La vallée de la mort/01
CHAPITRE I
L’HISTOIRE DE L’AIGLON
Verchères lui demanda :
— Quel est le but de ta visite ? Mais d’abord, dis-moi, tu es un des deux enfants posthumes de l’épouse-et-squaw ?
— Posthumes… ?
— Oui, nés après la mort de ton père… ?
— C’est ça.
— Tu n’as jamais entendu parler de l’autre petit ?
— Non, pas une miette.
— Maintenant, dis-moi pourquoi es-tu venu ici ?
— Je suis venu vous demander aide et protection…
— Qu’y a-t-il ?
— Des cowboys malandrins veulent nous faire passer sur le dos à nous les peaux-rouges de ma tribu, leurs vols, leurs rapines et leurs meurtres…
— C’est vague ce que tu me dis là.
Il poursuivit :
— Précise un peu. — Vous savez que la vallée de la mort est toujours désertique…
— Pourquoi ?
— La légende veut que le fantôme de mon père, Aigle rouge, se promène la nuit dans la vallée et flotte sur les crêtes des montagnes…
Baptiste dit :
— Je ne crois pas aux revenants. C’est tout ?
— Non, non…
— Quoi encore ?
— De temps en temps des volutes de fumée s’élèvent, étranges au dessus de la vallée.
L’Aiglon ajouta :
— Le cowboys croient que ce sont des messages de guerre que mes pieds-noirs envoient aux autres tribus.
— C’est faux ?
Oui.
— Tu ignores le sens de cette fumée ?
Oui.
J. B. réfléchit.
Et finit par dire :
— L’explication la plus plausible est qu’il y a des gens qui bivouaquent dans la vallée…
— Des gens imprudents.
— Des gens qui se cachent.
— Qui se cachent mal.
Verchères dit :
— Des forbans sans aucun doute.
— Oui, des outlaws qui veulent mettre sur le dos des membres de ma tribu, monsieur Verchères, leurs forfaits passés, présents et futurs.
L’Aiglon demanda anxieusement :
— Vous consentez à venir ? — Écoute, mon jeune, tu me jures être innocent ?
— Je vous le jure, chef.
— Gare à toi, si tu es coupable, je finirai bien par l’apprendre, et alors je serai sévère, cruel, impitoyable.
— Je n’ai pas peur…
Verchères se leva, en un tournemain se roula une cigarette et dit :
— Bien, allons-y.
Après avoir donné ses instructions à son assistant, J. B. enfourcha sa monture.
L’Aiglon l’imita.
Au petit trot ils sortirent de Squeletteville, dépassèrent quelques ranches et s’engagèrent dans l’herbe à bisons : la brousse.