La nouvelle Justine/Chapitre XI

CHAPITRE XI.


Histoire de Jérôme.


Les premières actions de mon enfance annoncèrent, à ceux qui se connaissent en hommes, que je devais être un des plus grands scélérats qui eût encore existé sur le sol français. J’avais reçu de la nature des inclinations si perverses ; cette nature âpre s’exprimait en moi d’une manière si contraire à tous les principes de la morale, qu’il fallait nécessairement établir, en me voyant, ou que j’étais un monstre né pour déshonorer cette mère commune du genre humain, ou qu’elle avait eu quelque motif en me créant ainsi, puisque sa main seule avait inculqué dans moi le malheureux penchant aux vices infâmes dont je donnais journellement de si frappans exemples.

Nous sommes de Lyon ; mon père y exerçait le commerce avec un succès assez grand pour nous laisser un jour une fortune plus que suffisante à notre existence, lorsque la mort vint l’enlever, pendant que j’étais encore au berceau. Ma mère, qui m’adorait, et qui prenait de mon éducation des soins inimaginables, m’éleva avec une sœur, née un an après moi, dans la même semaine de la mort de mon père : on la nommait Sophie ; et quand elle eut atteint l’âge de treize ans, époque où je vais lui faire jouer un rôle sur la scène de mes aventures, on pouvait dire, avec vérité, que c’était la plus jolie fille de Lyon. Tant d’attraits ne tardèrent pas à me faire sentir que tous les prétendus freins de la nature s’évanouissent quand on bande, et qu’elle n’en connaît plus d’autres alors que ceux qui, réunissant les deux sexes, les invitent à jouir ensemble de tous les plaisirs de l’amour et de la débauche : ces derniers, plus piquans sur mon cœur que ceux d’un sentiment qui ressemblait trop à une vertu pour que je l’adoptasse jamais, furent les seuls qui se firent entendre en moi ; et j’avoue que dès que j’eus démêlé les grâces et les attraits de Sophie, ce fut son corps que je desirai, et nullement son cœur. C’est avec vérité que je puis dire n’avoir jamais connu ce sentiment factice de la délicatesse qui, rapportant tout au moral de la jouissance, paraît n’en admettre de vive que celle dont il fait les frais. J’ai joui de beaucoup d’objets dans ma vie ; mais je puis certifier que pas un ne fut cher à mon cœur ; il m’est même impossible de comprendre qu’on puisse aimer l’objet dont on jouit. Oh ! combien cette jouissance serait triste pour moi, si quelqu’autre sentiment que le besoin de foutre en composait les élémens ! Je n’ai jamais foutu de ma vie que pour insulter l’objet de ma luxure, et n’ai démêlé, dans cette action, d’autres charmes que l’outrage produit sur l’objet ; je le desire avant la jouissance, je l’abhorre quand le foutre est à bas.

Ma mère élevait Sophie à la maison ; et, comme je n’étais qu’externe à la pension où l’on m’éduquait, je passais presque toute ma journée avec cette charmante sœur ; sa délicieuse physionomie, ses cheveux superbes, sa taille enchanteresse, me firent brûler, ainsi que je viens de vous le confier, du desir de voir, le plutôt possible, quelle était la différence de son corps au mien, et d’admirer ces différences, en lui faisant observer celles que la nature devait également avoir placé dans moi. Ne sachant trop comment expliquer tout ce que je sentais à ma sœur, je me déterminai à la surprendre plutôt qu’à la séduire : il y avait, dans le premier de ces modes, une sorte de trahison qui me divertissait. Je fis donc, pendant un an, l’impossible pour parvenir, sans jamais pouvoir en venir à bout. Je sentis alors qu’il faudrait me résoudre à des demandes ; mais j’y voulais toujours la teinte de la trahison ; je n’eus jamais bandé sans cela. Voici donc comme je m’y pris, La chambre de Sophie était assez éloignée de celle de ma mère, pour me permettre d’y essayer une tentative ; et, prétextant une incommodité qui me mit dans le cas de me retirer de bonne heure, je fus lestement me cacher sous le lit du délicieux objet de mes desirs, avec la ferme résolution de me fourrer dedans aussi-tôt que je l’y sentirais établi. Je n’avais pas pensé à l’extrême frayeur qu’une telle démarche allait causer à Sophie. On raisonne mal quand on bande bien : n’appercevant que mon seul objet, ce ne fut absolument que vers lui seul que se dirigèrent toutes mes actions, Sophie rentra ; je l’entendis qui priait Dieu. Je vous laisse à penser si je m’irritai de ces délais ; j’en maudissais l’objet avec autant de sincérité que je pourrais le faire aujourd’hui, où, plus éclairé sur ce chimérique Dieu, j’insulterais, je crois, celui que je verrais le prier de bon cœur.

Enfin, Sophie se couche : elle l’est à peine, que me voilà près de son chevet. Sophie s’évanouit ; je la presse sur mon sein ; et, plus occupé de l’examiner que de la secourir, j’ai le tems d’inventorier tous ses charmes avant que sa prudence puisse nuire à mes projets. Voilà donc ce qu’est une femme, dis-je en maniant la motte de Sophie ; eh ! qu’y a-t-il donc de beau là ? Ceci, continue-je en palpant les fesses, vaut infiniment mieux : mais rien n’est moins joli que ce devant ; et par quelle singulière contrariété la nature n’a-t-elle donc point enrichi de toutes ses grâces la partie du corps de la femme qui la différencie de nous ? car c’est-là, sans doute, ce que les hommes recherchent ; et que peut-on desirer où l’on ne trouve rien ? Est-ce cela qui les flatte, poursuivé-je en maniant les plus jolis tetons ? Je ne devine pas trop ce que ces deux boules, aussi gauchement placées sur la poitrine, peuvent avoir de bien piquant. Toutes réflexions faites, je ne vois que cela, ajouté-je en maniant le cul, qui soit vraiment digne de notre hommage, et, puisque nous en avons autant que les femmes, je ne comprends pas qu’il soit nécessaire de les rechercher avec autant de soin. Allons, c’est une chose très-ordinaire qu’une femme ; je suis fort aise de l’avoir parcourue sans enthousiasme… mon vit dresse pourtant en la considérant ; je sens que je m’amuserais de tout cela ; mais l’adorer comme on prétend que font les hommes… l’adorer… moi… Ma foi, non. Sophie, dis-je alors assez brusquement ; car, voilà le ton qu’on emploie avec les femmes, quand on sait les mettre à leur place ; réveilles-toi donc, Sophie ; es-tu folle d’avoir ainsi peur de moi ? Et comme elle reprenait ses sens : Ma sœur, continué-je, je ne viens point ici pour te faire du mal ; j’ai voulu regarder ton corps, je me suis satisfait : vois l’état où il me met ; appaise mes feux, quand je suis seul… tiens, regarde-moi, en deux tours de poignets… cela coule, et je suis tranquille. Mais, puisque nous voilà réunis, évite-moi cette peine, Sophie ; il me semble que j’aurai plus de plaisir quand, ta main fera la besogne ; et, sans autre forme de procès, je place mon vit entre ses doigts ; Sophie le serre, elle m’embrasse. Oh ! mon ami, me dit-elle, il est inutile de te le cacher, il y a long-tems que je combine, comme toi, la différence qui peut exister dans les sexes, et j’avais, sans oser te le dire, la plus grande envie de t’examiner ; la pudeur m’en a empêché ; ma mère ne cesse de me recommander d’être sage… vertueuse… modeste ; et, pour établir toutes ces vertus dans mon ame, elle vient de me mettre entre les mains du vicaire de la paroisse, homme dur… revêche, qui ne me parle jamais que de l’amour de Dieu, et de la retenue qui convient aux filles ; et d’après de tels sermons, mon ami, si tu n’avais pas fait les avances, je n’aurais osé te parler de rien. Sophie, dis-je alors à ma sœur, en m’établissant dans son lit, chair contre chair, je ne suis ni beaucoup plus âgé, ni beaucoup plus instruit que toi ; mais la nature m’en a dit assez, pour me convaincre que tous les cultes, tous les mystères religieux ne sont que d’exécrables absurdités. Vas, mon ange, il n’y a d’autres Dieux que le plaisir ; c’est à ses seuls autels que nous devons sacrifier. — Crois-tu, Jérôme ? — Oh ! oui, oui, c’est mon cœur qui me le dit, et c’est mon cœur qui te l’assure. — Mais, comment faut-il s’y prendre pour connaître ce plaisir ? — Se branler, tu le vois ; quand on a bien secoué cela, il en sort une liqueur blanche, qui nous fait pâmer d’aise ; à peine a-t-on fini, que l’on voudrait recommencer… Mais, pour toi, dès que tu n’as rien, je ne vois pas trop comment il faudrait s’y prendre. Tiens, Jérôme, répondit ma sœur, en plaçant une de mes mains sur son clitoris ; la nature m’a parlé comme à toi, et si tu veux chatouiller cette petite crète que tu vois se durcir et s’élever sous tes doigts ; si, dis-je, tu veux la remuer légèrement, pendant que je secouerai ce que tu me fais empoigner ; ou je me trompe fort, mon ami, ou nous aurons du plaisir tous deux.

À peine eus-je fait ce que desirait ma sœur, que je la vis s’étendre… soupirer, et la petite friponne m’inonda les doigts ; je me pressai de répondre à cet élan de volupté, et me courbant sur elle en baisant sa bouche, et me branlant moi-même, je la payai de la même monnoie. Ses cuisses, sa motte furent inondés de cette liqueur enchanteresse, dont l’écoulement me faisait goûter d’aussi doux plaisirs. Nous éprouvâmes après, cet instant de stupidité, suite nécessaire des crises libidineuses, qui prouve par sa langueur à quel puissant degré l’ame vient d’être fortement émue, et le besoin qu’elle a de repos. Mais, à l’âge que nous avions alors, les desirs sont bientôt rallumés. O Sophie ! dis-je à ma sœur, je crois que nous sommes encore bien ignorans ; sois sûre que ce n’est pas ainsi qu’il faut goûter ce plaisir ; nous oublions quelques circonstances apparemment méconnues de nous. Il faut être l’un sur l’autre, et puisque tu es creuse, et que quelque chose s’alonge dans moi, il faut absolument que ce qui s’élève, entre dans ce qui est profond ; il faut que tous deux s’agitent pendant cette jonction, et voilà, sois-en bien certaine, tout le mécanisme de la volupté. Je le crois comme toi, mon ami, me dit ma sœur ; mais j’ignore où est ce trou dans lequel il faut que tu pénètres. Si je ne me trompe, si je suis les inspirations que la nature me donne, ce doit être celui-là, répondis-je, en enfonçant un de mes doigts dans le trou du cul de Sophie. Eh bien ! essaie, dit ma sœur, je te laisserai faire si je n’en éprouve pas une trop grande douleur ; à peine ai-je le consentement de Sophie, que je l’établis sur le ventre au bord de son lit ; et bien maître de son derrière, me voilà promptement aux prises. Comme je n’étais pas encore extrêmement bien pourvu, le déchirement fut médiocre ; et Sophie qui brûlait d’envie d’en venir au fait, se prêta avec tant de soumission qu’elle fut bientôt enculée. Oh ! que j’ai souffert, me dit-elle, quand l’opération fut finie. Bon, répondis-je, c’est parce que c’est la première fois, je parirais bien qu’à la seconde tu n’éprouverais plus que du plaisir. Eh bien ! recommences, mon ami, je suis décidée à tout. Je la rencule, mon foutre coule, et Sophie décharge à son tour. Je ne sais si nous nous sommes trompés, dit ma sœur, je ne le puis croire à l’extrême plaisir que j’ai eu… Qu’en penses-tu Jérôme ? Mais ici la tête commençait à se démonter ; il n’y avait aucun amour dans mon fait, le desir purement physique de jouir de ma sœur était le seul mouvement qui m’eût agité ; et ce desir venait d’être cruellement refroidi par la jouissance. Il n’y avait plus d’enthousiasme dans l’examen que je faisais du corps de Sophie ; faut-il l’avouer ? Ces appas qui venaient de m’enflammer, ne m’inspiraient plus que du dégoût ? je répondis donc froidement à ma petite putain, que je n’imaginais pas que nous nous fussions trompés ; et que n’ayant suivi l’un et l’autre que les inspirations de la nature, il était impossible qu’elle eût voulu nous égarer ; que je croyais, au reste, qu’il était prudent de nous quitter ; qu’un plus long séjour dans sa chambre nous compromettrait sûrement, et que j’allais me remettre au lit ; Sophie voulait me retenir ; tu me laisses en feu, me dit-elle, je serai contrainte à m’appaiser seule. O Jérôme ! ne m’abandonnes point encore ; mais l’inconstant Jérôme avait déchargé trois fois, et quelque jolie que fût sa chère sœur, il lui fallait absolument un peu de repos, pour que l’illusion pût renaître.

L’engagement que j’ai pris de développer ici les plus secrets replis de mon cœur, ne me permet pas de vous taire mes réflexions : si-tot que je me vis seul, elles ne furent pas à l’avantage de l’objet qui venait d’éteindre mes feux. Plus de prestige, le charme était dissipé, et Sophie ne m’excitant plus, m’irritait dans un autre sens ; je rebandais, mais ce n’était plus pour fêter ses charmes, c’était pour les flétrir ; je dégradai Sophie dans mon imagination ; et passant insensiblement du mépris à la haine j’en étais au point de lui desirer du mal ; je suis fâché de ne lui avoir pas cherché querelle, me disais-je, désespéré de ne l’avoir pas battue ; il doit y avoir du plaisir à battre une femme quand on en a joui… mais je puis me dédommager de cette retenue… je puis lui faire de la peine ; je n’ai qu’à divulguer sa conduite, elle sera perdue de réputation ; ne pouvant jamais se marier, elle deviendra sans doute extrêmement malheureuse ; et cette affreuse idée, faut-il le dire, fit aussi-tôt jaillir mon foutre avec mille fois plus de volupté, que lorsqu’il s’écoulait dans le cul de Sophie.

Rempli de cet affreux projet, j’évitai ma sœur le lendemain, et fus confier toute mon aventure à un jeune cousin-germain, plus âgé que moi de deux ans, de la plus jolie figure du monde, et qui, pour me prouver l’effet de ma confidence, me fit à l’instant palper un vit très-dur et très-gros. Tu ne me dis rien que je n’aie éprouvé, me dit Alexandre, j’ai, comme toi, foutu ma sœur, et comme toi, je déteste aujourd’hui l’objet de mes luxures ; vas, mon ami, ce sentiment est bien naturel : il est impossible d’aimer ce que l’on a foutu ; veux-tu me croire ; mêlons nos jouissances et nos haines ; la plus grande marque de mépris que l’on puisse donner à une femme, est de la prostituer à un autre ; je te livre Henriette, elle est ta cousine-germaine, elle a quinze ans, tu sais comme elle est belle, fais-en ce que tu voudras, je ne te demande que ta sœur en retour ; et quand nous serons tous deux bien las de ces putains, nous aviserons aux moyens de leur faire pleurer long-tems leur coupable abandon et leur imbécille complaisance. Cette délicieuse coalition m’enchanta ; je saisis le vit de mon cousin, je le branle. Non, non, tourne-toi, me dit Alexandre, il faut que je te traite comme tu as traité ta sœur ; je présente les fesses, et me voilà foutu. Mon ami, me dit Alexandre, dès qu’il m’eut déchargé dans le derrière, voilà comme il faut agir avec les hommes ; mais, si tu t’en es tenu là avec ma cousine, assurément tu ne lui as pas fait tout ce que tu aurais pu lui faire ; non pas que cette manière de jouir d’une femme ne soit assurément la plus lubrique et par conséquent la meilleure ; mais il en est une autre, et tu dois la connaître : mets-moi promptement aux prises avec ta sœur, et je perfectionnerai les leçons dont il me semble que tu ne lui as donné que les premiers élémens.

Je savais que ma mère devait aller bientôt à une foire célèbre ; qu’elle laisserait pendant son voyage, Sophie sous la garde d’une gouvernante facile à séduire ; je prévins Alexandre de faire tout ce qui dépendrait de lui pour pouvoir disposer de sa sœur à la même époque. Il réussit : Henriette parut avec son frère, et Micheline, notre duegne, consentit à nous laisser goûter tous quatre, pourvu qu’à notre retour nous ne révélions pas qu’elle allait passer l’après-midi chez son amant.

Si mon cousin était l’un des plus beaux garçons qu’il fût possible de voir, Henriette, sa sœur, âgée, comme je vous l’ai dit, de quinze ans, pouvait également passer pour l’une des plus jolies filles de Lyon ; elle était blonde, d’une blancheur éblouissante, la couleur de la rose embellissait son teint, les plus belles dents ornaient sa bouche, et sa taille souple et flexible était déjà fort au-dessus de son âge.

À peine avais-je parlé à Sophie, je l’évitais depuis que j’en avais joui ; une fois déterminé, je lui déclarai que mon intention était qu’elle fît avec mon cousin tout ce qu’elle avait fait avec moi ; cette belle fille, continuai-je en montrant Henriette, sera le prix de votre obéissance ; jugez donc le chagrin que me feraient éprouver vos refus. Mais, mon ami, dit Henriette à son frère, vous ne m’avez point parlé de cet arrangement, je ne serais point venue si je l’eusse su. Allons donc, Henriette, tu veux faire la prude, dit Alexandre avec humeur : quelle différence y a-t-il entre mon cousin et moi ? Et pourquoi ferais-tu des difficultés pour lui accorder ce que j’ai reçu ? Ces demoiselles n’en feront point, dis-je, en lâchant moi-même le cordon des jupes de Sophie ; tiens, mon ami, reçois ma sœur de ma main, livres-moi la tienne, et ne nous occupons plus que de plaisirs ; des larmes coulèrent des yeux de nos deux novices ; elles s’approchent, elles s’embrassent ; mais Alexandre et moi les ayant assuré qu’il ne s’agit point ici de scènes de larmes, que c’est du foutre et non pas des pleurs qu’il nous faut, nous les déshabillons à l’instant, et nous nous les cédons mutuellement. Dieu ! comme Henriette était belle ! quelle peau ! quel embonpoint ! quelles ravissantes proportions ? Je ne concevais plus comment on pouvait bander pour Sophie, après avoir vu ma cousine ; j’étais dans le délire, et certes, Alexandre n’était pas moins enthousiasmé que moi en parcourant les beautés de ma sœur ; il la baisait, il la maniait par-tout, et la pauvre Sophie jetant des yeux humides sur moi, semblait me reprocher ma perfidie. Henriette se conduisait de même ; il était facile de voir que ces deux charmantes créatures n’avaient écouté que la voix du plaisir, en se livrant à leurs amoureux respectifs ; mais que la pudeur combattait violemment en elles la prostitution à laquelle on les forçait.

Allons, trève de pleurs, de regrets et de cérémonies, dit Alexandre ; mettons-nous à l’ouvrage, et tâchons que la plus lascive volupté préside aux jeux que nous allons célébrer tous quatre. Assurément ses vœux furent remplis, et rien d’aussi luxurieux que les orgies où nous nous livrâmes. Mon cousin foutit ma sœur deux fois en con et trois en cul. Il redressa mes idées sur la jouissance des femmes : j’essayai ; et l’épreuve ne servit qu’à me convaincre que, si la nature avait placé là l’autel de la génération, elle n’y avait pas réuni ceux du plaisir. M’appesantissant peu sur l’inconséquence, je ne pensai qu’à la venger par un hommage constant au Dieu que j’ai toujours servi, et que j’invoquerai sans cesse jusqu’au dernier jour de ma vie. Henriette fut donc beaucoup plus sodomisée qu’enconnée ; et j’assurai mon instituteur, que si, comme il le disait, l’espèce humaine ne se reproduisait que par le con, il fallait donc que la nature n’eût pas grand besoin de production, puisqu’elle affectait à ce travail celui de ses deux temples, dont le mérite était si médiocre.

Après nos inconstans hommages, Alexandre et moi revînmes à nos premiers plaisirs. Il jouit de sa sœur devant moi ; j’enculai la mienne à ses yeux ; nous nous fîmes branler ; nous nous sodomisâmes ; nous nous liâmes tous les quatre ; nous nous gamahuchâmes ; Alexandre m’apprit mille épisodes voluptueux, que j’étais trop jeune pour savoir encore, et nous finîmes par un repas splendide. Nos jeunes maîtresses, parfaitement remises, et maintenant très-apprivoisées, se livrèrent aux plaisirs de la bonne chère avec autant de délices qu’à ceux de la luxure, et nous ne nous quittâmes qu’avec les plus certaines promesses de recommencer bientôt. Nous tînmes si bien parole, et si souvent, que le ventre de nos donzelles gonfla. Malgré mes précautions et mes infidélités en faveur du cul de ma cousine, il fut démontré que l’enfant dont Henriette accoucha, m’appartenait : c’était une fille, à laquelle vous verrez jouer un rôle dans le cours de cette histoire. Ce double accident, que nous ne parvînmes à cacher qu’avec infiniment d’art, acheva de nous refroidir sur nos princesses. Eh bien ! me dit Alexandre, quelques mois après, penses-tu toujours de même sur le compte de ta sœur ? C’est plus cruellement que jamais, répondis-je, que je conçois le ferme projet de me venger de l’illusion où ses attraits ont pu me jeter ; je la vois comme un monstre en horreur à mes yeux ; mais, si tu l’aimes, cela va me retenir ? Qui ? moi, dit Alexandre, moi, chérir une femme, après l’avoir foutue ! ne t’ai-je donc pas dévoilé mon cœur ? sois sûr qu’il ressemble au tien ; convaincs-toi bien que ces deux filles sont maintenant abhorrées par moi, et que, si tu le veux, nous ne nous occuperons que de les perdre. Faisons-en le serment, répondis-je, et que rien ne l’enfreigne jamais. Il est fait, me dit Alexandre ; mais quel moyen allons-nous employer ? Le mien est sûr, dis-je ; laisse-toi surprendre avec ma sœur par ma mère ; je connais sa sévérité, elle deviendra furieuse, et Sophie est perdue. — Comment, perdue ? — Elle la mettra au couvent, — La belle punition ! oh ! je veux mieux que cela pour Henriette. — Et, jusqu’où veux-tu porter ta rage ? — Je veux qu’elle soit déshonorée, flétrie, ruinée sans ressource ; je veux qu’elle mandie son pain à ma porte, et jouir du plaisir de lui en refuser. Bon ! dis-je à mon ami ; en ce cas, j’avais bien raison de penser que je l’emporterais sur toi… Mais, silence, je ne puis rien expliquer maintenant ; convenons d’agir chacun de notre côté, et nous nous rendrons compte de nos opérations ; celui des deux qui l’emportera recevra de l’autre une discrétion, le veux-tu ? J’accepte, me dit Alexandre ; mais il faut en jouir de nouveau, avant que de les travailler, et comme ma mère était encore absente, nous arrangeâmes la dernière entrevue où s’était passé la première. Nous nous livrâmes cette fois à bien plus de libertinage, que nous ne l’avions fait jusqu’alors, et nous finîmes par insulter grièvement les anciennes idoles de nos cultes. Nous les liâmes ventre contre ventre, et les fustigeâmes toutes deux près d’un quart-d’heure en cette posture ; nous les souffletâmes, nous leur imposâmes des pénitences ; en un mot, nous les avilîmes au point de leur cracher au visage et de leur chier sur la gorge, de leur pisser dans la bouche et dans le con, tout en les accablant d’injures et de sarcasmes. Elles pleurèrent, nous en rîmes ; nous ne voulûmes pas qu’elles mangeassent avec nous cette fois ; elles nous servirent nues ; et, les ayant fait r’habiller, nous prîmes congé d’elles, à grands coups de pieds au cul. Ah ! combien les femmes deviendraient plus modestes, si elles pouvaient sentir dans quelle dépendance leur libertinage les met[1].

Comme nous nous étions promis d’agir chacun de notre côté, sans nous rien dire, je perdis Alexandre de vue pendant près de six semaines, et profitai de cet intervalle pour dresser contre l’infortunée Sophie les batteries dont vous allez voir les effets. Ma sœur, naturellement très-ardente, céda avec autant de facilité aux instigations d’un autre de mes amis, qu’elle s’était rendue à mon cousin, et ce fut avec cet ami que je la fis surprendre. Je ne vous peins point la fureur de ma mère, elle fut extrême. Préviens cette sévérité, dis-je à Sophie ; hâtes-toi, tu es enfermée, si tu ne la devances ; débarrasses-toi de ce monstre ; oses attenter aux jours de cet incommode argus, je t’en fournirai les moyens. Sophie, troublée, hésite, et finit par céder. Je prépare la fatale boisson ; ma sœur la fait prendre à sa mère, elle expire. Oh ! juste ciel, m’écriai-je alors en accourant avec le plus grand bruit… ma mère, que vous arrive-t-il ?… C’est Sophie… c’est ce monstre que votre juste indignation menaça, et qui se venge de vos équitables rigueurs, je veux qu’elle porte la peine de son crime… il m’est connu, il m’est dévoilé. Qu’on arrête Sophie ; qu’on s’assure de ce lâche instrument d’un parricide affreux ; il faut qu’elle périsse, il faut du sang aux mânes de ma mère. Et, en disant cela, je dépose, aux mains d’un commissaire accouru, le poison trouvé dans la chambre de ma sœur, et enveloppé dans son propre linge. Peut-il y avoir du doute maintenant, monsieur, continué-je en m’adressant à l’homme de justice ? le crime n’est-il pas avéré ? Il est affreux pour moi de dénoncer ma sœur ; mais je préfère sa mort à son déshonneur, et ne balance point entre la cessation de son existence et les suites dangereuses de l’impunité. Faites votre devoir, monsieur ; je serai le plus malheureux des hommes, mais je n’aurai pas au moins à me reprocher le crime de ce monstre. Sophie, confondue, me lance d’affreux regards… elle veut parler ; la rage, la douleur et le désespoir rendent ses efforts inutiles ; elle s’évanouit, on l’emporte… La procédure eut son cours ; je parus, j’appuyai, je démontrai mes déclarations. Sophie voulut récriminer, m’indiquer comme auteur de ce fatal projet. Ma mère, qui respirait encore, prit ma défense, et devint elle-même l’accusatrice de Sophie ; elle dévoile sa conduite ; en faut-il davantage pour éclairer l’opinion des juges ! Sophie est condamnée. Je vole chez Alexandre ; eh bien ! lui dis-je, où en es-tu ? — Vous allez le voir, monsieur l’homme de bien, me répond Alexandre ; n’avez-vous pas entendu parler d’une fille qui doit être pendue ce soir, pour avoir voulu empoisonner sa mère ? — Oui ; mais cette fille est ma sœur ; c’est celle dont tu as joui, et ces complots sont mon ouvrage. — Tu te trompes, Jérôme, c’est la mienne. — Scélérat, dis-je en sautant au cou de mon ami, je vois que, sans nous rien dire, nous avons agi par les mêmes moyens ; est-il rien au monde qui prouve mieux combien nous sommes faits l’un pour l’autre ?… Volons ; la foule s’assemble ; nos sœurs vont arriver aux pieds de l’échafaud ; allons jouir de leurs derniers instans. Nous louons une croisée ; à peine y sommes-nous, que nos victimes s’approchent. O Thémis ! m’écrié-je, que tu es aimable de servir ainsi nos passions. Alexandre bandait, je le branle ; il me rend le même service ; et nos lunettes, braquées sur le cou pris de nos deux putains, nous nous arrosons mutuellement les cuisses de foutre, au même instant où les tristes jouets de notre scélératesse expirent par nos soins de la plus cruelle des morts. Voilà, me dit Alexandre, de véritables plaisirs ; je n’en connais pas au monde de plus vifs. Oui, dis-je. Ah ! si pourtant il en faut de tels à notre âge, qu’inventerons-nous donc, quand les passions éteintes rendront les stimulans plus nécessaires ? Ce que nous pourrons, me dit Alexandre ; mais, dans l’incertain espoir d’exister, n’ayons pas la folie de ménager nos plaisirs, ce serait une extravagance. Et ta mère vit-elle, demandé-je à mon cousin ? — Non. — Eh bien, dis-je, tu es donc moins heureux que moi ; la mienne respire, et je vais la finir. J’y cours, j’exécute ; c’est de mes propres mains que j’achève le crime. Et ce double forfait me fit passer la nuit dans un océan de lubricités solitaires, mille fois supérieures à celles que le libertinage se permet au sein des plus doux objets de son culte.

Notre commerce ayant assez mal tourné dans les dernières années de la vie de ma mère, je résolus de réaliser le peu que j’avais : ce fut l’affaire de trois à quatre ans pour me mettre absolument en règle. Je me déterminai ensuite à voyager ; je laissai en pension la fille que j’avais eu de ma cousine, avec l’intention de la sacrifier un jour à mes plaisirs, et je partis. L’éducation que j’avais reçue me mettant à même de prendre le métier d’instituteur, quoique bien jeune encore, j’entrai à Dijon avec cette qualité près du fils et de la fille d’un conseiller au parlement.

La profession que j’embrassais flattait beaucoup ma lubricité ; je ne voyais déjà pour moi que des victimes de cette passion dans les sujets qui m’allaient être donnés. Oh ! quelles délices, me disais-je, d’abuser, comme je vais le faire, et de la confiance des pareils, et de la crédulité des élèves ! Quelle pâture pour ce sentiment interne de méchanceté qui me dévore, et qui me porte à me venger de la plus cruelle manière des faveurs que je dérobe ou que j’obtiens volontairement. Pressons-nous d’endosser le manteau de la philosophie ; il sera bientôt pour moi celui de tous les vices. Et c’était à vingt ans que je raisonnais ainsi.

Moldane, était le nom du robin chez lequel je me présentais : il ne tarda pas à me donner toute sa confiance. Il s’agissait d’élever ensemble un jeune homme de quinze ans, qui se nommait Sulpice, et la sœur de ce jeune homme, nommée Joséphine, qui n’avait encore que treize ans. C’est sans exagération que je puis vous assurer, mes amis, n’avoir vu de mes jours rien d’aussi joli que ces enfans. D’abord la gouvernante de Joséphine présidait aux leçons ; peu après, cette précaution parut inutile, et les deux charmans objets de mes ardens desirs me furent abandonnés sans réserve.

Le jeune Sulpice, que j’étudiais avec attention, me laissa bientôt appercevoir deux côtés faibles en lui ; d’abord un tempéramment de feu, secondement, un amour excessif pour sa sœur. Bon, me dis-je, dès que j’eus découvert ces deux points, me voilà bientôt sûr du succès. O doux jeune homme ! j’avais envie d’allumer en toi le flambeau des passions, et ton aimable naïveté me découvre aussi-tôt la mèche.

Dès le commencement du second mois de mon séjour chez monsieur de Moldane, je préparai mes premières attaques : un baiser sur la bouche, une main dans la culotte décidèrent aussi-tôt mon triomphe, Sulpice bandait comme un lutin, et au quatrième mouvement de mes doigts, le fripon m’arrosa de foutre ; je retourne aussi-tôt la médaille. Dieu ! quel cul ! c’était celui de l’amour même ; que de blancheur… quel étroit… que de fermeté ! je le dévore de caresses, et me remets à sucer son charmant petit vit, afin de lui rendre les forces nécessaires à soutenir de nouvelles attaques. Sulpice rebande ; je le couche à plat-ventre, j’humecte avec ma bouche le trou que je veux enfiler ; et dans trois tours de reins, me voilà dans son cul : quelques contorsions m’apprennent mon triomphe, et des flots de semence, élancés au fond du derrière de mon charmant élève, le couronnent bientôt. Incroyablement électrisé par les ardens baisers dont je couvre, en foutant, la bouche fraîche et délicieuse de mon joli bardache, par le sperme dont il m’arrose les mains à toutes minutes, je redouble, et, quatre fois de suite, mon vigoureux engin laisse au fond de son cul les preuves non équivoques de ma passion pour lui. Qui le croirait ! et quelles incroyables dispositions ! à l’exemple de l’écolier de Pergame, Sulpice se plaint de ma faiblesse. Eh quoi ! dit-il, nous en restons-là ? Pour le moment, répondis-je ; mais tranquillises-toi, mon amour, je vais t’excéder cette nuit. Nous couchons dans la même chambre, personne ne nous surveille ; qu’un même lit nous reçoive tous deux ; et là, je te donnerai, j’espère, des preuves de ma vigueur, dont il sera difficile que tu te plaignes.

Elle arrive cette nuit desirée ; mais, ô Sulpice ! j’avais déjà joui de toi, le bandeau s’arrachait, et je vous ai suffisamment dévoilé mon caractère, pour vous faire comprendre qu’avec la chûte de l’illusion s’allumait dans mon cœur un nouveau genre de desir que la méchanceté seule pouvait assouvir. Je fis des efforts de vigueur ; Sulpice fut foutu dix coups ; il me le rendit cinq, m’arrosa sept autres fois et la bouche et le ventre de son voluptueux sperme, et me laissa le lendemain matin dans des sentimens qui n’avaient pas, il s’en faut, sa félicité pour objet.

Cependant la prudence suspendait encore mes desseins ; je ne possédais que la moitié de ma conquête ; et, pour y joindre Joséphine, j’avais besoin d’employer Sulpice. Quelques jours après nos orgies, je lui parlai de ses affaires de cœur. Hélas ! me répondit-il, je desire infiniment la jouissance de cette charmante fille ; mais la timidité m’enchaîne, et je n’ose lui rien témoigner. Cette timidité, répondis-je, n’est qu’un enfantillage ; il n’y a pas plus de mal à desirer la jouissance de votre sœur que celle d’une autre femme : au contraire, il y en a moins, sans doute ; plus nous avons de liens avec un objet, plus nous devons le soumettre à nos passions ; il n’est de sacré dans le monde que leur organe ; il n’est de crime qu’à leur résister. Je suis persuadé que votre sœur est pénétrée pour vous des mêmes sentimens dont vous brûlez pour elle ; déclarez hardiment les vôtres, et vous la verrez y répondre : mais il faut précipiter l’aventure ; ce n’est qu’ainsi que l’on réussit : qui ménage une femme, la manque ; qui la brusque, est sûr de la vaincre : gardez-vous bien de leur donner jamais le tems de la réflexion. Je ne crains pour vous qu’une chose, c’est l’amour : quand on lui ressemble aussi bien, il est facile de l’imiter. Vous êtes un homme perdu, si vous vous amusez à la métaphysique. Souvenez-vous qu’une femme n’est pas faite pour être aimée ; ce n’est pas avec autant de défauts qu’elle aurait le droit d’y prétendre : uniquement créée pour nos plaisirs, ce n’est que pour y satisfaire qu’elle respire. Voilà le seul rapport sous lequel vous deviez envisager votre sœur : foutez-là donc, je vous y exhorte, et vous proteste de vous aider en tout ce qui dépendra de moi : plus de retenue, plus d’enfance ; la vertu perd un joli homme ; le vice seul l’embellit et lui sert.

Sulpice, enhardi par mes conseils, me promit de travailler sérieusement ; dès le même jour, je lui en fis naître l’occasion ; j’appris bientôt que rien n’avait été plus heureux que ses premières tentatives, mais que, toujours timide, il n’en avait pas su profiter. On l’aimait, c’est tout ce qu’il avait su, et quelques baisers sur la bouche en avaient été l’heureux sceau. Je grondai vivement Sulpice de son impardonnable nonchalance. Mon ami, me dit-il, j’irais plus vîte avec un individu de mon sexe ; mais ces maudits jupons m’en imposent. Apprécies-les donc mieux, mon enfant, dis-je à ce charmant jeune homme ; cet emblème d’un sexe faux, faible et méprisable, n’est fait que pour constater encore mieux l’avilissement dans lequel tout honnête homme doit le tenir. Trousse ces jupons qui t’effarouchent, et quand tu auras joui, tu apprécieras mieux ce qu’ils cachent ; mais ne te trompes pas, continué-je, envieux de me conserver les roses sodomites du délicieux cul que je supposais à Joséphine, souviens-toi que c’est entre les cuisses et non pas dans les fesses que la nature a placé le temple où l’hommage d’un homme doit être présenté chez les femmes ; tu éprouveras d’abord un peu de résistance ; qu’elle ne serve qu’à t’enflammer mieux ; pousses, presses, déchires, et tu triompheras bientôt. Le lendemain j’appris, avec une véritable satisfaction, que l’opération était faite, et que dans les jolis bras de son frère la plus belle des filles venait enfin d’être mise au rang des femmes. Sulpice, loin d’éprouver cette satiété dont les effets étaient si violens dans moi, n’était devenu par la jouissance que mille fois plus amoureux ; et comme la jalousie me parut s’en mêler, je vis qu’il ne me restait plus d’autre moyen pour atteindre au but que celui de la ruse et de la perfidie ; je me pressai ; mon élève pouvait recevoir de son imagination les conseils d’une jouissance dont je voulais cueillir les prémices, et je ne lui aurais jamais pardonné : les rendez-vous avaient lieu dans un cabinet assez près de ma chambre pour qu’au moyen d’une ouverture pratiquée dans la cloison j’en pusse discerner les détails ; je me gardai bien de prévenir Sulpice ; il se serait peut-être composé, et je voulais prendre la nature sur le fait. Quelle ardeur ! quel tempéramment d’une part ! que de grâces ! que de fraîcheur ! que de beautés de l’autre ! Oh ! Michel-Ange, tels auraient dû être tes modèles, quand ton pinceau savant nous peignit l’Amour et Psyché, Vous jugez de ma situation ; je n’ai pas besoin de vous la détailler. Ce n’était pas à mon âge que l’on pouvait voir un tel spectacle de sang-froid ; mon vit était dans un tel état, qu’il frappait seul contre la cloison, comme pour marquer le désespoir où le mettaient les digues qu’on opposait à ses desirs : ne voulant pas le laisser languir long-tems, je guète dès le lendemain le moment le plus chaud d’une séance qui se renouvelait tous les jours ; j’entre précipitamment : Joséphine, dis-je à ma jeune élève presqu’évanouie de frayeur, voilà une conduite qui vous perd ; il est de mon devoir d’en prévenir vos parens, et je le fais à l’instant même, si vous ne consentez l’un et l’autre à me mettre en tiers dans vos plaisirs. Méchant homme, me dit en courroux le pauvre Sulpice, tenant à la main son vit tout inondé du sperme dont il venait de faire jaillir les flots dans le con-vierge de sa jolie maîtresse, n’as-tu donc pas toi-même ourdi les pièges où tu veux nous prendre aujourd’hui ? ce qui se passe n’est-il pas le résultat de tes perfides séductions ? Ah ! dis-je effrontément, je vous défie de le prouver ; je serais indigne de la confiance de vos parens, si j’avais jamais pu vous donner de tels conseils. — Mais n’en es-tu pas indigne à-présent, rien que par les propositions que tu nous fais ? — Sulpice, que j’aie des torts ou non, ceux que je découvre ici n’en sont pas moins réels, et l’extrême différence qui se trouve entre ceux que vous me prêtez et les vôtres, c’est que les faits constateront ceux dont vous vous souillez, et que jamais vous ne pourrez prouver les miens. Mais, croyez-moi, terminons une digression qui s’arrange mal avec la violence des desirs que votre tête-à-tête vient d’allumer en moi ; donnons-nous tous également des torts, et nous n’aurons plus rien à nous reprocher. Vous voyez quels sont mes droits ; je vous surprends, je serai cru ; vous ne pouvez alléguer que des mots, j’aurai des faits à présenter, et sans attendre la réponse de Sulpice, je commence à m’emparer de Joséphine, qui, après quelques résistances vaincues par mes menaces, m’abandonne son charmant petit cul, et c’est en vérité tout ce que j’en veux. J’étends cette jolie petite fille sur le corps nu de son frère, qui, la saisissant dans ses bras, lui introduit son petit engin dans le con, et glissant le mien dans le cul de la pucelle parfaitement présenté par l’attitude, je lui cause des douleurs si violentes, qu’elle oublie le plaisir où veut la plonger son amant ; elle n’y tient pas, je la déchire ; elle se retourne, et de la secousse fait sortir mon engin du gîte ; elle saignait, rien ne m’épouvante ; ce n’est pas un vit comme le mien que la commisération désarme ; je la reprends au vol, je la refixe sur l’outil de Sulpice toujours prêt à la renclouer ; je lui redarde mon vit au derrière ; ma main, cette fois, fixe ses hanches ; je lui frappe les fesses à grands coups de poing dans la colère où ses résistances me mettent, je l’injurie, je la menace, je la déprise ; elle est enculée jusqu’aux gardes ; je l’aurais assommée plutôt que de lui faire grace ; il me fallait son cul ou sa vie : attends-moi, Sulpice, m’écriai-je, ne déchargeons qu’ensemble, mon ami, inondons-là de toutes parts ; je voudrais, pendant qu’elle fout ainsi, qu’elle en eut un autre dans la bouche, afin de se mieux pénétrer du plaisir incroyable d’être inondée de sperme dans toutes les parties de son corps. Mais Sulpice qui, malgré les douleurs de Joséphine, la voit décharger dans ses bras, Sulpice ne peut plus se tenir, il perd son foutre, je l’imite, et nous voilà tous les trois heureux.

De nouvelles scènes recommencent bientôt ; le pucelage que je desire est pris ; je n’y attache plus de mérite ; j’abandonne à Sulpice la rose effeuillée ; je lui fais enculer Joséphine, et conduis moi-même l’outil, afin qu’il ne s’égare pas ; je lui rends ce qu’il fait à sa sœur, et nous voilà tous trois à foutre en cul comme de vrais enfans de Sodome ; nous déchargeons deux fois sans quitter la posture, lorsqu’une manie ridicule de con vient s’emparer de mes sens. Je supposais celui de Joséphine très-étroit ; il n’avait jamais été perforé que par un membre fort inférieur au mien ; je l’enfile, et veux que mon élève m’encule pendant ce tems-la. On n’a pas d’idée de la manière énergique dont ma petite putain déchargeait ; je la sentis trois fois se pâmer dans mes bras, pendant que je dévorais sa bouche ; je l’inonde, je reçois de la semence, et, tous trois épuisés, nous retombons sans mouvement sur un canapé, auprès duquel, par mes soins, une ample colation nous restaure bientôt. Nous n’avions plus la force de foutre ; mais il nous restait celle de nous sucer. J’exige ce service de Joséphine ; et, pendant que sa jolie bouche me savoure, mes lèvres pressent le vit énervé de Sulpice ; je maniais les deux culs par la posture que j’avais choisie ; mon élève socratisait le mien ; sa sœur chatouillait les couilles ; j’obtiens du foutre, j’en donne, Joséphine décharge encore une fois, et, vivement pressés par l’heure, nous nous séparons, en nous promettant bien de recommencer incessamment une scène, dont mes novices me pardonnent enfin l’invention.

Je fus assez heureux pour masquer un an cette double intrigue, pendant laquelle il ne fut pas de jour pu nous ne célébrassions nos sacrifices. Enfin le dégoût se fit sentir, et avec lui le desir de toutes les perfidies, qui, chez moi, l’accompagnait ordinairement ; je n’avais d’autre moyen de satisfaire à cet écart de ma cruelle imagination, que de dénoncer à M. de Moldane la conduite secrète de ses enfans. Je prévoyais bien les dangers d’une récrimination ; mais ma tête, fertile en scélératesses, me fournirait, j’en étais sûr, tous les moyens de la combattre. Je préviens Moldane ; Dieu ! quelle est ma surprise de le voir sourire à cette nouvelle, au lieu de s’en courroucer ! Mon ami, me dit le robin, je suis très-philosophe sur toutes ces fadaises-là ; sois bien certain que, si j’étais aussi ferme en morale que tu m’as supposé, j’aurais pris sur toi des informations un peu plus sévères que je ne l’ai fait ; ton âge même, ainsi que tu dois facilement le concevoir, t’aurait seul écarté du poste où tu prétendais. Viens, Jérôme, poursuivit Moldane en m’attirant dans un cabinet délicieusement orné de tout ce que la lubricité peut inventer de plus luxurieux, viens te donner un échantillon de mes mœurs. Le coquin, en disant cela, lâche la ceinture de ma culotte, et, prenant mon vit d’une main et mon cul de l’autre, le brave père de mes deux élèves me persuade bientôt que ce n’est pas à son tribunal que je dois porter mes plaintes sur l’immoralité de ses enfans. Tu les as donc vu se foutre, mon ami, poursuit Moldane en me dardant sa langue dans la bouche, et ce spectacle t’a fait frémir d’horreur ! eh bien, je te jure qu’il m’inspirerait, à moi, un bien autre sentiment ; et, pour t’en persuader, je te prie de me procurer ce délicieux tableau, le plutôt que tu pourras. Mais, en attendant, Jérôme, il faut que je te prouve, d’une manière plus authentique encore, que mon libertinage égale au moins celui de mes enfans. Et l’aimable conseiller, me courbant sur son canapé, m’examine long-tems le derrière, le baise avec luxure, et m’encule vigoureusement. À toi, Jérôme, me dit-il dès qu’il a fini ; tiens, voilà mon cul, mets-le moi. Je lui rends ce que je viens d’en recevoir ; et le paillard, termine la scène, en m’exhortant à laisser à mes élèves toute la liberté qu’ils desirent, pour satisfaire aux intentions de la nature sur eux. Les gêner sur ce point, poursuit-il, serait une cruauté dont nous devons être tous deux incapables, ils ne font aucun mal, pourquoi donc les contraindre ! Mais, dis-je alors à cet homme singulier, si j’avais les mêmes penchans à la lubricité, vous excuseriez donc, dans moi, les excès où je pourrais me livrer avec ces enfans ? N’en doutes pas, me dit Moldane, je n’aurais demandé que ta confiance et les prémices ; je t’avoue même que je croyais la chose faite ; je suis fâché que la rigueur de tes plaintes me prouve le contraire. Plus de pédantisme, mon cher, je t’y exhorte ; tu as du tempérament, je le vois ; livres-toi avec mes enfans à tout ce qu’ils t’inspirent, et procures-moi, dès demain, les moyens de les surprendre ensemble.

Je satisfis Moldane ; je le plaçai au trou que j’avais fait pour moi, en lui faisant croire que je venais de le pratiquer pour lui : le paillard s’y met pendant que je le fouts ; la scène fut délicieuse ; son imagination s’en alluma tellement, que le coquin déchargea deux fois. Je n’ai rien vu d’aussi divin, me dit-il en se retirant ; je n’y peux plus tenir, il faut absolument que je jouisse de ces deux beaux enfans ; préviens-les, Jérôme, que demain je veux me mêler à eux, afin d’exécuter tous quatre les plus voluptueuses postures. En vérité, monsieur, dis-je, en affectant une légère dose de pruderie que je crus nécessaire aux circonstances, je n’aurais jamais pensé que l’instituteur de vos enfans devint l’individu chargé par vous de les flétrir et de les démoraliser. Voilà, me dit Moldane, comme tu saisis mal le véritable sens du mot morale. La vraie morale, mon ami, ne saurait s’écarter de la nature ; c’est dans la nature qu’est le seul principe de tous les préceptes moraux ; or, comme c’est elle qui nous inspire tous nos écarts, il ne saurait y en avoir un seul d’immoral : s’il y a des êtres dans le monde dont la jouissance et les prémices me soient dévolus, je crois que ce sont bien ceux qui tiennent l’existence de moi. Eh bien, monsieur, dis-je en variant tout de suite mes idées, et ne renonçant momentanément à mes projets de vengeance que pour les rendre plus délicieux, oui, vous serez satisfait demain, vos enfans seront prévenus, et nous pourrons nous livrer tous deux dans leurs bras à tout ce que le libertinage peut avoir de plus piquant au monde. Je tins parole ; Sulpice et Joséphine, un peu surpris de ce que je leur annonçais, promirent néanmoins la condescendance la plus entière aux fantaisies de leur papa, le plus profond secret sur tout ce qui s’était passé entre nous, et la plus belle de toutes les journées vint éclairer la plus délicieuse des scènes.

Le local en était le cabinet voluptueux dans lequel Moldane m’avait introduit déjà ; une très-jolie gouvernante de dix-huit ans, attachée depuis trois semaines à Joséphine, qui me parut dans la confidence et dans les bonnes grâces de Moldane, devait faire le service des bacchanales projettées. Elle ne sera pas de trop, me dit le conseiller ; tu vois comme elle est jolie, et je te la garantis aussi libertine qu’aimable. Tiens, poursuivit Moldane en troussant Victoire par derrière, vois, mon ami, s’il est possible de trouver un plus divin cul ! Il est beau, dis-je en le maniant ; mais je me flatte qu’après avoir vu ceux de vos deux jolis enfans, ce ne sera plus à celui-ci que vous accorderez la préférence. Cela pourra bien être, me répondit Moldane ; mais en attendant, je t’avoue que j’aime beaucoup celui-là ; et il le baisait… le gamahuchait de tout son cœur. Allons, Jérôme, me dit-il enfin, vas chercher nos victimes, et amènes-les-moi nues. Suis Jérôme, Victoire ; vas présider à cette toilette ; je vais, en vous attendant, me pénétrer des idées lubriques dont l’exécution doit embellir la scène… Je vais faire des projets, et nous exécuterons.

Victoire et moi, nous passâmes chez les enfans ; ils nous attendaient. Des gazes, des rubans et des fleurs furent les seules parures dont nous les couvrîmes : Victoire se chargea du garçon, moi de la fille ; nous entrâmes ; Moldane, sur un canapé entouré de glaces, nous attendait en se branlant. Tenez, monsieur, lui dis-je, voilà des objets dignes de votre luxure ; soumettez-les-y sans pudeur ; qu’il ne soit pas une seule recherche libertine que vous ne mettiez en usage avec eux ; songez qu’ils sont trop heureux que vous les jugiez dignes de vous occuper un moment, et que c’est avec la soumission la plus complette, la plus profonde résignation qu’ils se disposent à vous satisfaire. Moldane n’y était plus : sa respiration était pressée, il balbutiait, il écumait de luxure. Faites-moi détailler tout cela, Jérôme, me dit-il ; et vous, Victoire, venez branler mon vit, et que vos fesses soient toujours dans mes mains. Je commence par Sulpice ; je l’approche de son père, qui ne peut se rassasier de le baiser, de le manier, de le sucer, d’accabler son vit et son cul des plus tendres caresses. Joséphine succède ; elle est reçue avec le même enthousiasme, et les saturnales commencent.

Moldane, au premier acte, voulut que son fils enconnât Joséphine en levrette, étendue sur un canapé : sa fille, ainsi foutue, devait lui sucer le vit ; il branlait d’une main mon membre, de l’autre l’anus de Victoire.

Au second, Sulpice encula sa sœur, je foutis Sulpice, et Moldane enconna sa fille, pendant que Victoire, accroupie sur lui, faisait baiser son joli cul.

Au troisième, Moldane me fit enconner sa fille, il l’encula, et Sulpice enculait Victoire sous nos yeux.

Dans le quatrième, j’enconnais Victoire, Moldane l’encula, son fils le foutait, et Joséphine, élevée sur nos épaules, faisait baiser et gamahucher à-la-fois, son con à moi, son derrière à Moldane.

Au cinquième, Moldane encula son fils, en baisant les fesses de Victoire ; je sodomisai sa fille sous ses yeux.

Au sixième, nous nous enchaînâmes tous ; Moldane enculait sa fille, j’enculais Moldane, Sulpice me foutait, et Victoire, armée d’un godmiché, sodomisait Sulpice ;

N’ayant plus la force de bander au septième, nous nous suçâmes. Moldane était sucé par son fils ; je suçais le jeune homme ; Joséphine me suçait de tems en tems, je baisais

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ses fesses, et Victoire gamahuchait la charmante fille de Moldane, qui, par sa position, présentait son cul à baiser au maître ingénieux de ces voluptueuses orgies. Nous déchargeâmes encore tous pour la septième fois. Un goûter somptueux fut servi ; et nos forces rendues, nous essayâmes encore quelques attitudes.

Moldane voulut nous réunir tous sur lui ; il encula sa fille, son fils le foutit, il gamahuchait Victoire, je suçais ses couilles. Des cris plus douloureux que lascifs annoncèrent sa défaite ; il déchargea le sang : on fut obligé de l’emporter. Mon ami, me dit-il en sortant, je te laisse le maître de tout ; si, plus heureux que moi, la nature t’accorde de nouvelles forces, achèves de les perdre avec ces trois charmantes créatures : tu me conteras demain tes plaisirs. Victoire me faisait encore bandailler ; j’étais moins rassasié d’elle que des autres ; je l’enculai, foutu par Sulpice, et baisant le trou du cul de Joséphine : j’en restai là ; j’étais excédé.

Dès que le foutre revint bouillonner dans mes veines, je caressai mes anciens projets. Pardieu, me dis-je, je ne me serais jamais attendu à rencontrer un pareil père. De long-tems, avec un tel homme, je ne réussirai à me venger des plaisirs que ses deux enfans m’ont donnés. Je voulais les perdre ; et, loin de les entourer de cyprès, je les ai couronné de myrthes. Eh bien, continué-je, essayons, avec l’épouse de Moldane, ce qui n’a pu me réussir près de lui, et ne renonçons jamais sur-tout au rôle de traître qui me donne autant de plaisir.

Madame de Moldane, âgée de quarante ans, est une femme honnête, respectable, pleine de religion et de vertus ; je lui dévoilerai les odieux déréglemens de son époux et de ses enfans ; j’en exigerai d’elle à-la-fois et le secret, et la justice, et je réussirai sans doute… Il est pourtant un de ces individus que je ne voudrais pas perdre… Joséphine, non par amour, oh non, ce sentiment n’est pas fait pour approcher d’un cœur comme le mien ; mais Joséphine peut m’être nécessaire : je veux voyager, je la mènerai avec moi ; je ferai des dupes avec elle, et je m’enrichirai de nos communes friponneries. Bien vu, Jérôme, bien vu ; la nature t’a gratifié, Dieu merci, de tout ce qu’il faut pour être un excellent coquin : remplissons ses vues, agissons.

Plein de ces idées, je vais trouver madame de Moldane ; et, après lui avoir demandé le plus profond silence sur les choses que j’ai à lui dire, j’arrache le voile, et lui raconte tout. J’ai été contraint de prêter mon ministère à toutes ces horreurs, madame, poursuivis-je ; j’étais menacé des peines les plus cruelles, si je n’obéissais : votre époux abusait de son crédit pour me forger les fers ; ma vie même était menacée, si je m’avisais de vous prévenir. Oh ! madame, mettez ordre à cela ; l’honneur, la nature, la religion, la vertu vous en font un devoir sacré. Retirez vos enfans du précipice où les désordres de leur père sont prêts à les plonger : vous le devez au monde, à Dieu, à vous-même ; tout retard deviendrait un crime.

Madame de Moldane, confondue, me supplie de la mettre à même de se convaincre, par ses propres yeux, des infamies dont je lui fais part : cela ne fut pas difficile. J’engage, quelques jours après, monsieur de Moldane à mettre le lieu de la scène dans la chambre de ses enfans ; je place son épouse au trou qui m’avait servi, qui avait servi à Moldane même ; et cette malheureuse femme put incessamment se convaincre de toutes les vérités que je lui avais dites. Une migraine m’avait dispensé d’être de la partie. La sévérité de mœurs que j’affichais fut donc conservée toute entière aux yeux de l’épouse infortunée, qui ne vit de coupables que son mari et la gouvernante de ses enfans. Voilà des horreurs, monsieur, me dit-elle dès qu’elle eut vu le commencement… que je voudrais les avoir ignorées ! Ces paroles, sans que madame de Moldane s’en doutât, me dévoilèrent la tournure de son esprit. Il ne m’en fallut pas davantage pour voir que c’était une femme timide, incapable de servir à la réussite de mes projets ; et ces réflexions me portèrent à changer aussi-tôt de batteries. Un moment, madame, interrompis-je brusquement ; souffrez que j’aille dire un mot à votre mari ; il craint l’arrivée d’un importun, je vais le rassurer sur cette visite ; et, libre de ses actions, vous allez voir tout ce qu’il va se permettre. Je sors. Mon ami, dis-je à Moldane en le tirant dans un cabinet voisin, nous sommes découverts ; vengeons-nous promptement ; votre femme, agitée de quelques soupçons sans doute, est entrée furtivement dans ma chambre, dont j’avais pourtant la clef dans ma poche ; elle a écouté ; elle a apperçu la fente que vous connaissez ; JustineT2p311 elle y avait les yeux lorsque j’ai paru. Jérôme, m’a-t-elle dit, taisez-vous, ou je vous perds. De grâce, Moldane, ne faiblissez pas, et prenons un parti violent ; cette femme peut être dangereuse ; hâtons-nous de la prévenir.

Je ne m’appercevais pas à quel point mon récit enflammait Moldane ; il bandait quand j’étais venu le troubler ; l’irritation du fluide nerval embrâse aussi-tôt la bile ; l’incendie devient général ; et c’est le vit en l’air que Moldane, furieux, se précipite sur la cloison, l’enfonce, se jette sur sa femme, la traîne au milieu de la chambre, et, sous les yeux de ses enfans, lui enfonce vingt coups de couteau dans le cœur. Mais Moldane, qui n’avait que la colère du scélérat, et non son énergie, s’effarouche de ce qu’il vient de faire : les cris, les larmes des jeunes créatures qui l’entourent achèvent de le troubler : je crus qu’il allait devenir fou. Sortez, lui dis-je, vous êtes un lâche ; vous frémissez de la seule action qui assure votre bonheur et votre tranquillité ; que vos enfans vous suivent, que vos valets ignorent tout ; dites dans la maison que votre femme vient de se retirer près d’une amie, chez laquelle des soins l’appellent pour quelques jours ; Victoire et moi, nous nous chargeons du reste. Moldane, égaré, sort, ses enfans le suivent, et nous nous disposons à mettre ordre à tout.

Faut-il vous l’avouer, mes amis ?… Oui, sans doute, c’est de mon cœur tout entier dont vous desirez le développement ; je ne dois vous en rien cacher. Un feu subtil s’alluma dans mes veines à la vue de ce corps, dont je venais de causer l’anéantissement : l’étincelle d’un caprice inconcevable, où vous me verrez bientôt livré plus amplement, s’alluma dans mon cœur, en considérant cette malheureuse encore belle. Victoire m’offrait, en la déshabillant, les plus belles chairs qu’il fût possible de voir ; je bandai… Je veux la foutre, dis-je à la gouvernante de mes élèves. — Mais elle n’éprouvera plus rien, monsieur. — Que m’importe, sont-ce les sensations de l’objet qui me sert que je desire ! Non, certes : l’inertie de ce cadavre ne rendra les miennes que plus vives. N’est-ce pas d’ailleurs mon ouvrage ; en faut-il plus pour rendre délicieuse la jouissance que je projette… et je me disposais… mais l’ardeur de mes desirs effrénés trompa mes desseins ; trop d’impétuosité me perdit ; j’eus promptement recours à la main de Victoire qui fit éjaculer un sperme que je ne pouvais plus contenir ; elle en inonda les chairs inanimées de la belle épouse de mon patron. Nous reprîmes les soins qui nous occupaient ; à force d’eau nous enlevâmes les trâces du sang dont la chambre était inondée, et nous cachâmes le corps dans une banquette de fleurs qui régnait le long d’une terrasse, voisine de mon appartement. Le lendemain Moldane reçut une lettre supposée, par laquelle l’amie de sa femme l’avertissait que cette digne épouse venait de tomber malade chez elle, et qu’elle demandait Victoire pour la soigner ; celle-ci disparut, bien payée, promit le secret, et tint parole. Au bout de huit à dix jours la prétendue maladie de madame de Moldane eut l’air de devenir si grave, qu’il paraissait impossible de pouvoir la transporter chez elle ; Victoire nous donnait des nouvelles ; Moldane et ses enfans étaient censés y aller passer des journées presqu’entières ; enfin, la digne épouse expira ; nous portâmes le deuil. Mais Moldane n’avait ni la fermeté qui convient aux grands crimes, ni l’esprit nécessaire à calmer les remords ; en déplorant son forfait, il en détesta la cause, il ne retoucha plus ses enfans, et me supplia de les faire revenir des erreurs où nos égaremens venaient de les plonger. J’eus, comme vous l’imaginez bien, l’air d’approuver et de me charger de tout.

Je vis alors que pour en venir à mon but, je devais encore changer mes moyens : je m’emparai de l’esprit de Sulpice ; je lui représentai toute l’horreur du crime de son père. Un pareil monstre, lui dis-je, est capable de tout : ô mon ami ! poursuivis-je avec chaleur, tes jours même ne sont pas en sûreté ; je sais que dans ce moment-ci, seulement occupé d’anéantir les traces de son crime, il a fait enfermer Victoire… qu’il complotte contre ta propre liberté, et que pour mieux tout étouffer encore, quand il te tiendra dans quatre murs, il t’empoisonnera, ainsi que ta sœur… Fuyons, Sulpice, prévenons les nouveaux forfaits de cet homme féroce ; mais qu’il tombe avant sous nos coups : si son action était découverte, il serait proscrit par les loix ; leur glaive s’appesantirait sur lui ; soyons aussi justes qu’elles ; délivrons la terre de cet infâme coquin ; personne ne le sert que toi ; devenu farouche et sauvage, tout autre soin que les tiens lui deviennent suspects ; il croit voire le poignard de la vengeance dans les mains de tous ceux qui l’approchent ; saisis toi-même cette arme ; frappes-en le coupable ; satisfais les mânes de ta mère ; elles sont là ; elles voltigent au-dessus de ta tête ; et les cris déchirans de la victime se feront entendre, aussi long-tems que le sacrifice expiatoire ne sera pas présenté par tes mains… Mon ami, je te regarde toi-même, comme un monstre, si tu balances une minute ; celui qui n’ose punir le crime quand il le peut, est aussi coupable à mes yeux, que celui qui se le permet. Dans l’impossibilité d’une dénonciation qui ne serait pas reçue, il ne te reste d’autre parti à prendre que d’agir toi-même ; presses-toi donc, te dis-je, ou tu n’es pas digne de vivre.

Quelques jours de pareilles insinuations enflammèrent bientôt la tête de ce jeune homme : je lui présente des poisons, il les saisit avec avidité ; et le nouveau Seïde se couvre bientôt du plus affreux forfait, en croyant servir la vertu.

Ne restant plus que des collatéreaux très-éloignés, on établit un conseil de tutelle, dont je sus tellement gagner la confiance, que je fus nommé gardien des effets, et maintenu dans l’éducation des enfans ; employé dans les affaires de la maison, toutes les sommes me passèrent par les mains ; ce fut alors que je conçus l’exécution du dénouement de mon projet.

Je crus que, pour y réussir, je n’avais pas d’autre parti à prendre, que d’employer sur l’esprit de Joséphine, les mêmes moyens qui m’avaient aussi bien servi pour décider Sulpice à se débarrasser de son père. Vous n’avez plus, dis-je à cette jolie petite innocente… non, il ne vous reste plus pour être heureuse, d’autre parti à prendre, que de vous débarasser de votre frère ; je sais que dans ce moment-ci il complotte contre vous ; et, qu’à dessein d’hériter seul de tout le bien, il propose de vous faire mettre pour le reste de vos jours dans un couvent. Il est tems de dévoiler à vos yeux, Joséphine, toute l’atrocité de ce personnage : lui seul est la cause de la mort de votre père et de votre mère ; lui seul a ourdi ces affreux complots ; lui seul en exécuta une partie ; vous serez bientôt sa victime aussi ; vous êtes morte sous huit jours, s’il ne réussit pas à vous faire enfermer pour la vie… Faut-il vous dire plus ? il m’a déjà demandé où se vendaient les venins qui peuvent abréger les jours d’un individu quelconque. Vous sentez bien que je ne le lui apprendrai pas ; mais il peut s’adresser à d’autres : prenons les devans, il faut se venger de ceux qui trament contre nous ; et il n’est certainement aucun mal à les prévenir ; ce poison que Sulpice demande, je vous l’offre, Joséphine ; vous sentez-vous la force d’en faire usage ? Oui, me dit mon élève, en déployant à mes yeux infiniment plus de caractère que je ne lui en aurais jamais supposé, je crois tout ce que tu me dis, Jérôme ; de certains propos de Sulpice me prouvent que tu as raison, quand tu le crois l’auteur de la mort de mon père, et je veux venger cette mort, Mais, Jérôme, faut-il l’avouer ! Je t’aime, et ne prendrai jamais d’autre époux que toi ; tu as la confiance de nos tuteurs, demandes-moi en mariage, je t’appuyerai ; si l’on te refuse, emportons le plus d’argent que nous pourrons, et allons nous marier en Suisse ; songes que ce n’est qu’à cette condition que j’accepte le crime que tu me proposes. Elle flattait trop mes projets, pour que je ne l’acceptasse pas sur-le-champ. Dès que Joséphine fut sûre de moi, elle agit ; ce fut l’histoire d’un déjeûner : elle servit elle-même du chocolat à son frère, dans lequel elle eut soin de jeter deux gros de napel que je lui avais donné. Sulpice creva le lendemain au milieu d’affreuses convulsions, que Joséphine observa beaucoup plus courageusement que je ne l’aurais cru ; la friponne ne quitta le chevet du lit de son frère, que quand elle l’eut vu rendre l’ame.

O Jérôme ! m’écriai-je alors à part moi, ton triomphe est donc sûr ? et tes perfides séductions viennent de porter enfin le trouble et la désolation dans la famille entière de ton unique ami, de ton seul protecteur. Du courage, Jérôme, ne restons pas en chemin quand il s’agit d’être criminel ; il est à jamais perdu celui qui ne parcourt pas jusqu’au bout la carrière du vice, une fois qu’il y est entré. Je passai toute la nuit avec Joséphine ; la scélératesse dont elle venait de se couvrir, Lui rendait à mes yeux tous les attraits qu’une longue jouissance lui avait fait perdre. Deux jours après je lui persuadai que je l’avais effectivement demandé en mariage, mais que l’extrême disproportion de nos rangs et de nos fortunes n’avait occasionné que des refus. Eh bien ! me dit Joséphine, partons ; car mes projets ne changeront pas ; je ne veux que toi pour mon époux ; je ne veux vivre que pour toi seul au monde. Ce que tu proposes est facile, dis-je à cette pauvre dupe : voici une remise de cent mille écus, dont le conseil de tutelle vient de me charger pour acquérir une terre qui t’est destinée ; emportons cet argent et disparaissons. Je suis à toi, me dit Joséphine ; mais permets que je t’impose une condition. — Quelle est-elle ? — Que tu n’oublieras jamais les sacrifices que je te fais… que de tes jours tu ne m’abandonneras. — Et vous comprenez, mes amis, de quel ton de fausseté je dus prononcer des sermens que j’avais si peu d’envie de tenir.

Nous disparûmes : le septième jour de notre voyage nous atteignîmes Bordeaux, où je crus que nous pouvions séjourner quelque tems, avant que de passer en Espagne, pays que Joséphine choisissait pour se mettre à couvert et y consommer notre hymen, La saison devenant mauvaise, et prévoyant que nous ne pourrions guères franchir les monts avant le printems, ma compagne me proposa de terminer où nous étions. Mon ange, répondis-je à la chère innocente, la cérémonie que tu me proposes, me paraît fort inutile : il conviendrait, ce me semble, infiniment mieux à la prospérité de nos affaires, que nous passassions pour frère et pour sœur que pour époux ; nous aimons tous deux la dépense, et ce ne sera pas avec cent mille écus que nous pourrons subsister long-tems ; il faut que je te prostitue, Joséphine ; il faut que ce soient tes charmes qui nous fassent vivre, — Oh ! mon ami, quel affreux projet ! — C’est le seul raisonnable à suivre ; c’est pour l’exécution de ce seul projet que j’ai consenti à t’enlever ; l’amour est une chimère, mon enfant ; il n’y a de réel que l’or ; il en faut gagner à tel prix que ce puisse être. — Et voilà donc les sentiments que tu m’avais juré ! — Connais-moi, Joséphine, il est tems ; sache que celui de l’amour n’approcha jamais de mon cœur ; je jouis des femmes, mais je les méprise ; je fais plus, je les déteste aussi-tôt que ma passion est assouvie ; je les tolère dans ma société quand elles sont utiles à ma fortune, jamais quand elles ne visent qu’au sentiment. N’en exiges donc pas davantage, et rapportes-t-en à moi du soin de te nourrir ; j’ai de la fausseté, du manège, de l’intrigue ; je veux te faire voler d’aventures en aventures, et te rendre par mes conseils la putain la plus célèbre qu’on ait jamais vu dans le monde. — Moi, devenir putain ! — N’as-tu pas été celle de ton père, de ton frère… n’as-tu pas été la mienne ? En vérité ta pudeur serait ici bien déplacée. Mais de profonds soupirs et des flots de larmes interceptèrent les douloureuses expressions que voulait proférer Joséphine ; son accès de désespoir fut affreux, et quand elle me vit assez prononcé dans mon opinion pour ne pouvoir plus se flatter de m’en faire revenir, la malheureuse, qui ne perdait pas au moins par cet arrangement l’espoir d’être toujours auprès de moi… de moi qu’elle avait la folie d’aimer encore, consentit à tout, et nous nous établîmes en raison de ce divin projet.

Oui, divin, j’ose le dire ; en existe-t-il d’aussi agréable que celui d’assurer sa subsistance et son luxe sur la bonne-foi et la crédulité des autres ? il n’y a ni ouragan, ni dévastation à craindre dans des biens de cette nature, et l’imbécillité des hommes, en tous les tems la même, assure à celui qui compte sur elle, des trésors que ne lui rapporteraient même pas les mines du Pérou. Je me sentais les meilleures dispositions à bien conduire cette nouvelle barque ; Joséphine avait tout ce qu’il fallait pour en tenir le gouvernail, et nous nous lançâmes.

Une maison délicieuse, beaucoup de valets, de chevaux, un excellent cuisinier, tout l’attirail, en un mot, de gens riches, nous amena bientôt des dupes. Un vieux négociant juif, aussi connu par ses richesses que par sa luxure, fut le premier qui se présenta : Joséphine lui fit beau jeu, et le marché fut promptement conclu ; mais le Crésus avait des fantaisies et comme il donnait dix mille francs par mois pour les satisfaire, il exigeait de la soumission.

Voici quelle était la manie du brave descendant de Saül :

Abraham Pexoto voulait que deux jolies filles qu’il avait attaché au service de Joséphine la branlassent sous ses yeux dans un boudoir de glace, en lui faisant prendre pendant la séance huit ou dix attitudes différentes ; en face de l’opération, Pexoto se faisait polluer par deux charmans bardaches : au bout d’une heure de cette première scène, les gitons enculaient les femmes-de-chambre, et Pexoto enculait les gitons. Suffisamment excité par ces préliminaires, sa maîtresse s’étendait tout de son long par-terre, comme si elle eut été morte ; on attachait le Juif par les mains et par le vit ; les deux garçons le promenaient ainsi deux ou trois fois tout autour du corps, en criant : « Elle est morte, la garce, elle est morte, c’est toi qui l’as tuée », et les deux filles le suivaient à grands coups de verges. Alors le cousin-germain de Jésus-Christ s’arrêtait un moment : « Eh bien, disait-il, relevez-là donc, puisqu’elle est morte ». On posait le corps toujours immobile sur le bord d’un canapé. Le Juif enculait ; et pendant qu’il travaillait à perdre son sperme dans l’anus de la prétendue morte, il fallait, pour hâter l’émission, que les deux petits Ganimèdes, en faisant baiser leurs culs, ne cessassent de crier : « Eh, oui, oui, elle est morte, il n’y a plus de secours », et que les deux suivantes continuassent de déchirer, à coups de verges, le maigrelet fessier du lépreux.

Sur l’exposé de la fantaisie de cet homme, Joséphine versa quelques larmes ; mais quand je lui eus représenté qu’elle était bienheureuse d’en être quitte à si bon marché, et que dans le métier qu’elle entreprenait il y avait souvent bien d’autres assauts que celui-là ; que 120 mille livres de rente annexées d’ailleurs à cette complaisance valaient bien la peine de s’y prêter : elle se soumit à tout. Pexoto amena lui-même les deux gîtons et les deux soubrettes ; il en payait le logement et la nourriture à part, et dès le lendemain le patron s’installa. Reconnu pour être le frère de Joséphine, il n’eut aucune jalousie, et pendant plus d’un an nous menâmes, aux dépens d’Abraham, la vie du monde la moins Israélite.

Au bout de cet intervalle, Joséphine crut s’appercevoir que son amant n’avait plus pour elle le même enthousiasme. Prévenons la satiété, m’écriai-je aussi-tôt. ; puisqu’on ne peut plus compter sur Pexoto, tirons-en au moins ce que nous pourrons. Je savais que le Juif, qui avait en moi une sorte de confiance, venait de recevoir en billets de caisse un paiement de 1500 mille livres ; j’arrangeai les choses de manière qu’il ne trouvât point Joséphine à la maison au moment où il était accoutumé de s’en servir. Où est ta sœur, Jérôme, me dit-il, en ne la voyant pas ? Monsieur, lui répondis-je, un gros sujet de chagrin vient de la conduire à l’instant chez vous ; elle a recommandé que si vous arriviez pendant ce tems-là, on vous servît de même à souper, et qu’elle reviendrait à l’instant. Mais, monsieur, la cause de son chagrin est bien vive ; elle était bien pressée de vous voir et de vous parler ; ne vous rencontrant pas, je crains bien qu’elle ne se porte à quelque action de désespoir. Voles-y, me dit Abraham, ne perds pas une minute ; si c’est de l’argent qu’il lui faut, voilà un blanc-seing sur mon caissier ; fais-y mettre la somme qui lui sera nécessaire 20, 30 mille francs, ne te gênes pas, mon ami ; je sais que tu es raisonnable, et qu’il te serait impossible d’abuser de ma confiance. — Oh ! monsieur. — Pars, mon ami, dis-lui que je soupe et que je l’attends sans faute au dessert.

Tout était préparé, sans que le cher homme s’en doutât, la maison louée, les meubles vendus, les valets congédiés, et le souper qu’on lui servait était le dernier qu’il devait recevoir de nous. Une chaise de poste nous attendait aux Chartrons[2] ; Joséphine était dans cette voiture, et le coup une fois fait, nous disparaissions de Bordeaux. J’arrive chez le Juif ; je parle aux commis, dont je suis parfaitement connu. Le correspondant de monsieur Abraham, leur dis-je, est chez nous ; il demande sur-le-champ les fonds qu’il remit hier à votre patron ; voilà un blanc-sein, remettez-moi, je vous prie, le porte-feuille sur-le-champ. Ah ! dit le premier commis, je sais ce que c’est ; on m’avait prévenu qu’il y aurait quelque changement dans cette affaire, mais j’ignorais que la conférence dût se passer chez vous. Tenez, voilà ce qu’il demande, je vais mettre seulement au-dessus de la signature : « Remettez à M. Jérôme le porte-feuille reçu hier ». N’est-ce pas cela ? — Assurément. — Bien votre valet, M. Jérôme. — Votre serviteur, M. Isaac, et me voilà dans la voiture.

Nous marchâmes huit jours sans arrêter ; et ce ne fut que sur les bords du Rhin, que, nous croyant en sûreté, nous descendîmes, excédés, dans une mauvaise auberge, pour nous y reposer quelque tems. Eh bien ! mon ange, dis-je à Joséphine en venant de vérifier la somme ; tu vois comme nos coups d’essais réussissent ; du courage, de l’effronterie, et nous serons bientôt à notre aise. Cette route est celle de Berlin ; c’est un bon pays que la Prusse ; un roi philosophe y règne ; volons-y ; il vaut autant escroquer des barons allemands que des Juifs gascons ; et de quelque part que nous vienne l’argent, quand il est pris, on peut être sûr qu’il porte bonheur. Ce ne sera pas, me dit Joséphine, quand tu le mangeras aussi vîte que nous le gagnons. — Qu’ai-je eu, moi, de tout ce profit ? à peine quelques robes et quelques bijoux ; tu as dissipé le reste avec des gueuses et des bardaches ; tes luxures, tes désordres en tout genre, ont été aussi énormes que tes escroqueries ; tu jouissais d’une telle réputation, qu’à supposer même que cette aventure ne nous eût pas contraint à quitter Bordeaux, la police nous en eût bientôt expulsé ; tu ne t’es pas contenté de prendre des filles de bonne volonté ; tu en as battues, violées, molestées, et peut-être pis… — Pis ? Ma foi, je le croirais, dis-je à Joséphine : poursuis, mon cœur ; continues mon panégyrique ; il est, ce me semble, très-parfaitement dans ta bouche. — C’est qu’il est affreux… — Ah ! graces, je t’en supplie ; je ne t’ai pas pris pour me faire des mercuriales, mais pour servir mon avarice, ma luxure et mes fantaisies ; ne perds jamais de vue l’autorité que tes crimes me donnent sur toi ; songes qu’en dénonçant ces crimes, je puis te faire pendre demain ; songes qu’en t’abandonnant à ton propre sort, en ne t’éclairant plus de mes conseils, devenue une petite racrocheuse à ving-quatre sous, tu périrais bientôt de misère ; continues donc, Joséphine, d’être, avec soumission, et la complice et l’instrument de mes forfaits, et souviens-toi que j’ai toujours deux pistolets dans ma poche pour te brûler la cervelle, à la première désobéissance. — O Jérôme ! je me croyais aimée de toi ; est-ce-là ce que tu m’avais promis en me séduisant ? — Moi, de l’amour pour une femme ! je te l’ai déjà dit mille fois, ma fille ; tu te tromperais, si tu me soupçonnais une telle faiblesse. À l’égard des moyens que j’ai employé pour te séduire, ce sont ceux de tous les suborneurs ; il faut tromper la bête qu’on veut prendre, et ce n’est pas pour rien qu’on graisse l’hameçon. Joséphine pleura, et je ne la consolai point. Il n’y a personne au monde qui soit endurci comme moi aux jérémiades des femmes ; je m’en amuse souvent, et ne les partage jamais. Cependant, comme je bandais très-ferme, que la route m’avait prodigieusement échauffé, et qu’il n’y avait rien là qui pût appaiser mes feux, je fis faire volte-face à ma compagne de route, et lui campai le vit dans le derrière, où je le promenai, jusqu’à ce qu’il eût eu le tems d’y lancer deux ou trois décharges.

Je déculais à peine, que nous entendîmes de grands coups de fouet dans l’auberge, qui nous annoncèrent l’arrivée d’un courrier : j’ouvre la porte. Il est ici, il est ici, entends-je crier ; nous en sommes sûrs ; nous le suivons depuis Bordeaux. À ce discours, Joséphine pensa s’évanouir ; pour moi, calme, comme je le fus toute ma vie dans le crime, je me contentai d’amorcer de frais ; puis, descendant, un de mes pistolets à la main ; l’ami, dis-je au courrier, est-ce moi, par hasard, que tu cherches ? — Oui, scélérat, me répond aussi-tôt le même Isaac qui m’avait remis le porte-feuille de Pexoto ; oui, fripon, oui, c’est toi… toi, que je vais faire arrêter à l’instant. — Imposteur exécrable, répondis-je alors avec fermeté ; essayes de l’entreprendre ; patron, poursuivis-je en m’adressant à l’hôtellier ; qu’on aille me chercher le juge du lieu, pour que je lui porte, à mon tour, toutes les plaintes que j’ai à faire contre ce drôle-là. Isaac interdit d’une contenance à laquelle il était loin de s’attendre ; Isaac qui, se confiant en ses propres forces, parce qu’il avait raison, et que j’avais tort, n’avait pris aucune précaution pour me prouver mon crime, point d’ordres, point de procédures, point d’exempt, Isaac, dis-je, changea de visage, et s’assit tranquillement au près du feu, en disant nous allons voir. Le juge arrive ; monsieur, dis-je en prenant le premier la parole, voilà un fripon qui me doit cent mille écus ; il est, comme moi, négociant à Bordeaux ; lorsque j’ai été pour recevoir mes fonds, en lui disant le besoin que j’en avais pour le voyage que j’entreprends, il m’a refusé, je l’ai poursuivi, il s’est déclaré banqueroutier, j’ai réuni mes autres fonds, je suis parti. À peine ce scélérat-ci m’a-t-il su hors de la ville, qu’il a publié que les fonds que j’emportais occasionnaient sa chûte, qu’une partie de ces fonds n’était même pas à moi, que je les escroquais, et il lui a pris, en raison de cela, fantaisie de me poursuivre ; il arrive avec ce projet ; mais, ventre-Dieu, je vous le déclare, monsieur le juge, il aura ma vie avant mon argent. — Qu’avez-vous à répondre à cela, monsieur, dit l’homme de loi à Isaac ? — Je réponds, dit le Juif tout troublé de mon effronterie, que vous avez affaire au plus adroit filou qu’il y ait en Europe ; mais j’ai tort ; je suis parti comme un étourdi ; je n’ai pris nulles précautions ; c’est ma faute, je repars : n’importe, que le coquin soit sûr de n’y rien gagner ; je vais me munir de ce qu’il faut, et, une fois en règle, qu’il se tienne pour bien certain que je le poursuivrai jusqu’au fond des enfers ; adieu. — Oh que non, double fils de putain, dis-je en saisissant Isaac au colet ; oh que non, tu ne repartiras pas ainsi ; puisque je te tiens, il faut que je tire de toi mon argent, ou au moins ce que tu as sur toi. — Cela est juste, dit le Salomon qui présidait à cette scène ; monsieur dit que vous lui devez cent mille écus ; il faut le payer. — L’infâme calomniateur ! dit Isaac en se mordant les lèvres, peut-on porter l’effronterie plus loin. — Petit neveu de Moïse, m’écrié-je, j’ai moins d’audace que vous ; je ne demande que ce qui m’est dû, et vous osez réclamer ici ce qui ne vous appartint jamais. Isaac fut généralement condamné. Obligé de vider ses poches, j’en tirai cinquante mille francs, et des lettres-de-change sur Berlin, pour les deux cent cinquante mille livres que je réclamais encore. Je payai largement le juge, l’hôtellier, les accolites ; et, faisant mettre aussi-tôt les chevaux, nous nous éloignâmes, Joséphine et moi, d’une auberge, ou nous étions loin d’espérer une aussi lucrative aventure.

Eh bien, me dit Joséphine, dès que nous commençâmes à galopper, je gage que je n’aurai pas encore un sou de cette prise-là ? c’est pourtant mon cul qui t’a valu cette bonne fortune ; tu en sortais, quand cet imbécille est venu se prendre au piége qu’il essayait de te tendre. — Eh ! répondis-je à ma prétendue sœur, ne t’ai-je pas toujours dit que le cul portait bonheur ? si malheureusement j’eusse enfilé ton con, j’étais pris. — Enfin, qu’aurai-je ? — Dix mille francs. — Quelle somme ! — Et quelle dépense as-tu donc à faire, Joséphine ? des chiffons ; moi, des culs, des vits ; ah ! Joséphine, quelle différence !

Ces propos, et quelques autres semblables, nous arrivèrent à Paderborn, où nous parvînmes, sans avoir descendu nulle part, depuis notre rencontre avec Isaac.

La foire de Léipsik attirant beaucoup de voyageurs sur ces routes, nous trouvâmes les auberges si pleines à Paderborn, que nous fûmes obligés de partager une chambre avec un riche négociant de Hambourg, qui se rendait avec son épouse à la célèbre foire dont je viens de parler. Kolmark était le nom de ce marchand, dont la femme, âgée d’environ vingt ans, était la plus jolie créature qu’il fut possible de rencontrer au monde ; et, je l’avoue, cette délicieuse personne m’échauffa, pour le moins, autant la tête, qu’une cassette très-volumineuse que je leur vis enfermer avec soin dans une des armoires de notre chambre. Le desir de m’approprier l’un et l’autre objet, devint tellement vif en moi, que je n’en fermai pas l’œil de la nuit. À raison d’une réparation à leur voiture, ces deux personnages devaient séjourner dans l’auberge, et, pour les suivre un peu de près, je prétextai quelques affaires, qui devaient également me retenir un jour à Paderborn. De ce moment, il devenait clair que, puisque nous avions trente-six heures à être réunis, il fallait nécessairement faire connaissance. Joséphine, prévenue par moi, devint bientôt l’amie de sa compagne ; on déjeuna ensemble ; on y dîna ; le soir on fut au spectacle ; et c’est au souper du retour que j’eus soin de préparer le piége dans lequel je voulais faire tomber l’une et l’autre victime. Kolmark avait fait les frais du dîner ; il était juste que ceux du souper nous regardassent ce motif me fit quitter la comédie de bonne heure, et j’arrivai seul à l’auberge, sous le prétexte de tout ordonner. Obligé d’aller prendre à l’extrémité de la ville, un ami avec lequel je pars cette nuit pour Berlin, dis-je aux gens de la maison, je vais faire charger ma voiture tout de suite, et l’envoyer m’attendre chez mon compagnon de voyage. Cette précaution paraît toute simple ; tous mes bagages se portent à la voiture ; je n’oublie pas d’y faire mettre bien enveloppée, la cassette, qu’au moyen d’un passe-par-tout, je retire facilement de l’armoire où elle était serrée. Vas, dis-je au postillon, dès que tout est prêt ; vas m’attendre à la porte de Berlin ; j’y conduirai ma femme et mon ami ; cela sera plus simple que d’arrêter près de sa maison ; tu pourras du moins boire en nous attendant ; un cabaret se trouve à cette porte, et il n’en est point à la sienne. Tout s’arrange ; et ma voiture quittait à peine l’hôtellerie, quand Joséphine et nos deux dupes y rentraient. Le plus grand souper fut servi ; mais j’avais eu le soin de mêler aux jattes de fruits, déjà placées sur un buffet, une dose de stramonium, assez forte pour plonger dans le plus profond sommeil ceux qui goûteraient du mets où je l’avais amalgamée. Tout réussit à miracle ; à peine Kolmark et sa femme ont-ils tâté de ce fruit fatal, qu’ils tombent dans une telle léthargie, qu’on peut leur faire tout ce qu’on veut, et les remuer de toute manière, sans qu’ils puissent s’en appercevoir. Tiens-toi prête, dis-je à Joséphine, dès que je les vis dans cet état ; tout est dehors ; la voiture nous attend ; j’ai la cassette ; prête-moi la main pour foutre cette femme, dont la tête me tourne ; achevons ensuite de leur voler et porte-feuilles et bijoux ; puis décampons avec autant de silence que de mystère et de promptitude. J’approche de la Kolmark ; j’ai beau la trousser, lui presser les tetons, rien ne la réveille. Rassuré par cet état de stupeur, plus violent que je ne l’aurais soupçonné, je deviens très-entreprenant ; Joséphine et moi nous la mettons nue ; Dieu ! quel corps ! c’était celui de Vénus même. O Joséphine ! m’écrié-je, jamais un crime ne me fit mieux bander que celui-là ! mais il faut que je le perfectionne ; je ne suis pas assez sûr de ma drogue, pour ne pas craindre leur réveil ; il faut que je les foute tous les deux, et que je les tue en les foutant. Je commence par la femme ; je l’enconne d’abord, je l’encule ensuite… pas un mouvement… pas l’ombre d’une sensation ; je lui remplis l’anus de foutre, et passe au mari. Kolmark, qui n’avait que trente ans, m’offrit un cul d’albâtre ; je le quitte, après quelques allées et venues, pour me r’engloutir dans celui de la femme ; et, pendant que j’y suis, cette fois, je fais placer sur elle le corps de l’époux, et sur ce corps, les trois matelas de l’un des lits ; Joséphine qui, par mon ordre, cabriole sur les matelas, les a bientôt étouffé fous les deux ; et je jouissais, et j’éprouvais, dans le cul de la femme, l’inconcevable volupté qui existe à procurer une mort violente à l’objet qui sert nos plaisirs. On n’imagine pas à quel point la contraction des nerfs de la victime sert la lubricité de l’agent ! ô mes amis ! taisons ce secret ; il ne serait pas un seul libertin, s’il était connu, qui n’assassinât sa jouissance. L’opération terminée, nous plaçons avec soin les corps chacun dans leur lit ; et nous étant emparé des montres, des porte-feuilles et des bijoux, nous descendons, nous traversons l’auberge, dont personne n’est surpris de nous voir partir, parce que j’avais prévenu de tout. Vous laisserez dormir monsieur et madame de Kolmark, disons-nous en passant ; ils vous prient de n’entrer chez eux qu’à midi ; votre excellent souper, votre bon vin, tout cela leur a porté à la tête, et ils veulent se reposer long-tems ; nous en ferions sûrement de même, sans les affaires qui nous chassent. Et cela dit, les dépenses, les valets, largement payés, nous nous retirons comblés des politesses de tout le monde, et volons d’une traite à Berlin, sans nous arrêter davantage. Ce ne fut que dans cette capitale de la Prusse, où nous reconnûmes que la cassette, remplie de pierreries, et les autres effets dérobés, s’élevaient à plus de deux millions. O Joséphine ! m’écrié-je en vérifiant cette agréable prise, ne t’ai-je pas toujours dit qu’un crime assurait l’autre, et que le plus heureux des hommes sera toujours celui qui saura le plus en commettre ?

Nous prîmes à Berlin le même établissement qu’à Bordeaux, et je m’y fis de même passer pour le frère de Joséphine.

Cette créature, qui devenait chaque jour plus belle, ne tarda pas à faire des conquêtes ; et comme elle était pénétrée de la nécessité de ne se fixer qu’à celles qui devaient rapporter beaucoup, le premier homme qu’elle tâcha de captiver fut le prince Henri, frère du roi[3]. Il est bien peu de gens qui ne connaissent, au moins de réputation, l’esprit, la gentillesse et le libertinage de cet aimable prince. Henri, plus amateur des hommes que des femmes, ne se fixait jamais qu’à celles dont il croyait pouvoir tirer des secours dans les égaremens qu’il chérissait. Bel ange, dit-il à Joséphine il faut, avant de nous lier, que je vous explique mes passions ; elles sont aussi vives que singulières. Je dois vous prévenir d’abord que je fêterai peu dans vous les attraits de votre sexe ; jamais je ne me sers de femmes, je les imite, mais je les déteste. Voici donc quelle sera votre conduite pour servir ma lubricité. Je vous ferai connaître beaucoup d’hommes ; vous attaquerez tous ceux que je vous présenterai. Voilà, poursuivit le prince en remettant à Joséphine un godemiché de treize pouces de long, sur neuf de tour, voilà la taille que j’emploie ; quand vous me découvrirez des vits de cette tournure, vous me les fournirez. Une fois, à l’opération, vous serez revêtue d’une simarre, couleur de chair, qui ne laissera paraître que votre cul, le reste sera impénétrable à mes yeux ; vous préparerez les vits qui m’entreront dans le derrière, vous les y insinuerez vous-même, vous exciterez l’homme pendant qu’il agira, et, pour remercîmens, lorsque j’aurai été bien foutu, je vous ferai tenir par ces mêmes hommes, et vous appliquerai quatre cents coups de fouet. Ce ne sera pas tout, ma belle amie ; il faudra que vos féminins appas soient soumis à de plus grandes profanations. Le fouet reçu, vous vous mettrez absolument nue ; vous vous coucherez à terre, les jambes écartées ; tous les hommes qui m’auront passé sur le corps, vous chieront dans le con et sur la gorge. En revenant de l’opération, ils me feront torcher le trou de leur cul ; ce que j’exécuterai avec la langue ; cela fait, je m’acroupirai sur votre bouche, vous l’ouvrirez la plus grande possible, je chierai dedans ; un de mes hommes me branlera ; mon foutre partira en même-tems que mon étron, c’est la seule façon dont je décharge, — Et quels sont, dit Joséphine, les émolument que monseigneur accorde à d’aussi désagréables services ? — Vingt-cinq mille francs par mois, dit le prince, et je paye tous les accessoires. — Ce n’est assurément pas trop, répondit Joséphine ; mais l’honneur de votre protection nous tiendra lieu du reste, et je suis aux ordres de monseigneur. — Quel est ce garçon que vous appelez votre frère, poursuivit le prince ? — Il l’est effectivement, répondit Joséphine, et la similitude de ses goûts aux vôtres pourrait peut-être le rendre utile à vos plaisirs. — Ah ! il est bougre ? — Oui, monseigneur, — Vous encule-t-il ? — Quelquefois. — Ah ! parbleu, je veux voir cela. — Et Joséphine m’ayant fait appeler, le prince, pour me mettre sur-le-champ à mon aise, déboutonna ma culotte, et me branla le vit. Voilà, dit-il, un fort bel engin ; il n’est pas tout-à-fait de la taille de ceux dont je me sers, mais il doit être beau à voir en œuvre, sa décharge peut être brillante ; et ayant fait coucher Joséphine à plat-ventre, il introduisit mon vit dans le cul de cette fille le plus adroitement du monde. À peine y fus-je, qu’il passa derrière moi, et, rabattant mes culottes sur mes talons, il mania mon cul, l’entr’ouvrit, le gamahucha, y fit pénétrer son vit de quelques lignes ; se retirant ensuite, il se remit à contempler mes fesses, en m’assurant qu’il les trouvait fort de son goût. Pourriez-vous chier en foutant, me dit-il ; c’est une chose délicieuse pour moi, que de voir chier un homme pendant qu’il fout en cul ; on n’imagine pas combien cette petite infamie échauffe ma lubricité ; c’est qu’en général j’aime fort la merde, j’en mange même, tel que vous me voyez ; les sots ne conçoivent pas cet écart ; il y a des passions qui ne sont faites que pour les gens d’un certain ordre. Eh bien, chierez-vous ? — Ma réponse fut un des plus fameux étrons que j’eusse pondu de ma vie. Henri le reçut en entier dans sa bouche ; et le sperme, dont il m’arrosa les cuisses, devint le témoignage le plus certain du plaisir que je venais de lui faire. Il en avait fait autant de son côté ; et quand il me vit disposé à nettoyer la place ; Non, me dit-il en m’arrêtant, c’est l’ouvrage des femmes ; et Joséphine fut obligée d’enlever cela avec ses mains ; il la regardait faire, et paraissait jouir de l’humiliation où il la réduisait. Elle a un assez beau cul, disait-il en le lui claquant, je crois qu’elle sera bonne à fouetter ; je l’étrillerai très-fort, je vous en préviens ; mais j’espère que cela vous sera égal ? — Oh ! parfaitement, monseigneur, je vous jure ; Joséphine est à vous, et se trouvera toujours honorée de ce qu’il vous plaira de lui faire. — C’est qu’il ne faut pas ménager les femmes, en lubricité ; on gâte absolument ses plaisirs, quand on ne sait pas les mettre à leur place, et, tant qu’on les élève, elles n’y sont pas. — Monseigneur, dis-je au prince, une chose me surprend en vous ; c’est la manière dont vous soutenez l’esprit du libertinage, même après que ce qui lui prête des forces est éteint ? — C’est que mes principes sont sûrs, me répondit cet homme plein d’esprit ; c’est que je suis immoral par systême, et non par tempérament ; l’état de force ou de faiblesse dans lequel je puis être, ne contribue nullement aux dispositions de mon esprit ; et je me livre aussi bien aux derniers excès de la luxure, en venant de décharger, qu’avec du sperme de six mois dans les couilles. — Je voulus ensuite témoigner quelque surprise au prince, sur le genre de plaisir crapuleux auquel je le voyais livré. — Mon ami, me répondit-il, c’est qu’il n’y a que cela de bon en libertinage ; plus le goût qu’on chérit est sale, plus il doit naturellement exciter. À mesure que l’on se blase sur ses goûts, on les raffine ; il est donc tout simple d’arriver ainsi au dernier point de la corruption réfléchie. Tu trouves mes goûts bizarres, et moi je les trouve trop simples ; je voudrais faire bien pis. Je passe ma vie à me plaindre de la médiocrité de mes moyens. Aucune passion n’est exigeante comme celle du libertinage, parce qu’il n’en est aucune qui chatouille, qui pique, qui agace aussi vivement le genre nerveux, aucune qui porte dans l’imagination un incendie plus considérable ; mais il faut, en s’y livrant, oublier tout-à-fait la qualité à homme civilisé ; ce n’est que comme les sauvages, et à la manière des sauvages, que l’on doit se vautrer dans le bourbier de la luxure ; si l’on se rappelle ses forces, ou les faveurs de la fortune, ce ne doit être que pour en abuser. — Oh ! monseigneur, voilà des maximes qui sentent furieusement la tyrannie… la férocité. — Mais le véritable libertinage, dit le prince, doit toujours marcher entre ces deux vices ; rien n’est aussi despote que lui ; et voilà pourquoi cette passion n’est vraiment délicieuse que pour ceux qui, comme nous autres princes, sont revêtus de quelque autorité. — Vous concevez donc du plaisir à abuser de cette autorité ? — Je vais plus loin ; j’affirme qu’elle n’est agréable que par l’abus qu’on a l’esprit d’en faire. Mon ami, tu me parais assez riche, assez bien organisé, pour que je te révèle sur cela les mystères du machiavélisme. Souviens-toi que la nature même a voulu que le peuple ne fût, dans les mains du monarque, que la machine de son autorité ; qu’il n’est bon qu’à cela ; qu’il n’est créé faible et bête que pour cela, et que tout prince qui ne l’enchaîne et ne l’humilie pas, pèche décidément contre les intentions de la nature. Quel est alors le fruit de la nonchalance du souverain ? Un déchaînement universel, tous les crimes hébêtés de l’insurrection populaire, l’avilissement des arts, le mépris des sciences, la disparution du numéraire, le surhaussement excessif des denrées, la peste, la guerre, la famine, et tous les fléaux que ces malheurs entraînent. Voilà, Jérôme, voilà ce qui attend un peuple qui secoue le joug ; et s’il existait un être souverain au ciel, son premier soin serait de punir, sois-en sûr, le chef assez imbécille pour avoir cédé sa puissance. Mais cette puissance, dis-je, n’est-elle pas dans la main du plus fort ; et le peuple en masse n’est-il pas le seul souverain ? — Mon ami, le pouvoir de tous n’est qu’une chimère ; il ne résulte aucun effet d’une multitude de forces discordantes : tout pouvoir disséminé devient nul ; il n’a d’énergie qu’en le concentrant. La nature n’a qu’un flambeau pour éclairer le monde ; chaque peuple, à son exemple, ne doit avoir qu’un maître. — Mais pourquoi le voulez-vous tyran ? — Parce que l’autorité lui échappe, s’il est débonnaire ; et je viens de te peindre tous les malheurs qui résultent de l’autorité qui s’échappe. Un tyran vexe quelques hommes ; voilà de sa tyrannie des résultats bien médiocres ; un prince mou laisse changer l’autorité de mains ; et voilà des malheurs affreux. Ah ! monseigneur, dis-je en baisant les mains de Henri, que j’estime ces principes dans vous ! chaque homme, en les admettant, peut se flatter de despotiser dans sa classe ; il n’est qu’esclave et vil, s’il veut usurper le pouvoir des grands.

Le prince de Prusse, singulièrement satisfait de moi, me laissa vingt-cinq mille francs pour gages de sa bienveillance, et ne quitta presque plus notre maison. J’aidais ma sœur à lui trouver des hommes ; et, pas tout-à-fait aussi difficile que lui, je m’accommodais à merveille de ce dont il ne voulait pas ; aussi, puis-je certifier avec raison que pendant deux ans que dura notre séjour dans cette ville, il me passa au moins plus de dix mille vits dans le derrière. Il n’y a point de pays dans le monde où les soldats soient aussi beaux et aussi complaisans ; et, pour peu qu’on sache s’y prendre, on en a tant, qu’on est obligé d’en refuser.

Nous n’étions pas tellement gênés, que nous ne puissions mystérieusement associer quelques seigneurs de la cour aux plaisirs du prince Henri ; et le comte de Rhinberg partagea long-tems les faveurs de la maîtresse du frère de son maître, sans que qui que ce fût s’en doutât. Rhinberg, aussi libertin que Henri, l’était pourtant dans un autre genre ; il foutait Joséphine en con, pendant que deux femmes l’étrillaient à tour-de-bras, et qu’une troisième lui pissait dans la bouche. Par une suite de caprice fort extraordinaire, Rhinberg ne déchargeait pas dans le con qu’il avait fêté ; celui qui lui avait pissé dans la bouche était toujours sûr de recevoir son hommage ; et de même, qu’il fallait que celui qui l’excitait fut jeune et joli, raison qui lui avait fait choisir celui de Joséphine ; de même, il était essentiel que celui où il terminait sa besogne fût vieux, laid et puant ; celui-là changeait tous les jours ; il resta dix-huit mois attaché à l’autre, et peut-être l’aimerait-il encore, sans l’évènement qui me fit quitter Berlin, et dont il est tems que je vous entretienne.

Je m’apercevais depuis quelque tems de deux choses qui me donnaient quelques inquiétudes, et qui furent cause du parti que je pris de m’éloigner de Berlin. Cependant, je balançais encore, lorsque la proposition qui me fut faite acheva de me déterminer.

La première des choses que j’entrevis, fut le refroidissement certain du prince de Prusse pour Joséphine ; au lieu de venir tous les jours, à peine le voyait-on deux fois la semaine. L’inconstance est la suite des passions outrées : comme on s’y abandonne avec excès, on s’en lasse nécessairement plus vite.

La seconde chose qui redoubla mon inquiétude, fut de voir que, sans m’en douter, Joséphine m’échappait aussi ; elle aimait un jeune valet-de-chambre de Henri, qui s’était souvent amusé devant elle avec le prince, et je craignais qu’elle n’en vînt insensiblement à secouer tout-à-fait mes chaînes. Voilà où j’en étais, lorsque la proposition dont je viens de parler me fut faite. Telles étaient les expressions du billet qui la contenait :

« On vous propose cinq cent mille francs pour livrer Joséphine, en vous prévenant que c’est pour l’exécution d’un caprice qui lui ravira le jour. L’autorité de celui qui vous parle ainsi est telle, que si vous dites un mot, vous êtes un homme perdu ; si, au contraire, vous acceptez, demain à midi la somme promise est chez vous, et de plus, cinq cents florins pour votre voyage ; une des conditions du marché étant que vous quitterez la Prusse dès le jour même. »

Voici ma réponse :

Si j’étais mieux connu de celui qui me fait une telle proposition, il aurait évité le ton de la menace. J’accepte tout, sous une seule clause ; c’est d’être témoin du supplice préparé pour ma sœur, ou de savoir au moins de quelle nature il doit être. Au reste, il me paraît essentiel que l’on sache que Joséphine est grosse de trois mois. »

On me répondit :

« Vous êtes un homme charmant ; vous emportez de Berlin l’estime et la protection de celui qui vous parle. Vous ne pouvez pas être témoin du supplice ; contentez-vous de savoir qu’il durera vingt heures, et qu’il n’existe aucun exemple dans le monde de la rigueur et de la violence du tourment, aussi nouveau qu’extraordinaire, par lequel on lui ravira lentement le jour. Un homme de l’art ira demain constater sa grossesse ; et, si elle est vraie, vous aurez cent mille francs de plus. Adieu ; ne revenez jamais à Berlin ; mais souvenez-vous que, telle part où vous soyez, une main puissante vos protégera. »

Ce soir-là les portes de la maison furent fermées de très-bonne heure, et je voulus me donner la barbare jouissance de souper et de coucher pour la dernière fois avec Joséphine. Je ne l’avais jamais foutu avec tant de plaisir. Oh ! le superbe corps, me disais-je ! quel dommage que de tels attraits soient dans peu la pâture des vers ! et ce crime sera mon ouvrage : il le sera sans doute, puisque, pouvant la sauver, je la livre. Il faut avoir ma tête, mes amis, pour comprendre à quel point de pareilles idées font dresser le vit. Joséphine fut foutue de toutes les manières ; et chacun des temples où je sacrifiais excitait en moi de nouvelles réflexions, toutes néanmoins à-peu-près de la même teinte. Oh ! mes amis, je puis le dire avec vérité, non, il n’est aucune jouissance dans le monde qui soit comparable à celle-là : mais, à qui le dis-je, grand Dieu ! et qui doit le savoir mieux que vous !

Le lendemain, le médecin parut : je dis à Joséphine qu’il venait de la part du prince, qui, ayant appris sa grossesse, lui faisait offrir des secours. Joséphine commença par nier le fait ; mais, convaincue par l’examen, elle avoua tout, en suppliant l’homme de l’art de ne la compromettre en rien. Celui-ci promit tout ce qu’on voulut, et n’en dressa pas moins un procès-verbal, par lequel il déclarait qu’au moyen de son examen et des réponses de Joséphine, elle devait être à la fin de son quatrième mois. Me priant ensuite de l’écouter un moment en secret, voilà, me dit-il, les six cent mille francs que je suis chargé de vous remettre, et les cinq cents florins pour votre route ; je viendrai moi-même chercher votre sœur ce soir ; qu’elle soit prête ; et vous, monsieur, que le soleil levant ne vous retrouve pas dans Berlin. Comptez sur ma parole, monsieur, répondis-je, en lui présentant dix mille francs, qu’il refusa ; mais, de grâce, expliquez-moi tout ce que vous pourrez de cette circonstance singulière ; vous savez sans doute ce qu’on veut faire de ma sœur. — La victime d’un meurtre de débauche, monsieur ; je crois pouvoir vous le révéler, parce qu’on m’a dit que vous étiez au fait. — Et sera-t-il bien cruel ? — C’est une nouvelle expérience, dont les angoisses sont d’une telle énergie, que le sujet s’évanouit à chaque reprise, et qu’il reprend nécessairement ses sens, dès que l’on arrête. — Et le sang coule-t-il ? — Très en détail : c’est ce qu’on appelle une réunion de douleurs ; toutes celles dont la nature afflige l’humanité sont imitées dans ce supplice, tiré du manuel des inquisiteurs de Goa. — À en juger par les sommes que je reçois, l’acquéreur est un homme riche. — Je l’ignore, monsieur. — Dites-moi seulement si vous croyez qu’il connaisse Joséphine ? — Je n’en saurais douter. — Charnellement ? — Je ne le crois pas ; et mon homme sortit, sans vouloir proférer une parole de plus. Quelques instans avant je fus prévenir Joséphine du desir qu’on avait de la posséder seule. Elle frissonna : pourquoi donc ne m’accompagnes-tu pas, me dit-elle en m’accablant de caresses ? — Je ne le puis. — Oh ! mon ami, mes pressentimens sont affreux ; je ne te reverrai peut-être jamais ? — Quelle extravagance ! Oh ! Joséphine, on vient, du courage ; et l’homme de l’art lui ayant présenté la main pour descendre, je l’embarquai, de concert avec lui, dans une voiture anglaise qui la fit bientôt disparaître à mes regards, non sans jeter toute mon existence dans un trouble voluptueux qu’il est plus facile de sentir que de peindre.

FIN DU SECOND VOLUME

si-tot: aussitôt

  1. Qu’on ne vienne donc plus nous dire que cet ouvrage est immoral, dès qu’il sert de preuve à cette assertion.
  2. Superbe quai de Bordeaux, où demeurent tous les négocians.
  3. Ce n’est qu’en 1760 que notre voyageur vît cette cour, et ce n’est que de ce tems-là qu’il parle.