La vie et le sport sur la Côte Nord du Bas Saint-Laurent et du Golfe/12

La vie et le sport sur la Côte Nord du Bas Saint-Laurent et du Golfe (Life and sport on the north shore of the lower St. Lawrence and gulf, 1909)
Traduction par Nazaire LeVasseur (1848-1927).
Garneau (p. 70-73).

Martes et autres petits Mammifères



QUELQUES trappeurs prétendent qu’il existe trois variétés de marte sur la Côte Nord du Saint-Laurent ; d’abord, la marte des pins que l’on trouve dans les sections boisées très denses, ensuite, la marte des rochers qui se rencontre dans les parties montagneuses et rocheuses, couvertes d’arbres rabougris, puis enfin la marte des marais qui habite les terres basses, les savanes, les terres où poussent de petites épinettes noires.

Je dois avancer que je n’ai jamais constaté de différences entre elles, excepté parfois dans la couleur de la fourrure. Celles que l’on prend dans les terrains bas, marécageux ont, règle générale, une couleur plus claire que les autres, toutefois je ne crois pas que cela soit suffisant pour en constituer une variété distincte. Quoiqu’il en puisse être, je laisse la question ouverte, attendu que, pour le présent, il importe peu qu’il en existe une au trois espèces, elles sont toutes trappées de la même façon.

Pour trapper la marte avec succès, il faut spécialement choisir son terrain, c’est-à-dire un bois épais, formé de gros arbres comme l’épinette blanche et le sapin. Ces bois se rencontrent généralement au fond et en lisière de coteaux au bord de larges cours d’eau ou près de grands lacs. On ne trouve pas d’autres animaux à fourrure de quelque conséquence dans ces localités.

Le terrain, une fois choisi, on marque un sentier à travers la forêt, et l’on tend une lignée d’attrapes, au nombre généralement de quinze par mille, jusqu’à ce que l’on ait tendu de quatre à cinq cents. C’est à peu près autant que deux hommes peuvent surveiller.

Il y a plusieurs manières de tendre ces attrapes à martes ; tout dépend de la saison et du temps que l’on peut consacrer à la trappe. Si l’on veut tenir la même lignée d’attrapes en service pendant plusieurs saisons, on devra édifier ces attrapes sur des troncs d’arbres (stump traps).

On les construit comme suit : on coupe un gros arbre de dix pouces de diamètre ou plus, en ayant soin que l’entaille soit de niveau et traversant l’arbre jusqu’à deux pouces en deçà de la coupe complète. Puis, une autre entaille est faite du côté opposé à la première, mais à dix pouces plus haut. L’arbre, alors s’abat facilement du côté de la grosse entaille en laissant un tronçon ayant un chicot sur un côté. De l’arbre ainsi abattu, on fend des éclats en forme de bardeaux dont on aiguise une extrémité qu’on enfonce dans le tronc de l’arbre de façon à former un petit enclos de neuf ou dix pouces de profondeur et d’environ sept pouces de largeur. On ajuste un petit bout de bois entre le chicot et l’enclos pour soulever la cheville et la tige de détente. La tombe est alors montée là-dessus et on place un poids, un petit billot, sur la tombe.

Pour dresser l’attrape, ayez une cheville de trois pouces de long et d’un demi-pouce d’épaisseur, puis une tige de même calibre et longue de huit pouces. Amorcez une extrémité de cette tige de détente, puis soulevez la tombe, mettez la tige en place posez dessus une extrémité de la cheville et la tombe s’appuie sur l’autre extrémité. Votre attrape est prête.

Lorsque l’animal tire sur l’amorce, la cheville glisse en dehors faisant culbuter la tombe. Ceci, d’après le procédé du quatre de chiffre, mais avec deux pièces seulement, au lieu de trois.

Cette sorte de piège se construit généralement en plein hiver ; on coupe le tronc de l’arbre à trois pieds au-dessus de la couche de neige, de sorte qu’il lui arrive rarement d’être dérangé pour avoir été enterré dans la neige. Une attrape bien construite, telle que celle décrite ici, peut durer de dix à quinze ans, qu’elle soit construite sur le sol ou la neige, le procédé reste exactement le même ; c’est l’un des meilleurs assommoirs qui soit pour les petits mammifères.

Les pièges métalliques No 1, les meilleurs, sont souvent utilisés et tendus de même manière. Comme appât, on emploie beaucoup de poisson, particulièrement près des côtes. Pour cette fin, on fait souvent sécher de longues tranches de requin, dont la chair huileuse et coriace, n’est pas susceptible d’être rongée par la vermine, souris, etc. Quand on se sert de viande comme appât, il est préférable d’utiliser le lièvre et l’écureuil qui sont les proies naturelles de ces carnivores.

Les martes ne sont pas du tout farouches ; elles viennent fréquemment dans un camp et y entrent même. J’en ai pris plusieurs, en laissant un piège appâté dans mon camp, lorsque je le quittais. Ce sont des bêtes aux habitudes nocturnes, mais, de temps à autre, on en voit le jour.

L’hermine se prend souvent dans un piège à marte ; elle a les mêmes habitudes et habite les mêmes régions que celles-ci.

On capture souvent le vison avec les mêmes sortes d’attrapes, mais celles-ci doivent être tendues autant que possible dans le voisinage de l’eau. Les embouchures et décharges des petits lacs sont des endroits très favorables, de même que les points où de petits cours d’eau en rencontrent de plus grands, en somme partout où le petit poisson s’ébat. Le vison fréquente beaucoup les frayères de la truite et du saumon et y fait grands dégâts. Tout petit de taille que soit le vison, il poursuit et capture des poissons deux fois plus gros que lui. Il est très curieux et pas du tout farouche. Il vient bien souvent à quelques pieds seulement d’une personne, pourvu que celle-ci ne bouge pas. Bien des fois les trappeurs tirent dessus, mais ils ont tort, ils leur endommagent plus ou moins la peau et la fourrure. Les pièges en acier sont préférables à tout autre piège pour capturer le vison, car on peut les tendre dans l’eau ou tout près ; lorsque le petit animal est pris, il tombe à l’eau et se noie immédiatement. De cette façon, la fourrure reste intacte.