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§. X.

des Jugemens par lesquels
de deux Idées simples
nous en faisons une
composée.


Je vous ai déjà dit, Madame, qu’on entendoit, par ce mot Juger, (ſur quoi roule la ſeconde Partie de la Logique,) la Faculté d’affirmer véritablement d’une Choſe ce qu’elle eſt, ou ce qu’elle n’eſt pas, en lui donnant ce qui lui convient, & lui ôtant ce qui ne lui convient pas. Cette Sorte de Penſée eſt appellée Jugement ou Propoſition, parce-que c’eſt par elle, que nous décidons qu’une Choſe eſt, ou n’eſt pas : en ſorte que, ſi, par la Conception, nous l’imaginons nûmeut & ſimplement ; par le Jugement nous affirmons ce qui lui eſt propre, ou ce qui ne lui convient point, & notre Entendement, conſidérant les diverſes Idées ſimples qu’il a reçues, en fait une compoſée : & cette Idée, quoique produite indirectement par la Senſation, eſt pourtant formé par la Réflexion, qui ſont les deux ſeules Sources de toutes nos Notions, ainſi que je vous l’ai déjà montré.

Vous remarquerez, Madame, que toute Propoſition eſt généralement, ou affirmative, ou négative. La Négation, & l’Affirmation, font formées par le Verbe eſt ſeulement, comme lorſqu’on dit Pierre eſt fidele ; ou par ce même Verbe eſt accompagné d’une Particule négative ; comme lorſqu’on dit la Confiance n’eſt pas un Vice. Je vous prie de vous ſouvenir, Madame, que le Nom qui précede le Verbe eſt, tel qu’eſt Pierre & la Confiance, dans les Proportions que je viens de rapporter, eſt appellé Sujet ; & celui qui fuit ce même Verbe eſt, tel qu’eſt Fidele & Vice, eſt nommé Attribut. Il faut auſſi obſerver, que toutes les Propoſitions ne ſont point compoſées d’un ſimple Sujet & d’un ſimple Attribut, telle que celle-là Pierre eſt fidele : mais, qu’il en eſt d’autres compoſées de pluſieurs Mots ; comme lorſqu’on dit, N’avoir point de Caprices eſt le Propre d’un Amant fidele. Dans cette Propoſition, N’avoir point de Caprices eſt comme le Sujet, & le Propre d’un Amant fidele, comme l’Attribut.