La philosophie du bon sens/III/XI

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§. XI.

d’où dépend la Vérité des
Propoſitions, ou des
Jugements ?


Un Jugement n’eſt juſte & certain, qu’autant qu’il attribue au Sujet ce qui lui convient ; & c’eſt de la Convénance de l’Attribut au Sujet, que dépend la Vérité d’une Propoſition. Si je dis, par éxemple, que le Soleil eſt lumineux, ma Propoſition eſt vraïe ; parce que le Soleil eſt véritablement lumineux, & que cet Attribut lui convient. Mais, ſi je dis, que le Soleil eſt opaque, ma Propoſition devient fauſſe ; parceque l’Attribut ne convient point au Sujet.

La Certitude de nos Jugemens dépend auſſî de l’Evidence qui les fait paroître néceſſaires. Car, quoique, lorſque le Soleil eſt levé, il ſoit jour ; cependant, pour que l’Entendement ſoit certain de cette Propoſition Il eſt jour, il faut que nos Sens agiſſent & nous la démontrent évidemment, & que nous ouvrions les Yeux, & nous aſſûrions de la Vérité.

De-meme que la Certitude de nos Jugemens dépend de l’Evidence que nous en avons : de-même, leur Probabilité, ou leur Vrai-ſemblance, dépend de ce qu’ils approchent plus de l’Evidence que de l’Obſcurité. Nous donnons notre Croïance aux Choſes, ſelon que nous voïons des Apparences de la Vérité.

Pour s’accoutumer à former des Jugemens juſtes & évidens, il faut munir ſon Entendement d’une Quantité de Propoſitions évidentes & générales, telles que font celles qu’on appelle Maximes, ou Axiomes. Ce ſont des Sources d’où découlent dans notre Eſprit un Nombre d’autres Idées qui ſe reſſentent de la Pureté de leur Origine. Toutes les Sciences fourniſſent certains Axiomes, qui leur ſont propres, & qu’elles regardent comme leur appartenant de Droit. On appelle ces premiers Principes, des Maximes, ou des Axiomes, parce que ce ſont des Propoſitions, dont il ſuffit de concevoir le Sens, pour être convaincu de leur Certitude : comme,

Il eſt impoſſible qu’une même Choſe ſoit,
& ne ſoit pas, en même Tems.
Le Tout eſt plus grand que ſa Partie.
De quelque Choſe que ce ſoit, la Négation ou l’affirmation eſt vraie.
Tout Nombre eſt pair, ou impair.
Si, à des Choſes égales, vous ajoutez des Choſes égales, les Touts ſeront égaux.
Ni l’Art, ni la Nature, ne peuvent faire une Choſe de Rien.
Dieu, & la Nature, ne font rien en vain, &c.[1].

À tous ces Axiomes, j’en ajouterai un auſſi évident pour tous ceux qui vous connoiſſent. On ne doit chercher la parfaite Beauté, que chés Madame de ***. Peut-être quelque bourru de Savant, ou quelque Scolaſtique vetilleur, me diſputeront-ils l’Evidence de cette Propoſition. Mais, vos Yeux, s’ils daignent jamais ſe tourner par haſard vers eux, leur en perſuaderont la Vérité.



  1. On a emploïé ici ces Axiomes préférablement à bien d’autres, parce qu’on s’en ſervira ſouvent dans la Suite de ces Reflexions.