La sainte Bible selon la Vulgate (J.-B. Glaire)/Jugement

(introductions, notes complémentaires et appendices)
La sainte Bible selon la Vulgate
Traduction par Jean-Baptiste Glaire.
Texte établi par Roger et Chernoviz, Roger et Chernoviz (p. XI-XII).

JUGEMENT

des critiques les plus habiles et des interprètes les plus savants du protestantisme sur la vulgate


1. Paul Fage ou Fagius traite de demi-savants et d’impudents tous ceux qui osent mal parler de cette version : « Non est ergo temere nata Vulgata editio, ut quidam scioli stulte et impudenter clamitant (1). »

2. Scaliger, cité par G. Carpzov ou Carpzovius, dit que jamais personne n’a été plus capable de traduire l’Ecriture que saint Jérôme, à cause de l’érudition et de la connaissance des langues qu’il possédait : « Nemo majorem eruditionem et apparatum linguarum et translationem Scripturæ attulit post Hieronymum, quam Hieronymus. » Sans partager entièrement l’avis de Scaliger, Carpzovius avoue cependant que saint Jérôme a surpassé de beaucoup tous les docteurs de son temps, et qu’il a donné des preuves irrécusables de son savoir en hébreu, soit dans ses Commentaires, enrichis de notes critiques sur les leçons et variantes et les différentes interprétations du texte, soit dans ses savantes préfaces, soit enfin dans tous ses autres travaux bibliques (2).

3. Drusius loue le Concile de Trente d’avoir donné à la Vulgate la sanction de son autorité, « parce que, dit-il, les versions nouvelles ne sont pas meilleures que cette ancienne, et qu’elles ont peut-être de plus grands défauts (3). »

4. Grotius, rendant raison du motif qui l’a porté à choisir la Vulgate pour en faire le fond de ses notes sur l’Ancien Testament, dit : « J’ai toujours beaucoup estimé cette version, non seulement parce qu’elle ne renferme rien de contraire à la saine doctrine (nulla dogmata insalubria continet), mais encore parce que son auteur est plein d’érudition (4). »

5. Louis de Dieu, comparant la Vulgate avec les traductions latines du Nouveau Testament faites par Bèze et par Erasme, dit : « Si j’affirme que l’auteur de la Vulgate, quel qu’il soit, est un savant et un très savant homme, je ne croirai pas avoir mal jugé. Il a des défauts, je l’avoue, il a aussi ses barbarismes ; mais je ne puis nier que j’admire partout sa bonne foi et son jugement, même dans les endroits où il paraît barbare (5). » Cet auteur ne s’est pas borné à cet aveu ; dans ses remarques tant sur l’Ancien que sur le Nouveau Testament, il appuie souvent la Vulgate et la défend contre ceux qui l’attaquent.

6. Br. Wallon reconnaît qu’on doit faire grand cas de la Vulgate (magni faciendam), tant pour son antique et son long et universel usage dans l’Occident, que pour le savoir (doctrinam) et la fidélité (fidelitatem) de l’interprète Jérôme, que les plus savants protestants (protestantium doctissimi) proclament avec reconnaissance comme ayant bien mérité de l’Eglise… Puis, après avoir cité comme défenseurs de cette version, Bèze, Andrews, Fage, Louis de Dieu et Casaubon, il ajoute : « Ces témoignages prouvent assez clairement que les protestants les plus savants, bien qu’ils n’accordent pas à la Vulgate une autorité souveraine, et qu’ils ne l’égalent pas aux sources primitives, en la déclarant exempte de toute erreur, ils ne la méprisent pas ; ils lui rendent, au contraire, l’honneur qui lui est dû. C’est pourquoi nous l’avons insérée dans notre édition de la Bible, laissant de côté les traductions latines qui ont été faites de nos jours, d’après des manuscrits hébreux et grecs très récents, et auxquelles, à cause de leur nouveauté même, nous n’avons pas dû convenablement donner une place parmi les versions que leur antiquité rend vénérables (1). »

7. Thomas Hartwel Horn, quoique n’ayant pas une grande autorité parmi les critiques, peut d’autant mieux être invoqué en faveur de la Vulgate, qu’étant anglican, son jugement n’est pas suspect, et qu’il parle d’après l’opinion commune de ses coreligionnaires. Cet écrivain dit donc que, « bien que la Vulgate ne soit ni inspirée, ni infaillible…, il est cependant reconnu qu’elle est en général une version fidèle, qu’elle rend assez souvent le sens des Ecritures avec plus d’exactitude que les versions plus modernes…, et que, par conséquent, elle ne doit en aucune manière être négligée dans la critique biblique (2). »

8. W. Gesenius, mort en 1842, était assurément l’hébraïsant le plus habile de l’époque ; eh bien, ce savant philologue malgré ses préjugés dogmatiques et son rationalisme si prononcé, combat très souvent les significations de mots hébreux et les interprétations données, soit par toutes les autres versions, soit par les commentateurs et les hébraïsants anciens et modernes, pour maintenir les sens assignés aux mots et aux phrases du texte original par l’auteur de la Vulgate. On n’a, pour s’en convaincre, qu’à parcourir son Thésaurus linguæ hebrææ et chaldææ Vet. Test.

9. Depuis Gesenius, il a paru en Allemagne plusieurs ouvrages en faveur de la Vulgate ; ouvrages faits par des protestants très renommés ; nous nous bornerons à citer celui de Hermann Rœnsch, intitulé : Itala und Vulgata ; das Sprachidiom der urchristlichen Itala und der katholischen Vulgata. — Leipzig, 1869, in-8.

J.-B. GLAIRE.
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  1. (1) Præfat. ad collat, translat. Vet. Test.
  2. (2) G. Carpzovius, Crit. sacr. Proœmium, p. 21, 22.
  3. (3) Loca difficilia Pentateuchi.
  4. (4) Præfat. annotationum Vet. Test.
  5. (5) Notæ ad Evangelia, passim.
  6. (1) Polyglot., prolegom., X.
  7. (2) An Introd. to the critical study and Knowledge of the holy Scriptures, vol. II, part. 1, p. 239. Eighth édition.