi par l’ami, à qui cette idée n’étoit point encore venue. Marton, qui jusques là s’étoit tenue à portée pour happer celui de ces Meſſieurs que ſa Maîtreſſe n’employeroit point, eſt terraſſée du coup. Elle s’éloigne et va fermer la porte, maudiſſant de bon cœur l’arrangement qui va la fruſtrer. Au dernier moment, la Dame fait encore quelques petites façons ; mais chacun de ces Meſſieurs prélude d’avance à ſon poſte, et les argumens mis en avant ſont ſi concluans, qu’il n’y a plus moyen de les rétorquer.