La taverne du diable/Dans l’antre des traîtres

Éditions Édouard Garand (22 Voir et modifier les données sur Wikidatap. 50-54).

XI

DANS L’ANTRE DES TRAÎTRES


Ce matin-là, le capitaine Dumas paraissait très inquiet. Dans la chambre qu’il occupait avec Lambert aux casernes de la rue Champlain, il se promenait avec agitation. Depuis que Cécile avait été emmenée au Château Saint-Louis escortée de deux gardes, les langues avaient marché ; car des voisins avaient eu connaissance de l’arrestation de Cécile. La nouvelle était donc venue en peu d’instants aux oreilles du capitaine, qui s’était rendu auprès de Mme Daurac. Il avait trouvé la pauvre femme prête à rendre l’âme tant elle était anxieuse au sujet de Cécile.

Il essaya de la rassurer en lui disant que Carleton avait fait mander Lambert, et qu’il était sûr que tout s’arrangerait pour le mieux.

— Ayez confiance, Madame Daurac, Lambert est là et il va défendre Cécile. Je vais m’occuper également de l’affaire, et vous savez que j’ai pas mal d’influence auprès de Carleton. Vous pouvez donc être assurée qu’il n’arrivera aucun malheur à Cécile.

Puis il était revenu aux casernes pour y attendre le retour de Lambert du Château.

Il était près de dix heures lorsque Lambert entra, pâle et agité.

— Dumas, dit brusquement le jeune homme en entrant, je viens d’avoir carte blanche de Carleton !

Il s’assit lourdement sur un siège et demeura sombre et méditatif.

Très surpris, Dumas demanda :

— Qu’est-ce que cela signifie ?

Lambert se mit à ricaner.

— Suis-je stupide ? dit-il.

Il se leva brusquement et reprit :

— Je m’assois là, quand je devrais travailler… Décidément je perds la tête !

— En effet, répliqua Dumas, tu m’as l’air de l’avoir perdue tout à fait. Voyons, que se passe-t-il ? Parle clairement !

— Dumas, reprit Lambert sur un ton concentré, il existe près de nous un repaire de traîtres et de bandits… ce repaire se nomme La Taverne du Diable !

— Je connais l’endroit.

— Tant mieux… cela prouve que, comme moi, tu tiens à vider ce repaire. Or, il y a là Rowley… il y a là John Aikins… il y a là Miss Tracey Aikins… il y a là Lymburner… Tu m’écoutes, Dumas ?…

— Oui, continue.

— Et il y a là, poursuivit Lambert, un espion américain… peut-être ce major Lucanius !…

— Après ? interrogea froidement Dumas.

— Je t’invite à m’accompagner à ce repaire. Nous allons pénétrer dans l’antre, et si les bêtes y sont encore, nous les pigerons au collet et nous irons les déposer aux pieds du général Carleton, qui désire en faire quelque chose ?…

— Et tu dis que Carleton t’a donné carte blanche ?

— Parfaitement. Il m’a dit comme ça : Emmenez-les morts ou vifs… mais emmenez-les !

— Allons les chercher ! dit tranquillement Dumas.

— Allons ! Tu as tes pistolets ?

— Oui… et mon épée et ma poigne que tu connais. Pourtant, j’aimerais bien savoir auparavant ce qui s’est passé au Château, et savoir un peu le motif de l’arrestation de Cécile.

— Au fait, dit Lambert avec étonnement, j’ai oublié de te faire part d’un drame, qui aurait pu avoir de terribles conséquences.

— Un drame ? dis-tu… où ?

— Au Château. Écoute, tu vas voir. Lambert narra tout ce que nous savons des scènes qui venaient de se produire au Château, et qui s’étaient terminées par le coup de poignard de Rowley à Cécile.

Malgré sa bravoure Dumas frémit.

— Cet homme, dit-il, est un démon dangereux, je l’avais toujours pensé.

— Il faut donc l’abattre.

— Je suis ton homme, allons !

Les deux amis quittèrent aussitôt la caserne et se dirigèrent vers la taverne de John Aikins.

À ce moment, la neige tombait à flocons si gros et si épais qu’on ne voyait pas à deux toises devant soi, et les rues ainsi que les toits des maisons disparaissaient sous la cape d’hermine de l’hiver. La ville était déserte et silencieuse, elle dormait encore après l’émoi qui l’avait si fortement secouée durant la nuit, et l’on pouvait penser qu’elle reprenait le temps perdu. Tout de même, par-ci par-là on croisait un boutiquier allant à son poste. Ces gens passaient dans le brouillard de neige comme des ombres, elles semblaient glisser tant leurs pas étaient entièrement étouffés par le tapis de flocons blancs qui s’épaississait de moment en moment.

Dumas et Lambert ne découvrirent la taverne que lorsqu’ils n’en furent qu’à quelques pas. Derrière ses volets hermétiquement fermés le plus grand silence régnait.

— Comment allons-nous entrer là ? demanda Dumas qui venait de s’arrêter.

— Je connais le chemin, répondit Lambert ; suis-moi !

Il prit les devants et enfila un passage, à gauche, qui conduisait à l’arrière de la taverne. Il s’arrêta devant un tonneau vide, l’écarta doucement, découvrit un soupirail de la cave et dit :

— Voici l’entrée !

Dumas sourit.

— Puisque, dit-il, tu connais l’entrée et les aîtres, passe le premier, je te suis.

Lambert poussa le soupirail, se glissa les pieds en avant et se trouva bientôt debout dans la cave.

— Fais comme moi, dit-il à Dumas.

L’instant d’après, lorsque le tonneau eut été remis à sa place ou à peu près, les deux amis se trouvèrent plongés dans une profonde obscurité.

— As-tu une bougie… un flambeau ? interrogea le capitaine.

— Non… je n’ai pas songé à cela, répliqua Lambert.

— Mais comment allons-nous nous guider dans cette noirceur, je n’ai pas des yeux de chat.

— Attends, dit Lambert.

Le lieutenant releva le soupirail, contre la vitre duquel on avait cloué une mince planchette qui empêchait le jour d’entrer.

Une fois le soupirail levé, il pénétrait assez de clarté pour permettre de se faire un chemin au travers un pêle-mêle de tonneaux, de fûts, de futailles, de caisses. À une extrémité de la cave un escalier s’élevait vers le rez-de-chaussée.

— Voilà l’escalier qu’il s’agit d’atteindre ! dit Lambert.

Dumas étudia d’un regard rapide l’ensemble des choses qui s’offraient à ses yeux, et il reconnut, à travers caisses et tonneaux, comme une sorte de sentier en zigzag qui conduisait vers l’escalier.

— C’est bon, dit-il, ferme le soupirail, je tiens le chemin.

Lentement et à tâtons les deux hommes arrivèrent peu après au pied de l’escalier où ils s’arrêtèrent pour se consulter.

— Écoutons ! dit Dumas.

Un murmure confus de voix humaines arrivait jusqu’à leurs oreilles, mais il était impossible de saisir aucune parole ou de reconnaître aucune voix.

— Avant de ne rien entreprendre, reprit Dumas, il serait bon de savoir au juste à qui nous avons affaire. Comme tu es moins lourd que moi, monte l’escalier et tâche de reconnaître les voix de là-haut en appliquant l’oreille contre le plancher. Tu découvriras peut-être un interstice, une fente… que sais-je ?

Lambert obéit. Il n’avait pas grimpé deux marches que Dumas le retint brusquement par les basques de son manteau. Et le capitaine, se penchant à son oreille, lui murmura :

— Regarde… qu’est-ce que cela ? Vois-tu le soupirail qu’on ouvre.

En effet, le soupirail de la cave venait d’être poussé du dehors, et la minute d’après un être humain, dont ils ne purent reconnaître la physionomie, se laissa glisser rapidement dans la cave.

Lambert, dit dans un souffle :

— Il faut nous emparer de cet homme !

— C’est bien, répondit Dumas.

Tous deux se postèrent devant l’escalier.

Ils entendaient l’inconnu s’approcher lentement et avec beaucoup de précautions.

Deux minutes s’écoulèrent.

L’inconnu arriva devant l’escalier et tendit les mains comme pour s’assurer de son chemin.

Alors des mains saisirent brusquement les siennes, deux autres mains se posèrent brutalement sur sa bouche pour réprimer tout cri. Mais l’inconnu avait eu le temps de pousser un léger cri… et chose étrange, c’était un cri de femme.

— Miss Tracey ! prononça Lambert avec surprise.

La jeune fille reconnut également la voix de Lambert, et elle demeura comme frappée d’hypnotisme.

Mais il n’y avait pas d’explications possibles à demander ou à donner de part et d’autre. Les deux amis poussèrent vivement la jeune fille sous l’escalier où promptement Lambert, la bâillonna.

— Il faut aussi la ligoter, souffla Dumas. As-tu des cordes ?

— Non, répondit Lambert. Que faire ?…

À cet instant un pas résonna sur le plancher supérieur, dans la direction de la trappe.

— Alerte ! fit Dumas, qui saisit ses pistolets.

Lambert prit un poignard et l’appliquant sur la gorge de la jeune fille, dit sur un ton résolu :

— Un mot, un geste, un gémissement de votre part, Miss Tracey, et je vous troue votre jolie gorge d’outre en outre !

La jeune fille dut comprendre la résolution du lieutenant.

La trappe venait de s’ouvrir à demi, par l’ouverture la tête inquiète de John Aikins passa. Le tavernier demeura un moment l’oreille aux écoutes. Puis, comme il n’entendait aucun bruit venir de la cave, il laissa retomber le panneau.

Lambert souffla fortement, après avoir durant une minute retenu sa respiration. Puis dans l’obscurité qui sembla plus épaisse, il vit devant lui les yeux de la jeune fille briller comme des charbons ardents.

— Miss Tracey, dit le jeune homme, pardonnez-nous d’user de violence ; mais nous n’avons aucunement le choix des moyens. Voulez-vous nous dire qui sont les personnes là-haut et combien elles sont ?

La jeune fille branla la tête en signe de dénégation.

Lambert écarta légèrement le bâillon.

— Vous dites non ? demanda-t-il.

— Non !… répliqua Miss Tracey sur un ton farouche.

— C’est bien, répondit Lambert, je ne veux pas insister. À présent, nous allons vous lier les mains et les pieds, jusqu’à ce que nous ayons terminé nos petites affaires là-haut.

— Mais où veux-tu que nous prenions des cordes ? interrogea le capitaine.

— J’ai une idée, répondit Lambert. Nous allons couper quelques lanières d’étoffe dans le manteau de mademoiselle. Je sais bien que c’est manquer de galanterie, ajouta Lambert avec un ricanement narquois, mais il faut tenir compte des circonstances. Et puis, je m’engage, Miss Tracey, à vous remplacer votre manteau par un autre, dès que nous aurons réglé nos affaires ici.

Ce qui fut dit, fut fait.

Cinq minutes après la jeune fille était solidement ligotée, puis Dumas l’asseyait sur une caisse près de l’escalier en disant :

— Mademoiselle, lorsque nous aurons achevé notre besogne là-haut, nous vous rendrons votre liberté.

— Ainsi que votre manteau, ajouta Lambert en ricanant encore.

Si les deux hommes avaient pu voir le regard de la jeune fille à cet instant, ils auraient frémi d’effroi, tant ce regard était chargé de haine implacable.

Mais Dumas venait de dire :

— À l’œuvre maintenant, Lambert !

Le lieutenant grimpa doucement l’escalier, Dumas le suivit.

Près de la trappe et sous le panneau Lambert prêta l’oreille : le même murmure de voix, mais plus distinct, se faisait encore entendre, et ces voix semblaient partir d’une pièce éloignée. Là, au-dessus de la trappe, aucun bruit.

Doucement Lambert poussa le panneau. C’était la cuisine… Lambert vit qu’elle était déserte et il monta tout à fait suivi de près par Dumas. Le feu mourait dans la cheminée. Les deux hommes remarquèrent que toutes choses étaient à l’ordre et que la plus grande propreté régnait partout.

Cette pièce était vaste. Deux fenêtres l’éclairaient, mais pas à ce moment : l’une d’elles avait ses deux volets bien clos, l’autre avait un volet à demi ouvert seulement ; mais cette petite ouverture donnait suffisamment de lumière à l’intérieur.

Les deux amis virent trois portes, à gauche, à droite, au fond. Ces portes étaient fermées. Celle de gauche était connue de Lambert : elle communiquait avec la grande salle. Mais les autres lui étaient inconnues.

Dumas avait dit :

— Il importe d’ouvrir la bonne porte ! — Là ! dit Lambert en indiquant la porte à droite.

En effet, par cette porte l’on pouvait saisir presque distinctement une conversation tenue à voix basse.

— À l’assaut ! dit Dumas.

Les deux amis armèrent leurs mains de pistolets, puis Lambert marcha vers la porte de droite qu’il ouvrit violemment.

Les deux hommes se trouvèrent en présence de quatre personnages assis autour d’une table sur laquelle était étendu un parchemin. Sur ce parchemin Rowley traçait à l’aide d’une plume des lignes quelconques.

Mais à l’apparition des deux officiers les quatre personnages avaient bondi, puis s’étaient dressés, et de suite leurs mains avaient cherché leurs armes.

— Pas un geste ! commanda Lambert d’une voix forte, sinon nous tirons !

Mais à la seconde même, par un bond rapide et prodigieux, le major américain, sauta à la gorge de Lambert. Un pistolet éclata dans la main droite du lieutenant, et la balle alla se loger dans un mur.

Lymburner avait en même temps poussé une porte placée derrière lui et avait crié :

— Alerte !

Lambert et Lucanius s’étaient pris dans un corps à corps.

Dumas avait déchargé ses deux pistolets sur Aikins et Lymburner, puis il avait pris son épée devant Rowley qui le menaçait de la sienne.

Aikins avait été légèrement blessé par la balle de Dumas, et, n’ayant aucune arme sur lui ni à sa portée, il se retrancha derrière la table.

Au cri poussé par Lymburner des pas subits avaient résonné dans un escalier venant de l’étage supérieur. L’instant d’après, par la porte ouverte par le marchand quatre matelots apparurent : c’étaient les matelots qui avaient déserté le bataillon du capitaine et qu’hébergeaient Aikins en attendant que la ville fût aux mains des Américains.

Les quatre matelots étaient armés de poignards.

Dumas, d’un coup d’œil vit Lambert aux prises avec le major américain. Tombés tous deux sur le plancher, chacun faisait de vigoureux efforts pour se débarrasser de l’étreinte de son adversaire.

En face de lui Dumas voyait Rowley, Lymburner et les quatre matelots. De son épée il réussit à blesser assez grièvement l’un des matelots qui se retira de la lutte. Mais à la fin le capitaine ne pouvait avoir l’avantage, et c’est ce qu’il comprit. Il eut une idée.

Il retraita rapidement vers la cuisine, fit un saut en arrière, repoussa la porte et la verrouilla. Puis il descendit à la cave pour sortir de la taverne et aller chercher du secours.

Lambert, seul contre tant d’ennemis, avait été vite maîtrisé et réduit à l’impuissance.

— Damned Lambert ! cria Lymburner à Lucanius, tuez-le !

— Non, dit le major américain, je n’ai pas l’habitude de tuer un brave, lorsque ce brave n’est plus dangereux. Au surplus, cet homme pourra me servir de rançon, s’il m’arrivait un accident.

— Damned Lucanius ! bien parlé, répliqua Lymburner ; nous le garderons en otage.

— J’ai un bon cachot pour le garder en sûreté, émit Aikins.

— Où ? demanda Lucanius.

— Dans ma cave.

— Allons-y !

— Observez, intervint Rowley, que Dumas est allé chercher du secours et qu’il sera ici avec un régiment de miliciens avant une demi-heure !

Lucanius interrogea Aikins :

— Avez-vous une retraite sûre pour nous ?

— Oui, dans le cachot dont je vous ai parlé, sourit Aikins.

— Pour nous tous ? demanda Lucanius avec doute.

— Yea ! fit Aikins, en amplifiant son sourire.

— En ce cas, faisons vite, reprit le major américain.

Seulement, il fallut, avant de gagner la cave, enfoncer la porte de la cuisine que Dumas avait verrouillée. Ce fut l’affaire des matelots.

Les neuf personnages descendirent à la cave, conduits par Aikins qui avait allumé une lanterne.

Mais lorsque le tavernier arriva au pied de l’escalier, il fit un saut de peur en apercevant une silhouette humaine assise sur une caisse. Il reconnut sa fille de suite.

— By Heavens ! clama John Aikins, c’est Tracey que je vois là !

Rowley se précipita et coupa les liens qui embarrassaient la jeune fille et fit tomber son bâillon.

— Que signifie ! interrogea Lymburner étonné.

— C’est Dumas et Lambert qui m’ont surprise au moment où je rentrais, répondit la jeune fille.

En même temps elle lança à Lambert, prisonnier, un regard terrible.

— Ho ! oh ! fit Lucanius avec admiration, ce sont deux intrépides gaillards que ces deux Canadiens ! Come, my lad ! ajouta-t-il en entraînant Lambert, désarmé et mains liées.

Aikins dirigea son monde à l’extrémité opposée de sa cave. Il s’arrêta, posa sa lanterne sur un tonneau et déplaça une lourde caisse. Sous cette caisse se trouvait le panneau d’une trappe pratiquée dans l’épaisseur du sol. Aikins tira le panneau, reprit sa lanterne et la plongea dans un trou noir.

— Voyez ! dit-il.

Lucanius se pencha et dit :

— Je vois… une cave secrète ?

— Yea ! dit Aikins. Maintenant attendez !

Une échelle était appliquée contre l’ouverture. Aikins descendit. En bas, il éleva sa lanterne pour éclairer le chemin et dit :

— Descendez !

Lucanius fît descendre Lambert, puis il suivit à son tour. L’instant d’après tout le monde était dans la cave secrète que de sa lanterne Aikins éclairait avec un sourire d’orgueil.

C’était assez spacieux et tout muré de pierre. La cave était remplie à moitié de caisses, de tonneaux, de futailles contenant des vins, des bières, des eaux-de-vie, et le tout se trouvait à l’abri de toute catastrophe.

Lucanius sourit :

— S’il y manque à manger, dit-il, par contre il y a amplement à boire !

John Aikins ricana et dit encore :

— Voyez !

Il remonta prestement l’échelle, fit retomber le panneau, redescendit et tira l’échelle. Puis il prit une barre de fer et dit :

— Regardez !

L’ouverture de la trappe donnait contre une muraille à droite. Le tavernier s’approcha de cette muraille, planta l’extrémité de sa barre de fer en un petit trou qu’on aurait dit percé à l’aide d’un vilebrequin, puis par un léger mouvement de haut en bas il agita la barre doucement. La muraille de pierre bougea, avança… Il y avait six petits trous à égale distance. Le tavernier enfonça sa barre dans un autre-trou vers lui. Il recommença le même travail… si bien qu’au sixième trou la muraille de pierre avait avancé suffisamment pour boucher complètement l’ouverture de la trappe.

— Et maintenant, dit Aikins avec un sourire de triomphe, je vous jure que le diable lui même ne saurait nous découvrir ici !

— Magnifique ! murmura Lucanius.

— Damned Aikins ! gronda Lymburner… il a tous les trucs !…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Comme l’avait pensé justement Rowley, ce ne fut pas long que Dumas fut de retour à la taverne, mais cette fois il était accompagné de vingt miliciens.

— Tuez tout ce qui résistera ! avait commandé le capitaine.

Mais il fut terriblement désappointé, lorsqu’il découvrit que la taverne avait été abandonnée.

Il jeta un juron de colère.

— Il y a peut-être une cachette là-dedans, dit-il, et si j’étais sûr que Lambert n’y est pas, je mettrais le feu !

Lorsqu’il fut sorti dehors avec ses hommes. Dumas avisa une baraque à droite de la taverne. Dans cette baraque vivait une mendiante. Dumas appela l’un de ses hommes et lui dit :

— Je vais te donner les cinq livres sterling que j’ai dans ma poche. Tu iras trouver la mendiante, et tu lui demanderas de t’héberger pour un jour ou deux. Tu lui remettras les cinq livres. De là tu surveilleras la taverne, et si tu découvres quelque chose d’étrange, tu viendras me prévenir.

— C’est bien, répondit l’homme.

Et Dumas, satisfait, renvoya ses hommes à la caserne et prit le chemin de la haute-ville pour aller faire rapport à Carleton.