La sainte Bible selon la Vulgate (J.-B. Glaire)/Introduction au Pentateuque

(introductions, notes complémentaires et appendices)
La sainte Bible selon la Vulgate
Traduction par Jean-Baptiste Glaire.
Texte établi par Roger et Chernoviz, Roger et Chernoviz (p. 1-12).
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INTRODUCTION

AU PENTATEUQUE

Séparateur

I.

ANALYSE DU PENTATEUQUE.

§ I. Du Pentateuque en général.

On appelle Pentateuque le livre dans lequel Moïse, libérateur et législateur des Hébreux, a raconté, avec l’aide de l’inspiration divine, vers le xve siècle avant notre ère, les origines du monde et l’histoire du peuple de Dieu jusqu’au moment où celui-ci est sur le point d’entrer dans la Terre Promise.

Le Pentateuque, de πέντε, cinq, et τεῦχος, volume, est ainsi nommé à cause de sa division en cinq livres dans les Bibles grecques et latines. Les Juifs l’ont toujours appelé Thorah ou la Loi, parce qu’il contient la législation mosaïque et que la Genèse elle-même n’est qu’une introduction historique à la Loi. Nous désignons les cinq livres du Pentateuque par un nom tiré de leur contenu et surtout du sujet dont ils s’occupent d’abord, à cause de l’usage oriental de dénommer un livre par son commencement : 1o Genèse ou origine, parce qu’elle raconte en commençant la création et l’origine des choses ; 2o Exode ou sortie, parce que le commencement et plus de la moitié du livre sont employés à décrire la sortie des Hébreux d’Égypte ; 3o Lévitique, parce que les premiers chapitres et une portion considérable de ce livre sont exclusivement consacrés à l’exposition des lois cérémonielles faites pour la tribu de Lévi ; 4o Nombres, parce qu’ils commencent par un dénombrement du peuple et des lévites ; 5o Deutéronome ou seconde loi, parce qu’il contient une récapitulation, une seconde promulgation de la loi déjà donnée. — Les Hébreux désignent les cinq parties du Pentateuque par le premier mot de chaque livre : Bereschith, Veelle schemoth, etc.

La Genèse sert d’introduction aux quatre derniers livres du Pentateuque et à toute l’histoire du peuple de Dieu. Elle nous raconte l’histoire du monde jusqu’à la vocation d’Abraham, et l’histoire des patriarches Abraham, Isaac et Jacob jusqu’à la mort de ce dernier en Égypte. La famille de Jacob devient un peuple en Égypte. Les trois livres qui suivent la Genèse nous font connaître d’une manière continue l’histoire de l’établissement de la nationalité hébraïque et la loi qui lui est donnée. Le cinquième livre, le Deutéronome, a, comme la Genèse, une physionomie à part : il se compose d’une suite de discours dans lesquels Moïse résume, explique ou complète le code qu’il a imposé à Israël par l’ordre de Dieu. La Genèse prépare donc l’Exode, le Lévitique et les Nombres, et le Deutéronome les récapitule. Tel est le plan général et l’unité du Pentateuque.

§ II. La Genèse.

La Genèse se divise en dix sections d’inégale longueur et d’inégale importance, mais très caractérisées. Elles sont précédées du récit de la création, qui sert d’introduction et comme de préface à tout le Pentateuque et à toute la Bible.

Création du monde, i-ii, 3.
1o Histoire des origines du monde et de l’humanité, ii, 4-iv, 26.
2o Histoire de la descendance d’Adam, v-vi, 8.
3o Histoire de Noé, vi, 9-ix, 29.
4o Histoire des enfants de Noé, x-xi, 9.
5o Histoire de Sem, xi, 10-26.
6o Histoire de Tharé et d’Abraham, xi, 27-xxv, 41.
7o Histoire d’Ismaël, xxv, 12-18.
8o Histoire d’Isaac, xxv, 19-xxxv
9o Histoire d’Ésaü, xxxvi.
10o Histoire de Jacob, xxxvii-l.

Ainsi, au commencement de la section 10o, nous lisons : « Voici les générations de Jacob : Joseph avait dix-sept ans, etc. » Le mot générations signifie ici purement et simplement histoire, puisque ces générations ont été déjà énumérées, xxx ; tous les fils de Jacob sont nés pendant la vie d’Isaac et pour ce motif leur naissance a été racontée dans l’histoire d’Isaac et n’est pas répétée ici. De même, ii, 4 et suivants : « Voici les générations du ciel et de la terre, » signifie simplement : « Voici l’histoire de la création, etc. »

Cette division est très clairement indiquée dans la Genèse même. Chacune des dix sections commence par ces mots : Voici les générations. C’est pour ainsi dire le titre qui annonce aux lecteurs une nouvelle partie du livre. Moïse emploie le mot de générations de la même manière que nous emploierions le mot d’histoire, parce que les généalogies forment le cadre de son histoire et que les générations des patriarches sont en même temps l’histoire des patriarches et de leur famille. La Genèse est comme un vaste tableau généalogique auquel est joint le récit des événements. C’est là ce qui constitue l’unité de la Genèse et en explique le tissu et la composition.

L’auteur suit une marche uniforme et traite son sujet, dans chacune de ses dix sections, de la même manière. Quand une généalogie se subdivise en plusieurs rameaux, les rameaux secondaires, dont les chefs ont été nommés dans le récit des événements, obtiennent toujours une mention. Ces rameaux sont invariablement énumérés dans l’ordre inverse de leur importance et avant la branche principale. Les branches secondaires sont ainsi éliminées et ne reparaissent plus, si ce n’est accidentellement. Le nombre d’années qu’a vécu chacun des patriarches de la ligne directe est constamment donné ; ce nombre n’est point indiqué pour les lignes latérales, Ismaël excepté. L’auteur se contente de relever en passant quelques particularités de leur histoire. Il pousse généralement l’énumération des descendants assez loin.

Chaque section commence d’ordinaire par une répétition ou récapitulation. Ainsi nous lisons, Gen., xxv, 19-20 : « Voici les générations d’Isaac, fils d’Abraham. Abraham engendra Isaac. Celui-ci, à l’âge de quarante ans, épousa Rébecca, fille de Bathuel, le Syrien de Mésopotamie, sœur de Laban. » Tous ces événements avaient été déjà racontés plus haut en détail, xxi, xxiv. Ce résume n’est pas conforme à nos habitudes et à nos procédés littéraires, mais il n’en est pas moins très caractéristique, il sert tout à la fois de transition et d’avertissement, pour indiquer le passage d’un sujet à un autre et le commencement d’une nouvelle section.

Voici quel est le contenu des dix sections.

Après le préambule de la création des six jours, l’auteur raconte :

1o La génération du ciel et de la terre, ii, 4-iv, 26, c’est-à-dire l’histoire primordiale de tous les êtres terrestres et de l’homme lui-même, le commencement de l’histoire du monde, le paradis terrestre, la chute d’Adam et sa descendance dans la ligne de Caïn, jusqu’à la septième génération.

2o Le livre des générations d’Adam, v-vi, 8, nous fait connaître la descendance d’Adam dans la ligne bénie de Seth et comprend dix générations, jusqu’à Noé, c’est-à-dire l’histoire antédiluvienne des enfants de Dieu.

3o Les générations de Noé, vi, 9-ix, 29, forment une section à part, à cause de l’importance de ce patriarche qui est comme le second père de l’humanité et au nom duquel se rattache l’histoire du déluge.

4o Les générations des enfants de Noé, x-xi, 9, tiges de tous les peuples de la terre, méritent une division particulière, qui est la célèbre Table ethnographique de la Genèse, laquelle est comme le point de départ et le principe de toutes les histoires particulières.

5o À partir de là, la Bible cesse d’être l’histoire générale de l’humanité pour devenir d’abord l’histoire de la famille de Sem, puis, en se restreignant de plus en plus, de la famille d’Abraham, et enfin seulement de l’unique famille de Jacob. La 5e section, xi, 10-26, énumère brièvement les générations de Sem, en s’attachant exclusivement à la ligne principale, les autres lignes accessoires ayant été mentionnées dans la section précédente. L’objet de cette partie, qui, pour les premières générations, n’est qu’une répétition, est de nous montrer que l’histoire se circonscrit et abandonne toutes les lignes généalogiques collatérales. La famille de Sem se perpétue jusqu’au jour où sa mission divine va être manifestée.

6o Les générations de Tharé, xi, 27-xxv, 11, commencent à nous faire entrer dans le vif de l’histoire du peuple de Dieu, tout en donnant lieu à de nouvelles éliminations, celles des frères d’Abraham et de leur postérité, dont la vie nous est cependant racontée autant qu’il est nécessaire pour comprendre la suite des événements postérieurs ; mais la plus large place est donnée, comme il convient, à Abraham. Cette période est une période de pérégrinations dont l’objectif bien déterminé est le pays de Chanaan où se rend le patriarche.

7o Les générations d’Ismaël, xxv, 12-18, sont données brièvement avant celles d’Isaac, selon la règle constante de l’auteur de la Genèse, qui, comme nous l’avons mentionné plus haut, énumère toujours la postérité des personnages dont elle a parlé, mais en faisant précéder par la généalogie des branches secondaires la généalogie de la branche principale.

8o Les générations d’Isaac, l’héritier des promesses divines faites à Abraham, commencent aussitôt que Moïse en a fini avec Ismaël. le rejeton secondaire, xxv, 19-xxxv. Elles contiennent en même temps l’histoire de ses deux enfants, Jacob et Ésaü, jusqu’au moment où Isaac meurt et où Jacob devient ainsi le chef de la famille. Cette section est l’histoire d’un premier séjour en Palestine.

9o Avant de passer à l’histoire de Jacob, le personnage principal. Moïse, conformément à la règle qu’il suit sans exception, nous fait connaître les générations d’Ésaü, xxxvi. Il les poursuit assez loin et probablement jusqu’à son époque, cf. Nom., xx, 14 et suivants, ce qui nous prouve que l’intention de Moïse, en nous fournissant tous ces détails, était de planter en quelque sorte des jalons et d’éclairer à l’avance la suite du récit du Pentateuque.

10o Les générations de Jacob, xxxvii-l, terminent le livre de la Genèse. Moïse raconte dans cette dernière section l’établissement des Israélites en Egypte. Elle s’ouvre par le récit de l’événement dont se servit la Providence pour amener en Egypte Joseph, qui devait y attirer plus tard son père et ses frères, et elle se termine par la mort de Jacob et de Joseph, qui y laissent leur postérité.

« La Genèse [a donc] été rédigée sur un plan dune entière régularité, elle est en réalité un grand tableau généalogique accompagné d’un texte explicatif, un tableau généalogique où les événements de l’histoire primitive et de l’histoire patriarcale viennent s’intercaler dans les intervalles de la ligne principale ou des lignes secondaires, selon les personnages qui y jouent un rôle prépondérant, et dans lequel les faits ainsi distribués reçoivent un développement proportionné à leur importance dans l’ensemble. En un mot, dans le premier livre de Moïse, la généalogie est le cadre de l’histoire. » (Emm. Cosquin.)

§ III. L’Exode.

L’Exode nous montre Israël, devenu un peuple en Egypte, opprimé par les Pharaons du pays et affranchi de leur joug par l’envoyé de Dieu, Moïse, au moyen des plus éclatants miracles ; la promulgation de la loi sur le Sinaï et la construction du tabernacle.

L’Exode se divise en trois parties : 1o les événements qui précèdent et préparent la sortie d’Egypte ; 2o la sortie d’Egypte jusqu’à l’arrivée au Sinaï ; 3o la législation du mont Sinaï et la construction du tabernacle.

Ire partie, i-xii, 36. Événements qui précèdent la sortie d’Egypte. — Cette partie se subdivise ainsi : 1o Tableau de l’oppression d’Israël, i. — 2o Histoire des quarante premières années de la vie de Moïse, ii. — 3o Vocation de Moïse et son retour en Egypte, iii-iv. — 4o Vaines tentatives auprès du Pharaon pour obtenir l’affranchissement d’Israël, v-vi. — 5o Description des neuf premières plaies qui laissent le Pharaon endurci, vii-x. — 6o Annonce de la dixième plaie, institution de la Pâque, mort des premiers-nés, départ précipité d’Israël, xi-xii, 36.

IIe partie, xii, 37-xviii. Sortie d’Egypte. — Elle contient quatre subdivisions : — 1o Premiers campements des Hébreux ; prescriptions pour la Pâque ; sanctification des premiers-nés ; apparition de la colonne de nuée, xii, 37-xiii. — 2o Passage de la mer Rouge, xiv-xv, 21. — 3o Voyage des Israélites et premières stations dans le désert ; les cailles, la manne, l’eau miraculeuse, xv, 22-xvii, 7. — 4o Victoire remportée sur les Amalécites ; visite de Jéthro, xvii, 8-xviii.

IIIe partie, xix-xl. Promulgation de la loi sur le mont Sinaï et construction du Tabernacle. — Elle renferme quatre subdivisions : — 1o Conclusion de l’alliance entre Dieu et les Hébreux ; arrivée au Sinaï et préparatifs pour la promulgation de la loi, xix-xx ; premières lois, xxi-xxiii, 19 ; avertissements sur l’entrée dans la terre de Chanaan, xxiii, 20-xxiv, 11. — 2o Prescriptions concernant la construction de l’arche d’alliance et du Tabernacle, xxiv, 12-xxxi, 18. — 3o Digression historique amenée par un événement qui se produisit alors, la défection du peuple et l’adoration du veau d’or, xxxii-xxxiv. — 4o Construction du Tabernacle, xxxv-xl.

§ IV. Le Lévitique.

Le Lévitique contient les lois qui se rapportent à l’exercice du culte en général et en particulier.

On peut distinguer trois parties dans ce livre. L’Exode a déterminé le lieu où seraient offerts les sacrifices et tout ce qui s’y rapporte extérieurement ; le Lévitique règle maintenant : 1o ce qui regarde les sacrifices ; 2o les impuretés légales ; 3o le Sabbat et les fêtes.

Ire Partie, i-xi. Des sacrifices. — 1o Espèces, but, rites des sacrifices, i-vii. — 2o De la consécration des prêtres. Punition des enfants d’Aaron qui ont violé les prescriptions concernant le culte divin, viii-x. — 3o Des victimes des sacrifices ou des animaux purs et impurs, xi.

IIe Partie, xii-xxii. Puretés et impuretés légales. — 1o Relevailles, xii. — 2o Lépreux, xiii-xiv. — 3o Impuretés involontaires, xv. — 4o Entrée du grand prêtre dans le sanctuaire ; bouc émissaire ; fête de l’expiation, xvi. — 5o Règles pour l’immolation des victimes : défense de manger le sang et la chair des animaux non égorgés, xvii. — 6o Prescriptions contenant le mariage, xviii. — 7o Préceptes moraux et religieux divers, xix-xx. — 8o De la sainteté des prêtres, xxi-xxii.

IIIe Partie, xxiii-xxvii. Sabbat et fêtes. — 1o Le sabbat et les grandes fêtes de Tannée, xxiii-xxvi. — 2o Des vœux et des dîmes, xxvii.

§ V. Les Nombres.

Les Nombres se relient étroitement au Lévitique, dont ils sont une suite, comme le Lévitique lui-même est la continuation non interrompue de l’Exode. Ils racontent l’histoire du peuple hébreu depuis le départ du Sinaï, la seconde année après la sortie d’Egypte, jusqu’à la quarantième année ; ils ne nous font pas connaître en détail cette période, mais en énumèrent seulement les événements principaux : les révoltes successives des Israélites et la punition qui en fut la conséquence, les lois et ordonnances promulguées dans cet intervalle, et la conquête de la Palestine située à l’est du Jourdain.

On peut y distinguer trois parties : 1o préparation au départ du mont Sinaï, i-x ; 2o révoltes du peuple dans le désert et faits saillants jusqu’au commencement de la quarantième année après la sortie d’Egypte, xi-xix ; 3o événements accomplis et lois portées pendant les dix premiers mois de la quarantième année de l’Exode, xx-xxxvi.

Ire Partie, i-x. Préparatifs pour le départ du mont Sinaï. — 1o Recensement du peuple, ordre de campement, i-ii. — 2o Recensement des Lévites, iii-iv. — 3o Lois particulières, v-vi. — 4o Présents des chefs de tribu au Tabernacle, vii. — 5o Consécration des Lévites, viii. — 6o Célébration de la Pâque au Sinaï, ix, 1-14. — 7o La colonne de feu et de fumée, les trompettes pour la mise en marche, ix, 15-x, 10. — 8o Départ du Sinaï, x, 11-36.

IIe Partie, xi-xix. Chutes et révoltes du peuple dans le désert. — 1o Révoltes à Thabeérah ; partie du camp incendiée ; cailles et Sépulcres de concupiscence, xi. — 2o Murmures de Marie et d’Aaron contre Moïse ; châtiment de Marie, xii. — 3o Envoi des espions dans la terre de Chanaan, sédition à leur retour, xiii-xiv. — 4o Lois diverses, xv. — 5o Révolte de Dathan, Coré et Abiron, xvi-xvii. — 6o Prescriptions diverses, xviii-xix.

IIIe Partie, xx-xxxvi. Evénements accomplis et lois portées pendant les dix premiers mois de la quarantième année de l’Exode. — 1o Arrivée dans le désert de Sin ; mort de Marie, d’Aaron, etc., xx, — 2o Victoire remportée sur le roi chananéen Arad ; les serpents de feu ; victoire sur Og et Séhon, xxi. — 3o Balaam et ses prophéties, xxii-xxiv. — 4o Idolâtrie des Israélites, leur châtiment, xxv. — 5o Nouveau recensement du peuple pour le partage de la Terre Promise ; filles de Salphaad ; Josué désigné comme successeur de Moïse, xxvi-xxvii. — 6o Fêtes et vœux, xxviii-xxx. — 7o Victoire sur les Madianites, xxxi. — 8o Etablissement de Ruben, de Gad et de la demi-tribu de Manassé, au delà du Jourdain, xxxii. — 9o Campements des Israélites ; limites de la Terre Promise, xxxiii-xxxiv. — 10o Villes lévitiques, villes de refuge, xxxv. — 11o Prescriptions pour le mariage des héritières, xxxvi.

§ VI. Le Deutéronome.

Le Deutéronome forme un tout complet. Il ne se rattache pas étroitement aux Nombres, comme les Nombres au Lévitique, et le Lévitique à l’Exode ; ses divisions sont plus marquées que dans ces trois derniers livres. Il se distingue aussi des autres parties du Pentateuque en ce qu’il se compose principalement, non de récits, mais de discours prononcés dans les plaines de Moab, vis-à-vis de Jéricho, le onzième mois de la quarantième année de l’Exode. Ces discours sont au nombre de trois, en ne tenant pas compte de l’interruption, xxix, 1 (Hébreu, xxviii, 69). Ils sont précédés d’un titre, i, 1-5, et suivis d’une conclusion historique, xxxi-xxxiv.

Ier Discours. Il sert d’introduction au Deutéronome, i, 6-iv, 43. Le législateur fait d’abord un abrégé historique des événements qui se sont passés depuis que la loi a été donnée sur le mont Sinaï, i, 6-iii, puis une exhortation pressante à l’observation de la loi, iv, 1-43.

IIe Discours. C’est la partie principale du livre, v-xxvi. Il résume surtout la loi mosaïque, dans ses points fondamentaux. Moïse le commence en rappelant la loi et spécialement le décalogue, v-vi, 3. Il développe ensuite sa pensée.

1o Dans une première partie, vi, 4-xi, il rappelle aux Hébreux les motifs qu’ils ont d’être fidèles à Dieu. Jéhovah est le seul vrai Dieu, le seul objet digne de leur amour et de leur respect, vi, 4-23. Ils doivent donc extirper le culte des idoles dans le pays de Chanaan, vii, par reconnaissance pour les bienfaits de Dieu, viii, qui sont tout à fait gratuits de sa part, ix-x, 11. Malédiction contre les infidèles, x, 12-xi, 32.

2o La seconde partie du discours, xii-xxvi, résume la législation mosaïque : — 1o Droit religieux : Unité de culte, xii-xiii ; prohibition des usages païens ; défense de se nourrir de viandes impures ; payement de la dîme, xiv ; année sabbatique ; rachat des premiers-nés, xv ; les trois principales fêtes de l’année, xvi, 1-17. — 2o Droit public ; droit personnel : Ordonnances pour déraciner l’idolâtrie ; pouvoir judiciaire des prêtres ; du choix d’un roi, xvi, 18-xvii. Droits et devoirs des prêtres et des prophètes, xviii. — Droit réel : Immunité des villes de refuge ; des bornes ; des témoins, xix. — Droit de guerre ; exemption du service militaire ; traitement des ennemis, xx ; expiation d’un meurtre dont l’auteur est inconnu ; traitement des femmes prises à la guerre, xxi, 1-14. — 3o Droit privé : droit d’aînesse ; devoirs envers les enfants, xxi. 15-23 ; des objets perdus et trouvés ; des vêtements ; des nids d’oiseaux ; de la construction des maisons ; du mélange des semences et des étoffes, xxii, 1-12 ; des vierges, xxii, 13-30 ; lois diverses, entre autres sur l’usure, les vœux, etc., xxiii ; du divorce ; des pauvres ; des étrangers, xxiv ; la flagellation ; le lévirat ; poids, mesures, etc., xxv ; offrandes des premiers-nés et de la dîme, xxvi, 1-15. — Péroraison : exhortation à l’observance inviolable de toutes ces prescriptions, xxvi, 16-19.

IIIe Discours, sans titre, xxvii-xxx. — Le discours final comprend trois parties. — 1o Engagement que devra prendre le peuple, après avoir conquis la Terre Promise, sur le mont Hébal et le mont Garizim, d’être fidèle à la loi, xxvii. — 2o Bénédictions promises à l’obéissance ; menaces contre l’infidélité, xxviii. — 3o Exhortations pressantes à l’observation de la loi, xxix-xxx.

Conclusion historique, xxxi-xxxiv. — 1o Moïse désigne Josué comme son successeur. Avis divers, entre autres, ordre délire la loi pendant l’année sabbatique et de la conserver dans l’arche, xxxi. — 2o Cantique de Moïse, xxxii. — 3o Bénédiction des tribus d’Israël, xxxiii. — 4o Mort et deuil de Moïse, xxxiv.


II.

DE L’AUTHENTICITÉ DU PENTATEUQUE.

Les Juifs et les chrétiens ont toujours cru que Moïse, le libérateur et le législateur des Hébreux, était l’auteur des cinq livres du Pentateuque. Ce fait historique est prouvé par le témoignage de ce livre lui-même. Dans l’Exode, xvii, 14, Dieu commande à Moïse d’écrire non pas dans un livre, mais dans le livre, comme le porte le texte hébreu, le récit de la bataille contre les Amalécites, ce qui suppose l’existence d’un livre dans lequel étaient consignés les événements concernant l’histoire d’Israël. Le ch. xxiv, 4, de l’Exode, dit expressément : « Moïse écrivit tous les discours du Seigneur. » Le v. 7 nomme en toutes lettres le Séfer Berith ou Livre de l’alliance, et Moïse le lit au peuple. Moïse avait donc écrit non seulement les lois, mais aussi les faits historiques. Le Deutéronome est plus explicite encore : « Moïse, y est-il dit, xxxi, 9, écrivit cette loi (ha-thôrâh) et la donna aux prêtres, fils de Lévi. » On a essayé, il est vrai, de restreindre au seul Deutéronome les passages tirés de ce livre, mais cette restriction est contraire à l’interprétation de tous les siècles. — Le récit de la mort de Moïse, Deut., xxxiv, qu’on reconnaît généralement être l’œuvre d’un écrivain postérieur, peut-être de Josué, et qui est placé à la fin du Pentateuque comme une sorte d’appendice, ne prouve nullement que Moïse n’a pas écrit ce qui précède.

Tous les livres postérieurs au Pentateuque confirment ce qu’il nous apprend lui-même sur son origine mosaïque. Toute l’Histoire Sainte présuppose le Pentateuque et les événements qui y sont racontés, l’origine chaldéenne de la race Israélite, le séjour en Egypte, l’Exode et la législation mosaïque. Le mont Sinaï, sur lequel la loi fut donnée au peuple de Dieu, est le berceau de sa nationalité.

Si plus tard, le souvenir du Sinaï s’éclipse devant celui de Sion, où Dieu habite, il n’est pas complètement oublié, car le prophète Elie va le visiter, et le mont Sion lui-même est, pour ainsi dire, un autre Sinaï :

Le Seigneur est au milieu d’eux dans un sanctuaire, comme autrefois sur le Sinaï. (Ps. lxvii, 18.)

Et de même que Sion présuppose le Sinaï, toute l’histoire juive présuppose la législation du Sinaï.

Et ce qu’il y a de particulièrement remarquable dans l’histoire de la législation hébraïque, ce qui en confirme l’antiquité et l’origine d’une manière frappante, c’est qu’elle n’est pas faite, comme les autres législations, à l’image du peuple qu’elle régit. Elle ne sort pas de lui, comme le fruit de l’arbre qui le porte, elle n’est pas l’expression de ses idées et de ses penchants, elle est, au contraire, en opposition absolue avec ses goûts et ses inclinations, et cependant il s’y soumet. Il est comme invinciblement porté à l’idolâtrie, il y tombe souvent, il n’y persiste jamais. Qui est-ce qui l’en retire et l’empêche de s’y perdre ? La loi. Supprimez la loi, supprimez Moïse, supprimez le Pentateuque, et rien n’est intelligible dans son histoire.

Les Psaumes sont tout imprégnés de la loi de Moïse, ainsi que les livres sapientiaux. Les Psaumes descriptifs et historiques ne sont qu’un résumé des faits racontés par Moïse. Le Psautier est le Pentateuque mis en prières.

Tous les prophètes connaissent les livres de Moïse, et y puisent fréquemment. Enfin le Nouveau Testament confirme le témoignage de l’Ancien et Notre Seigneur lui-même cite Moïse comme l’auteur du Pentateuque.

Une preuve nouvelle et importante de l’origine mosaïque de ce livre nous est fournie par les monuments égyptiens. L’exactitude minutieuse du texte n’atteste pas seulement une connaissance parfaite de l’Egypte, mais la connaissance de l’Egypte telle qu’elle était sous les Ramsès, à l’époque de l’Exode. Ce qui est dit de l’état du pays, des principales villes de la frontière, de la composition de l’armée, est vrai de l’époque des Ramsès et non de l’époque des pharaons contemporains de Salomon et de ses successeurs. Or, une telle exactitude ne peut être le résultat d’une tradition qui se serait transmise à travers une durée de plusieurs siècles ; elle nous reporte au temps de Moïse.

Le Deutéronome, en particulier, contient de nombreuses allusions aux usages de l’Egypte. Il interdit aux Hébreux, Deut., iv, 15-18, les œuvres de sculpture qu’on prodiguait dans l’empire des pharaons, de peur qu’elles ne les séduisent et ne les entraînent à l’idolâtrie. Il défend aussi au roi, quand il y en aura un en Israël, de ramener son peuple en Egypte, xvii, 16, Voilà, certes, une crainte qu’on ne peut avoir conçue que dans le désert, lorsque les Hébreux, naguère sortis de la vallée du Nil, et découragés par les privations qu’ils avaient à endurer, comme par les obstacles qu’ils rencontraient sur la route de la Terre Promise, étaient tentés de retourner dans la terre de Gessen. Un certain nombre de passages rappellent les usages pharaoniques : — xx, 5, les chefs, schoterim, qui font penser par leur nom même aux scribes égyptiens et en remplissent les fonctions en temps de guerre ; — xxvii, 1-8, les pierres enduites de chaux dont on se sert pour écrire ; — xxv, 2, la bastonnade infligée pour certaines fautes de la même manière que nous la représentent les monuments égyptiens ; — xi, 10, les nombreux canaux dans lesquels on distribuait l’eau du Nil et que les auditeurs, auxquels l’orateur s’adresse, ont vu de leurs yeux ou connaissent par le récit de leurs pères ; — vii, 15, et xxviii, 60, les maladies dont les Hébreux ont souffert en Egypte, etc. Les nombreuses prescriptions du Pentateuque contre la lèpre prouvent qu’elles ont été portées en un temps proche de la sortie d’Egypte, parce que c’est surtout à cette époque que ce mal terrible a été fréquent parmi les Hébreux, Deut., vii, 15 (1).

Enfin l’authenticité du Pentateuque est confirmée par les archaïsmes et les locutions qui lui sont propres. Les livres de Moïse ont une couleur antique, qui est produite par des mots et des formes vieillis depuis, comme aussi par le caractère poétique de sa prose et la puissante originalité de sa poésie. Ces archaïsmes ne se rencontrent déjà plus dans le livre de Josué. Le Pentateuque ne contient d’ailleurs d’autres mots étrangers que des mots égyptiens. Tout nous prouve ainsi qu’il a été écrit au temps de l’exode et qu’il est l’œuvre de Moïse, comme l’a toujours enseigné la tradition juive et chrétienne (2).


  1. (1) On peut voir le développement de cette preuve dans La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. ii, p. 519 et suiv.; 576 et suiv.
  2. (2) Pour l’éclaircissement de certaines questions importantes, concernant le Pentateuque, voir les notes placées à la fin du volume