La sainte Bible selon la Vulgate (J.-B. Glaire)/Appendice (Nouveau Testament)

(introductions, notes complémentaires et appendices)
La sainte Bible selon la Vulgate
Traduction par Jean-Baptiste Glaire.
Texte établi par Roger et Chernoviz, Roger et Chernoviz (p. 3018-3025).

NOUVEAU TESTAMENT


APPENDICE


Note 1, p. 2326 et 2475 (Matt., i, 1-17 et Luc, iii, 23-38). — LA DOUBLE GÉNÉALOGIE DE NOTRE SEIGNEUR EN S. MATTHIEU ET EN S. LUC.

Pour rendre compte des différences qu’on remarque entre ces deux généalogies, il y a deux sentiments :

Le premier tient que S. Matthieu a donné la généalogie de S. Joseph, et S. Luc celle de la sainte Vierge. Cette hypothèse semble plausible pour deux raisons :

1o Il était naturel que S. Matthieu, écrivant pour les Juifs, fît voir que Jésus était l’héritier de David, et qu’il prouvât, par sa généalogie légale ou paternelle, qu’on ne pouvait contester au Christ le droit de succession. Il convenait également que S. Luc, qui écrivait pour les Gentils, considérât le Sauveur comme né de la femme, et qu’il exposât sa généalogie réelle. Après avoir annoncé si expressément que Jésus n’avait pas de père sur terre, il serait étonnant qu’il eût donné sa généalogie légale par son père putatif. Ajoutez que, dans le cas où il aurait voulu la citer, on ne verrait pas pourquoi il n’aurait pas suivi la même ligne que S. Matthieu.

2o Les termes employés par S. Luc : Jésus était, comme l’on croyait, fils de Joseph, qui le fut d’Héli, se prêtent sans effort à cette explication, soit qu’on traduise simplement : Jésus passait pour être fils de Joseph, lequel l’était d’Héli, en rapportant à Joseph le relatif qui, soit qu’on entende : Jésus était regardé comme né de Joseph, mais il l’était d’Héli, en rapportant le pronom relatif au mot Jésus énoncé précédemment. — Dans le premier cas, il faut admettre que Joseph tient la place de Marie son épouse ou qu’il est nommé comme gendre d’Héli, mais on sait que tel était l’usage chez les Hébreux ; et S. Luc n’avait pas à craindre de tromper personne par cette substitution, les chrétiens étant avertis par S. Matthieu que le véritable père de S. Joseph était Jacob, et la tradition assignant au père de la sainte Vierge précisément le nom de Joachim, synonyme d’Eliachim ou d’Héli. — Dans le second cas, les termes de la traduction écartent la difficulté et l’empêchent même de s’offrir à l’esprit. Il est vrai que ces mots : Qui fut d’Héli, ne doivent pas s’entendre d’une filiation stricte, mais d’une simple descendance, puisque Héli serait l’aïeul de Notre Seigneur et non son père proprement dit ; mais c’est le sens qu’on donne à ces mots dans une foule d’endroits de l’Ecriture et le seul qui s’offre ici, si l’on continue de rapporter à Jésus les mots qui suivent : Qui fut de Mathat, qui fut de Dieu. Il est vrai encore que cette traduction aurait peine à s’accorder avec le grec, si l’on s’attachait au texte reçu ; mais l’accord devient facile si l’on admet une leçon qui ne parait pas avoir moins d’autorité, celle des manuscrits du Vatican et du Sinaï, les plus anciens de tous.

Un second sentiment, très ancien et très commun chez les Docteurs jusqu’au quinzième siècle, regarde les deux généalogies comme propres à S. Joseph, et elle eu explique les différences par un usage juif, celui du lévirat. En Judée, quand une femme restait veuve et sans enfant, elle devenait l’épouse de son beau-frère ou d’un de ses proches, et les enfants qui naissaient de cette union prenaient le nom du premier mari défunt ; ils étaient censés les siens. De là pour un grand nombre la pluralité des généalogies, les lignes fictives ou légales s’adjoignant aux lignes naturelles ou à la descendance réelle. De là pour S. Joseph une double filiation, Jacob étant son père naturel indiqué par S. Matthieu, et Héli, frère utérin de Jacob et mort avant lui sans enfant, étant son père légal, désigné par S. Luc. De même pour Salathiel. (L. Bacuez.)

Note 2, p. 2327 et 2469 (Matt., ii, 1 et Luc, ii, 8). — BETHLÉEM.

Bethléem, « la maison de pain », ainsi appelée sans doute à cause de la fertilité de son territoire, était la patrie de David et de Notre Seigneur Jésus-Christ. Elle appartenait à la tribu de Juda et avait été surnommée Ephrata, « la fertile », pour la distinguer d’une autre Bethléem de la tribu de Zabulon.

« Bethléem est bâtie [à 822 mètres d’altitude] sur un monticule qui domine une longue vallée. Cette vallée s’étend de l’est à l’ouest : la colline du midi est couverte d’oliviers clair-semés sur un terrain rougeâtre, hérissé de cailloux ; la colline du nord porte des figuiers sur un sol semblable à celui de l’autre colline. » (Chateaubriand.)

« La colline occidentale a des pentes abruptes du côté du midi et beaucoup plus douces vers le nord ; vers le couchant, elle n’est presque plus escarpée, et vers l’orient, la pente est plus douce encore. La seconde colline, qui lui fait face de ce côté, est moins haute, mais plus large. La ville est ainsi partagée en deux parties qui se répondent, et comme sur trois points elle est environnée de vallées, elle offre aux regards un horizon très étendu et très varié. Jadis entourée de murs, elle est actuellement ouverte, et c’est plutôt un grand village qu’une ville proprement dite. Sa longueur de l’ouest à l’est atteint à peine neuf cents pas, et sa largeur en moyenne ne dépasse point deux cent cinquante pas. » (V. Guérin.)

Ainsi élevée sur sa double colline, avec les champs de blé et les vignobles qui s’étendent à ses pieds, Bethléem est comme le type du village juif. Le puits, dont David désirait boire de l’eau, est non loin de la porte. A l’est sont les collines sauvages où paissaient les troupeaux de David, du prophète Amos et des autres pasteurs bethléémites.

Le climat de Bethléem est assez froid, à peu près identique à celui de Jérusalem. La neige y tombe de temps en temps en hiver, mais elle fond vite. L’air y est assez vif et le vent y souffle quelquefois avec violence.

L’église de la Nativité s’élève aujourd’hui au-dessus de la grotte où est né Jésus-Christ. Elle est située dans la partie septentrionale de la colline orientale, au-dessus de la vallée des caroubiers. C’est dans la crypte de l’église, sous le chœur, qu’est la grotte de la Nativité. Elle a 12 mètres 40 de longueur de l’est à l’ouest sur 3 m. 90 de largeur et 3 de hauteur, et servait d’étable au temps de Notre Seigneur. Les parois du rocher, ainsi que le pavé, disparaissent actuellement sous un revêtement de marbre. Dans une petite chapelle, à l’est, on voit sous l’autel une étoile d’argent avec cette inscription : Hic de Virgine Maria Jésus Christus natus est. Tout auprès, du côté du midi, est la chapelle de la Crèche, où l’on descend par trois marches. On y voit une crèche de marbre avec un enfant Jésus en cire. La véritable crèche, ou plutôt les fragments qui en restent, ont été transportés à Rome en 642 et sont conservés aujourd’hui dans la basilique de Sainte-Marie-Majeure, dans la cappella del Presepe. Ces fragments sont cinq petites planches minces, d’un bois noirci par le temps, dont les plus longues ont environ vingt-cinq centimètres de longueur. Elles sont liées ensemble et placées dans deux belles coquilles en cristal simulant un berceau.

A l’est de Bethléem s’étend une petite vallée, nommée Ouadi el-Scharâbéh, qui se dirige vers la mer Morte. Elle a une lieue de longueur environ et est très fertile. C’est là que s’élevait la Tour du Troupeau, Migdal Heder (Gen., xxxv, 21) auprès de laquelle Jacob fit paître ses brebis, et où, dit S. Jérôme, veillaient, à environ mille pas de Bethléem, les bergers qui entendirent le Gloria in excelsis au moment de la Nativité (Luc, ii, 14). Sainte Hélène fit construire en ce lieu une église dédiée aux saints Anges. Ou n’y voit plus qu’une grotte formant une chapelle souterraine où l’on descend par vingt-une marches ; on y remarque les restes d’un pavé en mosaïque, des peinturée sur bois et des débris de colonnes ; elle est située au milieu d’une plantation d’oliviere entourée d’une clôture. Dans le voisinage est un champ appelé le champ de Boos (Ruth, ii-iii). À dix minutes de la grotte est le village de Deir er-Raouat ou [illisible] des pasteurs. On croit que c’est de là qu’étaient les bergers à qui les anges annoncèrent la naissance du Sauveur. Le village d’où ils étaient porte aujourd’hui le nom de Beit-Sahour ; il est situé à quinze minutes vers l’est-sud au-dessous de Bethléem, sur une colline assez basse qui s’étend de l’ouest à l’est. On y remarque d’anciennes cavernes qui servent encore maintenant d’habitation à quelques familles ou d’abris à quelques troupeaux.

Les coutumes et les mœurs antiques se sont conservées jusqu’à présent à Bethléem « Le costume des Bethléémites, s’il faut en croire l’opinion commune, dit le P. de Géramb, est à peu près ce qu’il était au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ. Celui des femmes, soit à la ville, soit aux environs, m’a particulièrement frappé. Elles sont habillées absolument comme la sainte Vierge, dans les tableaux qui la représentent ; ce sont, non seulement les mêmes formes de vêtements, mais les mêmes couleurs : robe bleue, manteau rouge, ou robe rouge, manteau bleu, et un voile blanc par-dessus. La première fois qu’il m’arriva d’apercevoir de loin une Bethléémite portant dans ses bras un petit enfant, je ne pus m’empêcher de tressaillir : il me semblait voir venir à moi Marie et l’enfant Jésus. — Une autre fois, mon émotion ne fut pas moins vive : je voyais un vieillard à cheveux blancs et barbe blanche, conduisant un àne le long de la montagne sur laquelle Bethléem est située ; il était suivi d’une jeune femme habillée de bleu et de rouge, et parée d’un voile blanc. J’étais à Bethléem ; je me crus au temps de César-Auguste. Un instant, les deux personnages furent pour moi Joseph et Marie, venant, pour obéir aux ordres du prince, se faire enregistrer. — Le costume des paysans reporte aussi la pensée vers des souvenirs touchants : il est, assure-t-on, tout à fait semblable à celui des bergers du temps de la naissance du Sauveur, et date de plus de deux mille ans. C’est une espèce de chemise ou tunique serrée autour du corps par une courroie, et un manteau par-dessus. Point de chaussure on va ordinairement pieds nus. »

Note 3, p. 2328 (Matt., ii, 2). — L’ÉTOILE DES MAGES.

S. Matthieu rapporte que des mages vinrent à Bethléem pour adorer Jésus-Christ, et qu’ils y furent conduits par une étoile qui allait devant eux et qui s’arrêta à l’endroit où était l’enfant. Or, disent les adversaires de nos divines Écritures, personne n’ignore que les étoiles, à raison de leur immense élévation, ne peuvent indiquer une ville, pas même un pays, bien moins encore une maison.

La difficulté des incrédules tombe d’elle-même, dès que l’on considère que le terme aster employé dans le texte grec, et le mot latin stella de la Vulgate, sont susceptibles non seulement du sens d’étoile proprement dite, mais encore d’un simple météore lumineux qui, vu à une certaine distance, a toutes les apparences d’une étoile… Le mot grec aster se trouve employé par Homère dans le sens d’un météore, auquel il compare la descente de Minerve sur la terre. Aristote s’en est également servi avec la même signification… « Nous pouvons même, sans sortir de notre langue, dit Bullet, donner un exemple de cette double acception. On appelle parmi nous étoile un météore qui paraît souvent en été en forme d’une étoile qui tombe (étoile filante), et ce n’est pas seulement le peuple qui parle ainsi; nos philosophes, qui se piquent d’une grande exactitude dans leurs expressions, ne s’expliquent point autrement. Les Arabes appellent aussi étoiles ces météores lumineux qui semblent tomber du ciel. » (J.-B. Glaire.)

Note 4, p. 2330 (Matt., ii, 22). — LA GALILÉE.

La Galilée, « cercle, circuit », qui joue un si grand rôle dans l’histoire évangélique, est à peine mentionnée dans l’Ancien Testament. On l’appelait « la Galilée (ou le cercle, l’habitation) des Gentils » (Matt., iv, 15), parce que les Gentils ou païens y habitaient en grand nombre. A l’époque des Machabées, ils y étaient plus nombreux que les Juifs eux-mêmes. Ils venaient principalement de la Phénicie et étaient attirés par la richesse de cette fertile contrée.

Au commencement, on ne donnait le nom de Galilée qu’à la partie haute du pays, qui s’étend vers l’ouest au nord du lac de Tibériade, et qui était occupée par les tribus d’Aser, de Zabulon et d’Issachar (d’où l’application de la prophétie d’Isaïe faite par S. Matthieu, iv, 14-16). Après la captivité, les Juifs reprirent peu à peu possession du pays, en s’établissant d’abord au sud, mais la population fut toujours une population mixte.

Du temps de Jésus-Christ, la Galilée formait une province particulière et se divisait en Galilée supérieure et en Galilée inférieure. Josèphe nous a laissé une description des deux Galilées : « Au couchant, dit-il, elles ont pour limites les frontières du territoire de Ptolémaïs et le Carmel, montagne appartenant autrefois aux Galiléens et maintenant aux Tyriens ; au midi, la Samarie et Scythopolis (voir la note sur la Décapole) jusqu’aux rives du Jourdain ; au levant, l’Hippène et la Gadaritide, ainsi que la Gaulanitide et les frontières du royaume d’Agrippa ; au septentrion enfin, Tyr et toute la région des Tyriens. La Galilée inférieure se développe en longueur depuis Tibériade jusqu’à Zabulon, qu’avoisine sur la côte Ptolémaïs, et, en largeur, depuis le bourg de Xaloth, situé dans la Grande Plaine, jusqu’à Bersabée, où commence la Galilée supérieure. Celle-ci s’étend de là en largeur jusqu’à Baka, qui la sépare du pays des Tyriens, et en longueur depuis Thella, bourg voisin du Jourdain, jusqu’à Meroth. »

Les montagnes les plus hautes de la Galilée inférieure s’élèvent à peine à six cents mètres au-dessus de la Méditerranée. « Parsemées d’innombrables vallées généralement très fertiles, elles étaient elles-mêmes autrefois cultivées jusqu’à leur sommet, et sur leurs pentes s’étageaient de belles plantations d’oliviers, de figuiers, de vignes et d’autres arbres fruitiers que des broussailles ont en partie remplacées depuis longtemps ; à leur pied croissaient, comme maintenant encore, du blé, de l’orge et d’autres céréales. » (V. Guérin.)

Note 5, p. 2330 (Matt., ii, 23). — NAZARETH.

Nazareth, dont le nom signifie vraisemblablement « rejeton », est une bourgade de Galilée qui n’est pas mentionnée une seule fois dans l’Ancien Testament. Elle doit toute sa célébrité au séjour qu’y a fait Notre Seigneur. Bâtie en étages sur un amphithéâtre entouré de toutes parts de collines, elle est à 270 mètres environ au-dessus de la plaine d’Esdrelon. C’est un des endroits les plus agréables et les plus gracieux de la Palestine. Ses maisons à toits plats et toutes en pierre, avec leurs murs d’un blanc éblouissant, sont encadrées dans la verdure. Partout des jardins, des oliviers, des figuiers et des cactus.

Sur l’emplacement de la maison de la sainte Vierge s’élève aujourd’hui l’église de l’Annonciation, au sud de la ville. Cette église a été construite dans sa forme actuelle en 1730 ; elle a reçu divers embellissements en 1877. La maison qu’avait habitée la sainte Famille fut transportée miraculeusement à Lorette à la fin du xiiie siècle. Elle était auparavant à l’endroit qui porte aujourd’hui le nom de Chapelle de l’Annonciation, dans la crypte de l’église du même nom. « Cette chapelle est divisée par un mur en deux parties. La première partie contient l’autel de l’Annonciation. En lace de l’autel, à gauche, on voit deux colonnes en granit qui marquent, selon la tradition, la place où se tenaient l’ange Gabriel et Marie à l’heure de l’Annonciation. L’autel, fort simple, orné seulement d’un tableau moderne représentant l’Annonciation, est entouré de lampes d’argent, et sur la table de granit qui forme la paroi du fond, on lit ces mots : Verbum caro hic factum est. A droite de l’autel, une petite porte conduit dans une arrière-salle (chapelle de S. Joseph), où l’on trouve un autre autel adossé au précédent, et orné d’un tableau représentant la Fuite en Egypte. (Sur l’autel on lit cette inscription : Hic erat subditus illis.) De là un escalier de quelques marches monte dans une petite chambre taillée dans le roc, qui représente la cuisine de la sainte Vierge. » (Isambert.)

Au nord-est de l’église de l’Annonciation, dans le quartier musulman actuel, est situé l’Atelier de S. Joseph. Ou croit qu’une église avait été construite sur cet emplacement par les Croisés. Il n’en reste que quelques débris, sur une partie desqueils les Franciscains ont élevé une chapelle de 1858 à 1859. Il est impossible de savoir au juste comment était disposé ce lieu du temps de Notre Seigneur.

À quatre minutes de Nazareth, au nord-est, est la Fontaine de la Vierge, dont la source est enfermée aujourd’hui dans la partie septentrionale de l’église de S. Gabriel qui appartient aux Grecs. L’eau passe dans un canal devant l’autel de l’église, à gauche, et est ainsi conduite à la Fontaine proprement dite, où l’on voit toujours des femmes qui viennent y remplir de grandes urnes à forme antique. Cette eau est bonne et abondante et sert à arroser les jardins de Nazareth en même temps qu’elle abreuve ses habitants. Comme c’est l’unique fontaine qu’on rencontre dans toute la localité, on ne saurait douter que la sainte Vierge et l’enfant Jésus ne s’y soient rendus souvent

Note 6, p. 2332 (Matt., iii, 7). — LES PHARISIENS.

Les Pharisiens ne passaient pas pour alléger le joug de la loi. En général, leur doctrine était exacte. Cependant Notre Seigneur leur reproche de s’écarter, sur des points importants, de la justice et de la vérité : « Ce sont des aveugles, dit-il, et des conducteurs d’aveugles. » Tandis qu’ils poussaient jusqu’au scrupule l’exactitude aux petites choses, ils se mettaient peu en peine du grand précepte de la charité. Ils disaient : « Œil pour œil et dent pour dent, » ce que S. Augustin appelle justitia injustorum. Ils comptaient pour peu de chose les fautes intérieures. Ils éludaient certaines obligations par des subtilités. Ils en exagéraient d’autres au-delà de toute mesure, surtout la loi du sabbat.

Leur caractère était bien plus répréhensible que leur enseignement. Sauf un petit nombre, dont la vertu contrastait avec les défauts de la secte, entre autres Nicodème, neveu de Gamaliel, ils étaient orgueilleux, fiers de leur savoir, pleins de prétention, de dédain pour leurs frères, insensibles aux faiblesses et aux besoins du prochain, avares, hypocrites. Ils disaient et ne faisaient point. Ils affectaient l’austérité, le jeûne, les ablutions fréquentes, les longues prières ; mais tout cela par amour-propre et par intérêt. Il leur fallait partout les premières places et les témoignages de respect. Ils rendaient eux-mêmes des honneurs aux prophètes, quand ils étaient morts ; mais durant leur vie, quand ceux-ci les reprenaient de leurs vices, ils les persécutaient et cherchaient à les perdre. Ils passaient les mers et parcouraient le monde pour faire des prosélytes, mais dans la seule vue de les attacher à leur secte et de leur inoculer leurs principes et leurs vices. En somme, Notre Seigneur leur préférait les publicains, quoique odieux au peuple et regardés, dit Tertullien comme des pécheurs de profession. Aussi les frappe-t-il, peu de temps avant sa mort des plus terribles malédictions. De leur côté, les pharisiens ne pouvaient le souffrir. Ils étaient jaloux de sa réputation, de son influence et de ses miracles. Après lui avoir tendu toutes sortes de pièges et lui avoir suscité toutes sortes d’oppositions ils finirent par le faire attacher à la croix. (L. Bacuez.)

Note 7, p. 2332 (Matt., iii, 7). — LES SADDUCÉENS.

L’origine du nom des Sadducéens est douteuse. D’après la tradition commune des Juifs, les Sadducéens étaient ainsi appelés de Sadoc, disciple d’Antigone de Socho, lequel avait reçu la loi orale de la bouche de Simon le Juste, le dernier membre de la Grande Synagogue. Quoi qu’il en soit, du temps de Notre Seigneur, la secte des Sadducéens se composait surtout des membres de l’aristocratie juive. Sur la plupart des points, ils étaient en opposition avec les Pharisiens, Ceux-ci affirmaient que Moïse, outre la loi écrite, avait donné aux Israélites une loi orale, qui s’était conservée par tradition. Les Sadducéens le niaient. Leur principale erreur, qui leur est reprochée expressément dans l’Évangile, consistait à rejeter le dogme de la résurrection des morts. Ils n’admettaient pas non plus l’existence des anges. Les Sadducéens disparaissent de l’histoire avec le premier siècle et cèdent la place aux Pharisiens dont les croyances deviennent bientôt tout à fait prédominantes parmi les Juifs.

Note 8, p. 2334 (Matt., iv, 18). — LA MER DE GALILÉE OU LAC DE TIBÉRIADE ET DE GÉNÉSARETH.

« Ce lac, auquel les Hébreux donnaient aussi le nom de mer, comme à tous les amas d’eau un peu considérable, s’appela d’abord lac de Cennéreth, de Génésareth ou de Genésar : dénominations qui, bien que diverses, ne désignaient qu’une seule et même ville, un seul et même pays à l’extrémité méridionale de la Galilée. On le nommait encore mer de Galilée, parce que vers le nord et l’orient il était enveloppé de cette province. Il ne prit le nom de Tibériade que lorsqu’Hérode eut fait bâtir cette ville, sur l’emplacement, dit-on, de Génésareth, en l’honneur de Tibère, lors de l’élévation de ce prince à l’empire. — Quoique dépouillé des villes, des villages et des magnifiques maisons qui l’embellissaient il y a deux mille ans, et malgré la nudité des montagnes qui l’entourent, ce lac n’en offre pas moins encore aujourd’hui un aspect délicieux. Bordé de tous côtés de lauriers-roses, qui inclinent leurs branches touffues et fleuries sur la tranquille surface de ses ondes limpides, il présente l’image charmante d’un immense miroir encadré dans une guirlande de verdure et de fleurs. C’est une miniature du lac de Genève. (De Géramb.)

Tous ceux qui l’ont visité ont été ravis d’admiration par sa beauté, « La mer de Galilée, large d’environ une lieue à l’extrémité méridionale, s’élargit insensiblement, dit Lamartine, les montagnes qui la resserrent [au sud] s’ouvrent en larges golfes des deux côtés, et lui forment un vaste bassin [ovale], où elle s’étend et se développe dans un lit d’environ quinze à douze lieues de tour. Ce bassin n’est pas régulier dans sa forme, les montagnes ne descendent pas partout jusqu’à ses ondes ; tantôt elles s’écartent à quelque distance du rivage et laissent entre elles et cette mer une petite plaine basse, fertile et verte comme la plaine de Génésareth ; tantôt elles se séparent et s’eutr’ouvrent pour laisser pénétrer ses flots bleus dans des golfes creusés à leur pied et ombragés de leur ombre.

» La main du peintre le plus suave ne dessinerait pas des contours plus arrondis, plus indécis et plus variés que ceux que la main créatrice a donnés à ces eaux et à ces montagnes ; elle semble avoir préparé la scène évangélique pour l’œuvre de grâce, de paix, de réconciliation et d’amour qui devait une fois s’y accomplir. A l’orient, les montagnes forment, depuis les cimes du Gelboé, qu’on entrevoit du côté du midi, jusqu’aux cimes du Liban, qui se moutrent au nord, une chaîne serrée, mais ondulée et flexible, dont les sombres anneaux semblent de temps eu temps prêts à se détendre et se brisent même çà et là pour laisser passer un peu de ciel.

» Au bout du lac, vers le nord, cette chaîne de montagnes s’abaisse en s’éloignant ; on distingue de loin une plaine qui vient mourir dans les flots, et, à l’extrémité de cette plaine, une masse blanche d’écume qui semble rouler d’assez haut dans la mer. C’est le Jourdain qui se précipite de là dans le lac. Toute cette extrémité nord de la mer de Galilée est bordée d’une lisière de champs qui paraissent cultivés.

» Les bords de la mer de Galilée, de ce côté de la Judée, n’étaient, pour ainsi dire, qu’une seule ville. Les débris multipliés devant nous et la multitude des villes et la magnificence des constructions que leurs fragments mutilés témoignent, rappellent à ma mémoire la route qui longe le pied du Vésuve, de Castellamare à Portici. Comme là, les bords du lac de Génésareth semblaient porter des villes au lieu de moissons et de forêts. » (Lamartine.)

Note 9, p. 2358 (Matt., xii, 46). — LES FRÈRES DU SAUVEUR.

Matt., xii, 46, ses frères, c’est-à-dire ses cousins ou ses proches en général. Chez les Hébreux, comme chez les autres peuples de l’antiquité, le mot frère se prenait souvent dans ce sens plus étendu. Ainsi dans la Genèse, xii, 8, Abraham et Lot sont appelés frères ; cependant Lot n’était que le neveu d’Abraham, puisque celui-ci était frère d’Aran, le père de Lot (Gen., xi, 27). De même dans la Genèse, xxix, 15, Laban est dit frère d’Abraham ; mais ce même Laban était petit-fils de Nachor, le propre frère d’Abraham, et, par conséquent, son petit-neveu. Dans le livre de Tobie, vii, 4, Raguel donne le nom de frère à Tobie, son véritable cousin (vers. 2). Dans le même livre, viii, 9, le jeune Tobie, parlant à la fille de Raguel, qui était simplement sa cousine, lui dit : Ma sœur. On peut voir d’autres exemples dans le Lévitique, xxv, 48 ; Deutéron., ii, 4, 8, etc. Pour n’en citer qu'un seul pris d’un autre peuple, nous ferons remarquer que, dans Quinte-Curce, Amyntas est appelé frère d’Alexandre, bien qu’il ne fût que son cousin germain, du côté de son père. Ainsi l’Evangile a pu donner le nom de frères et de sœurs de Jésus à des personnes qui étaient simplement ses proches ; mais l’a-t-il donné réellement ? Il nous semble qu’il n’y a pas lieu d’en douter. — Toute l’antiquité chrétienne, comme le remarque justement D. Calmet, a toujours cru que Marie avait conservé sa virginité après, comme avant et pendant l’enfantement miraculeux de son divin fils Jésus. Quant à l’objection de quelques anciens hérétiques, tels qu’Eunomius et Helvidius, prédécesseurs des protestants et des rationalistes modernes, nous y avons suffisamment répondu (page 2), par des arguments qu’une saine critique ne saurait légitimement récuser. Toutefois nous croyons devoir en ajouter ici un nouveau en faveur de ceux de nos lecteurs qui ne sont pas étrangers à la philologie sacrée. Il est certain que le terme hébreu becôr, rendu dans le texte grec par prôtotokos, et, dans la Vulgate, par primogenitus ou premier-né, signifie proprement, comme phéter réhem (ou simplement phéter), qui lui sert souvent d’explicatif, fente, ouverture, et ce qui fend, ce qui ouvre un sein (quod aperit vulvam). Or il n’y a rien là qui prouve que la très sainte Vierge ait eu d’autres enfants après Jésus-Christ. — Nous ajouterons, avec Aberlé (Dict. de la Théol. cathol.), que si ces frères de Jésus-Christ, dont parle l’Evangile, avaient été ses véritables frères selon la chair, il serait très singulier que jamais Marie n’eût été appelée leur mère ; il serait tout à fait inconcevable que Jésus eût recommandé sur la croix sa mère à saint Jean (Jean, xix, 26, 27), tandis qu’ayant d’autres fils, c’eût été le devoir naturel de ceux-ci de la recueillir, et ils n’y auraient certainement pas manqué. — On ne voit dans le Nouveau Testament, comme fils de Marie, que Jésus, et c’est précisément par opposition avec ceux qui sont appelés ses frères, qu’il est désigné comme le fils de Marie (Marc, vi, 3). — La manière dont Jésus, du haut de la croix, recommande sa mère à saint Jean prouve encore qu’il était le fils unique de Marie, car il est dit littéralement : Voilà le fils de vous ; avec l’article déterminatif, qui aurait évidemment manqué, s’il y avait encore d’autres fils de Marie. — Un nouvel argument en faveur de notre thèse est la possibilité de démontrer quelle fut, en dehors de la très sainte Vierge, la véritable mère de ceux qui sont appelés les frères du Sauveur. Saint Matthieu cite (xxvii, 56), parmi les femmes présentes au crucifiement, une Marie, mère de Jacques et de Joseph; saint Marc le dit également (xv, 40), et, de plus, il distingue ce Jacques d’un autre Jacques, fils de Zébédée, par le surnom de le petit (o mikros) ou le mineur. Comme il ne paraît en général dans le Nouveau Testament que deux Jacques, il n’y a pas de doute que le premier ne soit celui que saint Paul nomme (Galat., i, 19) le frère du Seigneur, celui à qui sa position comme premier évêque de Jérusalem, donnait alors une haute importance ; celui enfin dont l’épître fait partie du Nouveau Testament. — Saint Jude, au commencement de son épître, se nomme frère de ce Jacques. Ainsi on trouve dans le Nouveau Testament pour trois des frères du Seigneur, Jacques, Joseph et Jude, une Marie qui est leur mère, et qui est différente de la mère de Jésus. Or, cette Marie est, sans aucun doute, identique avec la Marie nommée par saint Jean (xix. 23) la femme de Cléophas et la sœur de la mère du Seigneur. Cléophas, ou selon une autre forme de ce même nom, Alphée, était par conséquent le père de Jacques, de Joseph et de Jude ; et, en effet, Jacques est, en plusieurs circonstances (Matt., x, 3 ; Marc, iii, 18 ; Luc, vi, 15 ; Act., i, 13), nommé le fils d’Alphée. Pour Simon ou Siméon, il est expressément désigné comme le fils de Cléophas par Hégésippe, le plus ancien historien de l’Eglise. Il est donc incontestable que les quatre frères de Jésus étaient simplement ses cousins du côté de sa mère ; et si, d’après la donnée d’Hégésippe, Cléophas était un frère de saint Joseph, ils l’étaient aussi vraisemblablement du côté paternel. — On a objecté que deux sœurs vivantes n’ont pas pu porter le même nom. Mais il fallait prouver que cela n’avait jamais lieu chez les Juifs, surtout dans les dernière temps. Cet usage existait incoutestablement chez les Latins, puisque, sur les quatre filles qu’avait Octavie, la sœur de l’empereur Auguste, et qui vécurent en même temps, deux se nommaient, sans autre surnom, Marcella, et les deux autres Octavie. — On a dit encore que, d’après saint Hilaire, saint Epiphane, Théophilacte et plusieurs autres anciens, saint Joseph avait eu des enfants d’une autre femme avant son mariage avec la sainte Vierge, et que ce sont ces enfants que l’Ecriture appelle les frères de Jésus-Christ. Origène remarque à ce sujet que c’est le faux évangile de saint Pierre ou celui de saint Jacques qui a donné lieu à cette opinion. Il est certain qu’elle n’est nullement fondée sur la tradition, et il est très vraisemblable que ceux qui l’ont adoptée l’ont fait uniquement parce qu’ils ont cru devoir prendre ici le mot frère dans sa signification propre, en l’étendant seulement aux frères de lits différents. Les interprètes ont donc pu avec raison dresser le tableau généalogique suivant, lequel montre que les prétendus frères de Jésus n’étaient que ses cousins.

Anne. Joachim.
   
     
  Cléophas ou Alphée, Marie.   Marie. Joseph.  
     
     
Jacques, apôtre. Joseph, Jude, apôtre, Siméon, évêq. Jésus.
  de Jérusalem.  

Nos adversaires, nous ne l’ignorons pas, ont opposé à nos arguments des difficultés plus ou moins spécieuses ; mais ils sont forcés de convenir que ces difficultés ne dépassent pas les limites de l’hypothèse, et que sous ce rapport même notre sentiment est le mieux fondé en raisons. Quoi qu’il en soit, nous avons pour nous toute l’antiquité chrétienne, qui a toujours cru que Marie avait conservé sa virginité après avoir enfanté Jésus-Christ. Or, un pareil témoignage, si on consulte la vraie critique, doit l’emporter sur toutes les hypothèses, même les plus séduisantes. (J.-B. Glaire.)

Note 10, p. 2358 [Matt., xiii, 3). — LES PARABOLES DE L’ÉVANGILE.

« La beauté et le charme, même littéraire, des paraboles de l’Évangile m’ont attiré… La parabole évangélique est un petit drame, et je n’hésite pas à dire qu’à considérer la vérité des caractères et de l’action, ces drames sont plus vivants et plus animés que les apologues les plus admirés. Ils représentent la vie du monde et de la terre aussi bien que s’ils n’étaient pas destinés à nous enseigner la vie du ciel… Les caractères que j’admire dans les paraboles évangéliques [sont] la variété des détails, la vivacité de l’action, et, de plus, l’élévation et la pureté de la morale ; c’est là ce qui fait la divine supériorité de la parabole évangélique sur l’apologue oriental… La leçon que donne la fable est d’une morale médiocre et toute mondaine : la leçon évangélique indique à l’homme la voie à suivre pour arriver au ciel. La parabole a toutes les formes et tous les agréments de la fable ; elle a de plus une morale toute divine… Nulle part ce caractère de la parabole, égale à l’apologue pour la forme, supérieure pour la morale, n’éclate mieux que dans les grandes paraboles de l’enfant prodigue ou du mauvais riche. L’enfant prodigue est passé en tradition dans la litérature ; le mauvais riche est entré dans la peinture, dont il est devenu un des sujets favoris… L’action est vive et frappante ; elle grave profondément dans l’esprit la morale qu’elle contient ; c’est un drame que personne n’oublie une fois qu’il l’a vu et qui rappelle à chacun de nous la leçon qu’il exprime… Il y a dans les auteurs anciens bien des récits allégoriques destinés à exprimer des vérités morales ou métaphysiques. La Grèce aimait ces mythes, à ce point même qu’elle en oubliait le sens pour la forme ; Platon se servait souvent de ces fables symboliques ; mais il n’y a aucun de ces récits mythologiques qui, même dans Platon, puissent être comparés aux paraboles évangéliques. Ils n’ont ni la simplicité ravissante, ni la vérité expressive, ni l’utilité et la clarté morale de la parabole. » (Saint-Marc Girardin.)